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cerne, entre les années 40 et 45 (1), lorsqu'il y a trois ans, M. Maffre, négociant de Bougie, me signala l'existence, dans cette localité, d'une inscription romaine, où il avait cru retrouver l'aucien nom de Salde, sous la forme salditana. Je m'empressai d'aller m'assurer du fait; mais, dans l'intervalle, la pierre avait été employée dans la construction de la citerne du Commissariat civil et la partie écrite tournée en dedans, quoique les circonstances locales eussent permis de la placer en vue, à l'extérieur, sur un jardin en escarpement. Malgré les inconvénients d'un travail fait les pieds dans l'eau, au fond d'une citerne, j'obtins dès lors un estampage suffisamment exact. Depuis cette époque, la pierre a été transportée à Alger, par les soins de M. le Maréchal comte Randon, et elle figure aujourd'hui à notre Musée, sous le no 185.

Examen fait de cette inscription, je n'y trouvai pas le nom de la cité romaine, mais j'y rencontrai quelque chose de non moins important, une date provinciale accompagnée de la mention des consuls, c'est-à-dire un élément précieux pour fixer enfin l'ère mauritanienne.

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La pierre où ce document épigraphique est gravé mesure 90 centimètres de hauteur sur 52 cent. de largeur, avec une épaisseur égale. Le côté de l'inscription est encadré dans une moulure de 08 cent. de largeur.

La fin de la 14 ligne, la 15e, la 16e et la 17e (excepté le dernier mot) sont en caractères très-menus et allongés qui rappellent les lettres onciales.

Voici le texte de l'inscription:

M. AVFIDIO M. FIL.

ARN. HONORATO
EQ. PVB. ORNATO DEC.
COL. C. AVFIDIVS
ARN HONORATVS
PATRVVS IDEMQVE
VITRICVS ET SELLIA
Q. FIL. SATVRA MA
TER FILIO PLISSIMO
SECVNDVM VOLVNT
TEM EIVS STATY
AM POSVERVNT
DEDICAVERVNT

QVE DEDICATA VIIII KAL.

IANVARIAS T. SEXTIO LATERANO C. C......0

RVFINO COS. A P. CLVIII OB CVIVS DEDICATIO

NEM SPORTVLAE DATAE SVNT L. AB. OP

SANC. ACCEPTO

(1) Les traces de cette indécision se retrouvent dans les divers articles que j'ai communiqués, à ce sujet, à la}presse locale depuis 1843.

La 10° ligne finit par NT liés. La lettre A, que le sens appelle ensuite, est omise.

La 13e ligne se termine aussi par NT liés.

A la 14e, après QVE, on a figuré un cœur, au trait.

La fin de la 17 ligne comprend trois groupes de lettres liées deux à deux: L avec 1, A avec B et O avec P, L'I lié avec L continue le crochet de cette consonne parallèlement à la haste, mais seulement jusqu'à moitié de la hauteur. Problablement, l'appendice signalé n'est qu'une exagération du crochet.

Voici maintenant le sens général de l'inscription:

Suivant les intentions de Marcus Aufidius, fils de Marcus, de la tribu arnienne, honoré d'un cheval public, surnommé Honoratus; de plus, Décurion de la colonie; une statue lui a été dédiée; el, à l'occasion de cette dédicace, qui a eu lieu sous les consuls T. Sextus Lateranus et C. C... us Rufinus, en l'an 158 de la province, des vivres ont été distribués (aux clients de la famille). Le tout par les soins de C. Aufidius, fils de Lucius, à la fois beau-père et beau-frère de M. Aufidius, et par ceux de sa mère Sellia, fille de Quintus, qui ont accepté l'emplacement désigné publiquement par le corps municipal. (Loco ab Ordine publice sancito accepto?)

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Je supprime plusieurs observations intéressantes dont ce document pourrait être l'objet, afin d'arriver directement au but spécial de ce travail.

Ici, le fait essentiel est la date provinciale 158, rapprochée de la mention des consuls qui fournit une autre date propre à contrôler la première.

