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entreprit une seconde expédition contre ce pays et y amena ElHacen-Ibn-Ali. Arrivé à El-Mehdïa, il emporta cette ville d'assaut, l'an [555: 1160 de J.-C.], à la suite d'un siège qui dura plusieurs mois. Ayant alors établi El-Hacen dans son ancienne capitale, il lui donna en apanage le territoire de Rohhîch '. El-Hacen passa encore huit ans à El-Mehdïa; mais, ayant été appelé à Maroc par Youçof, fils d'Abd-el-Moumen, il se mit en route avec sa famille pour cette destination, et mourut à AbarZellou, dans la province de Temsna, en l'an 563 (1167-8) 2.

HISTOIRE DES BENI-KHORAÇAN, FAMILLE SANHADJIENNE QUI ENLEVA TUNIS AUX DESCENDANTS DE BADÎS, LORS DU BOULEVERSEMENT DE L'IFRÎKÏA PAR LES ARAbes.

La retraite d'El-Moëzz, qui alla s'enfermer dans El-Mehdïa après avoir abandonné Cairouan aux Arabes, alluma un incendie qui embrassa toute l'Ifrîkïa. Les vainqueurs se partagèrent les villes de ce pays en y établissant des gouverneurs de leur choix, et ils en distribuèrent les campagnes à leurs nomades pour en faire des lieux de parcours. Pendant ce bouleversement, plusieurs autres villes, telles que Souça, Sfax et Cabes, répudièrent l'autorité de la maison de Badîs, et, comme les peuples de l'Ifrîkïa avaient un grand penchant pour la dynastie hammadite [branche collatérale de la même famille qui régnait à El-Calà, les habitants de Tunis abandonnèrent le parti d'El-Moëzz et envoyèrent leurs principaux cheikhs en députation auprès d'EnNacer-Ibn-Alennas. Ce prince leur donna pour gouverneur un nommé Abd-el-Hack-Ibn-Abd-el-Azîz-Ibn-Khoraçan, personnage que l'on a représenté comme un natif de Tunis, mais qui appartenait, en toute probabilité, à une tribu sanhadjienne. Cet officier, ayant pris la direction des affaires, s'associa les habitants de la ville dans l'exercice du pouvoir et réussit à gagner

1. La position de cette localité nous est inconnue.

2. Les manuscrits et le texte imprimé portent en toutes lettres trentesix, c'est-à-dire 536, date d'une fausseté évidente.

leur amour par la bonté de son administration. Pour mettre un terme aux brigandages des Arabes qui occupaient tout le pays ouvert, il consentit à leur payer un tribut annuel.

En l'an 458 (1065-6), Temîm, fils d'El-Moëzz, quitta ElMehdïa à la tête de ses troupes et, s'étant fait accompagner par Yabki-Ibn-Ali, émir de la tribu de Zoghba, il alla faire le siège de Tunis. Ibn-Khoraçan résista à ses efforts pendant quatre mois et le décida enfin à s'éloigner en le reconnaissant pour souverain. Il continua à gouverner cette ville jusqu'à sa mort. Son fils Abd-el-Azîz, homme d'un esprit très faible, lui succéda dans le commandement, en l'an 488 (1095), et mourut vers la fin du cinquième siècle. Ahmed, son fils et successeur, ôta la vie à son oncle, Ismaïl-Ibn-Abd-el-Hack, dont il craignait l'influence politique. Abou-Bekr, fils d'Ismaïl, s'enfuit à Benzert pour éviter un sort semblable. Ahmed s'affranchit alors du contrôle que lui imposait le corps des cheikhs et prit les allures d'un souverain absolu. Il accomplit cette usurpation vers le commencement du sixième siècle, et ayant écrasé toute résistance, il se montra le chef le plus remarquable que la famille d'Ibn-Khoraçan eût produit. Devenu seul maître de Tunis, il l'entoura de murs et obtint des Arabes l'engagement de veiller à la sûreté des voyageurs. Il construisit les palais des Beni-Khoraçan et sut gagner lecœur des savants docteurs par l'empressement qu'il mettait à rechercher leur société. En l'an 510 (1116-7), il fut assiégé par Ali-IbnYahya-Ibn-Temîm, et ne put obtenir la paix qu'en cédant à toutes les exigences de son adversaire. En 514, il reconnut la souveraineté d'El-Azîz, fils d'El-Mansour et seigneur de Bougie, dont l'armée était venue l'investir. Il conserva le gouvernement de Tunis jusqu'à l'an 522 (1128), quand il fut emmené prisonnier à Bougie avec toute sa famille par Motarref-Ibn-AliIbn-Hamdoun, général au service de Yahya, fils d'El-Azîz. En quittant Bougie, à la tête des troupes hammadites, Motarref s'était dirigé vers l'Ifrikïa, et il en avait déjà occupé presque toutes les villes, quand il s'empara de Tunis.

