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cier la valeur de ceux de la carte grecque sont précis, ces derniers sont nécessairement enveloppés de quelque incertitude résultant du moyen même par lequel on les a obtenus.

En définitive, il ressort du rapprochement des uns et des autres que H'adjar Ouaghef serait Urbara et S'ouma Vasbaria.

Je livre ces synonymies à la critique de ceux qui peuvent porter un œil plus perspicace sur l'indigeste compilation du géographe d'Alexandrie.

0. MAC CARTHY.

La seconde partie de ce mémoire sera insérée dans le prochain numéro de la Revue.

JULIA CÆSAREA.

(CHERCHEL).

§ 1. Inscriptions chrétiennes (1).

Il est un fait qui a frappé tous les investigateurs de nos ruines africaines: c'est la rareté et la rudesse des monuments d'origine chrétienne. Parmi les restes nombreux et magnifiques édifices, dans ces milliers d'inscriptions qui jonchent le sol des cités antiques, on signale à peine quelques basiliques bien humbles et un petit nombre d'épitaphes aussi incorrectes de style que grossières sous le rapport graphique.

A Thagaste, où naquit Saint-Augustin, on trouve des dédicaces au Dieu Soleil, à Jupiter qui arrête les fuyards (Stator), mais pas une ligne qui porte un cachet vraiment chrétien. A Madaure,où il étudia, la plupart des documents recueillis jusqu'ici présentent un caractère tout-à-fait payen, ainsi qu'à Hippone qu'il a immortalisé par son illustre épiscopat. La même observation

(1) L'auteur de cet article a rapporté de Cherchel, à diverses reprises et depuis le mois de mars 1840, époque de la prise de possession de cette ville, soixante-dix inscriptions fatines ou grecques et beaucoup d'autres objets antiques. Ces précieux vestiges du passé de Julia Cæsarea dont quelques-uns présentent un haut intérêt historique — seront décrits successivement dans cet article. Ils figurent tous au Musée d'Alger.

Revue africaine, no 2.

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s'applique aux autres villes qui ont joué un rôle dans l'histoire de l'église d'Afrique (1).

Cette disette étrange ne tiendrait-elle pas à ce que la plus grande expansion du christianisme a coïncidé ici avec le déclin de la puissance romaine; de sorte qu'entre l'époque où il est devenu dominant et celle où la civilisation antique a disparu, submergée sous le flot des invasions barbares, il n'y a pas eu une de ces longues périodes de tranquillité publique dont les arts ont besoin pour prendre tout leur essor. Quand, enfin, un art chrétien se forma sur un autre continent, après une longue nuit d'ignorance et de barbarie, l'Afrique chrétienne avait déjà cessé d'exister. Il n'en restait plus qu'un souvenir lointain et bien obscur.

Demandons à l'histoire la preuve de ces assertions.

Il n'est pas nécessaire de remonter aux origines les plus éloignées du christianisme en Afrique: il suffit de le prendre au moment où Morcelli, son savant annaliste, - ouvre ses fastes glorieux. C'est en 197 de notre ère.

Depuis cette époque jusqu'à l'avènement de Constantin fer, au début du IVe siècle, il est en pleine période militante et ne se relève un peu d'une persécution que pour retomber aussitôt dans une autre. Il n'était alors que la religion des pauvres et des affligés, de ceux qui ne se taillent point des demeures dans le marbre, pas plus après la mort que pendant la vie; de ceux qui étaient trop simples encore pour cultiver les brillantes fleurs du style lapidaire élégant et châtié des belles époques du paganisme.

