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tre rivière, appelée le Ghîs 1, sort du pays des Beni-Ourîagol et verse ses eaux dans le Nokour auprès d'Agdal ; plus loin, elles se séparent l'une de l'autre et vont se jeter dans la mer par des embouchures différentes. La ville d'Espagne qui se trouve visà-vis de Nokour se nomme Bézelyana 2.

En l'an 144 (761), les Madjous (Normands) arrivèrent avec une flotte et, s'étant emparés de Nokour, ils la saccagèrent pendant huit jours, mais ils en furent expulsés par les Beranès qui s'étaient ralliés autour de Saîd. Quelques temps après, les Ghomara déposèrent Saîd et mirent sur le trône un homme de leur tribu nommé Sogguen. Une guerre s'ensuivit dans laquelle Saîd tua son rival, dissipa les insurgés et remporta, par la grâce de Dieu, une victoire éclatante. Il mourut en 188 (803-4) après un règne de trente-sept ans. Son fils Saleh-Ibn-Saîd, qui lui succéda, imita ses prédécesseurs dans l'exacte observation de la loi musulmane, et jusqu'à sa mort 3, il ne cessa de faire la guerre. aux Berbères. Il régna soixante-deux ans et mourut en 250 (864).

Son fils cadet, Saîd-Ibn-Saleh, qui lui succéda, eut à livrer plusieurs batailles à son frère Obeid-Allah et à son oncle ErRida qui s'étaient révoltés contre lui. Les ayant enfin vaincus, il déporta le premier en Orient et pardonna au second dont il avait épousé la fille. Obeid-Allah mourut à la Mecque. Ensuite il ôtà la vie à tous ceux de ses oncles et parents qui tombèrent entre ses mains; mais, par cette politique cruelle, il inspira à Séadet-Allah-Ibn-Haroun, un autre de ses parents, la résolution de les venger. Séadet se réfugia dans la montagne d'Abou-'lHacen 4, chez les Beni-Islîten, et, par ses indications, il les mit à même de surprendre le camp de son neveu, d'enlever tous ses équipages et de massacrer plusieurs milliers de ses partisans. A la suite

1. Prononcez Rís. Les manuscrits portent à tort Aïs.

2. Variantes fournies par les manuscrits d'El-Bekri : Tounîana, Souniana, Tarïa.

3. Il faut lire helek à la place de melek, dans le texte arabe. 4. Les manuscrits portent, à tort, Abou-'l-Hocein.

de ce succès, les vainqueurs mirent le siège devant Nokour, mais Saîd, favorisé de nouveau par la fortune, réussit à leur tuer beaucoup de monde et força Séadet-Allah à s'enfermer dans Temçaman. Ayant fait prisonnier Meimoun, frère [ de Séadet-Allah], il lui fit trancher la tête ; et, étant enfin parvenu à réduire son adversaire à la nécessité d'implorer la paix, il consentit à sa prière et le logea auprès de lui dans la ville de Nokour. Quelque temps après, il se mit à la tête de ses gens de guerre et, soutenu par les Ghomara qui habitaient ses états, il attaqua les Botouïa, les Mernîça, les habitants de Colouâ-Djara et les Beni-Ourtendi. Comme il avait marié sa sœur à Ahmed, fils d'Idris-IbnMohammed-Ibn-Soleiman, seigneur [de Djéraoua], il fit venir ce prince à Nokour pour y demeurer. Son autorité se maintint dans cette partie du Maghreb jusqu'au moment où il reçut du Mehdi, Obeib-Allah, l'invitation d'embrasser la cause des Fatemides. En bas de cette sommation se trouvaient inscrits les vers suivants:

Si vous soutenez ma cause, je soutiendrai la vôtre; si vous vous détournez de moi, je vous jugerai digne de mort.

Brandissant un glaive qui doit briser toutes vos épées, j'entrerai sans peine dans votre pays et je le remplirai de carnage.

El-Ahmas de Tolède, poète à la solde de Saîd, composa une réponse à ces vers, sur la demande de Youçof-Ibn-Saleh, frère de cet émir, et il l'envoya au Mehdi.

