Images de page
PDF
ePub

avons vu être le nom indigène de l'ancien Tlemsên. Mais je ferai remarquer que cette synonymie n'existe que dans certains manuscrits et que rien ne prouve qu'elle soit positive.

Quant à la Colama Mauretaniae, la Calama de Mauritanie de l'Itinéraire maritime, on ne saurait l'identifier avec la Kelama de Ptolémée. Celle-ci est, d'après lui, une ville de l'intérieur des terres et la première est, au contraire, une position de la côte dont j'essaierai de déterminer la situation, en traitant de la géographie des rivages Tlemséniens.

A l'Est-Nord-Est de Tlemsên, dans le pays des Beni Ouâzan, on voit à Bou Djerar les vestiges d'un poste qui commandait toute la partie supérieure de l'Oued A'mileur et à K's'år H'announ, le château de Hannon, les ruines d'une petite ville.

Je n'ai trouvé à Bou Djerar que quelques pierres et les deux dernières lettres d'une inscription, mais le K's'ar est beaucoup plus intéressant, bien que je n'y aic rien aperçu qui puisse confirmer le nom que lui donnent les Arabes et qui semble indiquer une ancienne station de Carthaginois; on peut suivre trèsfacilement les contours de son enceinte el celui de sa citadelle.

Bou Djerar el K's'ar H'announ sont deux positions qui jalonnent la voie romaine de Tlemsên à Timici Colonia (Aïn Temouchent), voie que l'on suivait encore avant notre arrivée en Algérie.

De K's'ar H'announ elle se dirigeait sur les bains thermaux des Sidi Abdeli, où l'on voit les restes d'un poste et près duquel s'élevait encore au Xe siècle la ville arabe de Tamedda (1), puis elle prenait par El Bridj, remarquable par ses ruines romaines. D'Aïn Temouchent (Timici) gagnail-elle Oran par la station Ad flumen Salsum (le Rio Salado), qu'a reconnue M. Azéma de Montgravier, et les stations de la côte; suivait-elle une direction semblable à celle que nous avons adoptée, le long des bords occidentaux de la Sebkha, ou bien passait-elle par les H'ammam bou H'adjar, puis à l'Est du grand lac par Ar'bal (l'ancienne Gilva), deux localités pleines de ruines romaines? c'est ce qu'il est difficile de déterminer. Ce qu'il y a de positif, c'est qu'au Xe siècle, on allait d'aprés El Bekri, ainsi que nous le faisons encore, d'Oran à Aïn Temouchent, appelé alors K'as'r Ebn Sinan par Tansalmet (près de Mserghin) et Djeraoua, dont les ruines, nommées actuellement Medinct Aroun, sont à droite du pont français du Rio Salado.

(1) V. Le Bekri, route d'Oran à K'aïrouán.

'Il paraît que les Romains, avant d'arrêter définitivement la voie qui de Pomaria conduisait à Timici par les bains de SidiA'bdeli, se servaient de la route que nous avons adoptée, route qui est un peu plus courte que la leur, mais qui est beaucoup. plus difficile. En effet, j'ai trouvé sur le plateau qui sépare l'Oued A'miieur de l'Isseur, en un endroit appelé Tendelouset, quelques pierres parmi lesquelles se voit une borne milliaire dont le chiffre de distance seul a été respecté, tout le reste ayant été enlevé au ciseau. On y lit: MP XIII, millia passuum XIV, ce qui fait 20,734 mètres, et il y a du centre de Pomaria (Agadir) à ce point 19,000 mètres en ligne droite.

Au nord de Tlemsên, entre cette ville et la Tafna, les ruines romaines sont assez nombreuses : il y en a à H'adjar Ouåghef, à Aïn Quáheb, à Irgucb Ahl el Oued, à Sidi H'amed et à Sidi Mousa (les Ouled el Khaouen), à Sidi M'ohammed bou Gaima.

Au mois de septembre 1850 j'ai levé le plan (au 500°) de celles de l'adjar Ouaghef, à 1,600 mètres au Nord-Est de l'Hanaïa (1). La partie essentielle de l'établissement avait à peu près un hectare et demi de superficie; il dominait la plaine au Nord, à l'Ouest et au Sud, mais sa vue du côté de l'Est était bornée par des mamelons plus élevés que l'on couronna d'un poste d'où le regard plongeait de ce côté sur tout le bassin de la Sik'k'ak'.

