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IBN-EL-CALOUN, ÉTANT RAPPELÉ A TUNIS, EST REMPLACÉ A BOUGIE PAR IBN-SÉÏD-EN-NAS ET A CONSTANTINE PAR DAFER EL-KEBÎR.

En partant pour Bougie, Abou-Abd-Allah-[Mohammed-IbnYahya-Ibn-el-Caloun laissa le champ libre à ses ennemis et fournit aux courtisans l'occasion de travailler l'esprit du sultan et l'indisposer contre lui. Ce furent le Mizouar, Ibn-Abd-el-Azîz et Abou-'l-Cacem-Ibn-Abd-el-Azîz, ministre des finances, qui dirigèrent ces intrigues et qui réussirent, par l'acharnement de leurs délations, à éveiller les soupçons du souverain. Ébranlé par leurs représentations, le sultan donna l'ordre au gouverneur de Bédja, Mohammed-Ibn-Séïd-en-Nas, de se rendre à Bougie et d'en prendre le commandement. L'acte portant cette nomination fut écrit de lamain du prince. Mohammed-Ibn-el-Caloun revint à la capitale par suite d'une lettre de rappel et trouva qu'un grand changement s'était opéré dans les sentiments du sultan en ce qui le concernait. Ibn-Séïd-en-Nas se chargea alors de veiller à la défense de Bougie, et il ne cessa de remplir les fonctions de chambellan auprès de l'émir de cette ville jusqu'au moment où le sultan le rappela à Tunis pour lui confier la place de chambellan à la capitale. Plus tard, nous aurons encore à parler de lui.

Ibn-el-Caloun s'était rendu à Tunis en passant par Constantine et, ayant alors conçu le projet de s'en emparer et de s'y fortifier, il eut une conférence, à ce sujet, avec les cheikhs de la ville. Sur leur refus de le seconder, il les fit conduire à la capitale où il espérait effectuer leur ruine. Le sultan ayant été instruit de cette tentative, dissimula son ressentiment et ajouta aux fonctions qu'exerçait Ibn-Séïd-en-Nas,en le nommant chambellan de l'émir de Constantine. Les mêmes cheikhs cherchèrent à le détourner de sa résolution en lui représentant qu'Ibn-elAmir [l'ancien gouverneur de Constantine qui s'était insurgé était parent d'Ibn-Séïd-en-Nas; ils lui rappelèrent aussi la

1. Le texte arabe porte parent et neveu, ce qui n'est pas exact. Peutêtre le verbe que nous avons rendu par en lui représentant, doit-il se rendre par les mots en lui faisant accroire.

révolte d'Ibn-Séïd-en-Nas, père de celui-ci 1. Le sultan se décida alors à donner cet emploi à Dafer-el-Kebîr qui venait d'arriver du Maghreb.

Cet officier, affranchi de l'émir Abou-Zékérïa, s'était distingué par ses bons services sous le règne du sultan Abou-l-Baca. Quand ce prince se vit menacé par son frère, le sultan AbouYahya-Abou-Bekr, Dafer alla se poster à Bédja avec l'armée, et quand El-Medzouri marcha contre Tunis avec les Arabes de l'avant-garde d'Ibn-el-Lihyani, il se porta au-devant d'eux et leur livra bataille. Nous avons déjà mentionné qu'il essuya une défaite et tomba au pouvoir de l'ennemi. S'étant ensuite rendu auprès du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, il fut réintégré dans la haute position qu'il avait déjà occupée. En l'an 713, après la mort d'Ibn-Thabet, il obtint le gouvernement de Constantine, mais ensuite, comme il donnait de l'ombrage à Ibn-Ghamr, il fut rappelé par le sultan et déporté en Espagne. Plus tard il repassa en Maghreb et s'établit auprès du sultan [mérinide] Abou-Saîd; puis, ayant appris la mort d'Ibn-Ghamr, il revint à Tunis où le sultan lui fit bon accueil. Ce fut justement alors que le chambellan Ibn-el-Caloun arriva de Bougie; aussi le sultan fixa son choix sur Dafer pour remplir les fonctions de chambellan auprès de l'émir Abou-Abd-Allah à Constantine.

