L'année suivante, son fils Abou-'l-Cacem mena une seconde expédition en Égypte. S'étant encore emparé d'Alexandrie, il se rendit maître de Djîza, d'Ochmounein et d'une partie considérable du Saîd į la Haute-Égypte]. Une lettre par laquelle il somma les habitants de la Mecque de faire leur soumission, demeura sans réponse, et bientôt il eut à combattre les troupes que l'eunuque Mounès, général d'El-Moctader, amena [de la Syrie] contre lui. Une suite de revers, la peste et le manque de vivres réduisirent tellement son armée, qu'il lui fallut opérer une prompte retraite en Ifrîkïa. Une flotte de quatre-vingts vaisseaux, commandée par l'eunuque Soleiman et par Yacoub-el-Ketami, officiers d'une grande bravoure, se dirigeait d'El-Mehdïa à Alexandrie pour secourir Abou-'l-Cacem, quand elle fut rencontrée et brûlée, auprès de Rosette, par une escadre de vingtcinq vaisseaux envoyée de Tarsus pour la combattre. Soleiman et Yacoub tombèrent au pouvoir de l'ennemi : le premier mourut en captivité, mais Yacoub parvint à s'échapper de la prison de Baghdad et à rentrer en Ifrîkïa. En l'an 308 (920-1), le Mehdi envoya en Maghreb MessalaIbn-Habbous accompagné de plusieurs chefsmiknaciens. Messala attaqua le prince idricide, Yahya-Ibn-Omar-Ibn-Idrîs-IbnIdrîs, qui régnait à Fez, et le força à reconnaître la souveraineté du Mehdi. Ayant alors confié le gouvernement du Maghreb à Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa, un des principaux chefs des Miknaça, il reprit le chemin de l'Ifrîkïa. L'année suivante, Messala envahitle Maghreb une seconde fois et le soumit en entier; puis, cédant aux invitations de son voisin, Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa, il attaqua Yayha-Ibn-Idrîs, seigneur de Fez, le fit prisonnier, en ajouta les états à ceux de Mouça et mit fin à la puissance des Idrîcides dans le Maghreb. Ces princes, chassés du royaume de leurs pères, se réfugièrent dans le Rif et la province de Ghomara, où ils fondèrent un nouvel empire, comme nous le racontons ailleurs en parlant de la tribu des Ghomara . Les BeniHammoud, ces descendants d'Ali qui s'emparèrent de Cordoue 1. Voir p. 145 de ce volume et t. I, p. 266. [l'an 407-1016], lors de la chute des Oméïades espagnols, appar tenaient aussi à la famille d'Idris. Messala tourna ensuite ses armes contre Sidjilmessa et installa son cousin dans cette ville, après en avoir tué le prince midraride qui y exerçait la souveraineté et qui avait repoussé la domination des Fatemides 1. Il se mit à la poursuite des Zenata et leur livra plusieurs combats dans diverses parties du Maghreb, mais il tomba enfin sur le champ de bataille, frappé à mort par Mohammed-Ibn-Khazer, de la tribu des Maghraoua 2. La perte de cet habile capitaine irrita vivement le souverain fatemide et le décida à envoyer contre les Maghraoua une nouvelle armée de Ketamiens. Mohammed-Ibn-Khazer mit ce corps en déroute, et, par l'éclat de sa victoire,il ébranla le Maghreb entier. Aussi, en l'an 315 (927-8), le Mehdi dut-il y dépêcher son fils Abou-'l-Cacem à la tête d'une colonne à laquelle les Ketama et les autres tribus partisans des Fatemides avaient envoyé leurs contingents. Ce prince refoula Ibn-Khazer dans le Désert, envahit les territoires des Mezata, des Matmata, des Hoouara et des autres peuples qui professaient les doctrines des Eibadites et des Sofrites. Passant ensuite auprès de Tèhert, capitale du Maghreb central, il s'avança toujours, pénétra dans le Rîf et