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Abbacides. Secondé par son allié, Caracoch mit le siège devant Cabes, l'enleva à Saîd-Ibn-Abi-'l-Hacen et en confia le commandement à un de ses affranchis, après y avoir déposé ses trésors. Ayant ensuite appris que Cafsa s'était révolté contre Ibn-Ghanîa, il l'aida à emporter cette place d'assaut. De là, ils allèrent réduire la ville de Touzer.

Quand El-Mansour reçut la nouvelle de ces événements et de l'invasion du Djerîd, il quitta Maroc, l'an 583 (1187-8), afin d'y porter remède et de reprendre les villes que ces chefs avaient conquises. Arrivé à Tunis, où il établit son quartier général, il envoya l'avant-garde de son armée contre Ibn-Ghanîa. Ce corps, qui était commandé par deux chefs, le cîd Abou-Youçof-Yacoub (fils d'Abou-Hafs-Omer, fils d'Abd-el-Moumen) et Omar-IbnAbi-Zeid, personnage de haut rang parmi les Almohades, atteignit Ghomert et livra bataille aux troupes d'Ibn-Ghanîa qui s'étaient portées de ce côté. Dans cette rencontre, les Almohades essuyèrent une défaite, Ibn-Abi-Zeid y perdit la vie avec beaucoup des siens, et Ali-Ibn-ez-Zoborteir tomba entre les mains de l'ennemi. Les vainqueurs firent un butin immense.

Déjà les avant-coureurs d'Ibn-Ghanîa se montraient aux environs de Tunis quand El-Mansour marcha contre les insurgés et, dans le mois de Châban 583 (oct-nov. 1187), il les mit en déroute sous les murs d'El-Hamma. Ibn-Ghanîa et Caracoch échappèrent à grand' peine aux dangers qui les entouraient, et les habitants de Cabes, ville où Caracoch avait jusqu'alors commandé à l'exclusion d'Ibn-Ghanîa, s'empressèrent de faire leur soumission au vainqueur et de lui livrer tous les amis de leur ancien maître. El-Mansour envoya ces prisonniers à Maroc et marcha contre Touzer dont les habitants, voyant la déroute des partisans d'Ibn-Ghanîa, reconnurent sans difficulté l'autorité des Almohades. Il tourna ensuite ses armes contre Cafsa, et, l'ayant assiégé jusqu'à ce que la garnison se rendît à discrétion, il passa au fil de l'épée tous les contingents des tribus arabes qui s'y étaient enfermés. Il fit mourir aussi Ibrahim-Ibn-Caratikîn, mais il pardonna aux autres Ghozz et les renvoya libres. Ayant autorisé les habitants à se gouverner eux-mêmes, il les laissa en

possession de leurs terres, mais à la condition de lui fournir une portion des récoltes. Ilattaqua ensuite les Arabes, livra au pillage leurs camps et leurs lieux de station, et les contraignit ainsi à faire leur soumission; mais telle fut sa colère contre les Djochem, les Rîah et les Acem, tribus qui avaient figuréen première ligne pendant cette révolte, qu'il les déporta en Maghreb.

En l'an 584 (1188-9), El-Mansour reprit le chemin du Maghreb et Ibn-Ghanîa profita de son départ pour recommencer, avec Caracoch, ses courses dans le Djerîd. Il perdit la vie, cette même année, dans une rencontre avec les habitants de Nefzaoua, ayant été atteint par une flèche lancée au hasard. On l'enterra de ce côté-là, tout en cachant l'emplacement de son tombeau. Selon un autre récit, son corps fut transporté à Maïorque pour y être enterré.

Yahya, fils d'Ishac-Ibn-Mohammed-Ibn-Ghanîa, prit alors le commandement du parti almoravide et maintint avec Caracoch l'alliance offensive et défensive qui avait subsisté entre son frère Ali et ce chef.