Morcelli indique pour consuls, en l'an de J.-C. 197, les deux personnages suivants: Appius Claudius Lateranus et Maurius. Rufinus. Le nom de ce dernier consul présente les variantes suivantes dans d'autres auteurs: Marcus Marius Rufinus, ou Marcus Mauritius Rufinus. Quant aux surnoms, ils restent les mêmes et sont identiquement ceux de notre inscription.

Mais il y a erreur quelque part pour les noms et les prénoms. Entre les autorités consultées par nos auteurs modernes et le lapicide romain de Bougie, qui gravait son inscription à l'époque même où les deux consuls dont il donne les noms étaient en exercice, le choix ne paraît pas douteux. En tous cas, la coïncidence des surnoms est déjà suffisante.

En partant de ce fait que l'année provinciale 158 répondait à l'an 197 de J.-C., on est amené à en tirer la conclusion que le point de départ de l'ère mauritanienne est l'an 40 de J.-C., époque du meurtre de Ptolémée.

Ajoutons que celle conclusion contrôlée par d'autres documents épigraphiques s'est trouvée parfaitement exacle; de sorte que le résultat parait désormais acquis à l'archéologie africaine.

Depuis que ce travail a été adressé à M. le Gouverneur-Général de l'Algérie, dans un de mes rapports d'inspection, on m'a communiqué une brochure signée Y. Z. et portant, à la main, sur la couverture, Auctore de Buck Bollandista (1). L'auteur, opérant sur deux inscriptions chrétiennes trouvées, l'une à Sétif et l'autre à Tiharel, est arrivé aussi à conclure que l'ère mauritanienne a son point de départ en l'an 40 de J.-C.; et c'est aussi au moyen de la double indication de l'année provinciale et des consulats qu'il a pu tirer cette conclusion.

C'est donc maintenant un fait hors de doute; et il n'y aurait rien à ajouter à ce qui précède, s'il n'était pas à propos d'expliquer les causes de la divergence qui existe entre les documents épigraphiques de la Mauritanie et les auteurs romains cités plus haut, quant à la fixation du point de départ de l'ère provinciale.

Rappelons ici que Saldæ (Bougie) était une des colonies fondées par Auguste dans la Mauritanie, dès la première annexion, 33 ans avant J.-C. On sait que, huit ans après, revenant sur celle mesure, il donna celte province africaine à Juba II, en dédommagement de ses états héréditaires définitivement incorporés à l'empire. Les dates des médailles de ce prince et de son fils Ptolémée indiquent un minimum de règne qui pour le premier va à 48 ans et pour l'autre à 20 ans.

Quelle fut, pendant cette longue période de 68 années, la situation des colonies romaines créées ici dès l'an 33 avant J.-C., et qui, quelques années après, se trouvèrent enclavées dans le royaume mauritanien? Oasis de la civilisation antique, disséminées dans un pays barbare, le retrait de la première mesure d'annexion leur enlevait le prestige qui s'attache à une population dominatrice, et les mettait, ainsi désarmées, en face d'une nation turbulente et ennemie de l'étranger. Citoyens libres et éclairés, venus ici

(1) Ce travail a été publié dans les Précis historiques par les Jésultes de Bruxelles.

pour exploiter un sol romain, ils se trouvaient presqu'aussitôt abandonnés en enfants perdus au milieu de peuplades grossières qui ne pouvaient manquer de les considérer comme des intrus, sinon comme des ennemis. L'orgueil du citoyen romain, la dignité de l'homme civilisé, les intérêts du colon, se réunissaient pour rendre intolérable une pareille situation. Ce devait être quelque chose d'analogue à la triste position de notre colonie française de La Calle sous la domination turque.

