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[ou Mesettaf], fils de Melîl, fils de Masmoud. Quelques personnes encore représentent Ghomar comme fils d'Assad et petit-fils de Masmoud, pendant que d'autres prétendent que les Ghomara sont des Arabes qui débordèrent (ghamar) sur ce pays de montagnes et que, de là, est venu leur nom. Cette dernière opinion n'a cours que chez le vulgaire.

Les Ghomara se partagent en une quantité innombrable de branches et de familles, parmi lesquelles on distingue, surtout, les Beni-Hamîd, les Metiona, les Beni-Nal, les Aghsaoua, les Beni-ou-Zeroual et les Medjekéça. Cette dernière tribu demeure à l'extrême limite [occidentale] du territoire ghomarien.

Les Ghomara habitent les montagnes du Rîf, région qui borde la Méditerranée; leur pays a une longueur de plus de cinq journées, depuis Ghassaça, au nord1 des plaines du Maghreb, jusqu'à Tanger, et il renferme ces villes ainsi que Nokour, Badis, Tîkîsas, Tîttawîn (Tétouan), Ceuta et El-Casr. La largeur de ce territoire est aussi de cinq journées, depuis la mer jusqu'aux plaines qui avoisinent Casr-Ketama et la rivière Ouergha. En suivant cette direction, on rencontre successivement plusieurs chaînes de hautes montagnes formant des barrières qui s'élèvent à perte de vue et aux cimes desquelles les oiseaux - que dis-je? — l'imagination même ne saurait atteindre 2. Entre les crêtes de ces montagnes s'ouvrent plusieurs défilés qui offrent un passage aux voyageurs et qui renferment des pâturages, des terres cultivées et des bocages semblables à des jardins.

Ce qui prouve que ce peuple appartient à la race masmoudienne est le fait que quelques unes de ses tribus, qui habitent entre Ceuta et Tanger, portent encore le nom de Masmouda. C'est même d'elles que le Casr-el-Medjaz, où l'on s'embarque pour Tarifa, a tiré son appellation de Casr-Masmouda. Un autre fait vient à l'appui de cette opinion: de ce côté-là, le territoire

1. L'auteur dit sur la gauche. Il s'orientait, sans doute, sur la Mecque.

2. Les montagnes du Rîf ne sont pas aussi élevées que notre auteur nous, le donne à entendre.

ghomarien touche à cette partie du bord de l'Atlantique qui est habitée par les Berghouata, tribu masmoudienne. En effet, les Beni-Hassan, peuplade ghomarienne, se trouvent établis sur les côtes de l'Océan depuis Azghar et Asîla jusqu'à Anfa, où leur territoire touche au pays des Berghouata et des Dokkala, pays qui s'étend jusqu'aux régions occupées par les tribus masmoudiennes de l'Atlas et aux contrées méridionales qui en sont au delà 1.

D'après les observations précédentes, on reconnaîtra que les Masmouda sont, à peu d'exceptions près, les seuls habitants de la partie montagneuse du Maghreb-el-Acsa, car les plaines en sont occupées par d'autres peuples. Les Ghomara sont restés dans leur territoire actuel au moins depuis les premières invasions musulmanes, et nos connaissances au sujet de leur histoire ne remontent pas au delà de cette époque. Les musulmans leur livrèrent alors plusieurs batailles meurtrières, mais ce fut Mouça-Ibn-Noceir qui leur fit essuyer la défaite la plus rude et les porta à embrasser l'islamisme. Il retint leurs fils comme otages et plaça en garnison à Tanger, sous les ordres de Tarec, un corps de troupes qu'ils lui avaient fourni. A cette époque ils eurent pour émir le même Yulîan (Julien) qui reçut la visite de Mouça-Ibn-Noceir et le poussa à envahir l'Espagne. Yulian se tenait à Ceuta, comme nous le dirons tantôt. Ces événements eurent lieu avant la fondation de la ville de Nokour.

