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dans ses rapports avec eux, il se conduisit toujours selon les règles de la justice. Les chrétiens domiciliés dans Sfax ayant commencé à opprimer les musulmans, la nouvelle en vint à la connaissance du père d'Omar, qui était encore détenu en Sicile. Il écrivit sur-le-champ à son fils, lui ordonnant de se révolter à la première occasion et de laisser à Dieu le soin des vrais croyants. Omar lui obéit et, en l'an 551 (1156), il massacra les infidèles. Les chrétiens se vengèrent de ce revers en faisant mourir le père d'Omar, et, par cet acte de sévérité, ils soulevèrent contre eux les autres villes maritimes de l'Ifrîkia.

Quand Abd-el-Moumen eut enlevé El-Mehdïa à Roger, il reçut la visite d'Omar qui était venu faire sa soumission, et il lui accorda le gouvernement de Sfax. Omar conserva l'autorité pendant le reste de ses jours, mais son fils et successeur, Abder-Rahman, s'en laissa dépouiller par Yahya-Ibn-Ghanîa et obtint de lui la permission de faire le pèlerinage de la Mecque, d'où il ne revint plus.

HISTOIRE DES AUTRES CHEFS QUI SE RÉVOLTÈRENT CONTRE LES SANHADJA DANS L'INTERVALLE QUI SÉPARA L'INVASION ARABE DE LA CONQUÊTE ALMOHADE.

A l'époque où El-Moëzz quitta Cairouan pour se réfugier dans El-Mehdia, tout le pays fut embrasé par la guerre que les Arabes avaient allumée. Un membre de la tribu de Lakhm, appelé ElOuerd, se tenait alors dans Caricha, château situé sur le mont Chaîb. Cet aventurier rassembla1 une troupe de gens sans aveu et força les habitants des villages aux environs de Benzert à lui payer tribut pour se garantir contre ses incursions. Pendant un temps considérable, on eut à subir sa domination; on avait même perdu tout espoir de délivrance, quand les habitants de Benzert, qui s'étaient partagés en deux factions dont l'une se composait de Lakhmides, membres de la même tribuqu'El-Ouerd, résolurent de mettre fin à leurs dissensions. Ils prirent donc le

1. Le texte de l'auteur porte ilaiha; il faut sans doute lire ilaihi.

parti de confier le commandement à ce chef, l'admirent dans la ville et le reconnurent pour souverain. El-Ouerd les protégea, eux et leur territoire, contre les Arabes et, comme les Mocaddem, branche des Athbedj, et les Dehman, fraction de la tribu rîahide des Beni-Ali, s'étaient emparés des plaines qui avoisinaient la ville, il fit la paix avec eux moyennant tribut et mit ainsi un terme à leurs brigandages. Ayant raffermi sa puissance dans Benzert, il prit le titre d'émir et s'occupa, usqu'à sa mort, à élever des bâtiments d'utilité publique et à faire croître la prospérité de la ville.

La bravoure de son fils et successeur, Terad, entretint les Arabes dans une crainte salutaire. Il eut pour successeur son fils Mohammed, lequel fut tué par son frère Mocreb, un mois après son avènement au pouvoir. Mocreb prit alors le haut commandement dans Benzert et se donna le titre d'émir. Toujours attentif à se faire des partisans et à garantir son territoire contre les Arabes, il parvint à une grande puissance et récompensa généreusement les poètes qui visitaient sa cour. A sa mort, son fils Abd-el-Azîz se chargea du poids des affaires. Ce prince régna dix ans et suivit les traces de son père et de son aïeul. Mouça, frère et successeur d'Abd-el-Azîz, agit de même et régna quatre ans. Eïça, un troisième frère, le remplaça et imita le bon exemple de ses devanciers. Quand Abd-Allah, fils d'Abd-el-Moumen, passa auprès de Benzert après avoir levé le siège de Tunis, il y trouva une généreuse hospitalité, le chef de la ville ayant déployé tous ses efforts afin de pouvoir lui faire une bonne réception. A cette occasion, Eïça lui offrit sa soumission et obtint qu'un officier almohade fût laissé dans la ville à titre de commissaire. La personne choisie pour remplir cet office fut Abou-'l-Hacenel-Herghi. Abd-el-Moumen, s'étant rendu en Ifrîkïa l'an 554 (1159), témoigna à Eïça sa haute satisfaction, et l'inscrivit, avec le don d'un apanage, au nombre des fonctionnaires de l'empire. Dans la forteresse de Zerà il y avait un gouverneur nommé Berougcen1-ben-bou-Ali-es-Sanhadji, ancien officier d'El-Azîz

