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gier avec ses partisans dans Constantine, d'où il ramena à la Calâ environ deux cents hommes, les débris de son armée '. Son frère, El-Cacem, et son secrétaire perdirent la vie dans cette bataille; ses tentes et ses trésors restèrent au pouvoir des vainqueurs. Il chargea aussitôt son vizir Ibn-Abi-'l-Fotouh d'aller négocier un traité de paix, et il ne tarda pas à le ratifier.

Après avoir essuyé ce revers, il ôta la vie à Ibn-Abi-'l-Fotouh, par suite des perfides insinuations d'un agent envoyé par Temîm, fils d'El-Moëzz, qui lui avait donné à entendre que ce vizir travaillait pour les intérêts du prince badicide.

A l'époque des conflits qui eurent lieu au Caire entre les [troupes nègres et les] Turcs [soutenus par] les Maghrebins, El-Montacer-Ibn-Khazroun, chef zenatien, se rendit à Tripoli; il trouva dans cette province les Beni-Adi, population que les Athbedj et les Zoghba avaient expulsée de l'Ifrîkïa, et les entraîna à entreprendre la conquête du Maghreb. S'étant mis en marche avec eux, il occupa El-Mecîla et Achîr; ensuite il se jeta dans le Désert pour éviter la poursuite d'En-Nacer et, quelque temps après, il reprit sa carrière de brigandage. En-Nacer essaya de l'amener à un accommodement et il obtint la paix en cédant à cet aventurier les campagnes du Zab et du Rîgha, Il avait toutefois. eu la précaution d'avertir son agent Arous-Ibn-Sindi, gouverneur de Biskera, qu'il fallait tendre un piège au chef maghraouien. Quand El-Montacer approcha, avec sa suite, Arous alla au-devant de lui et le conduisit dans la ville avec de grandes

1. Dans le passage qui précède celui-ci et dans le passage correspondant du tome I, p. 45, notre auteur a commis une erreur qu'il importe de relever. El-Moëzz-Ibn-Ziri-Ibn-Atïa mourut en l'an 417, et nous savons par le Baïan que la bataille dont il est question ici eut lieu en 457 (1065). Ce fut El-Moannecer qui commanda alors aux Maghraoua. Selon le Cartas, Moannecer était fils de Zìri-Ibn-Atïa.

2. En l'an 468, le corps de Turcs mamlouks, au service d'El-Mostancer, livra plusieurs combats à la troupe de nègres appartenant au même khalife. Les Ketamiens se mirent du côté des Turcs et, dans un de ces conflits, ils tuèrent quarante mille de leurs adversaires. (Mémoires sur l'Égypte de M. Quatremère, t. II, p. 356. — Ibn-Khaldoun, manusc. no 2402, fol. 27.)

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démonstrations de respect. Les voyageurs se mirent alors à table, et pendant qu'ils se baissaient pour manger, les domestiques d'Arous se précipitèrent sur El-Montacer, à un signal donné par leur maître, le frappèrent de leurs poignards et, dans leur empressement de l'achever, ils donnèrent aux autres convives le temps de s'échapper. La tête d'El-Montacer fut envoyée à EnNacer qui la fit exposer à Bougie, et son corps fut mis en croix à la Calâ pour servir d'exemple.

En-Nacer fit mourir un grand nombre de chefs zenatiens, ainsi qu'un chef maghraouien, Abou-l-Fotouh-Ibn-Habbous, émir des Beni-Sindjas et seigneur de Lemdïa (Médéa). Cette ville fut ainsi nommée à cause des Lemdïa, tribu sanhadjienne.

Moannecer-Ibn-Hammad s'étant trouvé dans le pays du Chelif, attaqua le gouverneur de Miliana et tua les cheikhs des BeniOurcîfen, tribu maghraouienne. Le sultan [En-Nacer], ne pouvant aller au secours des Ourcîfen à cause de ses démélés avec les Arabes, leur écrivit de se venger eux-mêmes. Ils marchèrent donc contre Moannecer 1 et, l'ayant tué, ils envoyèrent sa tête à En-Nacer qui la fit exposer à côté de celle d'El-Montacer.

