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tué un service météorologique, comprenant 12 observatoires et 26 stations.

Le 26 septembre 1905 a commencé le premier congrès colonial italien à Asmara (Erythrée); la séance de clôture a eu lieu le 14 octobre. Naturellement je dois réserver à une autre lettre l'exposition des actes du Congrès.

CARLO A. NALLINO. Professeur à l'Université de Palerme,

P.-S.

Au dernier moment m'arrive la nouvelle de la mort soudaine de M. Camillo Tagliabue, terrassé par un automobile à Milan, sa ville natale, le 16 octobre. Il avait 67 ans ; avait passé environ 18 ans dans l'Inde anglaise, à Haïderåbåd, attaché à la mission catholique, et dès 1878 il était professeur d'hindoustani au R. Istituto Orientale de Naples. Il avait publié : Breve saggio di proverbi indostani (Naples 1888, in-4o); Grammatica della lingua indostana o Urdû (Turin 1892, in-8°); Manuale e glossario della lingua indostana (Rome 1898, in-8'); Proverbi, detti e leggende indostani, pubblicati e tradotti (Rome 1899, in-8°).

LES ALIXARES DE GRENADE

ET LE CHATEAU DE KHAOUARNAQ

On a réagi, surtout depuis M. Circourt (1) et F. Wolf (2), contre l'opinion qui voyait dans les romances appelés moresques, un tableau de la société musulmane d'Espagne, surtout dans les derniers temps du royaume de Grenade. Si les romances moresques n'ont, pour la plus grande partie, d'arabe que le titre et nous présentent de la couleur locale à la manière d'Ibrahim ou l'illustre Bassa, de Me de Scudéry, de Malek-Adel, de Me Cottin, et du Dernier Abencerage, de M. de Châteaubriand, ce serait une erreur de n'admettre aucune exception. J'aurai l'occasion de signaler ailleurs les rapports qui existent entre certains romances du cycle de Roderic et les traditions arabes; dans la présente étude, je prendrai pour sujet d'une comparaison analogue un trait d'un des romances classés parmi les moresques et j'espère montrer qu'il a été emprunté à une des plus anciennes légendes arabes.

« Sur les bords du Guadalquivir, en remontant, chemine le bon roi Don Juan. Il rencontre un More nommé Aben Amar (3). Le bon roi, dès qu'il l'a vu, lui a parlé de la sorte:

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Aben Amar, More de la Morerie, tu es fils d'un chien de More et d'une esclave chrétienne. On appelle ton père Hali (Ali) et ta mère

(1) Histoire des Mores et des Morisques, Paris, 1846, 3 vol. in-8°, t. 1, p. 322. (2) Studien zur Geschichte der spanischen und portugiesischen NationalLiteratur, Berlin, 1859, in-8°, ch. 11; Ueber die Romanzenpoesie der Spanier, p. 529-533. Cf. aussi Mila y Fontanals (De la poesia heroica popular castellana, Barcelone, 1874, in-8°. Introduction, p. XXIII-XXVI', qui rectifie quelques-unes des opinions émises dans les ouvrages précédents. Il faut tenir compte également des observations de M. T. Braga: quoiqu'elles n'aient pour objet que la poésie populaire portugaise, elles peuvent aussi s'appliquer à la poésie populaire espagnole (Epopeas de raça mosarabe, Porto, 1871, in-12, ch. 1, p. 111-167).

(3) Les Benou'l Ah'mar furent les derniers princes musulmans qui régnèrent en Espagne : leur capitale était Grenade. Je me bornerai à renvoyer en ce qui les concerne, au travail de M. Gaudefroy-Demombynes, Histoire des Benou'l Ah'ma", Paris, 1898, in-8°.

Catalina. Lorsque tu naquis, & More, la lune était dans son croissant, la mer était calme; le vent ne la troublait pas. Un More qui naît sous ce signe ne doit point dire de mensonge. D'ailleurs j'ai un tien fils prisonnier en mon pouvoir et je lui accorderai la vie si tu me dis la vérité sur ce que vais te demander; si tu ne me la dis point, More, je le tuerai et toi aussi.

