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BLÉ ANTIQUE DE NOVI.

La presse s'est déjà occupée du blé antique découvert à Novi, près de Cherchel, il y a deux ans environ. Nous avons recueilli récemment, sur place, des détails authentiques à ce sujet, détails que les lecteurs de la Revue ne seront sans doute pas fâchés de trouver ici.

En octobre 1851, le colon Vieville (Antoine), en cultivant son champ, situé à environ 300 mètres au Sud-Ouest de Novi, fouillait une ruine romaine qui se trouve sur ce point: sa pioche ayant pénétré dans la maçonnerie antique qui sonna le creux, il continua la recherche jusqu'à rencontrer un tombeau dans lequel était étendu un squelette humain, sous la tête duquel, dans une cavité hermétiquement fermée par une pierre, se trouva un tube en verre à fond renflé. Cette espèce de fiole, bouchée avec du ciment, contenait trois épis de blé parfaitement conservés. La pioche brisa ce vase, à côté duquel s'en trouvaient plusieurs autres en poterie ainsi que deux pièces de monnaie, l'une à l'effigie de Tetricus Senior, très-bien conservée, et l'autre fort oxydée. On a trouvé aussi un fragment de collier ou bijou imitant le verre de Bohême.

Les urnes, au nombre de cinq ou six, furent remises à une personne qui les a brisées à coups de pierres pour amuser les enfants de l'école ! Sur ces vases il y avait des inscriptions.

Il existe dans l'endroit où ces objets ont été trouvés un ancien mur recouvert de palmiers nains, sur une étendue d'une soixanlaine de mètres.

Le journal le Progrès manufacturier, publié à Paris, en rendant compte de cette découverte dans son numéro du 9 septembre 1855, ajoute que les trois épis ayant été semés avec beaucoup ⚫ de soin ont donné une première fois 105 autres épis qui, à » leur tour, ont produit cette année 300 kilos de grains sur unc surface de 10 ares environ. »

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Le reste de l'article du Progrès est une excursion archéologique sur la fabrication du verre chez les Romains et sur l'empereur Tetricus, excursion qui prouve le danger de traiter des questions spéciales qu'on n'a pas étudiées suffisamment.

Quant au blé antique de Novi, considéré au point de vue agronomique, on doit avouer qu'il ne constitue pas une culture. très-profitable, s'il est vrai— comme nous l'ont assuré plusieurs personnes qui parlaient par expérience qu'il ne rend presque que du son à la moulure.

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TOMBEAU ROMAIN

DES ENVIRONS D'ORLÉANSVILLE.

Lorsqu'on se rend d'Orléansville à Pontéba, en remontant la rive gauche du Chéliff, on rencontre, à trois kilomètres environ de la ville française, les ruines d'une grande villa romaine. La maison d'habitation ainsi que les constructions rurales ont disparu sous la poussière accumulée pendant douze siècles par le vent du Sud et les orages sur les débris de leurs fondations massives; mais si l'on continue à remonter le cours du fleuve jusqu'à l'emplacement d'une ferme bien connue sous le nom de maison Bernandes, on retrouve, à 300 mètres à peu près de la colline formée par les amas de décombres, un souvenir imposant de cette opulence évanouie. C'est un hypogée, un tombeau de famille, consistant en un caveau de 15 à 18 mètres de diamètre, divisé intérieurement en compartiments (1) si j'en dois croire les renseignements assez vagues qui m'ont été donnés; on m'a assuré qu'il ne renfermait que quelques débris d'ossements, sans inscriptions ni objets de curiosité. On n'a trouvé également que des ossements dans trois ou quatre tombes en pierre, semblables pour la forme à celles du cimetière chrétien de Tipasa: elles ont appartenu, sans doute, à des serviteurs de la famille, car elles avaient été simplement déposées en terre, à quelques mètres du tombeau principal.