De H'adjar Ouaghef on peut pénétrer dans la vallée de la Tafna ou par la vallée elle-même ou par le col des Seba Chioukh qui, un peu à l'Est, permet de franchir assez facilement la chaîne limite du massif maritime de ce côté.

Si on choisit cette dernière direction en appuyant à droite, après avoir passé la Sik'k'ak', on ne tarde pas à apercevoir, sur la rive droite de l'Isseur, des ruines que le minaret d'une ancienne mosquée détruite a fait désigner par le mot de S'ouma, le minaret, auquel on ajoute, afin de le caractériser plus nettement, le nom de la rivière. Elles sont à 6,000 mètres du confluent de la Sik'k'ak', et de l'Isseur, à un peu plus de 9,000 mètres du pont moderne sur lequel la route d'Oran à Tlemsên passe cette dernière rivière. Ce sont les restes d'une ancienne ville arabe qui s'était installée sur un établissement romain.

Les Seba Chioukh offrent quelques vestiges antiques qui montrent que cette voie était jadis préférée à celle de la vallée, laquelle

(1) Voyez un article sur H'adjar Ouȧghef dans la Revue de l'Orient de 1851, tome 1", p. 204.

présente, d'atlleurs, à son origine, des difficultés sacrifiées encore assez souvent aux pentes du plateau. Cependant le peu de relations qui ont aujourd'hui lieu entre Tlemsên et la mer se font par la vallée.

Du reste, que l'on prenne l'une ou l'autre direction, on atteint toujours un point stratégique digne d'attention, c'est le confluent de la Tafna (rive droite) et du Faïd'el A't'ach (le Fond de la Soil), près d'un gué appelé Mechra Msaouda, au pied d'un petit plateau dominant toute la position et nommé A'meurbaïa. A travers la végétation basse qui couvre le sol se laissent voir les fondations d'un établissement romain qui protégeait ainsi, à leur jonction, la route de Siga á Tlemsên (Pomaria) et celle de Timice à Siga.

A 7,000 mètres du Mechra Msaouda est l'emplacement de Siga, la première capitale de Syphax, que les Arabes, après les Berbères, connaissent sous le nom de Tak'ebrit, les voûtes, de quelques restes d'anciennes constructions qui ont aujourd'hui disparu (1). Rachgoun, son port, Portus sïgensis, en est à 4,000 mètres, ainsi que le vent l'Itinéraire d'Antonin qui le place à trois mille pas de Siga. Nous sommes ainsi et peu à peu arrivés sur la Méditerranée. Avant de procéder à l'examen des différentes positions échelonnées sur cette partie de la côte qui dépend de la subdivision de Tlemsên, je désire présenter le résultat d'études sur la partie des Tables de Ptolémée, qui s'applique à la petite région que nous analysons en ce moment. Peut-être pourrions-nous ainsi donner un nom à quelques-unes des ruines que nous avons rencontrées sur la ligne qui réunissait Pomaria à la mer.

Que les Tables ptoleméennes soient remplies d'erreurs en tous genres, que les chiffres afférents à chaque position n'aient qu'une valeur très contestable, quelquefois nulle, qu'il faille seulement y chercher les éléments d'itinéraires très-difficiles à dégager du chaos dans lequel ils sont placés, ce sont là des vérités qui appartiennent à la géographie critique élémentaire, et qui ont été trop savamment démontrées pour qu'il soit nécesaire de le faire de

nouveau.

La loi des exagérations de Ptolémée dans ses distances en latitude est encore plus variable que celle des exagérations en longitude, ce qui se comprend très-bien, puisque c'est là le caractère essentiel de sa projection; laquelle est tracée de telle façon qu'il

(1) C'est le Tackumbrit du docteur Shaw.

donne à sa Mauritanie Césarienne, représentée aujourd'hui par le Tell des deux provinces d'Alger et d'Oran, une longueur moyenne de huit degrés de latitude, alors qu'elle ne devait avoir, au plus, en ce sens que l'étendue d'un seul degré. Croire qu'il existe dans les exagérations du géographe d'Alexandrie une loi unique et la prendre d'un point de vue absolu, ainsi que l'a fait Gosselin, ce serait méconnaître les éléments mêmes de la discussion. Mais c'est précisément cette variation dans le principe qui accroît les difficultés et jette l'esprit dans l'incertitude et le doute. Cependant, je le répète encore, ce n'est pas tout-à-fait là une raison pour ne pas chercher à l'utiliser dans l'occasion présente.

