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d'unestation phénicienne ou au moins carthaginoisc, car SYR n'anpartient nullement aux langues indigènes. Les Romains comme les Grecs représentaient l'OU des langues orientales par l'Y ou upsilon; il faut donc lire SOUR pour SYR, or Sour est un mot semitique qui · signifie rempart, fort, ainsi que l'a démontré M. l'abbé Bargès dans une petite dissertation relative aux découvertes de La Mar'nia (1). On a vu, du reste, que les distances de ce point sur Tlemsên (Pomaria) el Takebrit (Siga) corroborent parfaitement la déduction que l'on peut tirer des inscriptions, quant à la synonymic comparée. A peu près à moitié chemin de Tlemsên à La Mar'nia et à 28,000 mètres de cette première ville, sur la rive droite de l'Oued Barbata, l'explorateur reconnaît les ruines d'un établissement auquel les Arabes ont donné le nom d'El Bridj, le Fortin, et qui servaitde gite d'étape entre les deux localités.

Deux bornes milliaires, élevées à Sour (La Mar'nia) par les soins de ce même Ælius Decrianus dont j'ai parlé au sujet des milliaires de Tizi, nous révèlent l'existence d'un établissement appelé Severianum, sans doute en l'honneur d'Alexandre Sévère. Il était à III milles ou 4,443 mètres, une ancienne lieue de France, de Syr et, sans doute, sur la route de Nedroma qu'il protégeait au passage de la vallée de la Mouila; on en voit les restes. Voici le texte de celle des deux bornes sur laquelle la distance est restée intacte; je rétablis les trois premières lignes qui ont à peu près disparu :

IMP. CAES

M. AVRELIVS
SEVERVS PIVS

FELIX AVG. P. P. COS

DIVI MAGNI

ANTONINI
FILIVS DIVI

SEVERI NEPOS

MIL. NOVA POSVIT

PER P. AELIVM

DECRIANVM

PROC. SVVM
AN SEVERIA

NVM
SYR
MP III

(1) Journal asiatique, 4 série, tome IX, pages 210-217. - Le mot Sour apparaît plusieurs fois dans la première nomenclature imposée par les Arabes à certaines localités de l'Algérie: Sour Koul Mitou (le fort des Massacrés), Sour Djouab (le fort des Citernes), Sour R'ozlan (le fort des Gazelles, Aumale), etc.

Les communications entre Sour ou La Mar'nia et la mer se faisaient, sans doute, par Nedroma, qui en està 22 kilomètres au Nord. On voit encore les restes de la ligne des postes qui, à des distances peu éloignées, jalonnaient la première partie de cette route, celle de La Mar'nia à Nedroma, en passant, comme le fait la route moderne, par le col de Bab T'aza. Mais il n'y a rien de semblable entre Nedroma et la mer, parce que, sans doute, la nature plate et très-découverte du pays n'exigeait pas qu'on prit de grandes précautions de défense, l'œil embrassant, pour ainsi dire, sans obstacle l'espace de 16 kilomètres qui s'étend de l'un à l'autre.

Léon l'Africain et les religieux de la Merci ont donné à Nedroma, sous le rapport archéologique, une importance qui n'est malheureusement pas justifiée par l'examen des lieux (1). En 1851, j'y ai passé deux mois, juin et juillet, je l'ai parcourue dans tous les sens, j'ai levé le plan de ses environs jusqu'à deux kilomètres, limite de ses dépendances immédiates, sans y trouver aucune trace des nombreuses ruines et des inscriptions romaines qui devaient y exister suivant ces voyageurs. Le nom d'El Khrerba (la ruine) que porte l'un de ses quartiers, une tradition en désaccord avec le témoignage unanime de la population relativement à sa fondation, mais qu'en définitive on peut expliquer, sont les seuls indices qui permettent de croire à la présence des Romains sur ce point. Les prétendues ruines romaines que l'on y a signalées ne sont autre chose que les restes des anciennes et puissantes constructions d'A'bd el Moumen ben A'li (2), restes dont l'aspect, il faut l'avouer, est de nature à tromper celui qui ne les voit que de loin. Mais si les Romains ont occupé Nedroma, il n'existe qu'un seul