En 586 (1190), Caracoch passa aux Almohades et reçut, à Tunis, un très bon accueil du cîd Abou-Zeid. Quelques jours plus tard, il s'évada furtivement et réussit par de fausses représentations à se faire ouvrir les portes de Cabes. A peine maître de cette ville, il en massacra une partie des habitants et, ayant alors invité les chefs des tribus soleimides, les Debbab et les Kaoub, à venir le voir dans le château d'El-Aroucïîn, il les fit mourir au nombre de soixante-dix individus. Parmi ses victimes se trouvèrent Abou-l-Mehamed-Mahmoud-Ibn-Taucet Abou-'lDjouari-Hamid-Ibn-Djaria. Il alla ensuite s'emparer de la ville de Tripoli, et s'étant tourné de là vers le Djerîd, il en soumit la plus grande partie. Une mésintelligence ayant éclaté entre lui et Ibn-Ghania, celui-ci marcha à sa rencontre, mit ses troupes en déroute et le força à se réfugier dans les montagnes. De là, Caracoch s'enfuit dans le Désert et fixa son séjour dans Oueddan ; mais peu de temps après, Ibn-Ghanîa, secondé par un corps d'Arabes debbabiens qui brûlaient de venger la mort de leurs chefs, emporta cette place d'assaut et lui ôta la vie. Le fils de

Caracoch passa aux Almohades et, jusqu'au règne de [Youçof-] el-Mostancer, il continua à habiter la capitale de leur empire. Il s'enfuit alors à Oueddan d'où il fit des courses dans les pays voisins, jusqu'à ce qu'en 656 (1258) il fut assassiné par des émissaires du roi de Kanem.

Revenons encore à Ibn-Ghanîa et citons les renseignements fournis par El-Tidjani dans son Rihla. Devenu maître du Djerîd, il força Yacout, affranchi de Caracoch, à lui livrer la forteresse de Torra. De là, Yacout se rendit à Tripoli et, pendant un temps considérable, il y fit une vigoureuse résistance. Ibn-Ghanîa eut alors recours à son frère Abd-Allah [souverain des Baléares], et ayant obtenu l'envoi de deux navires faisant partie de la flotte de Maïorque, il parvint à s'emparer de la ville. Yacoub fut fait prisonnier et envoyé à Maïorque où il resta en détention jusqu'à la prise de cette île par les Almohades.

Nous allons maintenant reprendre l'histoire de Maïorque. Quand Ali-Ibn-Ghanîa partit pour s'emparer de Bougie, il laissa son frère Mohammed et Ali-Ibn-ez-Zoborteir prisonniers dans cette île. Ibn-ez-Zoborteir, sachant que les fils de Ghanîa avaient emmené la majeure partie de la garnison, se mit du fond de sa prison à entretenir une correspondance avec quelques habitants de l'île et réussit à les soulever en faveur de Mohammed. Les insurgés envahirent la citadelle et ne renoncèrent aux hostilités qu'après avoir fait mettre en liberté leur ancien émir ainsi qu'Ibn-ez-Zoborteir. Mohammed reprit alors le commandement de l'île et, comme il avait embrassé le parti des Almohades, il se rendit auprès de Yacoub-el-Mansour et emmena Ibn-ez-Zoborteir avec lui. Abd-Allah-Ibn-Ishac [-Ibn-Ghanîa] quitta alors l'Ifrîkïa et obtint, en Sicile, l'appui d'une flotte qui le rendit maître de Maïorque. Il y régnait encore quand son frère Ali lui fit demander des secours afin de pouvoir réduire la ville de Tripoli.

Quant à Yacout, il resta en captivité chez Abd-Allah-IbnIshac jusqu'à la défaite de cet émir par les Almohades en 599 (1202-3). Abd-Allah y perdit la vie et Yacout alla passer le reste de ses jours à Maroc.

Yahya-Ibn-Ghanîa s'étant emparé de Tripoli y laissa son cou

sin, Tachefîn-Ibn-Ghazi, en qualité de gouverneur et marcha contre Cabes. Les habitants de cette ville venaient d'obtenir pour commandant un officier almohade nommé Omar-Ibn-Tafraguîn. Ce fut à l'époque où Tripoli succomba qu'ils s'adressèrent au cheikh Abou-Saîd le hafside pour avoir un gouverneur ; car ils se voyaient abandonnés par le lieutenant que Caracoch avait établi chez eux. Ibn-Ghanîa mit donc le siège devant Cabes et força les habitants à capituler. Par un des articles du traité, Ibn-Tafraguîn eut l'autorisation de s'en aller librement. Ceci se passa en 591 (1195). Le vainqueur imposa sur les habitants une contribution forcée de soixante mille pièces d'or. En l'an 597 (1200-1), il prit El-Mehdïa et y fit mourir Mohammed-er-Regragui qui s'y était rendu indépendant.