1. Variante: Iroukcen.

Ibn-el-Mansour, seigneur de Bougie et de la Calâ. Il s'y était fortifié après avoir répudié l'autorité de son souverain, ainsi que nous allons le raconter. A la suite d'une victoire qu'El-Azîz et lui avaient remportée sur les Arabes, il s'en attribua tout le mérite et prétendit que le sultan s'était conduit en lâche. Craignant alors les conséquences d'une forfanterie qui avait profondément blessé son maître, il se réfugia dans Bédja, où Mahmoud-Ibn-Yezal-er Robaï, cheikh de l'endroit, lui fit un honorable accueil. La population de Zerâ, ville située dans les dépendances de Bédja, faisait partie de la tribu berbère de Zatîma, et était alors partagée en deux factions ennemies, les Aulad-Medîni et les Aulad-Lahec. Fatigués enfin de leurs querelles, ils invitèrent Mahmoud, seigneur de Bédja, à venir rétablir l'ordre chez eux. En réponse à cette prière, il leur envoya Berougcen pour juger leurs différends et veiller à leurs intérêts. Ce chef commença par soudoyer et faire entrer dans la forteresse un tas de gens sans aveu qui fréquentaient les campagnes voisines. Ensuite, il s'allia par un mariage aux Aulad-Medini et les aida à expulser les Aulad-Lahec. Devenu ainsi maître de Zerâ, il ramassa des hommes de tous côtés, et parvint à former un corps de cinq cents cavaliers, avec lequel il porta la dévastation dans les pays environnants. Les Beni-'l-Ouerd de Benzert et Ibn-Allal1 de Tebourba eurent à soutenir ses attaques, et Mohammed-IbnSebâ, émir des Beni-Saîd, tribu rîahide, en fut la victime. La forteresse ayant commencé à regorger d'habitants, il y fit construire un faubourg pour les loger. El-Azîz expédia enfin de Bougie un corps d'armée pour soumettre le rebelle, et Ghîlas, le général auquel fut confiée cette expédition, réussit à s'emparer de lui par une trahison. Le prisonnier ne mourut que beaucoup plus tard. Meniâ, son fils et successeur, eut à soutenir un siège contre les Beni-Sebâ et les Beni-Saîd qui voulaient venger la mort de leur chef Mohammed. Ces Arabes réduisirent la forteresse à la dernière extrémité par un long blocus, et l'emportèrent enfin d'assaut. Meniâ y perdit la vie, et les membres de sa

1. Variante: Ghalal.

famille subirent, les uns, la mort, et les autres, l'esclavage. Lors du bouleversement général qu'avait causé l'irruption des Arabes en Ifrîkïa, un nommé Modafê-Ibn-Allal el-Caïci, un des cheikhs de Tebourba, se rendit maître de cette ville avec l'aide de ses fils, ses parents et ses dépendants. S'y étant retranché, il y maintint son autorité jusqu'à ce qu'Ibn-Bîzoun-elLakhmi l'attaqua dans le voisinage d'El-Bahrein (les deux lacs), localité située sur le Medjerda', en face d'Er-Rîahîn. La guerre entre ces deux chefs dura fort longtemps.