Dafer se rendit à sa destination et remplaca par des gens à lui tous les Tunisiens employés dans la haute administration de la province. Parmi ceux qu'il renvoya, on remarqua Abou-'l-AbbasIbn-Yacîn, secrétaire de l'émir Abou-Abd-Allah, et Abou-Zékérïa-Ibn-ed-Debbagh, ministre des finances. Ces deux fonctionnaires étaient venus à Constantine dans la suite de l'émir.

IBN-ABI-AMRAN PREND LES ARMES. IBN-EL-CALOUN S'ENFUIT AUPRÈS DE LUI.

Mohammed-Ibn-Abi-Bekr-Ibn-Abi-Amran descendait d'Abou-Amran-Mouça, fils d'Ibrahîm, et petit-fils du cheikh Abou

1. Voir p. 383 de ce volume.

Hafs, qui avait gouverné l'Ifrîkïa comme lieutenant de son cousin Abou-Mohammed-Abd-Allah, fils du cheikh Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed. Cette nomination lui fut adressée de Maroc par Abou-Mohammed à l'époque où il reçut le sien. Mouça y exerça le commandement pendant huit mois, jusqu'à l'arrivée de son cousin, ce qui eut lieu vers la fin de l'an 623 (1226). Il passa le reste de sa vie au service du gouvernement tunisien, et ses enfants furent élevés dans le palais des Hafsides. Son descendant, Abou-Bekr, père du Mohammed-Ibn-Abi-Amran dont nous allons parler, jouissait d'une haute considération à la cour, et son fils épousa la fille d'Abou-Yahya-Zékérïa-Ibn-el-Lihyani, lequel consentit à ce mariage en considération de la parenté qui unissait déjà les deux familles. Le sultan, en quittant Tunis, laissa Ibn-Abi-Amran comme son lieutenant, et quand il s'embarqua pour Alexandrie, il le chargea du commandement de Tripoli.

Ce fut vers cette époque qu'Abou-Darba s'enferma dans ElMehdïa après la défaite de ses troupes. Assiégé ensuite par le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, il conclut avec lui un traité de paix et obtint la levée du blocus.

Quant à Hamza-Ibn-Omar, il persévéra dans sa révolte contre le sultan et lui donna beaucoup de tracas par ses incursions dans l'Ifrîkia. Ayant alors réuni à ses bandes une foule d'Arabes nomades, il invita Ibn-Abi-Amran à quitter Tripoli et à venir le joindre; ensuite il marcha sur Tunis avec l'intention d'y attaquer le sultan avant qu'il pût faire ses préparatifs de guerre.

Dans le mois de Ramadan 721 (septembre-octobre 1321), le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr sortit de Tunis et se rendit à Constantine avec Moulahem-Ibn-Omar. Comme les délations des courtisans lui avaient inspiré les sentiments les plus défavorables à l'égard de Mohammed-Ibn-el-Caloun, celui-ci s'en aperçut, et d'après les conseils de son ami et confident, Moëzz-Ibn-Motaên-elFezari, vizir (ou lieutenant) de Hamza '-Ibn-Omar, il résolut d'embrasser la cause d'Ibn-Abi-Amran. Quand le sultan quitta Tunis

1. Dans le texte arabe, lisez ouezir Hamza.

à l'approche des rebelles, Ibn-el-Caloun resta dans la ville, et le lendemain il monta à cheval et y fit proclamer ce prince comme khalife. Deux jours après le départ du sultan, Ibn-Abi-Amran prit possession de la capitale et il y resta jusqu'au commencement de l'année suivante.

Le sultan, étant arrivé à Constantine, s'occupa de rassembler et d'organiser une armée, et, dans le mois de Safer 722 (févriermars 1322), il se mit en campagne. Ibn-Abi-Amran marcha à sa rencontre avec Hamza-Ibn-Omar et ses alliés arabes. Deux batailles livrées à Er-Redjla 1 permirent au sultan de châtier ses adversaires: Abou-Abd-Allah-Ibn-Abi-Bekr, cheikh des Almohades, y perdit la vie, et l'avant-garde, commandée par Mohammed-Ibn-Mansour-Ibn-Mozni et d'autres chefs, fut entièrement écrasée. Le nombre des morts et des prisonniers fut immense. Ayant ainsi remporté une victoire dont on ne vit jamais la pareille, le sultan ordonna l'arrestation de Moulahem-Ibn-Omar.

