Images de page
PDF
ePub

chacun un apanage pour son entretien. Les Beni-'n-Namci, une des premières familles de Tanger, se donnent pour descendants de ces princes.

Voilà comment disparurent les empires fondés en Ifrîkïa et en Espagne par les Sanhadja de la branche de Telkata.

NOTICE DES MOLETTHEMÎN, PEUPLE QUI FORMA LA SECONDE RACE DES

SANHADJA.

HISTOIRE DE LEUR DOMINATION EN MAGHREB.

Les Moletthemîn 1, peuple de race sanhadjienne, habitaient la région stérile qui s'étend au midi du Désert sablonneux. De temps. immémorial, — depuis bien des siècles avant l'islamisme, — ils avaient continué à parcourir cette région où ils trouvaient tout ce qui suffisait à leurs besoins. Se tenant ainsi éloignés du Tell et du pays cultivé, ils en remplaçaient les produits par le lait et la chair de leurs chameaux; évitant les contrées civilisées, ils s'étaient habitués à l'isolement, et, aussi braves que farouches, ils n'avaient jamais plié sous le joug d'une domination étrangère. Ils occupèrent les lieux voisins du rîf? de l'Abyssinie et la région qui sépare le pays des Berbères de celui des Noirs. Ils se voilaient la figure avec le litham, objet d'habillement qui les distinguait des autres nations. S'étant multipliés dans ces vastes plaines, ils formèrent plusieurs tribus telles que les Guedala, les Lemtouna, les Messoufa, les Outzîla, les Targa, les Zegaoua et les Lamta.

1. Ce mot signifie les porteurs du litham ou voile. Voir ci-après,

note 3.

2. Pour la signification du mot rîf, voir l'index géographique dans le tome I.

3. Le litham ou voile est une espèce de bandeau qui sert à couvrir la figure au point de n'en rien laisser paraître excepté les yeux. Dans les voyages du capitaine Lyon et dans ceux du major Denham et du capitaine Clapperton, on peut en voir le dessin et la description.

4. Ailleurs, ce nom est ponctué de manière à se faire prononcer Outriga.

5. Le pluriel du mot Targa est Touareg, nom d'un peuple qui vit encore dans le Désert et qui porte le litham.

Ces peuples sont tous frères des Sanhadja et demeurent entre l'Océan environnant (l'Atlantique), du côté de l'occident, et Ghadams, endroit situé au midi de Tripoli et Barca [du côté de l'orient].

Les Lemtouna se partageaient en un grand nombre de branches dont nous pouvons nommer les Beni-Ourtentac1, les BeniNial, les Beni-Moulan et les Beni-Nasdja. Ils habitaient tous cette partie du Désert qu'on nomme Kakdem et, à l'instar des Berbères du Maghreb, ils professaient le magisme (l'idolâtrie). Ils ne cessèrent de se tenir dans ce pays et de le parcourir avec leurs troupeaux jusqu'à ce qu'ils embrassèrent l'islamisme, quelque temps après la conquête de l'Espagne par les Arabes.

Le droit de leur commander appartenait aux Lemtouna. Déjà, à l'époque où la dynastie fondée par le prince oméïade, Abd-erRahman-Ibn-Moaouîa-ed-Dakhel, régnait en Espagne, ils formaient une nation puissante qui obéissait à des rois héréditaires, princes dont le souvenir s'est conservé jusqu'à nos jours. L'un de ces rois, Telagaguîn, fils d'Ourekkout ou Araken, fils d'Ourtentac, était aïeul d'Abou-Bekr-Ibn-Omar, celui qui commandait les Lemtouna lors du premier établissement de l'empire almoravide [en Maghreb].

Dans le pays habité par ce peuple, on vivait ordinairement jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans. Quand les Lemtouna eurent soumis les régions du Désert, ils portèrent la guerre chez les nations nègres pour les contraindre à devenir musulmanes. Une grande partie des Noirs adopta alors l'islamisme, mais le reste s'en dispensa en payant la capitation.