Keramat, fils d'El-Mansour et oncle de Yahya, fils d'Azîz, reçut de Motarref le commandement de la ville conquise et le

conserva jusqu'à sa mort. Son frère Abou-'l-Fotouh-Ibn-Mansour lui succéda et eut pour successeur, en mourant, son fils Mohammed. Celui-ci gouverna d'une manière si tyrannique qu'il se fit déposer. Son oncle Mâdd, fils d'El-Mansour, le remplaça et garda le pouvoir jusqu'à l'an 543 (1148-9), quand les chrétiens. occupèrent El-Mehdïa et tout le littoral, à partir de Tripoli jusqu'à Sfax, et de là à Souça. Les habitants de Tunis, ayant alors appris comment l'ennemi avait chassé El-Hacen-Ibn-Ali de la ville d'El-Mehdia, prirent l'alarme, coururent aux armes et tournèrent leur colère contre celui qui les gouvernait: les làches même se comportèrent en braves, les milans devinrent faucons, et le corps de nègres qui formaient la garde de Mâdd fut massacré dans le conflit. Ces malheureux succombèrent sous les yeux de leur maître dont les insurgés épargnèrent, toutefois, les jours et respectèrent la famille. Quand Yahya -Ibn-el-Azîz] apprit cette nouvelle, il expédia une flotte afin de dégager son oncle1 et de le ramener à Bougie. Au moment de s'embarquer, Mâdd laissa à Tunis, en qualité de lieutenant, un personnage marquant de la tribu des Sanhadja, appelé El-Azîz-Ibn-Dafal. Cet officier resta dans la ville sans pouvoir y faire respecter son autorité.

Quelque temps auparavant, Mohrez-Ibn-Zìad, émir des BeniAli, tribu rîahide, s'était établi dans le voisinage de Tunis en s'emparant de la Moallaca, et, par cette conquête, il avait mécontenté les Tunisiens à un tel point qu'il lui déclarèrent la guerre. Il s'ensuivit une série de combats où les succès alternaient avec les revers. Pendant la durée de ces hostilités, et jusqu'à la prise d'El-Mehdïa par les chrétiens, Mohrez se faisait appuyer par les troupes du souverain de cette ville. Une guerre civile éclata ensuite dans la ville de Tunis, les habitants du quartier de Bab-es-Soueica (porte du petit marché) ayant tourné leurs armes contre ceux du quartier de Bab-el-Djezîra (porte de l'île). A cette époque ils avaient pris pour gouverneur le cadi Abdel-Monêm, fils de l'imam Abou-'l-Hacen.

Abd-el-Moumen étant rentré à Maroc après avoir soumis la

1. Le texte arabe porte son frère. Cette erreur provient de l'auteur.

ville de Bougie, occupé celle de Constantine et défait les Arabes à Setîf, écouta les plaintes des populations de l'Ifrîkïa auxquels ces nomades continuèrent à faire subir mille vexations, et envoya à leur secours une armée almohade sous la conduite de son fils Abd-Allah. Cette expédition partit de Bougie et arriva sous les murs de Tunis 1 en l'an 552 (1157). Les habitants firent une vigoureuse résistance, et ayant admis dans leur ville un corps d'Arabes commandé par Mohrez-Ibn-Zîad, ils opérèrent, de concert avec lui, une sortie contre les assiégeants et les forcèrent à la retraite. Pendant ces derniers événements, Abd-Allah-IbnKhoraçan, l'émir qu'ils s'étaient donné 2, avait cessé de vivre et [son neveu] Ali, fils d'Ahmed, venait de prendre le commandement. Le nouveau gouverneur n'avait exercé les fonctions de son office que cinq mois, quand Abd-el-Moumen lui-même parut devant Tunis et l'obligea à faire sa soumission. Ali se mit alors en route pour Maroc, emmenant avec lui ses enfants et le reste de sa famille, mais il mourut, en 554, avant d'être parvenu au terme de son voyage.