(1) Il est vrai qu'ici, encore une fois, ce n'est pas la faute de Léon. Son traducteur français, Jean Temporal (édition de 1556), lui fait dire: « Cette cité (Nedroma) fut anciennement édifiée par les Romains, quand ils subjuguèrent cette partie et la fondèrent en un lien avec large circuit dans une belle plaine.. Autour d'icelle il y a encore quelques édifices romains: et est la campagne fort abondante, etc. Mais la traduction latine publiée par les Elzevirs (édition de 1532) s'exprime tout autrement: Visitur in hunc diem hujus oppidi murus: antiquiora autem alia omnia Romanorum ædificia deleta sunt, adeo ut rara illorum nunc reperiantur vestigia. a On peut encore voir aujourd'hui les murailles de cet oppidum (il les a cru, à tort, de construction romaine), mais les autres anciens édifices romains sont tellement détruits, qu'on en trouverait à peine actuellement quelques vestiges. » — Rien de plus exact.

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C'est bien assez de laisser à Léon son incroyable explication du nom de Nedroma sans lui faire parler de ce qu'il n'a pu voir.

(2) A'bd el el Moumen ben A'li régnait au 12° siècle; en 1160, il faisait le siége de Meh'adia (Tunisie).

document qui puisse nous faire espérer de retrouver le nom de cet établissement.

En construisant graphiquement la carte de Ptolémée et la discutant, on trouve que l'un des lieux qu'il mentionne peut correspondre à Nedroma.

En effet, Kelama qu'il place par 12° 10 de longitude et 33° 30 de latitude, est ainsi à 320 stades de Pomaria (Mniaria), et à 260 de Lanigara. Les stades de Ptolémée sont d'après lui des stades de 500 au degré (ou de 222 mètres chacun), mais Gosselin a montré qu'ils peuvent être aussi de 700 au degré (159 mètres). Lorsqu'on étudie sur sa carte un assez grand nombre de distances, on voit qu'il a pu quelquefois employer la seconde de ces valeurs. Toutefois, nous ne l'utiliserons que rarement, parce que l'écrivain grec était un esprit trop systématique pour avoir sciemment employé deux unités différentes dans ses travaux géographiques. Lorsqu'il l'a fait c'est que la valeur même du renseignement dont il se servait lui échappait.

320 stades de 500 au degré donnent 71,040 inètres.

320 stades de 700 au degré en donnent 50,880.

260 stades de 500 au degré, distance entre Kelama et Lanigara, font 57,720 mètres.

260 stades de 700 au degré donnent 41,340 mètres.

Avant de nous servir de ces différents chiffres, il est indispensable de savoir àquel ordre de combinaison ils peuvent appartenir, car les Tables de Ptolémée en contiennent de plus d'une espèce. Astacilis, Timice, Pomaria (Mniaria), Lanigara, Galapha, appartiennent sur cette carte à un itinéraire qui, dirigé de l'Est à l'Ouest, semble pouvoir être relevé tel quel; il paraît avoir joui du bénéfice de toutes les positions de la côte qui, rattachées aux méridiens, n'ont pas été aussi bouleversées que celles de l'intérieur. Ici, les distances rapportées aux parallèles de latitude sont, en effet, passibles de réductions très-fortes. En voici une preuve: le Mons Durdus, que représente incontestablement le massif Tlemsénien, étant, d'après Ptolémée par 29° 30 de latitude, tandis que Siga est par 3 4o 40', son Mons Durdus se trouve ainsi éloigné d'une distance dix fois plus grande qu'elle ne l'est réellement, puisqu'il y a à peine 30 minutes entre les deux sur la carte moderne. Si ce chiffre, dix fois, ne doit être pris d'une manière absolue, au moins sommes-nous autorisé à l'employer lorsque nos calculs de réductions porteront sur des

positions comprises entre cette chaîne et la mer, c'est-à-dire sur des itinéraires pris dans le sens des méridiens (1).

Kelama appartenait incontestablement à un itinéraire de ce genre et comme, par hasard, Ptolémée a conservé aux deux villes leurs situations respectives exactes (Nord-Ouest et Sud-Est), sa distance par suite de l'angle de 30" qu'elle forme avec les méridiens, a pu fort bien n'être pas très-altérée par la projection.

On serait tenté de le croire, si on réfléchit à un fait assez singulier. Nous avons dit que Ptolémée place Lanigara à 260 stades ou 57,720 mètres de Kelama, et ce chiffre représente presqu'exactement les 55,500 mètres que donne une ligne droite allant de Nedroma au château d'Isli, lequel, ainsi qu'on le verra, paralt bien être Lanigara.