Telagaguîn eut pour successeur Tiloutan. « Le premier des >> Lemtouna, dit Ibn-Abi-Zerâ 3, qui régna dans le Désert fut

1. Le nom de cette tribu se retrouve encore dans Portendic, localité à quarante lieues N. de l'embouchure du Sénégal.

2. Voir l'index géographique du tome I.

3. Ibn-Abi-Zerâ est l'auteur de l'histoire de Fez et du Maghreb qui porte le titre de Cartas. Cet ouvrage a été traduit en portugais par le Père Moura, en allemand par Dombay, et une nouvelle édition, en latin, avec le texte arabe, a été publiée par M. Tornberg, à Upsal. Le passage

T. II.

5

» Tîloutan. Il soumit les contrées de cette région et obligea les >> Noirs à payer tribut. Il marchait entouré de cent mille cava>>liers montés sur des chameaux de belle race. Sa mort eut lieu >> en 222 (837). Son successeur, Ilettan, mourut en 287 (900). » Temîm, fils et successeur de celui-ci, régna jusqu'à l'an 306 » (918-9), quand il fut tué par les Sanhadja. Alors la division se >> mit parmi les Lemtouna. »

Selon un autre historien, un des plus illustres de leurs rois fut Tînezwa, fils de Ouachenîc, fils de Bezar '. Ce personnage, nommé aussi Berouïan, fils de Oachenec, fils d'Izar, régna sur tout le Désert, et cela dans le quatrième siècle de l'hégire, à l'époque où les souverains oméïades, Abd-er-Rahman-en-Nacer et, ensuite, son fils El-Hakem-el-Mostancer, gouvernaient l'Espagne, et où les khalifes fatemides, Obeid-Allah et son fils Abou'l-Cacem, commandaient en Ifrîkïa. Il marchait à la tête de cent mille guerriers portés sur des chameaux de race. Sa domination s'étendait sur une région longue de deux mois de marche et large d'autant. Vingt rois nègres reconnaissaient son autorité et lui payaient la capitation. Ses fils régnèrent après lui, et, ensuite, l'unité de la nation se brisa, de sorte que chaque fraction et chaque tribu eut un roi.

Après Temîm, dit Ibn-Abi-Zerà, la division se mit dans la >> nation et cet état de choses dura cent vingt ans. Abou-Abd» Allah, fils de Tîfaout et généralement connu sous le nom de » Narecht, monta alors sur le trône et rallia tous les partis. Ce >> fut un homme plein de religion et de vertu ; il fit le pèlerinage » de la Mecque et, après un règne de trois ans, il perdit la vie » dans une expédition militaire. Son gendre, Yahya, fils d'I>>brahîm-el-Guedali, prit alors le commandement et eut pour >> successeur Yahya, fils d'Omar et petit-fils de Telagaguîn.

>>

cité ici d'une manière abrégée, par Ibn-Khaldoun, se trouve à la page 76 de l'édition arabe. On peut remarquer que les deux textes ne s'accordent nullement en ce qui regarde l'orthographe des noms propres. Ces différences proviennent évidemment de l'incurie et de l'ignorance des copistes, qui, dans le Cartas surtout, ont commis une foule d'erreurs. 1. Variante: Izar.

Cette race sanhadjienne fonda un puissant empire en Maghreb et en Espagne ; puis elle étendit sa domination jusqu'à l'Ifrîkïa. Nous allons maintenant en raconter l'histoire par ordre chronologique.

HISTOIRE DES ALMORAVIDES LEMTOUNIENS ET DE L'EMPIRE QU'ILS FONDÈRENT EN ESPAGNE ET EN AFRIQUE.

Les Lemtouna, un des peuples qui portaient le litham, habitaient le Désert et professaient le magisme (l'idolâtrie, le fétichisme); mais, dans le troisième siècle de l'hégire, ils embrassèrent la foi islamique. Ayant alors fait la guerre aux peuples nègres, leurs voisins, pour les contraindre à adopter la vraie religion, ils parvinrent à les soumettre et à fonder un puissant empire.