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Je te la dirai, bon roi, si tu m'accordes la vie.

Dis la moi, et la vie te sera accordée. Quels sont ces châteaux si élevés et si brillants ?

» L'un, seigneur, est l'Alhambra; les autres sont les Alixares travaillés à merveille. Le More qui les a bâtis gagnait cent doublons par jour; et quand il passait une journée sans travailler, il en perdait autant du sien. Et quand il eut achevé, le roi lui ôta la vie pour qu'il n'en bâtît pas un semblable au roi d'Andalousie (1) ». Le reste, c'est Grenade, Grenade ennoblie par beaucoup de chevaliers et d'arbalétriers (2). C'est en Arabie et dans les légendes antéislamiques que nous allons retrouver l'origine de ce trait apporté plus tard en Espagne par les Arabes et appliqué à un monument d'origine postérieure (3).

Une tradition rapporte que le roi de Hirah, En No'mån ben Imrou'lQaïs (4), qui régna quatre-vingts ans, aurait fait construire un magnifique

(1) Remarquons en passant ce titre de « roi d'Andalousie » (rey d'Anda. lucia). Au point de vue espagnol, il n'a aucun sens; en arabe, au contraire, il désigne le roi d'Espagne. Le début de ce romance n'existe pas dans la version abrégée qu'on trouve dans le recueil d'Ochoa (Tesoro de los Romanceros, Paris, s. d. in-8°, p. 283-284. Romances moriscos, Romances varios, no 2, reproduite par Perez de Hita, Histoire chevaleresque des Mores de Grenade, trad. fr. Paris 1809, 2 vol. in-8°, t. 1, p. 39-40. Il n'existe pas non plus dans l'édition de Wolf et Hermann. Primavera y flor de romances, Berlin, 1856, 2 v. in-12, t. 1, p. 250; du moins il est rejeté en note (p. 251) comme ajouté par l'édition de 1550 et les suivantes. C'est la version du Primacera qu'a traduite M. de Puymaigre, Petit Romancero, Paris, 1878, pet. in-12, p. 64-65. Chateaubriand qui a imité ce romance dans le Dernier Abencerage (à la suite d'Atala, Paris, s. d. in-18 jés., p. 135) a également négligé ce trait. Mais que celui-ci ait fait partie du romance primitif, ou qu'il ait été ajouté au plus tard en 1550, il n'en est pas moins, comme on le verra, d'origine arabe.

(2) Trad. Damas-Hinard, Romancero espagnol, Paris, 1844, 2 v. in-18 jés., t. 1, p. 218. Cette tradition a été reproduite par Vernes d'Arlande: En Algérie, à travers l'Espagne et le Maroc, Paris, 1882, gr. in 18, p. 184.

(3) Sur le peu de fondement historique de la trahison commise envers l'architecte et sur la légende en général, cf. Rothstein, Die Dynastie der Lahmiden in al-Hira, Berlin, 1899, in-8°, p. 15-16, 67-68; Noeldeke, Geschichte der Perser und Araber, Leyde, 1879, p. 79-80.

(4) Suivant d'autres, le palais de Khaouarnaq fut construit pour le fils d'En No'mån, Imrou'l Qais II, qui aurait été le meurtrier de l'architecte (Abou'l fèda, Historia anteislamica, éd. et tr. Fleischer, Leipzig, 1831, in-4o, p. 126; Iskender Agha Abkarious, Tasiin nihayat el'Arab, Beyrouth, 1867, in-8°, p. 41). Hamzalı d'Ispahan (Annales, éd. et tr. Gottwald, S. Pétersbourg

château appelé Khaouarnaq (1). La construction dura soixante ans ; suivant d'autres, vingt ans. L'architecte était un Grec nommé Sinimmår (2). Il construisait pendant deux ou trois ans, puis disparaissait pendant cinq ans, plus ou moins on le cherchait inutilement; il revenait et donnait divers prétextes (3). Il continua d'agir ainsi pendant soixante