MOULAHEM-IBN-OMAR ET SES COMPAGNONS, CHEFS DES KAOUB,

SONT MIS A MORT.

La victoire que le sultan venait de remporter contraria beaucoup les espérances de Moulahem-Ibn-Omar et donna lieu, chez les compagnons de ce chef, à des propos qui annonçaient de mauvais desseins. Bientôt le sultan apprit qu'une conspiration se tramait contre lui et que les auteurs du complot étaient Moulahem, son fils Mansour, ses pupilles Zâdan et Mâdan, tous les deux fils d'Abd-Allah-Ibn-Ahmed-Ibn-Kâb, et Soleiman-IbnDjamê, l'un des cheikhs des Hoouara. Le secret lui fut divulgué par leur cousin, Aun-Ibn-Abd-Allah-Ibn-Ahmed, auquel ils avaient fait des ouvertures sans pouvoir ébranler sa fidélité. Les conjurés, s'étant rendus chez le sultan, furent arrêtés par son ordre et conduits à Tunis. Dans le mois de Djomada (juin-juillet) de la même année, il y revint lui-même et se fit prêter de nouveau le serment de fidélité.

1. La position de cette localité nous est inconnue.

Les Arabes, qui avaient suivi ses traces, vinrent camper à quelque distance de la ville et exigèrent la mise en liberté de Moulahem et de ses compagnons. Cette demande eut pour réponse la mort des prisonniers et l'envoi de leurs cadavres à HamzaIbn-Omar. Pénétré de douleur à ce spectacle, le chef arabe convoqua toutes les fractions de sa tribu et leur fit jurer de venger l'assassinat de leurs cheikhs. Il se mit alors en marche, accompagné d'Ibn-Abi-Amran et se dirigea sur Tunis où il espérait surprendre le sultan. Ce prince venait de congédier son armée et se livrer au repos, quand on vint lui annoncer l'approche de l'ennemi. Il quitta aussitôt la capitale, où il n'avait passé que quarante jours, et s'enfuit à Constantine. Ibn-Abi-Amran prit possession de Tunis et y resta six mois. Pendant cet intervalle, le sultan parvint à rassembler et à organiser une armée, de sorte qu'il fut bientôt en mesure de se mettre en campagne. Ibn-AbiAmran, accompagné des Arabes sous les ordres de Hamza, vint à sa rencontre et livra une bataille dans laquelle ses troupes furent encore mises en pleine déroute. Il prit la fuite et le sultan rentra à Tunis dans le mois de Safer 723 (fév.-mars 1323).

BATAILLE DE RAGHÎS, ENTRE LE SULTAN ABOU-YAHYA-ABOU-BEKR
ET ABOU-DARBa, fils d'ibn-EL-LIHYANI.

ENTRE LE SULTAN ET IBN-ABI-AMRAN.

bataille d'es-chicca,

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Hamza-Ibn-Omar, ayant été chassé de Tunis à plusieurs reprises, renvoya son compagnon, Ibn-Abi-Amran, à son gouvernement de Tripoli, comme ne pouvant plus lui être utile. Ensuite il fit des propositions à Abou-Darba, qui se tenait toujours dans El-Mehdia, et le décida à se rendre avec lui auprès du sultan des Beni-Abd-el-Ouad afin de solliciter l'appui d'une armée zenatienne. Arrivés à Tlemcen, ils se présentèrent devant AbouTachefin et l'engagèrent à s'emparer de Bougie, en lui promettant d'empêcher cette ville d'être secourue et de tenir en échec le souverain de Tunis au moyen de courses et d'expéditions qu'ils dirigeraient contre lui. Le sultan abd-el-ouadite agréa cette pro

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