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qui porte encore son nom. Ayant réuni autour de lui une foule de gens appartenant à sa tribu et qui ajoutaient foi à ses paroles, il leur prescrivit des lois et des ordonnances civiles et religieuses, et composa pour leur usage, et dans leur langue, un coran dont il leur donna lecture. Dans ce livre, il disait : O toi qui permets que l'univers soit l'objet de nos regards, délivre-moi de mes péchés!ô toi qui retiras Moïse de la mer! Je crois en Hamîm et en son père Abou-Khalef-Menn-Allah; ma tête y croit ainsi que mon intelligence; ce que couvre ma poitrine y croit et ce qui est enfermé dans mon sang et dans ma chair. Je crois en Tabâît 1, tante de Hamím et sœur d'Abou-Khalef-Menn-Allah, etc. Cette femme était devineresse et magicienne. On donna aussi à Hamîm le surnom d'El-Mofteri (le faussaire). Il avait une sœur appelée Debou? qui pratiquait aussi la magie et la divination et dont on sollicitait les prières en cas de guerre et de sécheresse. Hamîm fut tué l'an 315 (927-8), sur le territoire de Tanger, dans une bataille avec les Masmouda. Après sa mort, son fils Eïça exerça une grande influence sur les Ghomara et se rendit à la cour d'En-Nacer. Leur tribu, les Beni-Rahfou, habite encore à Ouadi-Laou et à Ouadi-Ras, près de Tétouan.

A une époque plus récente, Acem-Ibn-Djemil-el-Izdedjoumi, individu appartenant au même peuple, se donna pour prophète et fit des choses dont on conserve encore le souvenir.

Jusqu'à ce jour, les Ghomara se sont appliqués à la magie, et j'ai appris de quelques cheikhs du Maghreb que ce sont surtout les jeunes femmes qui cultivent cet art. « Elles ont le pouvoir, >> m'ont-ils dit, de s'attirer l'esprit de tel astre qui leur plaît, » et l'ayant dompté, elles s'incorporent avec lui; par ce moyen, » elles agissent sur les êtres à leur fantaisie. »>

cela est vrai.

Dieu sait si

1. Variantes: Tanant, Taïfit, etc.

2. Variante: Deddjou.

HISTOIRE DE L'EMPIRE FONDÉ PAR LES IDRICIDES CHEZ LES

GHOMARA.

Mohammed-Ibn-Idris, s'étant conformé aux conseils de Kensa, son aïeule paternelle, partagea les provinces du Maghreb entre ses frères1. Tîkîças, Tergha, Belad-Sanhadja et Ghomara devinrent ainsi le partage d'Omar-Ibn-Idrîs; Tanger, Ceuta, El-Basra et les régions ghomarites qui en sont voisines échurent à ElCacem -Ibn-Idris]. Quelque temps après, Omar s'empara des états d'El-Cacem, lequel avait encouru le mécontentement de son frère Mohammed; mais, plus tard, les princes descendus d'El-Cacem par son fils Mohammed recouvrèrent ce que leur aïeul avait perdu.

Mohammed, fils d'Ibrahîm, fils de Mohammed, fils d'El-Cacem, bâtit, auprès de Ceuta, le château de Hadjer-en-Nesr, afin de procurer à sa famille un lieu de refuge assuré, et à son royaume un boulevard capable de le protéger. Tant que la famille de Mohammed-Ibn-Idris conserva le pouvoir, elle fit de Fez la capitale de son empire. Dans la suite, elle fut remplacée par celle d'Omar-Ibn-Idrîs. Yahya, fils d'Idrîs et petit-fils d'Omar, en fut le dernier qui régna. Il avait été déclaré souverain de Fez par Messala-Ibn-Habbous, auquel il venait de prêter le serment de fidélité en se reconnaissant le vassal d'Obeid-Allah le fatemide. En l'an 309 (921-2), Messala lui enleva le pouvoir.