Un autre aventurier, Cahroun-Ibn-Ghannouch, s'établit à Menzil-Dahmoun, et y bâtit un château où il installa un corps de troupes composé de gens de diverses tribus. Nommé auparavant gouverneur de Tunis par la populace, il s'en était fait chasser à cause de sa mauvaise conduite. Ce fut alors qu'il convertit les arcades [de l'aqueduc], à Dahmoun, en une forteresse où il fixa son séjour. Comme il ne cessait d'insulter les environs de Tunis, les habitants parvinrent à s'en débarrasser avec l'aide de Mohrez-Ibn-Ziad. Ibn Allal, seigneur de Tebourba, ayant appris sa mésaventure, le logea dans un château de ce canton et en épousa la fille. Cet édifice s'appelle encore CalàGhannouch. Les deux chefs s'entraidèrent pour commettre des brigandages; après eux, leurs fils tinrent une conduite semblable; mais, en l'an 554 (1159), Abd-el-Moumen arriva en Ifrîkïa et mit fin aux désordres qui affligeaient ce pays.

Hammad-Ibn-Khalifa-el-Lakhmi s'établit à Menzil-Ractoun, dans le canton de Zaghouan, et s'y conduisit à l'instar d'Ibn-Allal, d'Ibn-Ghannouch et d'Ibn-Bizoun. Son fils suivit le même exemple, jusqu'à ce qu'Abd-el-Moumen en fit cesser les brigandages.

Eïad-Ibn-Nasr-Allah-el-Kelaï réunit une foule de gens sans aveu et de vagabonds appartenant à diverses tribus, et parvint, avec leur appui, à protéger Sicca Venerea contre les Arabes. Sur l'invitation d'Ibn-Fetata, cheikh de Laribus, qui l'avait prié de

1. Voir le mot El-Bahrein dans l'index géographique qui accompagne le premier volume.

2. Variante: Abbad.

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venir le délivrer de la tyrannie des Arabes, il marcha contre eux et les expulsa de cette ville. Alors il imposa aux habitants un tribut annuel, qu'il continua à percevoir jusqu'à sa mort. Son fils lui succéda et marcha sur ses traces, mais en l'an 554 il fit sa soumission à Abd-el-Moumen.

HISTOIRE DES BENI-HAMMAD, DYNASTIE SANHADJIENNE ÉTABLIE A LA CALA ET RECONNAISSANT LA SOUVERAINETÉ DES FATEMIDES.

La dynastie hammadite était une branche de celle des Zîrides. Le fondateur, Hammad, fils de Bologguîn, avait commencé sa carrière par recevoir de son frère, El-Mansour, le gouvernement d'Achîr et d'El-Mecîla. Pendant un temps, il remplit ce haut commandement alternativement avec son frère Itouweft et son oncle Abou-'l-Behar. En l'an 387 (997), sous le règne de son neveu Badîs, fils d'El-Mansour, il se vit encore revêtir de cette charge importante. En 395 (1004-5), Badîs l'envoya dans le Maghreb central pour faire la guerre aux Maghraoua et aux Beni-Ifren, branches de la grande tribu des Zenata, et il prit avec lui l'engagement de ne jamais lui signifier son rappel, mais de le laisser en possession d'Achîr, du Maghreb central et de toutes les villes qu'il parviendrait à soumettre. Hammad remplit sa mission avec une grande habileté et réussit à dompter les Zenata.

En l'an 398 (1007-8), Hammad fonda la ville d'El-Calâ (le Château), dans le voisinage du Kîana, montagne qui s'appelle aussi Adjîça et qui est maintenant occupée par les Eïad, tribu d'Arabes hilaliens. Il transporta dans la Calâ les habitants d'ElMecîla et de Hamza, villes qu'il détruisit de fond en comble, et il y fit venir aussi les Djeraoua, peuplade du Maghreb. Vers la fin du quatrième siècle il acheva de bâtir et de peupler sa ville, qu'il entoura de murs, après y avoir construit plusieurs mosquées, caravanserails et autres édifices publics. La Calâ atteignit bientôt une haute prospérité; sa population accrut rapidement, et les artisans ainsi que les étudiants s'y rendirent en foule des pays les plus éloignés et des extrémités de l'empire. Cette affluence

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