La distance de Pomaria à Kelama, non corrigée, est, nous l'avons vu, de 71,040 mètres en stades de 500 au degré et de 50,880 en stades de 700. Or, on compte de Tlemsên à Nedroma 45,000 mètres; par la route la plus courte et la plus suivie, 51,000 m. Il n'y a similitude presqu'absolue, il est vrai, qu'avec les stades de 700 au degré, que je désire éloigner de la discussion. Mais si on admet que dans les études des itinéraires orientés Nord et Sud, les corrections soient en rapport avec les angles que décrivent les lignes de route par rapport aux méridiens, comme celle de Pomaria sur Kelama forme un angle de 60° degrés, nous aurons à prendre seulement les deux tiers du chiffre 71,040 mètres, pour représenter la distance qui séparait les deux localités, c'est-à-dire 47,360 mètres; on vient de voir qu'elle est de 45,000 mètres en ligne droite.

La méthode des hyppothénuses proposée par Gosselin (2) pour retrouver dans le chaos ptoléméen les distances primitivement recueillies par Marin de Tyr, ne donne, dans le cas actuel, aucun résultat valable. Elle est sans doute bonne pour certaines régions où les éléments sont combinés dans un meilleur ordre, et il faut se rappeler que de toutes les cartes de Ptolemée celle de la Mauritanic Césarienne est probablement la plus mauvaise. Elle est composée de données incomplètes, incohérentes, à peine liées entre elles on n'ayant que des rapports très-vagues quand elles en ont. De plus, dans sa composition elle est remplie d'erreurs. Aussi, n'ai-je pas

(1) Faut-il observer que ces remarques ne s'appliquent qu'à la région qui fait le sujet de cette étude. Pour les autres parties de la carte grecque, elles n'auraient pas le même sens.

(2) Recherches sur la géographie systématique et positive des anciens, T. IV, p. 340, 344.

cru devoir faire usage du procédé proposé par le savant critique autrement que comme essai d'étude.

Nedroma, situé à 16 kilomètres de la mer, est et a toujours été en relations faciles avec la Méditerranée. Dans l'antiquité, il devait en être ainsi pour Kelama, bien que nous n'ayons aucun renseignement à ce sujet.

A voir la carte de Ptolomée, on pourrait croire que Kelama est lié au rivage de Siga, au Portus sigensis, à Rachgoun; mais ce serait s'appuyer sur un tracé dont les bases mêmes ont complètement altéré la forme. Ceci est si vrai, que, dans le cas actuel, il serait très-difficile de dire à quel point de la côte l'auteur a voulu la rattacher, si telle a été son intention. On a à choisir entre l'embouchure de la Malva (la Mlouïa), Gypsaria, Siga ou l'embouchure du fleuve Siga (la Tafna).

De ces quatre points, Gypsaria (Mersa H'anaye, comme je le montrerai) est le seul avec lequel Kelama ait pu se trouver en rapports directs, rapports qui existaient encore au Xe siècle, au temps de Bekri. De Kelama à Gypsaria, Ptolémée compte 670 stades ou 148,740 mètres. L'incertitude dans laquelle nous a laissé l'écrivain grec, relativement au point avec lequel il a pu relier Kelama, nous jette dans quelqu'embarras au sujet de la réduction dont cette distance peut être passible. Il est vrai que, bien qu'assez oblique, elle est, cependant, assimilable à celles qui sont prises dans le sens des méridiens, l'angle qu'elle forme avec ceux-ci étant seulement de 24°. Dès lors elle peut subir toutes les réductions qu'admet l'échelle d'un à dix. Si nous en prenons le quart, cela nous donnera 24,790 mètres, et par le seul chemin pratica ble qui conduise de Nedroma à Mersa H'anaye, il y a de 24 à 25 kilomètres. On peut, du reste, se faire une idée de la valeur qu'ont les situations respectives sur la carte grecque, quand on saura que Gypsaria y est placée au Nord-Ouest de Kelama, tandis qu'elle est effectivement au Nord-Est.

De la discussion à laquelle nous nous sommes livré au sujet de Kelama, il paraît ressortir que cette position correspond à celle de Nedroma. La demonstration n'est pas très rigoureuse, mais avec des éléments de discussion aussi imparfaits que ceux dont nous avons fait usage, on ne saurait exiger plus d'exactitude.

Si on place Kelama à Nedroma, on se demande alors pourquoi l'Itinéraire fait de ce nom le synonyme de celui de Kala, que nous

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