Nous la reproduisons ici :

Tu en as menti; j'en jure par la maison de Dieu! non, tu ne sais pas pratiquer la justice, et le Miséricordieux ne reconnaît aucun mérite à tes paroles.

Tu n'es qu'un ignorant, un imposteur; et pour ressembler aux autres sots, tu prends le plus court chemin.

Nos pensées généreuses ont pour objet la religion de Mahomet; les tiennes, Dieu les a rendues viles.

Obeid-Allah éprouva une telle indignation à la lecture de ces vers qu'il expédia une dépêche à Messala-Ibn-Habbous, gouverneur de Tèhert, lui ordonnant de marcher contre le prince

de Nokour. Ce fut en l'an 304 (916-7), après avoir régné cinquante-quatre ans, que Saîd vit éclater cet orage. Pendant quelques jours, il combattit bravement à la tête de son peuple et il mourut enfin sur le champ de bataille avec presque tous les siens. Leurs têtes furent envoyés à Raccada et portées en triomphe à travers les rues de cette ville. Le petit nombre de guerriers qui échappèrent au massacre s'embarquèrent pour Malaga et trouvèrent auprès d'En-Nacer [le khalife oméïade] un accueil des plus honorables.

Messala resta dans Nokour pendant six mois, et en partant pour Tehert, il y laissa en qualité de gouverneur un officier ketamien nommé Deloul. Saleh, Idrîs [et] El-Motacem, tous fils de Said,étaient encore à Malaga avec les débris de leur peuple, quand ils apprirent que les troupes de Deloul avaient abandonné leur général. A cette nouvelle, ils équipèrent plusieurs vaisseaux et partirent pour Nokour. Saleh, y ayant devancé ses compagnons, entra au port de Temçaman, rallia les Berbères autour de lui et reçut d'eux tous le serment de fidélité. Ils lui donnèrent alors le surnom d'El-Yetîm (l'orphelin) à cause de sa jeunesse. Ceci se passa en 305 (917-8). Alors ils marchèrent contre Deloul, le firent prisonnier et lui ôtèrent la vie, ainsi qu'à tous ses gens. Saleh écrivit alors à En-Nacer pour lui annoncer cette victoire, et il fit proclamer la souveraineté de ce monarque dans toute l'étendue de ses états. En-Nacer lui en voya, en retour, un cadeau magnifique et les insignes de la royauté. Les frères de Saleh, étant enfin arrivés,lui prêtèrent le serment de fidélité. Ce prince continua, jusqu'à sa mort, à suivre la politique de ses prédécesseurs. Son fils Abd-el-Bediâ lui succéda en 315 (927-8) et prit le surnom d'El-Mouwaïed (le bien soutenu). Deux années plus tard, Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa, coryphée du parti fatemide en Maghreb, marcha contre Nokour et l'emporta d'assaut. Saleh y perdit la vie et sa ville fut livrée au pillage et ruinée de fond en comble.

Quelque temps après, les fuyards y rentrèrent et mirent à leur tête Abou-Aïoub-Ismail, fils d'Abd-el-Mélek, fils d'Abd-erRahman, fils de Saîd, fils d'Idrîs, fils de Saleh, fils de Mansour.

Le nouveau chef, ayant rebâti et repeuplé la ville de Nokour, y habitait depuis trois ans, quand Meiçour, affranchi d'Abou-lCacem-Ibn-Obeid-Allah [le khalife fatemide] et commandant de l'armée qui faisait alors le siège de Fez, envoya contre lui un corps de troupes sous la conduite de son client Sandal. Cet officier bloqua d'abord Djeraoua, et,dirigeant ensuite ses troupes contre Nokour, contraignit Ismail-Ibn-Abd-el-Mélek à s'enfermer dans la forteresse d'Akeddi 1. Brûlant alors de venger la mort de quelques parlementaires auxquels, pendant sa marche, il avait donné la commission de se rendre auprès d'Ismail et qui avaient été tués par l'ordre de ce prince, il poussa en avant et emporta la place d'assaut au bout de huit jours de combats. Il reprit alors la route de Fez, après avoir ôté la vie à son adversaire et installé un gouverneur, nommé Mermazou le ketamien, dans la forteresse qu'il venait d'enlever et livrer au pillage. Les habitants deNokour profitèrent de son départ pour proclamer la souveraineté de Mouça, fils d'El-Motacem-Ibn-Mohammed-Ibn-Corra-Ibn-elMotacem-Ibn-Saleh-Ibn-Mansour. Ce prince, qui était généralement connu par le surnom d'Ibn-Roumi, se trouvait alors dans le Djebel-Abi-'l-Hacen, chez les Beni-Isliten. L'auteur du Mikyas lui assigne la généalogie suivante: Mouça-Ibn-Roumi-Ibn-Abd-es

