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de voyageurs eut pour cause les grandes ressources que la nouvelle capitale offrait à ceux qui cultivaient les sciences, le commerce et les arts.

Pendant le règne de Badîs, Hammad gouverna le Zab et le Maghreb central, tout en faisant la guerre aux Zenata. Il se tenait tantôt à Achîr, et tantôt à la Câla, afin d'être toujours à la portée du territoire occupé par les princes zenatiens et des régions, aux environs de Tlemcen et de Tèhert, que fréquentaient les tribus nomades du même peuple.

Vers l'an 390, Zaoui, Makcen et les autres fils de Zîri se révoltèrent contre Badîs et firent la guerre à Hammad. Dans cette entreprise, Makcen et ses deux fils perdirent la vie, pendant que Zaoui et les autres frères se réfugièrent dans le mont Chennouan, d'où ils passèrent en Espagne avec la permission d'Hammad. Les courtisans de Badîs, ses oncles et autres parents concurent alors une vive jalousie contre Hammad à cause de la haute position qu'il avait atteinte, et ils réussirent, par leurs calomnies, à semer la mésintelligence entre les deux princes.

Quand El-Hakem [le khalife fatemide]eut désigné El-Moëzz, fils de Badîs, pour succéder au commandement des Sanhadja, Badîs invita Hammad à remettre au jeune prince les gouvernements de Tîdjist et de Constantine. Hammad y répondit par un refus, et ayant méconnu l'autorité de Badîs et des Fatemides, il proclama la souveraineté des khalifes abbacides, massacra les Rafedites, rétablit dans ses états la doctrine orthodoxe des Sonnites et invoqua ouvertement la bénédiction divine sur les deux cheikhs [les khalifes Abou-Bekr et Omar]. Ceci eut lieu en l'an 405 (1014-5). Il emporta ensuite d'assaut la ville de Bédja et poussa les Tunisiens à exterminer les Orientaux1 et les Rafedites.

Badîs lui déclara alors la guerre et marcha à sa rencontre avec les troupes qu'il avait rassemblées à Cairouan. Cette démonstration suffit pour disperser les Beni-Abi-Oualîl, famille zenatienne qui possédait la ville de Maggara, ainsi que les Beni-Hacen, puissante tribu sanhadjienne. Abandonné aussi par les Beni

1. Le mot orientaux désigne ici les partisans des Fatemides.

Itouweft et les Beni-Ghomert, tribus zenatiennes, et par presque tous ses autres partisans, Hammad dut s'enfuir jusqu'au ChelifBeni-Ouatîl. Badîs occupa alors la ville d'Achîr et poursuivit son oncle jusqu'au plateau du Seressou, dans le territoire des Zenata. S'étant arrêté au Ouadi-'t-Tîn 1, il rallia sous ses drapeaux les Beni-Toudjîn et leur chef Atïa-Ibn-Dafliten 2, lequel avait à venger la mort de son père, tué par Hammad. Yedder, fils de Locman-Ibn-el-Motezz, suivit l'exemple de son cousin Atïa, et Badîs, se voyant alors en état de combattre son adversaire avec l'avantage du nombre, récompensa largement les deux chefs. Traversant alors le Chelif, il rangea son armée en ordre de bataille, et, aussitôt, la plus grande partie des troupes de Hammad passa de son côté. Hammad se jeta dans la Calâ où il fut investi par Badîs, qui l'avait suivi de près et qui venait maintenant de camper dans la plaine d'El-Mecîla. Pendant qu'on pressait le siège, Badîs mourut subitement, dans sa tente, où il était à dormir, au milieu de ses compagnons. Cet événement eut lieu vers la fin de l'an 406 (juin 1016). Alors les Sanhadja reconnurent pour souverain El-Moëzz, fils de Badîs, qui n'avait alors que huit ans, et voulant mettre Achir à l'abri d'insulte, ils y envoyèrent Kerama, fils d'El-Mansour, pour y tenir garnison. Ce général ne put cependant empêcher Hammad de lui enlever la ville. Le corps de Badîs fut placé dans un cercueil et transporté à Cairouan, où on l'enterra dans le cimetière de la famille Zîri. Ensuite on procéda à l'inauguration publique d'El-Moëzz. Ce jeune prince marcha, peu de temps après, contre Hammad, l'atteignit à Baghaïa et mit son armée en déroute. Réduit alors à une position qui lui inspira de vives inquiétudes, Hammad permit à son fils, El-Caïd, d'aller à Cairouan et de solliciter une suspension d'hostilités. En l'an 408 (1017-8), El-Caïd y arriva, porteur d'un riche présent pour El-Moëzz, et après avoir négocié un traité de paix, il alla rejoindre son père. La mort de Hammad eut lieu en 419 (1028).