et Leipzig, 1844-48, 2 v. in-12, t. 1, p. 105, t. II, p. 82, et dans Rasmussen, Historia præcipuorum Arabum regnorum, Copenhague, 1817, in-4o, p. 10-11 et 34), place aussi la construction de Khaouarnaq sous le règne d'lmrou'l Qais mais il distingue ce château de celui de Sinnin qui aurait été bâti par Sinimmar. Il en est de même d'El-Khaouârezmi (Mafatih' el 'Oloum, éd. Van Vloten, Leyde, 1895, in-8°, p. 111). La plupart des historiens, en l'attribuant à En No'mân, disent que ce prince le fit construire pour servir de demeure à Behram-Gour, fils du roi de Perse Yezdedgerd, qui était possédé d'un démon, (Ibn el Faqih El-Hamadzani, Compendium libri Kitàb al Boldán, éd. de Goeje, Leyde, 1902, in-8°, p. 117), et dont on lui avait confié l'éducation (Eth Tha'álebi Histoire des rois de Perse, éd. Zotenberg, Paris, 1902, in-4°, p. 540; Tabari, Annales 1 partie, t. III, Leyde, 1879, in 8°, p. 850-851; El Bekri, Mo'djem, éd. Wustenfeld, Gottingen, 1876. in-8°, p.328; El Belâdzori, Liber expugnationis regionum, éd. de Goeje, Leyde, 1866, in-4°, 287; Ibn Khordådbeh, Kitab elMasálik, éd. de Goeje, Leyde, 1889, in-8°, p. 161, Mas'oudi, Kitáb et tanbih, éd. de Goeje, Leyde, 1894, in-8°; tr. fr., Le livre de l'avertissement, Paris, 1897, in-8, p. 144; El Mot'ahhar el Maqdisi, Le livre de la création, éd. et tr. Huart, t. I, Paris, 1903, in-8°, p. 165 du texte; Ibn el Athir, Kamil, Le Qaire, 12 vol. in-4°, 1302 hég., t. 1, p. 176, reproduit par Mirkhond, Rauzat es Safa, tr. Rehatsek, 1 partie, t. 11, Londres, 1892, in-8°, p. 353; Ibn Khaldoun, Kitáb el'Iber, 7 v. in-4, Boulaq, 1234 hêg., t. 11, p. 263; El Isbâhâni, Kitáb el Agháni 20 vol. in-4°, Boulaq, 1285, hég., t. 11, p. 38; El Baghdâdi, Khizánat el adab, Le Qaire, 1299, 4 v. in-4o, t. 1, p. 146; El ‘Aini, El Maqasid en nah'ouyah, en marge du précédent, t. 11, p. 496; Ibn Zhafer le Sicilien, Solwán el Mot'á, Tunis, 1279 hég., in-8°, p. 67 : éd. tr. Amari; Conforti politici, Florence, 1851, in-12, p. 140; dans le roman persan de Heft Peiker par Nizami, c'est à El Mondzir, père d'En No'mån que Behrâm Gour a été confié : c'est lui qui fait batir le château de Khaouarnaq et qui fait périr Sinimmar parce que celui-ci avoue qu'il aurait pu construire un plus beau château (cf Von Hammer, Geschichte der schonen Redekünste Persien, Vienne, 1814, in-4, p. 110, Munadjdjim Bachi, S'ah'aif el Akhbar, version turke (Constantinople, 1285 hég., 3 v. in-4 ̊, t. 1 p. 408), attribue simplement à En No'mân la construction de Khaouarnaq.

(1) Cf. une note où M. Noeldeke rapproche ce nom d'un mot hébreu-rabbinique, signifiant « tonnelle, plantation », à défaut d'une étymologie persane acceptable (Geschichte der Perser und Araber, p. 79, note 3), comme celle qu'indiquent Ibn Qotaïbah, Adab el Kátib (éd. Grünert, Leyde, 1901, in-8°, p. 533) et El Djaouâliqi (Al Mu'arrab, éd. Sachau, Leipzig, 1867, p. 56-56). M. Andreas (ap. Roth, Die Dynastie der Lahmiden, p. 144) l'explique par deux mots persans « qui a un bon toit ».