Mohammed-Ibn-Abd-el-Kerîm-er-Regragui, de la tribu de Koumïa, naquit à El-Mehdïa et s'enrôla dans la milice, corps de troupes soldées que l'on y'entretenait. Doué d'une grande bravoure, il parvint facilement à former une bande de cavaliers et de fantassins avec laquelle il combattait les Arabes nomades qui dévastaient la province. La crainte qu'il leur inspira ajouta encore à sa réputation, pendant que sa conduite lui attirait les bénédictions du peuple. A cette époque, Abou-Saîd le hafside administrait l'Ifrîkïa, charge qu'il occupait depuis l'avènement d'El-Mansour, et il venait de donner à son frère Abou-Ali-Younos le gouvernement d'El-Mehdia. Celui-ci, ayant demandé à lbn-Abd-el-Kerîm-er-Regragui la moitié du butin enlevé aux Arabes, essuya un refus dont il se vengea en persécutant et en emprisonnant ce brave soldat. En l'an 595 (1198-9), Ibn-Abdel-Kerîm se concerta avec ses affidés, s'empara de Younos et le retint prisonnier jusqu'à ce qu'Abou-Saîd le rachetât moyennant cinq cents dinars en or monnayé. Devenu ainsi maître d'ElMehdia, il y proclama son indépendance et prit le titre d'ElMotéwakkel-ala-'llah(qui met sa confiance en Dieu). Le cîd AbouZeid, fils d'Abou-Hafs-Omar et petit-fils d'Abd-el-Moumen, vint alors prendre le gouvernement de l'Ifrîkïa, et, en l'an 596, il se vit assiéger dans Tunis' par Ibn-Abd-el-Kerîm qui, ayant dressé son camp à la Goulette (Halk-el-ouadi), repoussa avec

avantage les sorties tentées par les Almohades. Le siège avait traîné en longueur,' quand Ibn-Abd-el-Kerìm exauça les prières des habitants et s'éloigna. Arrivé sous les murs de Cabes, il y assiégea Yahya-Ibn-Ghanîa pendant quelque temps et ensuite il prit la route de Cafsa. Vivement poursuivi par Ibn-Ghanîa, il rentra dans El-Mehdia où il eut bientôt à soutenir un siège. Ce fut en 597 (1200-1) qu'Ibn-Ghanîa prit position devant la ville et, avec l'aide de deux navires de guerre obtenus du cîd AbouZeid, il força son adversaire à se rendre et l'envoya mourir au fond d'une prison.

Maître de Tripoli, de Cabes, de Sfax et du Djerîd, Ibn-Ghania ajouta alors à ses états la ville d'El-Mehdïa. Ayant ensuite entrepris une expédition dans la partie occidentale de l'Ifrîkïa,ildressa ses catapultes contre la ville de Bèdja, la prit d'assaut et la ruina de fond en comble. Le gouverneur, Omar-Ibn-Ghaleb, y perdit la vie, et les habitants se réfugièrent dans Laribus et Sicca Veneria. Après le départ du chef almoravide, ils rentrèrent chez eux par l'ordre du cîd Abou-Zeid, mais Ibn-Ghanîa vint encore les y attaquer. La nouvelle de l'approche d'une armée almohade commandée par le cîd Abou-'l-Hacen, frère d'Abou-Zeid, l'obligea à lever le siège et à marcher à la rencontre de l'ennemi. Il s'ensuivit une bataille près de Constantine qui entraîna la défaite des Almohades et la prise de leur camp. Biskera étant tombé au pouvoir d'Ibn-Ghanîa, il fit couper les mains aux habitants et emmena prisonnier Abou-'l-Hacen-Ibn-Abi-Yala, officier qui y commandait. Après cette conquête, il occupa Tebessa et Cairouan; puis, ayant reçu les hommages des habitants de Bône, il rentra à El-Mehdia.

Parvenu ainsi à un haut degré de puissance, il partit, l'an 599 (1202-3), pour assiéger Tunis, après avoir confié le gouvernement d'El-Mehdïa à son cousin Ali-el-Kafi, fils de Ghazi, fils d'Abd-Allah, fils de Mohammed, fils d'Ali et de Ghania. Il campa sur le Djebel-el-Ahmer (le Mont Rouge), près de Tunis, fit occuper la Goulette par son frère, de manière à investir la ville, puis il en fit combler les fossés et jouer ses catapultes et autres machines de guerre. Au bout de quatre mois, et dans la dernière

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