Quatre années plus tard, un descendant d'El-Cacem prit les armes contre les Fatemides. Ce prince, appelé El-Hacen-IbnMohammed-Ibn-el-Cacem-Ibn-Idris et surnommé El-Haddjam (le phlebotomiste) parce qu'il avait l'habitude, en combattant, de frapper ses adversaires à la veine du bras, se distingua par sa bravoure et par son intrépidité. Porté au trône par les habitants de Fez, qui s'étaient soulevés contre leur gouverneur Rihan, il

1. Pour l'histoire des Idrîcides de Fez, voir l'Appendice n° IV. L'histoire des Fatemides, dynastie dont il est souvent question dans ce chapitre, forme l'Appendice n° II, de ce volume.

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mit en déroute les troupes que Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa mena contre lui. Sa mort permit enfin à Mouça de s'emparer de Fez, d'occuper les provinces du Maghreb et d'en repousser les Idrîcides. Refoulés jusque dans leur forteresse de Hadjer-en-Nesr, ils passèrent, de là, dans les montagnes des Ghomara et les régions du Rîf. Les Ghomara leur demeurèrent fidèles et déployèrent une telle bravoure en soutenant leur cause qu'ils les mirent en état de fonder, dans ce pays, un nouvel empire. Les Idrîcides se partagèrent alors les contrées qu'ils avaient soumises à leur autorité: les descendants de Mohammed[ Beni-Mohammed] en obtinrent la portion la plus grande, et ceux d'Omar restèrent maîtres de Tîkîças, de Nokour et du Rif.

En-Nacer-Abd-er-Rahman l'oméïade, ayant conçu le projet de conquérir le Maghreb et d'en expulser les Fatemides, décida les Beni-Mohammed à lui céder la ville de Ceuta, dont il prit possession en l'an 319 (931). Il se fit remettre la place par Er-Rida-Ibn-Eiçam, chef des Medjekéça, qui y exerçait le commandement au nom des Idrîcides.

Quand Abou-'l-Cacem [-el-Caïm, le fatemide,] envoya une armée en Maghreb pour combattre Ibn-Abi-'l-Afïa, lequel venait de reconnaître la souveraineté des Oméïades espagnols, les BeniMohammed prêtèrent leur appui au général fatemide, Meiçour, et trouvèrent ainsi le moyen d'agrandir leurs états en renversant le pouvoir d'un ancien ennemi. Leur exemple fut suivi par les Beni-Omar, seigneurs de Nokour.

En l'an 325 (936-7), Ibn-Abi-'l-Afia répara ses pertes et quitta le Désert où il s'était réfugié. Rentré alors en Maghreb, d'où Meiçour venait de s'éloigner, il tourna ses armes contre les Beni-Mohammed et les Beni-Omar.

Il mourut quelque temps après et, en l'an 333, En-Nacer envoya en Maghreb son vizir, El-Cacem-Ibn-Mohammed-IbnTamlès, avec la commission d'attaquer les descendants d'Idris. Il écrivit, en même temps, aux princes maghraouiens, MohammedIbn-Khazer et El-Kheir, fils de celui-ci, les invitant à seconder le vizir et à soutenir Medin, fils d'Ibn-Abi-'l-Afia dans sa guerre contre les Idrîcides. Abou-'l-Aïch, fils d'Idrîs-Ibn-Omar

et généralement connu sous le nom d'Ibn-Methala, s'empressa de faire sa soumission et d'expédier une ambassade à En-Nacer. Son fils Mohammed, qu'il envoya ensuite à la cour des Oméïades pour renouveler ses assurances de dévouement, reçut d'EnNacer un accueil fort honorable et la promesse que tous les articles de l'amnistie accordée à son père seraient fidèlement observés. Les Beni-Mohammed suivirent l'exemple de leur parent et obtinrent les mêmes avantages que lui, en faisant leur soumission. Deux de ces princes se rendirent en personne à la cour d'En-Nacer le premier, qui se nommait Mohammed, était fils d'Eïça-Ibn-Ahmed-Ibn-Mohammed; l'autre, appelé El-Hacen, avait pour père El-Cacem, fils d'Ibrahîm-Ibn-Mohammed.