Ceci bien compris, qu'on imagine ce que durent ressentir ces rares municipalités romaines perdues dans une population barbare, quand elles apprirent que le roi de la Mauritanie, Ptolémée, venait d'être assassiné et qu'on ne lui désignait pas de successeur. N'ont-elles pas dû en tirer la conséquence que le pays était définitivement incorporé à l'Empire ? Cela était dans l'ordre naturel des choses et cela se passa ainsi, témoins ces inscriptions qui datent l'annexion de l'époque même de la mort de Ptolémée. Mais les gouvernements ne sont jamais aussi pressés que les colons nous en savons quelque chose. Celui de Rome laissa ses nationaux d'Afrique proclamer l'annexion d'enthousiasme et ne la prononça légalement qu'après avoir mis fin à la grande révolte, suscitée par un affranchi de Ptolémée et qui gagna jusqu'à la Numidie. Cela dura jusque vers 45 de J.-C., époque où l'empereur Claude rappelait de la Bétique le préfet Umbonius Silio, et le dégradait de son rang de sénateur, parce qu'il n'avait pas envoyé une quantité assez considérable de froment aux armées romaines qui combattaient en Mauritanie. C'est, en effet, vers cette époque que Dion Cassius place la réduction de ce royaume en deux provinces romaines, la Césarienne et la Tingitane.

Mais, quoi que l'on puisse penser de cette explication, le fait essentiel demeure acquis à la cause, et il semble désormais parfaitement établi que le point de départ de l'ère mauritanienne est bien l'an 40 de J.-C., époque de la mort de Ptolémée.

A. BERBRUGGER.

Notes archéologiques sur les ruines de Djelfa.

Djelfa est un des nouveaux postes établis sur la route de Laghouat dont il est séparé par une distance d'une centaine de kilomètres.

Sauf un moulin français, tout l'établissement est situé sur la rive gauche de la rivière de ce nom et consiste, en allant du Sud au Nord, en un bordj ou maison de commandement, flanqué d'un petit hameau; à quoi il faut ajouter une smala de spahis et le camp du bataillon d'Afrique.

Ce poste, placé sur une pente peu inclinéc, a, à sa droite (ouest) le Senalba avec ses vastes forêts, et lc Debdeba, aujourd'hui connu sous le nom de Redoute Lapasset. Du côté du Bordj et dans un lointain vaporeux s'élève le Seb'a-Mokhan qui domine le massif du Ksar Zekar; à gauche (est) sont quelques mamelons couverts de halfa et de genévriers.

La rivière, qui s'appelle Oued-el-Haoura vers ses sources et Oued-Djelfa dans son cours moyen, prend le nom d'Oued-elMalah à sa partie inférieure qui débouche dans la Sebkha occidentale de Zar'cz. Dans sa partie supérieure, l'Oued-Djelfa est profondément encaissé; ses berges ravinées se composent de terres d'alluvion de différentes nuances et au-dessous desquelles il y a une couche d'argile bitumineuse.

La contrée qui dépend du poste de Djelfa appartient au système des hauts-plateaux et se compose de montagnes et de plaines sahariennes. L'observateur y trouve, au point de vue historique, trois principaux sujets d'étude :

1o Des ruines romaines rares et peu importantes, quant au nombre et à l'étendue des postes observés, mais, toutefois, pleines d'intérêt, parce qu'elles indiquent d'une manière certaine le point où la puissance romaine s'est arrêtée (1), point que la domination française a déjà laissé derrière elle et que, sans doute, elle dépassera bien davantage encore. Ces postes sont placés sur les bords de rivières dont les eaux ne tarissent pas et semblent avoir été construits pour défendre des cols ou des défilés;

2o Des tombeaux de forme presque celtique, dont l'origine n'est pas encore connue;

3o Des ruines de Ksar (villages entourés d'une muraille) probablement indigènes et qui se relèvent peu à peu sous l'influence et la direction du bureau arabe.

Je vais examiner successivement chacune de ces espèces de ruines.

(1) Voir l'article publié le 30 décembre dernier, par M. Berbrugger, sous le titre de Les Romains dans le sud de l'Algérie, et rédigé d'après les ins criptions communiquées par l'abbé Godard et M. Reboud. Note de la rédaction.

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