Quand les Ghomara se furent convertis à l'islamisme, ils travaillèrent à fonder des empires au profit de chefs appartenant à d'autres races. Plusieurs faux prophètes se sont montrés chez eux, et, dans tous les temps, leurs montagnes ont offert aux rebelles une retraite assurée.

HISTOIRE DE CEUTA ET DE L'EMPIRE FONDÉ DANS CETTE VILLE

PAR LES BENI-EISAM.

Lors de la manifestation de l'islamisme, Ceuta, ville d'une haute antiquité, servait de résidence à Yulîan, prince des Gho

1. Cette dernière indication n'est pas exacte.

2. L'auteur sous-entend ici les Sanhadja, ou Zanaga, de l'Atlas.

mara. Ce chef, ayant appris que Mouça-Ibn-Noceir marchait de son côté, gagna sa bienveillance en lui prodiguant des cadeaux et en payant la capitation. Mouça le confirma dans le commandement de Ceuta, après avoir retenu, comme otages, son fils et les fils de son peuple. Il établit aussi Tarec-Ibn-Zîad dans Tanger et y plaça en garnison un corps de troupes que les Ghomara s'étaient obligés à lui fournir. Tarec passa ensuite en Espagne et frappa les Ghomara de nouvelles réquisitions en hommes, jusqu'à ce qu'il eut effectué la conquête dont nous avons parlé ailleurs et dont on ne vit jamais la pareille.

Après la mort de Yulian, les Arabes s'installèrent dans Ceuta, ayant obtenu du peuple de ce chef que la ville leur fût remise à l'amiable. Survint, ensuite, la révolte de Meicera-el-Hakîr, partisan célèbre des égarements kharedjites, lequel était parvenu à faire adopter ses erreurs par une grande partie des tribus ghomariennes et par d'autres peuples berbères. Les Berbères de Tanger se portèrent alors sur Ceuta et en expulsèrent les Arabes; puis, ayant réduit en esclavage les habitants de la ville, ils la dévastèrent au point qu'elle resta dépeuplée.

Plus tard, Madjekès, un de leur chefs les plus distingués, alla s'établir dans Ceuta, qui reçut, en conséquence, le nom de Medjekéça. L'ayant rebâti et repeuplé, il embrassa l'islamisme et continua, jusqu'à sa mort, à recevoir les enseignements des hommes instruits dans la loi. Son fils Eisam lui succéda et mourut après avoir régné quelque temps. L'autorité passa alors entre les mains de Modjîr, fils d'Eisam, et, à sa mort, elle fut recueillie par Er-Rida, frère ou fils du précédent.

Cette dynastie témoignait aux Idrîcides une obéissance peu franche ainsi que l'on verra ailleurs. En-Nacer [le khalife oméïade espagnol], ayant conçu le projet de se rendre maître du Maghreb, en remplacement des Idricides, seigneurs d'El-Hebet et de Ghomara, qui venaient d'être expulsés de Fez, leur capitale, par les Miknaça et les Zenata, décida ces princes à le reconnaître publiquement pour souverain et à lui donner l'autorisation d'enlever Ceuta aux fils d'Eisam. Il envoya alors contre cette ville un corps de troupes et une flotte, sous les ordres de son général

Nedjah-Ibn-Ghofaïr. Ceci eut lieu en l'an 319 (931), et Er-Rida l'eisamide s'empressa de faire sa soumission et d'abdiquer le trône. Telle fut la fin de cette dynastie. Ceuta resta dans la possession d'En-Nacerjusqu'à ce que les Beni-Hammoud 1 y fondèrent un nouveau royaume, ainsi que nous l'exposerons plus loin.

HISTOIRE

DES BENI-SALEH-IBN-MANSOUR, ROIS DE NOKOUR, ET DU ROYAUME QU'ILS FONDÈRENT DANS LE PAYS DES GHOMARA.