Depuis le temps où El-Hacen- Ibn-Mohammed-El-Haddjam s'était emparé du commandement, à la suite de son insurrection contre Ibn-Abi-'l-Afïa, les Idrîcides avaient toujours reconnu pour chefs leur parents de la famille Mohammed. C'est ainsi qu'après la fuite de Mouça -Ibn-Abi-'l-Afïa, ils mirent à leur tête El-Cacem-Ibn-Mohammed, surnommé Kennoun. Ce prince étendit son autorité sur tout le Maghreb, à l'exception de Fez, et se montra partisan zélé des Fatemides. Il mourut l'an 337 (948-9), dans la forteresse de Hadjer-en-Nesr. Son fils et successeur, Abou-l-Aïch-Ahmed 1, se distingua par sa connaissance de la loi et des traditions historiques; sa générosité et sa bravoure égalaient son savoir; aussi le désignait-on ordinairement par l'appellation d'Ahmed-el-Fadel (Ahmed rempli de mérite). Emporté par sa prédilection pour la dynastie oméïade, Ahmed rompit avec les Fatemides pour embrasser le parti d'En-Nacer, et fit célébrer la prière au nom de ce souverain dans toutes les mosquées de ses états. Quand les peuples du Maghreb entier, jusqu'à Sidjilmessa, lui eurent prêté le serment de fidélité, les

1. Deux princes idrîcides portaient le surnom d'Abou-'l-Aïch; l'un descendait d'El-Cacem-Ibn-Idris, et l'autre d'Omar-Ibn-Idrîs. Selon la table généalogique que l'on trouve dans les manuscrits de l'Histoire des Berbères, le premier se nommait Ahmed et était fils d'El-Cacem, fils de Mohammed, fils d'El-Cacem, fils d'Idris ; le second était fils d'Idris, fils d'Omar, fils d'Idris.

habitants de Fez suivirent leur exemple et reçurent de lui pour gouverneur le nommé Mohammed-Ibn-el-Hacen.

En l'an 338 (949-50): Mohammed, fils d'Abou-'l-Aïch-IbnMethala et petit-fils d'Idrîs-Ibn-Omar, se rendit en Espagne comme envoyé de son père auprès d'En-Nacer, et il se trouvait encore dans la capitale du royaume oméïade, quand il apprit la mort de l'auteur de ses jours. Nommé par En-Nacer au commandement qui venait de vaquer, il obtint de lui une escorte et partit pour le siège de son gouvernement; mais déjà son cousin Eïça, fils d'Abou-'l-Aïch et petit-fils de Kennoun, avait profité de son absence pour s'emparer de Tîkîças et des trésors amassés par Ibn-Methala. A l'approche de leur nouveau gouverneur, les Berbères ghomarites marchèrent contre l'usurpateur et, lui ayant coupé le chemin, ils le criblèrent de blessures et massacrèrent tous ses compagnons. Cet événement eut lieu dans le pays des Ghomara.

En cette même année, En-Nacer fit passer en Maghreb quelques-uns de ses généraux. Ahmed-Ibn-Yala y arriva le premier avec un corps de troupes destiné à agir contre les Beni-Mohammed. Invités par lui à démanteler la forteresse de Tétouan, ces princes y donnèrent leur consentement avec beaucoup de répugnance, et s'excusèrent de la résistance qu'ils avaient montrée d'abord à cette sommation. Après le départ de cet officier, ils refusèrent de remplir leurs engagements; aussi, en l'an 339, EnNacer envoya contre eux une armée sous les ordres de HamidIbn-Yezel-el-Miknaçi. Comme les Idrîcides s'étaient avancés jusqu'à la rivière Laou pour s'opposer au progrès de l'ennemi, Hamid leur infligea un châtiment si rude qu'il ne leur resta plus qu'à faire une prompte soumission. La ville de Tanger sortit alors des mains d'Abou-l-Aïch, émir des Beni-Mohammed, et passa dans celles d'En-Nacer. Les vainqueurs laissèrent Abou-'lAïch en possession d'Asîla, sous la condition d'y faire reconnaître la suzeraineté des Oméïades. Les armées d'En-Nacer s'avancèrent alors graduellement à travers les plaines du Maghreb, en soumettant les populations qui y faisaient leur séjour. Les émirs zenato-maghraouiens se rallièrent aux Oméïades; les Beni-Ifren

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