Plus tard, de graves dissensions éclatèrent dans le sein de cette confédération, et chaque tribu qui en faisait partie reconnut l'autorité d'un chef différent. Les Lemtouna prirent le leur dans la famille d'Ourtantac, fils de Mansour, fils de Messala, fils de Mansour, fils de Messala, fils d'Amit, fils de Ouatmal, fils de Telmit surnommé Lemtouna.

Yahya-Ibn-Ibrahîm, membre de la tribu de Guedala (ElGuedali), ayant ensuite obtenu le commandement de celle de Lemtouna, s'allia par un mariage à la famille d'Ourtantac, dont il releva ainsi l'influence tout en augmentant la sienne. En l'an 440 (1048-9), il accomplit le pèlerinage de la Mecque où il s'était fait accompagner par les principaux chefs de la nation, et, en revenant dans son pays, il rencontra, à Cairouan, le savant docteur du rite maléki, Abou-Amran-el-Façi [natif de Fez]. Ayant écouté, lui et ses compagnons, les conseils de cet homme religieux, et recueilli de sa bouche les maximes du droit qui énoncent les devoirs de chaque musulman comme individu, ils le prièrent de leur confier un de ses élèves, afin d'avoir auprès d'eux une personne capable de les diriger dans toutes les circonstances graves qui pourraient leur arriver et dans les affaires.

qui touchent à la religion. Mu par le désir de communiquer la connaissance du bien à des gens qui montraient une telle envie de s'instruire, Abou-Amran demanda à ses disciples s'il y en avait un parmi eux qui voulût accompagner ces voyageurs, et, les voyant effrayés de la perspective des privations qu'ils auraient à subir dans le Désert, il donna à ses visiteurs une lettre pour un autre jurisconsulte de ses élèves, nommé MohammedOu-Aggag1-Ibn-Zellou, membre de la tribu de Lamta et domicilié à Sidjilmessa. Dans cet écrit, il engagea son ancien disciple à leur procurer un homme d'une piété et d'un savoir éprouvés, qui serait capable de supporter les privations inséparables d'un séjour dans le pays des Lemtouna. Abd-Allah-Ibn-Yacîn 2-IbnMeggou-el-Guezouli, la personne qu'Ou-Aggag fit partir avec eux, commença aussitôt à leur enseigner le Coran et les pratiques de la religion.

A la mort de Yahya-Ibn-Ibrahîm, de nouvelles dissensions éclatèrent parmi les Lemtouna; on se révolta même contre IbnYacîn à cause des devoirs pénibles que sa doctrine leur imposait. Repoussé par eux, il s'éloigna avec l'intention d'embrasser la vie ascétique. Ayant obtenu l'adhésion de deux frères, nommés, l'un, Abou-Bekr, et l'autre, Yahya-Ibn-Omar-Ibn-Telagaguin, chefs lemtouniens, il les emmena loin de la société des hommes et s'établit avec eux sur une colline entourée des eaux du Nîl 3. Pendant l'été, un courant peu profond séparait cet endroit du rivage, mais, dans la saison des pluies, quand les eaux se gonflaient, le même lieu formait plusieurs îlots. Ils pénétrèrent

1. Quaggag en berbère paraît signifier fils d'Aggag.

2. La 36 sourate du Coran commence par un mot cabalistique composé des lettres ya et sin (is), et qui, pour cette raison, s'appelle la sourate du Yacîn. L'emploi de ce mot comme nom propre d'homme est

assez rare.

3. L'on sait que les géographes arabes représentaient le Nil des Noirs, ou Niger, comme se dirigeant de l'est à l'ouest pour se jeter dans l'Atlantique. Selon eux, le Sénégal était la partie inférieure du Nîl.

4. Voici comment l'auteur du Cartas décrit cet endroit : <<< Une île << dans la mer; lors de la basse marée, on pouvait y aller à pied, mais,

« PrécédentContinuer »