Mohrez-Ibn-Ziad évacua la Moallaca vers la même époque et s'étant entouré des guerriers de sa tribu, il alla joindre les autres Arabes afin de repousser les Almohades. Abd-el-Moumen était déjà de retour de son expédition et rentré en Maghreb quand on lui apprit que les Arabes concentraient leur forces à Cairouan. D'après ses ordres, une armée almohade marcha contre eux, et dans une bataille qui se livra près de cette ville, elle fit éprouver à l'ennemi des pertes énormes, tant en tués qu'en prisonniers. L'émir Mohrez-Ibn-Zîad, étant tombé entre les mains des vainqueurs, fut mis à mort, et son cadavre attaché à une potence fut planté sur le mur de Cairouan.

1. Le texte arabe porte nezel, à la première forme, mais il faut lire nazel, à la troisième. Dans les manuscrits africains, et surtout dans ceux de l'ouvrage d'Ibn-Khaldoun, les copistes confondent très souvent ces deux formes du verbe, ce qui pourrait donner lieu à de graves contresens, si le traducteur n'apportait pas dans son travail une attention soutenue. 2. Voici la généalogie de ce chef: Abd-Allah, fils d'Abd-el-Azîz, fils d'Abd-el-Hack, fils d'Abd-el-Aziz, fils de Khoraçan.

HISTOIRE DE LA DYNASTIE DES REND, FAMILLE QUI ÉTABLIT SON INDÉPENDANCE A CAFSA, LORS DU BOULEVERSEMENT DE L'EMPIRE D'EL-MOËZZ.

Quand El-Moëzz abandonna Cairouan et se rendità El-Mehdia, après avoir vu désorganiser son empire par l'invasion des Arabes, la ville de Cafsa avait pour gouverneur un officier sanhadjien nommé par le gouvernement [zîride] et appelé Abd-AllahIbn-Mohammed-Ibn-er-Rend. Cet homme était originaire de Djerba, et sa famille, les Beni-Sadghïan, habitait El-Djoucîn, dans le pays des Nefzaoua. Selon Ibn-Nakhil', il appartenait aux Beni-Izmerten 2, famille maghraouienne. Abd-Allah, ayant maintenu son autorité dans Cafsa, pourvut à la tranquillité du pays et à la sûreté des voyageurs au moyen d'un tribut payé aux Arabes. En l'an 445 (1053-4), il se déclara indépendant et reçut la soumission de Touzer, Nefta, Takïous, El-Hamma et d'autres localités de la province de Castîlïa. Parvenu ainsi à un haut degré de puissance, il attira à sa cour les poètes et les hommes de lettres, tous empressés à célébrer ses louanges. Jusqu'à sa mort, il ne cessa de témoigner un profond respect pour les personnes qui s'adonnaient à la dévotion. Il mourut en 465 (1072-3).

Abou-Omar-el-Motezz, son fils et successeur, s'étant assuré l'exercice du pouvoir et l'obéissance du peuple, recueillit de fortes sommes d'argent provenant des impôts, et gagna, par ses libéralités, tant de partisans, qu'il se mit en état de soumettre Camouda, le Djebel-Hoouara, les autres villes de Castîlïa et toutes les dépendances de cette province. Après une longue et heureuse administration, il perdit la vue, et, comme son fils Temîm venait de mourir, il désigna pour successeur au trône son petit-fils, Yahya-Ibn-Temîm. Ce jeune homme parvint bientôt à tenir son aïeul en tutelle, mais leurs états continuèrent néanmoins

1. Il sera question d'Ibn-Nakhîl ci-après, dans les premiers chapitres de l'histoire des Hafsides.

2. Variante: Merin.

T. II.

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