Lors de la conquête musulmane, les vainqueurs se partagèrent les cantons et les provinces du Maghreb et, à plusieurs reprises, ils obtinrent des khalifes l'envoi de nouvelles troupes afin de faire la guerre aux Berbères. Dans le premier corps de ces renforts, lesquels étaient composés d'Arabes de toutes tribus, se trouva un chef himyerite appartenant à ceux du Yémen et nommé Saleh-Ibn-Mansour. Ce guerrier, qui était généralement connu par le sobriquet d'El-Abd-es-Saleh (le bon serviteur), s'appropria [le territoire de] Nokour, et, vers l'an 91 de l'hégire (709-10), il obtint du khalife El-Ouélîd-Ibn-Abd-el-Mélek l'autorisation de garder ce pays comme ictâ. Voila ce que dit l'auteur du Mikyas 3.

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« Du côté de l'orient, le territoire de Nokour touche à Zouagha et au Djeraoua d'Ibn-Abi-'l-Aïch 4, de sorte qu'il a cinq » journées de longueur; il avoisine Matmata, Kebdana, Mer>> nîça, Ghassaça, localité dont les habitants s'appellent les Gens » du Mont-Herek, et Colouâ-Djara, endroit qui appartient aux » Beni-Ourtendi. Du côté de l'occident, il a pour limites le pays >> des Beni-Merouan, tribu ghomarienne, le territoire des Beni

1. Le texte arabe et les manuscrits portent Hammad. 2. Voir t. I, p. 117, n. 2.

3. L'ouvrage intitulé El-Mikyas (l'échelle à mesurer) nous est inconnu. On ignore même le nom de celui qui le composa.

4. Tout ce passage entre guillemets est tiré de la Géographie d'ElBekri. Ibd-Khaldoun, ou son copiste, y a écrit Ats avec un sad, à la place d'Aïch avec un chin, qui est la bonne leçon.

>> Hamîd et les cantons occupés par les Mecettaça et les Sanhadja. >> Derrière ces peuplades se trouvent les Auréba et la bande de » Ferhoun (hizb-Ferhoun), les Beni-Quélîd, les Zenata [de Ta» brîda], les Beni-Irnîan et les Beni-Ouacen de la bande de » Cacem, seigneur du Za. » — Au nord de Nokour, à la distance de cinq milles, on rencontre la mer.

Saleh, ayant reçu ce territoire comme ictâ, y fixa son séjour et eut une nombreuse postérité. Il commença 1 par rassembler autour de lui les tribus ghomarites et sanhadjiennes ; et, après les avoir converties à l'islamisme, il maintint son autorité avec leur appui. Ayant alors pris possession de Temçaman, il propagea rapidement la vraie religion parmi ces populations. Les devoirs et obligations de la loi leur étant ensuite devenus à charge, elles. retombèrent dans l'infidélité, forcèrent Saleh à quitter le pays et prirent pour chef un homme de la tribu de Nefza, surnommé Er-Rondi. Peu de temps après, elles revinrent à la foi et rappelèrent Saleh au commandement. Depuis lors ce chef régnasur elles jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu à Temçaman, en l'an 132 (749-50). Son fils et successeur, El-Motacem, prince rempli d'intelligence et de générosité, se distingua aussi par sa piété ; pendant son règne, malheureusement bien court, il présida en personne à la prière publique et fit le prône (khotba) lui-même. Son frère Idris, qui lui succéda, posa les fondements de la ville de Nokour sur le bord de la rivière [ainsi nommée]; mais il laissa son ouvrage inachevé et mourut en 143 (760-1). Son fils Saîd hérita de l'autorité souveraine et atteignit à une grande puissance. Il habita d'abord à Temçaman; mais, bientôt après son avènement, il termina la construction de Nokour et alla s'y établir.

Nokour est la même ville qui porte, de nos jours, le nom d'ElMezemma. Elle est située entre deux rivières dont l'une, le Nokour, descend du pays des Gueznaïa où il prend sa source dans la même montagne qui donne naissance à l'Ouergha. L'au

1. Dans le texte arabe, le mot miftah paraît être employé adverbialement avec le sens d'iftitah el-amri (au commencement).

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