La calotte extérieure de cet hypogée est occupée tout entière par une vaste mosaïque représentant au centre un lion passant, d'un mètre de longueur. C'étaient, sans doute, les armoiries de la famille. La distance entre le cercle qui l'enveloppe et la circonférence est partagée en quatre zones excentriques, ornées de rosaces et autres motifs de simple ornement, d'une exécution fort ordinaire; mais ce qui donne à tout cet ensemble une grande valeur historique, ce sont les deux inscriptions suivantes qui se lisent avec la plus grande facilité, car les lettres, de 10 centimètres de hauteur, sont tracées en pierres noires sur un fond de couleur påle:

IN PACE

BONE MEMORIE FAVSTINÆ

DIE III NONAS DECEMBRI PROV.NC CCCCXXX ET QVINTA

...ECESSIT NOS IN PACE ... POSVS BONÆ MEMORIÆ VISC INI. D III NON NOVEM B. ET SEPVLTVS EST NON OVEM.B. PRO. V CCCCXX ET NONA

(1) On a voulu peut-être parler de ces colombaires ou niches que les anciens pratiquaient dans les murailles des caveaux funéraires.— N. de la R.

A la fre ligne de l'inscription de droite, je lis en toute certitude precessit.

A la 2 ligne, sposus pour sponsus.

Le premier mot de la 3° ligne m'a présenté des difficultés qui · tiennent à l'état des lieux; les deux inscriptions, ainsi que la partic de la mosaïque qui y touche, sont recouvertes d'une construction légère et fermée de murs en terre, sous laquelle s'abrite maintenant une famille arabe. La couverture, en tuiles comme à l'ordinaire, ayant fait fléchir les soliveaux, il a fallu la soutenir au moyen d'une poutrelle dont la base repose dans un trou fait à coups de pic, ce qui a ébranlé les partics voisines et déterminé un léger affaissement où s'accumulent les immondices. Bien que les hommes se prêtassent de bonne grâce à déblayer le sol, et même à laver les parties que j'indiquais afin de faire mieux ressortir les lettres, tandis que les femmes, le sein découvert, sans autre voile que celui de leur affreuse laideur, continuaient à allaiter leurs enfants, je craignais de fatiguer leur patience. Laissant donc dans l'incertitude les lettres 4, 5, 6 et 7 dont le sens général importait assez peu, je fis porter tous leurs efforts sur le reste de l'inscription au sujet duquel il n'y a pas de doute possible.

Il n'en existe pas non plus sur l'épigraphe de gauche dont tous les détails étaient très-nettement lisibles.

Ainsi donc, vers la fin du Ve siècle, une famille d'opulents romains, propriétaires et chrétiens (probablement ce n'était pas la seule), vivait paisiblement dans les environs d'Orléansville.

Le père et la mère, morts le 2 novembre 469 et le 2 décembre 475, furent déposés dans le tombeau qu'ils avaient préparé pour eux et leur postérité. Cependant aucun de leurs descendants ne paraît les y avoir suivis; aucun du moins n'a obtenu les honneurs d'une troisième inscription qui consacrât sa mémoire.

N'est-il pas naturel d'en attribuer la cause aux invasions des tribus de l'intérieur, qui seraient venues, quelques années après 475, répandre la mort et les ruines sur cette contrée si prospère? Nos deux inscriptions déterminent donc, d'une manière trèsapproximative, un point de chronologie important pour l'histoire de l'Algérie (1).

FAROCHON,

Inspecteur de l'instruction primaire.

(1) Voir le 1" numéro de la Revue, p. 53, et le 2 numéro, p. 115. N. de la R.

DES ROUTES ROMAINES

DU SUD DE LA BYZACÈNE.

FRAGMENT D'UN TRAVAIL SUR LE LAC TRITON (le Choll el Djérid).

Rome n'hérita pas, à la chute de Carthage, des possessions de sa rivale sur les bords de la petite Syrte. Déjà, à l'issue de la seconde guerre punique, Massinissa, fort de l'appui secret que lui prêtaient ses alliés, s'était emparé des Empories et avait ainsi reculé jusqu'à la Cyrenaïque les limites orientales de son empire (1). Pendant plus d'un siècle encore, les Romains respectèrent l'héritage du mortel ennemi de Carthage et ne profitèrent pas du motif que leur offrait la guerre de Jugurtha pour en modifier les limites. Juba donna un prétexte à César en embrassant le parti de Pompée, et César prit possession de la Numidie.