Il semble que l'intronisation d'un empereur chrétien va le faire entrer enfin dans la phase du triomphe, en lui ralliant les grands de la terre, toujours si empressés de suivre les traces du chef suprême. Mais le Donatisme, ce Janus de l'esprit de révolte, avec le schisme sur une face et l'hérésie sur l'autre, le Donatisme a soulevé les bandes sinistres des Circoncellions. Ces partageux de l'époque romaine, indigènes pour la plupart, sont impatients du joug étranger auquel quatre siècles de servitude n'ont pu les façonner encore; mais ils ne se sentent pas assez forts pour alla

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(1) M. l'abbé Godard, dans ses Notes archéologiques sur Tifèche, Mdaourouche, etc., qui paraîtront au prochain numéro, s'exprime ainsi : La rareté des monuments chrétieus est extrême, et je ne puis me l'expliquer.

quer ouvertement le gouvernement établi et cachent leurs projets séditieux sous le voile d'une protestation religieuse. C'est dans cet esprit de haine impuissante qu'on les verra, sous la domination arabe, adopter avec empressement toutes les hérésies, donner asile à tous les fauteurs de rebellion. Miner la religion du vainqueur, à ces époques de vives croyances, - c'était préparer sûrement la chute de son organisation politique.

Plus cruels que les payens, qui luttaient encore sur plusieurs points, et quelquefois avec avantage, contre le christianisme orthodoxe, les Circoncellions, cette féroce milice du Donatisme, promenaient le pillage, le meurtre et l'incendie par toute l'Afrique et surtout en Numidie où leur quartier général était au pied septentrional de l'Aurès, à Thamugas (Timgad), entre Lambèse et Tebessa. Ils étaient là à l'abri d'une de ces citadelles naturelles de l'indépendance berbère, comme le Jurjura et le Ouanseris en ont aussi offert aux peuplades autochthones sous les Romains et de nos jours.

Le courage, la résignation et la charité des orthodoxes devant leurs impitoyables ennemis offrent un spectacle vraiment sublime. Mais si des circonstances de cette nature mettent en relief toute la beauté morale des caractères d'une époque religieuse, elles sont essentiellement contraires au développement des arts plastiques et d'imagination.

A la fin de ce IVe siècle, Saint-Augustin luttait avec une égale énergie et contre les payens et contre les hérétiques, lorsqu'en 399, Honorius prohiba entièrement le culte des idoles. Il faut lire les lettres du saint évêque d'Hippone pour apprécier quelle résistance l'application de cet édit rencontra en Afrique. Il en fut de même d'un autre édit qui le suivit de très-près et par lequel le Donatisme fut proscrit à son tour. Cette intervention de la puissance temporelle dans le domaine de la religion servit mal le christianisme dont les ennemis, obligés de se cacher, n'en devinrent que plus ardents.

Enfin, arriva la catastrophe de 430, l'invasion des Vandales ariens. Ce furent de nouveaux et dangereux ennemis pour les catholiques, que ces hérétiques investis de tous les pouvoirs temporels et très-avides d'en abuser jusque dans les choses spirituelles. Aussi, pendant le siècle que dura cette domination barbare, les chrétiens purent rarement respirer, car aux persécutions des Ariens, vint s'ajouter la réaction des Berbers contre leurs nou

veaux dominateurs, réaction qui amenait de tous côtés et à chaque instant des combats et des pillages.

Mais précisons l'état de l'Afrique au moment où elle allait échapper aux Romains par la conquête vandale.

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Saint-Augustin s'écriait en 427, trois ans avant la catastrophe:

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Qui aurait pu croire, qui aurait pu craindre que le comte d'Afrique, Boniface, lui qui, simple tribun, avait, à la tête de quelques alliés, soumis tous les Africains par la force et par la » terreur; qui aurait pu craindre que ce comte, avec les troupes » et la puissance dont il dispose en Afrique, dût laisser les Indigènes tant oser, tant s'avancer, tant ravager, tant piller, et » que tant d'endroits qui regorgeaient de population, fussent » appelés à se changer en déserts!