s'empara de Nekour, ville maritime de cette région. Ensuite il marcha sur Djeraoua, où il assiégea le prince idricide El-Hacen-Ibn-Abi-'l-Aïch. Après avoir soumis les provinces du Maghreb, il effectua sa retraite sans opposition. En passant par l'endroit où s'élève maintenant la ville d'El-Mecîla, il y trouva les Beni-Kemlan, tribu hoouaride, et, comme il les croyait mal disposés pour le gouvernement de l'Ifrîkïa, il les transporta dans la plaine de Cairouan. Bientôt après, Dieu permit que cette tribu embrassât la cause d'Abou-Yezîd, l'homme à l'âne. Au moment 1. Voir t. I, p. 264. 2. En l'an 313 (925-6), une flotte musulmane, sous les ordres de Salem-Ibn-Rached, quitta la Sicile, d'après les instructions du Mehdi, et fit une descente sur la côte de la Lombardie. Ensuite, elle alla débarquer des troupes dans la Calabre où elles portèrent la dévastation. d'éloigner les Beni-Kemlan de leur pays, il y posa les fondations d'une ville qu'il nomma El-Mohammedïa et que l'on appelle maintenant El-Mecîla. Ali-Ibn-Hamdoun-el-Andeloci, l'un des protégés de la cour des Fatemides, eut l'ordre de terminer la construction de cette place, et, quand il l'eut fortifiée et approvisionnée, il en reçut le commandement avec le titre de gouverneur du Zab. On verra plus loin qu'El-Mecîla fut très utile au souverain fatemide, ElMansour, par la résistance qu'elle offrit à Abou-Yezîd. Ces événements furent suivis par la révolte de Mouça-Ibn-Abi'l-Afia, gouverneur de Fez et du Maghreb, qui abandonna le parti des Fatemides pour celui des Oméïades d'Espagne. Le Mehdi envoya contre lui Ahmed-Ibn-Isliten le miknacien, un de ses principaux généraux. Les deux armées se rencontrèrent dans la plaine de Messoun, et la défaite des Miknaça força leur chef, Ibn-Abi-'l-Afïa, à sortir du Maghreb et à se réfugier dans le Désert. Ibn-Isliten s'en retourna aussitôt qu'il eut rétabli l'ordre dans le pays insurgé. S VII. MORT DU MEHDI OBEID-ALLAH, ET AVÈNEMENT DE SON Obeid-Allah le Mehdi mourut dans le mois de Rebià premier 322 (février-mars 934) et dans la vingt-quatrième année de son khalifat. Il eut pour successeur son fils, Abou-'l-CacemMohammed, surnommé El-Caïm biamr Illah (qui maintient l'ordre de Dieu), et appelé par quelques personnes AbouNizar. Le nouveau khalife ressentit un si vif chagrin de la mort de son père que, depuis cet événement, il ne monta plus à cheval, dit-on, excepté en deux occasions. Sous son règne eurent lieu plusieurs révoltes, dont celle d'Ibn-Talout le Coreichide. Cet aventurier souleva la province de Tripoli en se donnant pour le fils du Mehdi ; il se présenta même devant Tripoli pour en faire le siège; mais, ayant laissé découvrir son imposture, il fut tué par les Berbères. Mouça-Ibn-Abi-'l-Afia, encouragé par la mort du Mehdi, rentra dans le territoire du Maghreb, s'empara de toute cette région et donna le gouvernement de Fez à Ahmed-Ibn-BekrIbn-Sehl-el-Djodami. Il s'occupait à assiéger les Idrîcides, princes du Rîf et de Ghomara, quand Meiçour l'eunuque arriva de Cairouan, à la tête d'une armée, enleva Fez à El-Djodami, se mit à la poursuite d'Ibn-Abi-'l-Afïa, lequel lui livra plusieurs combats dans un desquels il perdit son fils El-Bouri. Les Idrîcides du Rîf réunirent leurs forces à celles de Meiçour et l'aidèrent à chasser du pays leur ennemi commun. En l'an 324 (935-6), Meiçour reprit la route de Cairouan, après avoir accordé les états d'Ibn-Abi-'l-Afïia et les contrées voisines à