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dans la ville de Cabes. Il avait déjà enrôlé pour cet objet les Beni-Fadegh, fraction des Beni-Ali, tribu rîahide, quand une mésintelligence éclata entre lui et Roger, seigneur de la Sicile. Celui-ci avait encouragé Rafê dans sa révolte et lui avait même fourni des navires afin d'opérer des descentes sur le territoire d'Ali-Ibn-Yahya et de lui enlever ses vaisseaux. Ali fut donc obligé à en louer d'autres, et il se préparait activement à soutenir la guerre quand la mort vint le surprendre. Il mourut [dans le mois de Rebîa second de] l'an 515 (juillet 1121) 1.

Règne d'El-Hacen, fils d'Ali. — El-Hacen, fils et successeur d'Ali, n'avait que douze ans quand il perdit son père. Sandal, I'[eunuque et ] affranchi, se chargea du poids des affaires et transmit, en mourant, la régence à l'affranchi Mouwaffac.

Ali, le père d'El-Hacen, s'était engagé dans une correspondance avec Roger, et, à l'époque de leur mésintelligence, il l'avait menacé de la colère des Almoravides, souverains du Maghreb, avec lesquels il entretenait aussi une correspondance régulière. Il arriva ensuite qu'en l'an 516 une escadre almoravide, commandée par l'amiral Mohammed-Ibn-Meimoun, opéra une descente sur la côte de la Sicile, et pilla un village dont elle massacra une partie des habitants et emmena le reste en esclavage. Roger fut tellement persuadé que cet acte d'hostilité avait été commis à l'instigation d'El-Hacen qu'il fit partir une flotte pour El-Mehdïa sous les ordres d'Abd-er-Rahman-Ibn-Abd-el-Azîz et de George d'Antioche, fils de Michel. George était un chrétien de l'Orient qui avait émigré [en Afrique] après avoir fait de bonnes études et acquis, à Antioche et dans quelques autres villes de la Syrie, une connaissance parfaite de l'arithmétique et de la langue arabe. Accueilli avec une grande bienveillance par Temim, il gagna toute sa confiance; mais, à la mort de ce prince, il trouva un prétexte

1. En-Noweiri rapporte qu'Ali-Ibn-Yahya fut surpris par la mort au moment où il venait d'équiper une flotte pour combatre le roi Roger. Cet armement se composa de dix vaisseaux de guerre (merakeb harbïa) et trente galères (ghorab) abondamment pourvus d'hommes, de vivres et de naphte (feu grégeois).

pour se rendre à la cour de Roger et éviter ainsi les suites de la haine que Yahya [fils de Temîm] lui avait toujours témoignée. Roger lui fit l'accueil le plus cordial et le nomma commandant de la flotte sicilienne. Ayant alors formé le projet d'attaquer ElMehdia, il l'envoya contre cette ville avec une flotte de trois cents bâtiments chargés de troupes chrétiennes, dont mille cavaliers. El-Hacen avait tout disposé pour la résistance quand George vint débarquer près d'El-Mehdïa, après avoir occupé l'île de Cossura. L'ennemi, ayant assis son camp, s'empara du château d'EdDîmas et de l'île d'El-Ahas; mais, à la suite de plusieurs combats qui lui coûtèrent beaucoup de monde, il se rembarqua pour la Sicile. Mohammed-Ibn-Meimoun,l'amiral almoravide, se jeta alors sur les côtes de cette île et y répandit la dévastation. Roger prit aussitôt la résolution d'envoyer une nouvelle expédition contre El-Mehdïa. La flotte de Yahya-Ibn-el-Azîz,souverain de Bougie, étant alors venue menacer cette capitale, pendant que son armée de terre, commandée par le légiste Motarref-Ibn-Ali-Ibn-Hamdoun, avançait pour l'attaquer du côté de la campagne, El-Hacen s'empressa de conclure une paix avec le seigneur de la Sicile, et ayant obtenule secours de sa flotte, il obligea Motarref à rebrousser chemin et à rentrer à Bougie. Resté maître d'El-Mehdia, il résista aux attaques que Roger, après avoir rompu le traité de paix, continuait à diriger contre lui; mais, à la fin, en l'an 543 (1148-9), il se vit enlever sa capitale par George, fils de Michel, amiral de la flotte sicilienne.

Cet officier parut devant El-Mehdia avec une flotte de trois cents voiles et donna pour motif de son arrivée l'intention qu'il avait de soutenir El-Hacen contre ses ennemis. Ce monarque, qui avait envoyé son armée au secours de Mohrez-Ibn-Ziad-el-Fadeghi, seigneur d'El-Moallaca, auquel Ibn-Khoraçan, seigneur de Tunis, faisait la guerre, se trouva sans moyens de résistance au moment de reconnaître que George avait des intentions hostiles.

1. Au rapport d'En-Noweiri, cette flotte se composait d'environ cent cinquante galères. La famine terrible qui sévit en Ifrikïa cette année avait forcé beaucoup de monde à quitter le pays, et Roger profita de cette circonstance pour faire son expédition.

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Il se décida donc à quitter la ville, et comme la plupart des habitants l'accompagnèrent, l'ennemi put y entrer sans coup férir. George trouva le palais dans son état ordinaire, El-Hacen n'en ayant enlevé que les objets les plus faciles à emporter; aussi les trésors que tant de rois y avaient amassés étaient demeurés intacts. Le premier soin de l'amiral chrétien fut de rassurer les habitants et de les prendre sous sa protection spéciale. Par cette conduite habile il ramena les fuyards, et les ayant réinstallés dans leurs maisons, il envoya une escadre contre Sfax. Cette ville, ainsi que Souça, tomba au pouvoir des chrétiens, et Tripoli subit ensuite le même sort. Roger, ayant établi son autorité dans toutes les provinces maritimes de l'Ifrîkïa, en soumit les habitants à la capitation et les retint sous sa domination jusqu'à l'époque où Abd-el-Moumen, chef des Almohades et khalife [successeur] de l'imam El-Mehdi, vint les tirer de la servitude.

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Quand les chrétiens se furent emparés d'El-Mehdïa, le prince détrôné, El-Hacen-Ibn-Ali, passachez Mohrez-Ibn-Zîad-el-Fadeghi, seigneur de la Moallaca et chef des Arabes rîahides; mais, ne pouvant obtenir de lui aucun secours, il forma le projet d'aller en Egypte et d'implorer l'appui d'El-Hafed-Abd-el-Hamîd [le khalife fatemide]. Averti ensuite que George avait pris des mesures pour l'arrêter en route, il se tourna vers l'Occident et courut à Bône, ville qui obéissait alors à El-Hareth-Ibn-el-Mansour, frère d'El-Azîz [le souverain hammadite]. De là il se dirigea vers Constantine où se tenait Sebâ-Ibn-el-Azîz, frère de Yahya, prince de Bougie. Ayant obtenu de ce dernier l'envoi d'une escorte, il se rendit à Alger où [El-Caïd] fils d'El-Azîz lui fit un accueil plein de bienveillance. Il continua à vivre sous la protection de ce chef jusqu'à l'an 547(1152-3), quand les Almohades occupèrent Alger après avoir soumis le Maghreb et l'Espagne. Étant allé au-devant d'Abd-el-Moumen, il fut reçu avec de grandes marques d'honneur, et il accompagna ce monarque dans sa première expédition en Ifrîkïa. En l'an 555 (1159), Abd-el-Moumen

1. Le même impôt que les musulmans imposaient sur les chrétiens, habitants des pays conquis.

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