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mosquée pour assister à la prière. Aussitôt on lui chercha querelle sous le prétexte qu'il avait pénétré dans l'édifice sacré sans se déchausser. A ce reproche, il se borna à répondre : « Je porte mes bottes même à la cour du sultan. » Quand la prière fut terminée, le peuple indigné le massacra et traîna son cadavre dans les rues de la ville.

Cet événement ne servit qu'à exciter davantage les Kaoub dans leur carrière de rapine et de brigandage. Leur cheikh, AhmedIbn-Abi-'l-Leil, fit chercher Othman-Ibn-Abi-Debbous dans la province de Tripoli et, l'ayant proclamé sultan, il marcha avec lui contre la capitale. Ils en avaient commencé le siège, quand le vizir, Abou-Abd-Allah-Ibn-Irzîguen, sortit à la tête de l'armée et les mit en déroute. Ce ministre parcourut ensuite les campagnes avec ses troupes afin d'étouffer la révolte des Arabes. Ibn-Abi-'l-Leil offrit alors de faire sa soumission et, ayant renvoyé le fils d'Abou-Debbous à l'endroit où il l'avait pris, il alla trouver le vizir et amena avec lui Soleiman-Ibn-Djamê, personnage éminent de la tribu des Hoouara. On les arrêta sur-le-champ pour les envoyer à Tunis, et ils restèrent dans la prison de cette ville jusqu'à l'an 708, quand Ahmed-Ibn-Abi-'l-Leil y mourut. Mohammed-Ibn-Abi-'l-Leil prit le commandement de la tribu lors de l'arrestation de son frère Ahmed, et il choisit pour lieutenants ses neveux, Hamza et Moulahem, tous les deux fils d'Omar. En l'an 707, le vizir se mit en campagne une seconde fois, et après avoir attiré Moulahem dans une conférence, il le fit arrêter et conduire à Tunis pour y être détenu avec son oncle, Ahmed. Hamza se mit alors en révolte et y entraîna toute la tribu. Leurs brigandages devinrent alors si intolérables que le peuple s'en plaignit hautement: des cris de vengeance retentirent dans les rues de la capitale et un attroupement qui marchait sur la citadelle, en ayant trouvé la porte fermée, se mit à y lancer des pierres. La mort du chambellan, Ibn ed-Debbagh, auquel les révoltés attribuèrent tous leurs maux, fut réclamée comme le seul moyen de calmer leur indignation. L'officier auquel cette demande fut adressée [demanda l'autorisation] de les passer au fil de l'épée; mais le sultan s'y opposa et voulut

l'emploi d'autres moyens pour calmer l'émeute. On y parvint en prodiguant des cajoleries et des promesses; puis on coupa le mal par la racine en châtiant les meneurs de l'insurrection. Ceci se passa dans le mois de Ramadan 708 (février-mars 1309). Quant aux Arabes, ils continuèrent à suivre leur carrière d'insolence jusqu'à la mort du sultan.

RÉVOLTE D'ALGER.

IBN-ALLAN Y USURPE LE

COMMANDEMENT.

Nous avons déjà parlé de la révolte qui eut lieu à Alger sous le règne du sultan El-Mostancer, et raconté la prise de cette ville par l'armée almohade'. Nous avons dit aussi que les cheikhs d'Alger furent conduits à Tunis et qu'ils y restèrent prisonniers jusqu'à la mort du sultan. Quand l'émir Abou-Zékérïa, second souverain hafside de ce nom, s'empara de Bougie et de Constantine, boulevards de l'empire du côté de l'Occident, Alger avait pour gouverneur un cheikh almohade nommé Ibn-Akmazîr. Cet officier reconnut l'autorité d'Abou-Zékérïa, avec le consentement du conseil des cheikhs, et chargea une députation de lui porter leurs hommages. En retour de ce service, il reçut sa confirmation dans le gouvernement de la ville, place qu'il conserva jusqu'à la fin de sa vie. Il mourut à un âge très avancé, lors de l'expédition des Mérinides contre Bougie. A cette époque, Ibn-Allan, un des cheikhs d'Alger, jouissait de toute la confiance d'Ibn-Akmazîr et faisait exécuter ses ordres. Par l'influence que lui donnait cette position, il était parvenu à traiter en maître les habitants de la ville et à épouser, dit-on, une des filles du gouverneur. La mort de son patron lui inspira le projet d'usurper le commandement, et la nuit même où cet événement eut lieu, il appela chez lui toutes les personnes dont il craignait l'opposition et leur fit trancher la tête. Le lendemain, de bon matin, il prit le titre de seigneur d'Alger. L'émir Abou-Zékérïa était trop préoccupé des attaques que les Mérinides dirigeaient contre Bougie, pour faire

1. Voir ci-devant, p. 372.

T. II.

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attention à cette révolte, et la ville d'Alger continua à repousser l'autorité des Almohades jusqu'au jour où elle passa sous la domination des Beni-Abd-el-Ouad.

MORT DE L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA, SOUVERAIN de bougie. SON FILS ABOU-L-BACA-KHALED Y EST PROCLAMÉ SOUVERAIN.

Pour enlever au royaume de Tunis les villes de la frontière occidentale et former ainsi un second empire hafside, l'émir Abou-Zékérïa avait dû montrer une vigilance, une prévoyance et une fermeté d'âme dont on ne trouve plus d'exemple. Depuis lors et jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu vers la fin du septième siècle, il s'occupa sans relâche à parcourir ses provinces, à tout examiner de ses propres yeux et à faire disparaître les obstacles qui s'opposaient encore à la prospérité du pays.