Averti par les habitants du Zab que les Ghomert et les Maghraoua venaient de se joindre aux Arabes de la tribu d'Athbedj afin d'envahir cette province, En-Nacer envoya à leur secours un corps d'armée commandé par son fils El-Mansour. Ce prince détruisit Oughellan, ville où El-Montacer-Ibn-Khazroun devait s'établir, et ses troupes s'étant ensuite emparées de Ouergla, il y installa un nouveau gouverneur. De nombreux captifs et un riche butin attestèrent le succès de cette expédition.

Les Beni-Toudjin, tribu zenatienne commandée par MenadIbn-Abd-Allah, avaient aidé les Arabes de la tribu d'Adi à dévaster le pays et à intercepter les communications. El-Mansour, fils d'En-Nacer, marcha contre eux, d'après les ordres de son père, et réussit à faire prisonniers Saken-Ibn-Abd-Allah, Hamîd

1. Ce Moannecer était fils de Hammad, fils de Moannecer, fils d'ElMoëzz, fils de Ziri, fils d'Atïa le maghraouien. Dans le chapitre sur les Maghraoua, Ibn-Khaldoun le confond avec Moannecer, fils de Zîri-IbnAtia.

Ibn-Haral1 et Lahec-Ibn-Djehan, tous émirs de la tribu d'Adi, ainsi que les émirs toudjînides, Menad-Ibn-Abd-Allah, Zîri, frère de Menad, et leurs oncles Aghleb et Hammama. [En-Nacer] les fit comparaître devant lui, leur reprocha le service qu'il leur avait rendu autrefois en les protégeant contre les Aulad-elCacem, famille puissante de la tribu des Beni-Abd-el-Ouad, leur fit couper les mains et les pieds et les laissa mourir ainsi.

En l'an 460 (1067-8), il s'empara de la montagne de Bougie (Bedjaïa), localité habitée par une tribu berbère du même nom. Chez eux, Bedjaïa s'écrit Bekaïa et se prononce Begaïa. On trouve encore les débris de cette peuplade sanhadjienne éparpillés parmi les autres tribus berbères. En-Nacer, ayant conquis cette montagne, y fonda une ville à laquelle il donna le nom d'EnNacerïa; mais tout le monde l'appelle Bougie, du nom de la tribu. Il y construisit un palais d'une beauté admirable qui porta le nom de Château de la Perle (Casr-el-Louloua). Ayant peuplé sa nouvelle capitale, il exempta les habitants de l'impôt (kharadj) et, en l'an 461 (1068-9), il alla s'y établir lui-même.

Ce fut sous le règne de ce prince que la dynastie hammadite atteignit au faîte de sa puissance et acquit la supériorité sur celle des Badicides d'El-Mehdïa. L'invasion des Arabes hilaliens avait tellement accablé ceux-ci que leur empire s'était désorganisé et que la plupart de leurs sujets et de leurs grands fonctionnaires. avait répudié leur autorité. Pendant ces événements, le royaume des Hammadites n'avait fait que grandir et prospérer sous les auspices d'En-Nacer. Ce monarque éleva des bâtiments magnifiques, fonda plusieurs grandes villes et fit de nombreuses expéditions dans l'intérieur du Maghreb. Il mourut en l'an 481 (1088-9).

Règne d'El-Mansour, fils d'En-Nacer. - El-Mansour, fils et successeur d'En-Nacer, sortit de la ville d'El-Calâ en l'an 483 (1090-1), et alla faire sa résidence à Bougie avec ses troupes et sa cour. Il s'éloigna ainsi d'une région où la violence et la tyrannie des Arabes avaient tout ruiné. L'audace de ces brigands en était

1. Variantes Djeral, Khazal.

venue à un tel point qu'ils portaient la dévastation dans les environs de la Calâ et enlevaient tout ce qui se montrait en dehors de la ville. Ces entreprises leur étaient d'autant plus faciles que leurs montures pouvaient y arriver par des routes toujours praticables. Il en était bien autrement à Bougie; la difficulté des chemins mettait cette ville à l'abri de leurs attaques.