(2) Reiske (Primæ lineæ historiæ regnorum arabicorum, Gottingen, 1847, in-8, p. 46), qui admet l'authenticité de cette légende, croit que le nom de Sinimmar est une altération de Siman pour Simon, opinion suivie par Rasmussen (Historia præcip. Arab. regn. p. 21). Il était étranger, car il est traité tantôt de Roumi, tantôt de 'Ilj (cf. Roth, Die Dynastie der Lahmiden, p. 15j. (3) On reconnait ici un trait du romance espagnol : l'architecte payant une somme égale à son salaire les jours où il ne travaille pas.

ans jusqu'à ce que la construction fut terminée. En No'màn monta alors sur le sommet et aperçut à la fois la mer devant lui et la terre derrière lui; il voyait en même temps le poisson, le lézard des sables, la gazelle et les palmiers. Je n'ai jamais rien vu de pareil à cette construction! s'écria-t-il. Sinimmår lui dit : « Je connais la place d'une brique : si on l'enlevait, le palais s'écroulerait tout entier. Quelque autre que toi la connaît-il ? demanda le roi. — Personne, assurément. » Alors le roi ordonna de précipiter Sinimmar du haut du palais : il fut broyé dans sa chute et son nom est passé en proverbe (1).

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D'autres traditions mettent en scène un personnage à demi-fabuleux : Oh'aïh'ah ben El Djoullåb, de Médine, qui défendit cette ville contre le Tobba' du Yémen. Suivant la légende, il possédait une forteresse nommée Dhab'yan, construite en pierres noires. Lorsque la construction fut terminée, Oh'aïh'ah monta sur le faite avec un de ses serviteurs et dit : J'ai bâti une forteresse solide, telle qu'aucun Arabe n'en a construit de plus célèbre, et pourtant, je connais une pierre placée de telle sorte que, si on l'enlève, tout s'écroule. Je la connais aussi, dit le serviteur. Montre-la moi, mon fils, demanda Oh'aïh'ah. L'autre la désigna d'un signe de tête. Son maitre le précipita des murs de cette forteresse; le serviteur tomba la tête la première et se tua. Oh'aïh'ah le fit mourir seulement pour que personne n'eût connaissance du secret de la pierre. On lui attribue le vers suivant :

J'ai construit Dhahı'yân après Mostazhil; je l'ai bâti avec le revenu de mes richesses (2).

Comme on le voit, l'ingratitude envers l'architecte est remplacée par un acte de défiance, mais d'autres traditions rétablissent le lien qui unit les versions de ce conte. D'après El Maidani (3) et El Djaouâliqi (4), ce serait Sinimmår qui aurait construit le château de Dhah'yan et aurait été précipité pour ne pas révéler le secret du prince.

Des récits différents, pour en revenir à En No'mån. donnent un autre prétexte à son ingratitude. « Quand Sinimmar eut fini son œuvre, dont on

(1) El Isbahâni, Kitáb el Aghani, t. 11, p. 38; Yaqout, Mo'djem el Boldȧn (éd. Wustenfeld, Leipzig, 1866-71, 6 vol. in-8°), t. II, p. 490; El Hamadzani, Compendium Kitáb el Boldán, p. 176-177; El Qazouini ap. Cheikho, Medjáni el Adab, t. 1, Beyrout. 1884, in-12, p. 221-222; Ibn al Athir, Kamil, t. 1, p. 176; El Djaouâliqi, Mu'arrab, p. 87; Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, Paris. 1847, 3 vol. in-8°, t. 11, p. 55-56. (2) El Isbahani, Kitab el Aghâni, t. xIII, p. 124: Perron, Lettre sur l'histoire des Arabes avant l'islamisme, Paris, s. d. in-8°, p. 57. Yaqout qui mentionne (Mo'djem el Boldân, t. 1, p. 407) la construction de Dhah'yàn par Oh'aïh'ah, ne parle pas de ce détail.

(3) Proverbes, Boulaq, 1284 hég., 2 vol. in-1o, t. 1, p. 140; Freytag, Procerbia arabica, Bonn, 1838-1813, 3 vol. in-8°, t. 1, p. 179.

(4) Mu'arrab, p. 88.

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