En l'an 698 (1298-9), il désigna pour lui succéder son fils, l'émir Abou-'l-Baca-Khaled, et l'établit à Constantine en qualité de gouverneur. Aussitôt qu'il eut rendu le dernier soupir, le chambellan, Abou-'l-Cacem-Ibn-Abi-Djebbi, réunit les cheikhs almohades et les divers corps de l'armée afin de leur faire prêter le serment de fidélité envers Abou-l-Baca, et en même temps il expédia un courrier à ce prince pour le rappeler à Bougie.

Le nouveau souverain reçut, en arrivant, les hommages solennels de tous ses sujets et conserva Ibn-Abi-Djebbi comme chambellan; mais il confia le vizirat à Yahya-Ibn-Abi-el-Alam. Aux Sanhadja, il donna pour chef un de leurs parents nommé Abou-Abd-er-Rahman-Yacoub-Ibn-Khalouf et surnommé ElMizouar. Le commandement des Almohades fut accordé à AbouZékérïa-Yahya-Ibn-Zékérïa, membre de la famille hafside.

MISSION ET MORT DU CADI EL-GHOBRÎNI.

Nous avons dit que les Mérinides avaient tourné leurs armes contre Bougie sur l'invitation du souverain de Tunis. Pour mettre un terme aux hostilités qui duraient encore, le sultan

Abou-'l-Baca se décida, en montant sur le trône, à nouer des rapports d'amitié avec le sultan tunisien. Il choisit pour remplir cette mission Abou-Zékérïale hafside, doyen des membres de la famille royale qui se trouvaient à Bougie, et ille fit accompagner à la capitale par le cadi Abou-'l-Abbas-el-Ghobrîni, premier notable de la ville et grand conseiller du corps municipal. Ces deux envoyés revinrent à Bougie après avoir accompli leur mission; mais, pendant leur absence, les courtisans avaient réussi à indisposer le sultan contre El-Ghobrîni; ils firent même répandre le bruit que ce cadi avait concerté un projet avec le sultan de Tunis afin de renverser l'autorité du souverain de Bougie. Dafer, grand officier de la cour, fut le principal agent dans cette intrigue: il récapitula au sultan les délits du cadi et lui donna à entendre que la trahison des Beni-Ghobrîn envers le sultan Abou-Ishac avait été ourdie par ce même personnage1. Le sultan ajouta foi à ces accusations et ressentit une telle méfiance pour El-Ghobrîni, qu'en l'an 704 (1304-5) il le fit mettre en arrestation. Dans le cours de la même année, il céda aux instances de son entourage et permit à El-Mansour le Turc de se rendre à la prison et de lui ôter la vie.

MISSION ET Disgrâce du chAMBELLAN IBN-ABI-DJEBBI.

Lors de l'avènement du sultan Abou-'l-Baca, les troupes mérinides avaient envahi le territoire de Bougie à plusieurs reprises et s'étaient même emparées d'une partie considérable de ce pays. Cet état de choses inquiéta beaucoup Ibn-Abi-Djebbi qui, en sa qualité de chambellan, gouvernait l'empire. Sachant combien la présence de l'ennemi nuisait à sa propre autorité tout en compromettant les intérêts de l'empire, il crut pouvoir mettre un terme à la guerre en négociant un traité d'alliance avec le souverain de Tunis. On sait que les Mérinides n'avaient attaqué Bougie que sur l'invitation de ce prince. Plein de confiance dans le

1. Voir p. 394 de ce volume.

crédit dont il jouissait auprès de son sultan, il ne craignit pas de le quitter et de se rendre à la capitale pour traiter cette grave affaire. En l'an 705 (1305-6), il quitta Bougie et trouva à Tunis un accueil digne de son mérite et du haut rang de celui dont il tenait ses pouvoirs. Abou-Yahya-Zékérïa-Ibn-el-Lihyani, chef des Almohades et ministre de l'empire, le logea chez lui, le combla d'égards et lui accorda la faveur qu'il désirait tant obtenir.

L'absence du chambellan avait laissé le champ libre à l'intrigue les courtisans s'étaient empressés d'offrir leurs conseils à l'émir Abou-'l-Baca et de lui dépeindre Ibn-Abi-Djebbi comme un homme très dangereux. Yacoub-Ibn-Ghamr l'emporta sur les autres par l'acharnement de ses délations et il trouva un bon second dans [Abou-Mohammed-]Abd-Allah-er-Rokhami, secrétaire et confident du chambellan. En agissant de cette façon, Er-Rokhami,voulait se venger de la froideur qu'Ibn-Abi-Djehbi lui avait témoignée par suite des calomnies de son proche parent, Ibn-Tofeîl 1. Cet homme avait encouru la haine de tout le monde par sa fierté et par son insolence, [et par suite de son mauvais naturel] il avait travaillé à desservir Er-Rokhami. Les deux courtisans représentèrent au sultan que son ministre complotait avec le souverain de Tunis, auquel il voulait livrer Bougie et Constantine; ils lui firent aussi observer qu'Ali-Ibnel-Amîr, le gouverneur actuel de Constantine, tenait sa nomination du chambellan dont il était le gendre. Le sultan se laissa enfin pousser à la méfiance, de sorte qu'au retour d'Ibn-AbiDjebbi, il l'accueillit très froidement. Dès lors, le souverain et son ministre se tinrent en garde l'un contre l'autre, jusqu'à ce que celui-ci demanda l'autorisation de se rendre à la Mecque. Parti de Bougie pour accomplir le pèlerinage, Ibn-Abi-Djebbi s'arrêta pendant quelque temps au milieu des tribus qui fréquentaient les campagnes de Constantine et de Bougie; ensuite il se rendit à Tunis et resta dans cette ville jusqu'à la mort du sultan AbouAcida et l'inauguration d'Abou-Bekr-es-Chehîd. Lors de la prise

1. Voir p. 400 de ce volume.

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