El-Mansour, ayant fait de Bougie le siège et le boulevard de son empire, en restaura les palais et éleva les murs de la grande mosquée. Doué d'un esprit créateur et ordonnateur, il se plaisait à fonder des édifices d'utilité publique, à bâtir des palais, à distribuer les eaux dans des parcs et des jardins; aussi l'on peut dire que, par ses soins, le royaume hammadite échangea son organisation nomade contre celle qui résulte de la vie à demeure fixe. Après avoir érigé à la Calâ le palais du Gouvernement, le palais du Fanal (Casr-el-Menar), le palais de l'Étoile (el-Kokab) et le palais du Salut (es-Selam), il construisit, à Bougie, ceux de la Perle et d'Amîmoun.

A peine fut-il monté sur le trône que son oncle 2 Belbar, auquel son père En-Nacer avait confié le gouvernement de Constantine, forma le projet de se rendre indépendant. Une expédition, dirigée de ce côté, fit perdre au prince révolté sa ville et sa liberté. Abou-Yekni, fils de Mohcen, fils d'El-Caïd, [le prince hammadite] qui remporta cette victoire, reçut alors d'ElMansour le gouvernement de Constantine et de Bône. Il se fixa dans la première de ces villes, après avoir envoyé son prisonnier Belbar à la Calâ, et il donna le commandement de Bône à son frère Ouîghlan.

En 487 (1094), Abou-Yekni lui même se révolta à Constantine et ordonna à son frère [Ouîghlan] de se rendre à El-Mehdïa et d'offrir à Temîm-Ibn-el-Moëzz la possession de Bône. Ce monarque accepta le don, et son fils, Abou-l-Fotouh, alla demeurer à Bône avec Ouighlan. Les deux frères s'étaient fait de nombreux par

1. Ci-devant, p. 51, l'auteur attribue la construction du palais de la Perle à En-Nacer.

2. Le texte et les manuscrits portent son frère. Voir ci-devant, p. 47.

tisans parmi les Arabes et entretenaient une correspondance écrite avec les Almoravides du Maghreb, quand El-Mansour expédia des troupes contre eux. Après un siège de sept mois, son armée emporta d'assaut la ville de Bône et fit prisonnier Abou-'lFotouh, fils de Temîm. El-Mansour, à qui on envoya ce jeune homme, l'enferma dans la Calâ, et, encouragé par le succès de ses armes, il donna l'ordre de mettre le siège devant Constantine. Abou-Yekni, voyant ses affaires prendre une très mauvaise tournure, alla se retrancher dans un château du Mont-Auras, après avoir confié la défense de Constantine à un Arabe de la tribu d'Athbedj nommé Soleicel Ibn-el-Ahmer. Cet homme livra la ville à El-Mansour moyennant une somme d'argent, mais Abou-Yekni conserva sa forteresse de l'Auras et envahit le territoire de Constantine à plusieurs reprises. Cette hardiesse lui devint fatale assiégé enfin par les troupes d'El-Mansour, il perdit, à la fois, son château et la vie.

La dynastie hammadite s'était alliée par des mariages aux Beni-Ouemannou, famille unie et puissante qui exerçait alors le commandement suprême chez les Zenata, tribu dont elle faisait partie. En-Nacer avait épousé une sœur de Makhoukh, chef de cette maison, et El-Mansour en avait épousé une autre. Ces alliances ne purent empêcher la guerre d'éclater entre les Sanhadja et les Zenata: El-Mansour marcha contre son beau-frère, essuya une défaite et rentra à Bougie. La colère qu'il en éprouva fut si grande qu'il tua sa femme parce qu'elle était la sœur de son adversaire. Ce forfait confirma davantage la haine que Makhoukh lui portait; rempli d'indignation, il embrassa le parti des Almoravides, émirs de Tlemcen, et les poussa à envahir le territoire sanhadjien. Cet événement fut un des motifs qui portèrent ElMansour à marcher sur Tlemcen; ces motifs nous allons les exposer.

Youçof-Ibn-Tachefîn, ayant établi son autorité dans le Maghreb, convoita la possession de Tlemcen, et, en l'an 474 (10812), il enleva cette ville aux Aulad-Yala, ainsi que nous le raconterons ailleurs. En ayant alors fait un des boulevards de son empire, il y installa Mohammed-Ibn-Tînamer en qualité de gou

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