Semiâ-Ibn-Idris-Ibn-Saleh-Ibn-Idris-Ibn-Saleh-Ibn-Mansour. Le nouveau souverain, ayant fait prisonniers Mermazou et tous ses gens, les fit décapiter et envoya leurs têtes à En-Nacer. En l'an 329 (940-1), il fut détròné et chassé de Nokour par un de ses parents nommé Abd-es-Semià-Ibn-Djorthem-Ibn-Idris-IbnSaleh-Ibn-Mansour. Il se retira alors en Espagne avec ses serviteurs, ses enfants, son frère Haroun-Ibn-Roumi, quelques-uns de ses oncles et beaucoup d'autres membres de la famille. Ils se fixèrent, les uns dans Almeria, avec leur chef, et, les autres, dans Malaga. Plus tard les habitants de Nokour tuèrent Abd-esSemiâ et rappelèrent de Malaga un descendant de Saleh-IbnMansour nommé Djorthem-Ibn-Ahmed-Ibn-Ziadet-Allah-IbnSaid-Ibn-Idris-Ibn-Saleh. Ce prince passa en Afrique sans

1. Variantes: Akkeri, Agdal.

perdre un instant, et ayant reçu, en 336 (947-8), le serment de fidélité que l'on s'empressa de lui prêter, il commença un règne qui devait être très heureux. A l'instar de ses prédécesseurs, il se montra observateur fidèle du rite malékite. Il mourut vers la fin de l'an 360 (971), après avoir exercé le commandement pendant vingt-cinq ans. L'autorité se conserva dans sa famille jusqu'à la prise d'Oran par les Azdadja; alors, Yala-Ibn-Fotouh, chef de cette tribu, marcha sur Nokour et s'en rendit maître. Ceci eut lieu en 406 (1015-6), ou en 410, selon un autre récit [celui d'El-Bekri]. La ville fut détruite ainsi que le pouvoir de cette dynastie, pouvoir qui commença avec Saleh et dura trois cent quatorze ans. Nokour resta entre les mains des Azdadja et de la famille de Yala-Ibn-Fotouh jusqu'après l'an 460 (1067-8).

HISTOIRE DE HAMÎM, FAUX PROPHÈTE DES GHOMARA.

Les mœurs agrestes, les habitudes rustiques des Ghomara, jointes à leur éloignement de tout lieu où le bien pouvait s'apprendre, les tenaient plongés dans une ignorance profonde et les empêchait de connaître les vrais principes de la religion. Aussi il s'éleva, chez les Medjekéça, un prétendu prophète appelé Hamîm2-Abou-Mohammed, fils d'Abou-Khalef-Menn-Allah(don de Dieu), fils de Harir, fils d'Amr, fils de Rahfou3, fils d'Azeroual, fils de Medjekéça. En l'an 313 (925), Hamîm se produisit comme prophète dans la montagne près de Titta wîn (Tétouan),

1. El-Bekri, qui écrivit sa Géographie historique en l'an 460 (1067–8), dit: Nokour appartient encore aujourd'hui à la famille de Yala-IbnFotouh.

2. Sept sourates du Coran commencent par les lettres h, m, que l'on prononce ha, mim. La signification de ce groupe cabalistique n'a jamais été bien expliquée par les commentateurs. Ici on le voit employé comme nom propre, ainsi qu'il en est arrivé au terme analogue ya, sin. (Voir p. 68 de ce volume, note 2.)

3. Variantes fournies par les manuscrits d'El-Bekri Oudjefoul, Ouakhfoul.

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