1. Variante: Oualtin. 2. Variante: Daflîn.

Règne d'El-Caïd, fils de Hammad. El-Caïd monta sur le trône aussitôt après la mort de son père, et se fit redouter à cause de son caractère altier. Youçof, un de ses frères, fut nommé, par lui, gouverneur du Maghreb, et Ouîghlan [un autre de ses frères reçut le commandement de Hamza, ville fondée par Hamza-Ibn-Idrîs. En l'an 430 (1038-9), Hammama, fils de ZiriIbn-Atïa, prince maghraouien qui régnait à Fez, marcha contre El-Caïd, qui, de son côté, se porta au-devant de l'ennemi et fit passer secrètement de fortes sommes d'argent aux troupes zenatiennes. Hammama, s'en étant aperçu, demanda la paix, fit sa soumission et rentra à Fez. En 434, El-Caïd conclut une paix avec El-Moëzz, qui était sorti de Cairouan pour lui faire la guerre et qui l'avait tenu assiégé pendant un temps considérable. Il repartit alors [de la Calâ] pour faire le siège d'Achîr. Quand ElMoëzz-Ibn-Badîs répudia l'autorité des Fatemides, El-Caïd reconnut de nouveau la souveraineté de cette dynastie et en obtint, comme récompense, le titre de Chéref-ed-Dola (noblesse de l'empire). Il mourut en 446 (1054-5).

Mohcen, successeur

Règne de Mohcen, fils d'El-Caïd. d'El-Caïd, fut, comme lui, un prince hautain et sévère. Ayant appris que son oncle Youçof s'était jeté dans le Maghreb pour y lever l'étendard de la révolte, il fit mourir tous les autres fils de Hammad et ordonna à son cousin Bologguîn, fils de MohammedIbn-Hammad, d'aller étouffer cette insurrection. Il lui adjoignit deux chefs arabes, Khalifa-Ibn-Megguen et Atïa-t-es-Cherîf, auxquels il avait recommandé secrètement de faire mourir leur général quand ils seraient en marche. Au lieu de se conformer à cet ordre, ils en instruisirent Bologguîn et prirent avec lui l'engagement de tuer le tyran. Averti de leur dessein, Mohcen s'enfuit vers la Calâ, mais il tomba entre les mains de Bologguîn qui lui ôta la vie. Le règne de Mohcen avait duré neuf mois.

Règne de Bologguin, fils de Mohammed. Ce fut en l'an 447 (1055-6) que Bologguîn s'empara du pouvoir suprême. A un esprit vif il unissait beaucoup de courage et de fermeté; mais

il aimait à répandre le sang. Le vizir de son prédécesseur mourut par son ordre, et le même sort frappa Djâfer-Ibn-Abi-Romman, commandant de Biskera, dont il soupçonnait la fidélité. A la suite de cette exécution, le peuple de Biskera se révolta, comme nous le raconterons ailleurs. Plus tard, il fit mourir sa cousine Tanmîrt, filled Alennas-Ibn-Hammad, qu'il soupçonnait d'avoir causé la mort de son mari Mocatel, fils de Mohammed et frère de Bologguîn. En-Nacer, le frère de Tanmîrt, apprit cet événement avec indignation, mais il dissimula son ressentiment. Bologguîn entreprit plusieurs expéditions contre le Maghreb. Ayant su que les Almoravides, commandés par Youçof-Ibn-Tachefîn, avaient dompté les populations masmoudiennes, il marcha contre eux, l'an 454 (1062), et les rejeta dans le Désert. Il pénétra alors jusqu'au fond du Maghreb, et ayant passé quelque temps à Fez, il en emmena les principaux habitants comme otages et prit la /7"

route d'El-Calâ. Son cousin En-Nacer trouva alors une occasion favorable pour venger la mort de sa sœur; après avoir gagné l'appuides Sanhadja, que tant d'expéditions dans des pays lointains et hostiles avaient indisposés, il tua Bologguîn à Teçala, en l'an 454.