Sincère ou calculée, la modération de Rome avait porté ses fruits. Massinissa et ses successeurs, en arrachant les Numides à la vie nomade, en fondant de nombreuses cités dans la sauvage Byzacène, avaient singulièrement préparé et facilité l'œuvre qu'allaient accomplir les mattres du monde. L'impulsion civilisatrice était donnée : les Cósars en profitèrent habilement et achevèrent le réseau de villes et de routes qui devait leur assurer la tranquille possession de leur conquête.

Les voies de communication, qui reliaient déjà, sans doute, au temps de la domination carthaginoise (2), les principales villes de la petite Syrte, furent restaurées et complétées; d'autres chemins sillonnèrent l'intérieur de la Byzacène et, pénétrant jusqu'au désert, ouvrirent aux caravanes de nouveaux débouchés, tandis que des routes stratégiques, suivant la ligne des frontières, facilitaient la défense de la province contre les incursions des nomades.

Au point de vue militaire comme au point de vue commercial, le lac Triton était une position des plus importantes; aussi le voyons-nous compris dans le réseau stratégique qui enlaçait la Byzacène, et que nous nous proposons d'étudier.

Deux grandes routes, partant l'une et l'autre de Thelepte pour,

(1) Appian. punic., c. 106.

(2) Isid. XV, 16. Primi Pœni dicuntur lapidibus vias stravisse.

aboutir à Tacape, enveloppaient le lac dans leur tracé. L'une de ces voies unissait, par une ligne presque directe du Nord-Ouest au Sud-Est, ces deux points extrêmes. L'autre, beaucoup plus longue, suivait la frontière occidentale de la province, côtoyait. le désert, et, contournant la pointe Sud-Ouest du lac Triton dont elle longeait ensuite les bords jusqu'à Tacape, formait un segment de cercle irrégulier dont la première route pouvait être considérée comme la sous-tendante. Nous allons parcourir successivement ces deux itinéraires, en tachant de déterminer chacune de leurs stations.

La route intérieure, partant de Thelepte, passait par Gemella, Capsa, Veresvi, Thasarte, Silesva, Aqua, et atteignait Tacape après un parcours de 148 milles romains.

Il existe, à quelques milles au Nord-Est de l'oasis de Fériana, des ruines considérables appelées par les Arabes Medinat el Kdima (la vieille ville). Nul doute que ce ne soient celles de la Telepte de l'Itinéraire d'Antonin, de la Thelepte colonia de la Table de Peutinger. La situation de cette ville, relativement à Scillium, Suffetula et Capsa, dont l'emplacement a été, déterminé d'une manière incontestable, permet de l'affirmer. Mais une question beaucoup plus difficile à résoudre est celle de savoir si Thelepte occupe, ainsi que le supposent Shaw et Mannert, l'emplacement de la Thala dont il est question dans la guerre de Jugurtha, ou si l'on doit fixer la position de cette dernière ville, avec M. Pellissier, dans l'angle formé à l'Est et à peu de distance de Kafsa, par le Djebel Arbet et le Djebel Oulad Mansour.

Comme principal motif à l'appui de son opinion, M. Pellissier cite le nom moderne de Tala que portent les ruines du Djebel Arbet. Mais cette homonymie n'est pas à nos yeux une preuve concluante. Lenom de Tala, signifiant en arabe gommier, a pu être donné à cette localité, située au milieu d'un bois de mimosa gummifera, cn raison même de cette particularité, sans qu'il fût resté dans les traditions locales le moindre souvenir de l'ancienne Thala. Quant aux arguments tirés de la situation géographique de la Thala du Djebel Arbet, rapprochée de la description de Salluste, on peut tout aussi bien les faire valoir en faveur de Medinat el Kdima. Pour arriver à ces deux localités, il faut également traverser de vastes espaces complètement arides, et toutes deux sont situées à proximité d'un cours d'eau. Mais un examen plus attentif de ces conditions topographiques, qui semblent identiques au premier abord, décide la question en faveur de Medinat el Kdima.

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