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Voyons si la restauration byzantine, qui eut lieu en 534, rendra un peu de repos à cette malheureuse église d'Afrique. Hélas ! Bélisaire était à peine rembarqué et l'année illustrée par sa glorieuse conquête durait encore, lorsque les Maures de la Byzacène (Tunisie méridionale) et de la Numidie (Est de la province de Constantine) dont les chefs venaient de recevoir l'investiture impériale, se préparaient à la révolte. Dès l'année 536, labdas descendait de l'Aurès et lançait ses montagnards dans les fertiles plaines de la Numidie qu'ils eurent bientôt remplies de ruine et de désolation.

On a vu que l'Aurès était la principale pépinière des Circoncellions et une des plus solides forteresses du Donatisme. On devine ce que les catholiques curent à souffrir de ce débordement.

L'année 540 est marquée dans les fastes ecclésiastiques comme une époque de repos et de prospérité comparative pour l'Église. Solomon, dont les succès militaires ont obligé les Berbers à se tenir un instant tranquilles, en profite pour relever les murs des villes et des citadelles que les Vandales avaient renversés partout, sauf à Carthage.

Soit en Algérie, soit en Tunisie, j'ai vu un très-grand nombre de ces restaurations de la 2e époque dite byzantine. Voici en quoi elles consistent généralement: Sur un tracé antique, on a replacé confusément les anciens matériaux mêlés à des épitaphes, des dédicaces rarement disposées dans leur situation normale; tout cela, mélangé de débris de bas-reliefs, de chapiteaux, de bases et même defragments de statues, constitue l'ensemble barbare qu'il est facile d'imaginer. Telles sont, à bien peu d'exceptions près, les traces architecturales que les Grecs de Byzance ont laissées ici de leur passage.

Sous leur domination, l'Afrique ne cessa presque pas d'être ravagée par les Berbers, et un auteur de l'époque fait observer (en 568) que ceux de ces pillards qui devenaient chrétiens par les soins empressés des évêques, n'en continuaient pas moins leurs attaques contre les colonies romaines. Il ajoute que ces incessantes incursions avaient dépeuplé le pays, détruit la richesse et laissé l'Afrique sans forces contre tout nouvel ennemi qui pourrail survenir.

Et notez qu'alors ce n'étaient plus seulement des brigands qui hasardaient de furtives razias et se retiraient en håte avec leur proie, c'était une nationalité qui se réveillait et dont les membres, catholiques ou payens, s'organisaient devant l'organisation romaine agonisante, avaient des chefs, des lois et une administration en dehors de celle de l'empire. Cela avait lieu surtout dans la Mauritanie Césarienne.

Cette situation ne fait qu'empirer jusqu'à l'année 647 où les premières bandes musulmanes, conduites par Abd Allah ben Saïd ravagent la Cyrénaïque, la Tripolitaine et s'avancent jusqu'en Byzacène (Tunisie méridionale). Les tribus pillardes d'Arabie avaient appris le chemin de l'Afrique romaine qui, dans sa terrible décadence, était encore une riche proie pour de pauvres nomades. Elles ne l'oublièrent pas; et, après des incur. sions suivies d'assez promptes retraites, l'étendard de l'Islam demeura définitivement planté sur la terre d'Afrique. Civilisation et christianisme, tout disparut devant ce nouveau flot de barbares; et le pays retourna promptement à l'état presque sauvage où Rome l'avait trouvé six siècles auparavant et où nous devions le reprendre douze siècles plus tard.

Il ne faut pas oublier, non plus, de constater que l'art antique, consacré surtout à la glorification d'un polytheïsme immoral, devait être naturellement suspect et antipathique aux chrétiens des premiers siècles, qui n'admettaient qu'un Dieu unique et l'honoraient surtout par la chasteté des pensées et des actions.

Voici un bien long préambule, mais il était indispensable; car il fallait éviter qu'à chaque inscription chrétienne le lecteur eût à se poser la question que l'on a essayé de résoudre ici.

Abordons maintenant l'épigraphie chrétienne de Julia Cæsarea.

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