El-Cacem-Ibn-Mohammed-Ibn-Idrîs, surnommé Kennoun, qui était alors chef de la famille des Idrîcides. Ce prince devint ainsi seigneur de tout le Maghreb, excepté Fez, et y fit reconnaître la souveraineté des Fatemides. Une flotte nombreuse, commandée par Yacoub-Ibn-Ishac, fut alors expédiée par Abou-'l-Cacem contre les côtes du pays des Francs. Cette armée répandit la dévastation dans ces contrées, enleva beaucoup de prisonniers, assiégea la ville de Gênes et s'en empara par une faveur spéciale de Dieu. Elle passa ensuite auprès de Sardaigne, île appartenant aux Francs, et y tua beaucoup de monde 1; puis elle se dirigea vers les côtes de la Syrie et brûla les navires qui se trouvaient dans le port de Casarée 2. 1. Voici en quels termes Ibn-el-Athîr rend compte de cette expédi tion: «En l'an 323, El-Caïm fit partir une flotte de l'Afrique pour attaquer le pays des Francs. Ses troupes s'emparèrent de la ville de Gênes et opérèrent ensuite une descente en Sardaigne, où elles attaquèrent les habitants et brûlèrent un grand nombre de navires. Ensuite la flotte alla incendier les navires qui se trouvaient dans les parages de la Calabre, et elle en revint saine et sauve. >> 2. Cette ville, située sur la côte de la Syrie, à douze lieues S. S. O. de Saint-Jean-d'Acre, appartenait alors à Ikhchid-Ibn-Tordj, souverain de l'Égypte. A la place de Cæsarée (Caisaria), le manuscrit porte Carkicia, nom d'une ville située sur l'Euphrate. T. II. 34 Abou-'l-Cacem envoya ensuite son affranchi Zeidan contre l'Égypte. Cet officier se rendit maître d'Alexandrie, mais il dut s'en éloigner et rentrer en Maghreb, pour éviter une rencontre avec les troupes qu'El-Ikhchîd [souverain de ce pays] expédia contre lui du Vieux-Caire. § VIII. HISTOIRE D'ABOU-YEZÎD LE KHAREDЛITE. Abou-Yezid-Makhled était fils de Keidad, natif de Castilia. Il naquit dans le Soudan, où son père avait l'habitude de se rendre pour faire le commerce, et il passa sa jeunesse à Touzer, où il apprit le Coran et fréquenta les Nekkarïa, secte kharedjite que l'on désigne aussi par le nom de Sofrite. Séduit par leurs doctrines, il en devint le prosélyte, puis il alla tenir une école d'enfants à Tèhert. Quand le Chîïte marcha sur Sidjilmessa pour délivrer le Mehdi, Abou-Yezîd se retira à Takîous et y passa son temps à enseigner. Entraîné par le fanatisme, il déclara infidèles les personnes qui professaient la religion [orthodoxe], décidant que, par ce fait même, elles avaient encouru la peine de mort et la confiscation de leurs biens. Il posa aussi en principe l'obligation de se révolter contre le sultan. En l'an 316 (928-9), il se mit à faire la police des mœurs et travailla à supprimer les abus qui portaient scandale à la religion. De cette manière il gagna tant de partisans, qu'à la mort du Mehdi il se vit assez fort pour lever l'étendard de la révolte. Ayant pris un âne pour monture et adopté le titre de Cheikh des vrais croyants, il se montra aux environs de l'Auras, dont il somma les populations d'embrasser la cause d'En-Nacer, le prince oméïade qui régnait en Espagne. Secondé par une foule de Berbères appartenant à diverses tribus, il défit le gouverneur de Baghaïa qui était sorti pour l'attaquer, et alla de suite mettre le siège devant cette ville. N'ayant pu réussir dans cette tentative, il décampa et fit passer un écrit aux Beni-Ouacîn, tribu berbère de la province de Castîlïa, leur ordonnant de faire le siège de Touzer. On obéit à cette injonction, de sorte qu'en l'an |