Règne d'En-Nacer, fils d'Alennas. En-Nacer, successeur de Bologguîn, prit pour vizir Abou-Bekr-Ibn-el-Fotouh, et donna le gouvernement du Maghreb à son frère Kebab-Ibn-Alennas, qu'il établit dans Miliana. Il confia à son frère Romman le gouvernement du Hamza, et à Khazer, un autre de ses frères, celui de Nigaous. El-Moëzz avait détruit les murs de cette dernière ville, mais En-Nacer les releva. Son frère Belbar reçut de lui le gouvernement de Constantine; son fils Youçof, celui d'Achîr, et son autre fils, Abd-Allah, celui d'Alger et de Mersa-'d-Deddjadj. Hammou-Ibn-Melil-el-Berghouati lui écrivit de Sfax une lettre de soumission, qu'il fit accompagner d'un riche présent. Les habitants de Castîlïa reconnurent alors l'autorité du souverain hammadite; aussi, leur envoyé, Yahya-Ibn-Ouatas, et les membres de la députation dont il faisait partie, rentrèrent chez eux comblés de dons. En les congédiant, En-Nacer leur assigna un gouverneur sanhadjite nommé Youçof-Ibn-Khalouf. Le peuple de Cai

rouan et celui de Tunis firent aussi leur soumission. Comme les habitants de Biskera s'étaient déclarés indépendants à l'époque où Bologguîn avait mis à mort leur chef Djâfer-Ibn-Abi-Romman, et qu'on ne reconnaissait plus aucune autre autorité dans cette ville que celle des fils de Djâfer, En-Nacer fit marcher contre eux Khalef-Ibn-Abi-Haidera, l'ancien vizir de Bologguîn et maintenant le sien. Cet officier enleva Biskera d'assaut et ramena à la Calâ les fils de Djâfer et plusieurs notables de la ville. Tous ces prisonniers furent exécutés et mis en croix par l'ordre d'En-Nacer, qui, plus tard, fit mourir Khalef lui-même. D'après la déclaration de plusieurs chefs sanhadjiens, Khalefavait eu l'intention, lors de la mort de Bologguîn, de mettre sur le trône Mâmer, frère de Bologguîn, et il s'était adressé à eux pour avoir leur avis à ce sujet. Cette accusation lui coûta la vie. Ahmed, fils de DjâferIbn-Afleh, succéda au vizirat. En-Nacer s'étant ensuite mis en campagne pour parcourir le Maghreb, laissa Tacarboust1, le siège de son empire, tellement exposé qu'Ali-Ibn-Regan s'en empara dans une attaque de nuit. Lors de la mort de Bologguîn, ce chef s'était réfugié auprès des Adjiça, ses oncles maternels. En-Nacer revint en toute hâte à El-Mecîla et prit les insurgés tellement au dépourvu qu'ils s'abandonnèrent au désespoir et laissèrent enlever la forteresse d'assaut. A la suite de cette échauffourée, Ali-Ibn-Regan se donna la mort.

Une guerre ayant ensuite éclaté entre les Arabes hilaliens, une députation de cheikhs athbedjites vint demander le secours d'En-Nacer contre les Rîah. Ce prince se rendit à leur prière, partit pour les soutenir avec ses troupes sanhadjiennes et zenatiennes, occupa Laribus et livra bataille à l'ennemi aux environs de Sebîba. Aussitôt que le combat fut engagé, les Zenata, séduits par les menées d'El-Moëzz-Ibn-Zîri-Ibn-Atïa et de Temîm-Ibn-el-Moëzz, reculèrent en désordre et amenèrent, par leur défection, la défaite des Sanhadja. En-Nacer courut se réfu

1. Voyez Taferboust dans l'index géographique du tome I.

2. Dans le texte arabe, il faut lire ila-l-Mecila, bien que cette correction ne soit pas autorisée par les manuscrits.

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