Procédons à la discussion:

La Mniaria de Ptolémée est, sans aucun doute, une mauvaisc lecture pour Pomaria (1); il serait très-étonnant en effet, que Ptolémée, dans lequel on lit, de ce côté, les noms de Timice, d'Astacilis, de Siga, de Portus magnus, n'eut pas connu un établissement qui, d'après son importance, paraît avoir été le principal centre d'autorité de cette partie de la Mauritanie Césarienne. Cela serait d'autant plus singulier que l'inscription de la Mar'nia (Syr), qui donne les distances de ce point sur Pomaria et Siga est du règne d'Alexandre Sévère, c'est-à-dire de 222 à 224, que Pomaria (Tlemsên) dont le site remarquable a dû fatalement attirer l'attention de tous les envahisseurs, fut immédiatement occupé le jour où les Romains pénétrèrent de ce côté.

Ce qui vient d'ailleurs à l'appui de la supposition que je fais ici, que Mniaria représente Pomaria, c'est que la distance de Mniaria ou Pomaria sur Timice (indiquée comme étant Astacilis par une transposition de nom facile à expliquer), est donnée comme étant de 200 stades de 500 m., ou 44,400 mètres, et qu'il y a en ligne droite de Tlemsen à Aïn-Temouchent 45,000 mètres.

L'Itinéraire auquel se rattache Pomaria (Mniaria), dirigé dans le sens des longitudes, parait pouvoir être pris tcl quel. On semble du moins être autorisé à le faire, lorsque l'on voit les longitudes de la partie de la côte qui lui correspondeut presque exactes, lors

(1) Si l'on veut s'expliquer comment les traducteurs et les copistes out pu altérer le mot Pomaria, il suffira de lui rendre un moment sa forme grecque. La lettre initiale, le pi, sera devenu très-facilement un M majuscule, 10 joint à un m altéré auront pu fort bien être lus ni, et c'est ainsi que Pomaria sera devenu Mniaria; puis une fois la transformation opérée l'erreur n'a pas eu de peine à se perpétuer.

qu'après avoir trouvée bonne la distance de Pomaria à Timice, on remarque que celle de Timice à Astacilis (Aïn Temouchent à Tessela) 225 stades de 500 m., ou 50,000 mètres, l'est également.

En admettant donc que Mniaria soit Pomaria, cette position paraît être le point de départ d'un itinéraire qui se dirigeait sur Siga en passant par Urbara ei Vasbaria. Cet itinéraire, dirigé dans le sens des latitudes, c'est-à-dire du Sud au Nord, est, par conséquent, susceptible de subir plus d'un genre de correction, depuis celle qui a jeté le Mons Durdus, le massif tlemsénien, à une distance huit fois plus grande de la mer qu'elle ne l'est réellement. Cependant j'en serai très-sobre, et je chercherai sa véritable signification dans une transformation unique de tous les chiffres.

Voici d'abord l'Itinéraire tel que le donne la Table:

[blocks in formation]

Si nous prenons le quart de ces distances exprimées en mètres,

[blocks in formation]

Sur le terrain, la distance qui réunit les deux points extrêmes de cette ligne est jalonnée de ruines plus ou moins importantes qui nous donnent, sans difficultés, les chiffres suivants :

[blocks in formation]

De toutes les combinaisons que l'on peut essayer avec la carte de Ptolémée, celle-ci paraît être la plus vraisemblable.

On conçoit très-bien, d'ailleurs, qu'il ne faut pas exiger une précision plus rigoureuse, car si les chiffres qui nous servent à appré

(1) Les deux lettres R. R. représentent les deux mots Ruines_romaines.

« PrécédentContinuer »