Images de page
PDF
ePub

NOUVELLES RECHERCHES

SUR

LE PREHISTORIQUE DANS LE SAHARA

ET DANS LE HAUT-PAYS ORANAIS

Dans la présente note, nous allons seulement tenter de donner un résumé très succinct de nos recherches sur le Préhistorique dans le Sahara et le Sud-Oranais, pour cela, nous prendrons pour guide la collection que nous avons exposée lors de la réunion à Alger, du Congrès des Sociétés Savantes (Alger, avril 1905), avec l'aide de M. le capitaine de vaisseau A. Martin, et, grâce à la large hospitalité qui nous a été offerte par M. Steph. Gsell, le savant directeur du Musée des Antiquités algériennes de Mustapha (1).

Les éléments de cette collection ont été recueillis au cours de nos missions respectives militaires ou scientifiques, poursuivies depuis près de quinze années dans le Haut-Pays oranais [Hauts-Plateaux vrais, steppes, dépression des chotts et chaines atlantiques (hautes plaines et reliefs), et plus au Sud, dans le Sahara central [Méguiden, Tadmaît, Tidikelt, Oued Ighaghar, les Gassi, etc.]. jusqu'aux premiers contreforts et plateaux du Pays des Touareg [Oued Botha, Mouydir].

Nous sommes heureux d'adresser ici, tout d'abord, tous nos remerciements à ceux qui ont bien voulu collaborer à nos recherches ou à nos récoltes, c'est-à-dire aux officiers des postes du Sud, grâce auxquels, il nous a été possible de réunir un ensemble très important et surtout nouveau; nous exprimons en particulier toute notre reconnaissance à

(1) Une série très complète de gravures rupestres, ou Pierres Écrites, néolithiques et libyco-berbères du Haut-Pays de la Berbérie et du Sahara relevées par l'un de nous, complétaient un ensemble réuni et soumis ici au public, pour la première fois.

M. le lieutenant-colonel Calley-Saint-Paul à MM. les commandants Cauvet, Deleuze, Dupuis d'Uby, Fariau, Marignac, Pierron, Rédier, Royer de Saint-Julien, Rigal, aux capitaines Almand, Boulle, Falconetti, de la Gardette de Favier, Sarton du Jonchay, Touchard, à l'officierinterprète Pozzo di Borgo.

Pour la classification de cette collection nous n'avons pas suivi, ainsi que cela se fait le plus ordinairement en Europe, l'ordre des époques auxquelles appartiennent ou paraissent appartenir les objets considérés; de tels groupements, qui impliqueraient une certitude dans la réparti tion des modes de tailles respectives dans les temps, ne répondraient pas (pour les territoires et les stations que nous étudions) à une vérité scientifique (1). Déjà pour beaucoup de gisements du Nord de la Berbérie (TunisieAlgérie-Maroc) il règne à ce sujet une grande confusion; - et, l'on sait que les stations d'âge relatif bien déterminé sont en bien petit nombre, (Ouzidan, Ternifine-Palikao, Lac-Karar pour le quaternaire ancien).

Dans l'Extrême-Sud, qui paléoethnologiquement est encore peu étudié, malgré les nombreuses missions et colonnes qui l'ont parcouru, les récoltes faites autour des postes, et les travaux déjà publiés auxquels cellesci ont donné lieu (2), c'est à la surface qu'ont été, jusqu'à ce jour, rencontrés les gisements reconnus, un peu au hasard des itinéraires suivis, sans que des fouilles soient venues établir, pour des tailles différentes, des superpositions nettement constatées. Une seule exception est à citer, I'Hadjar Mahisserat au voisinage d'Ain-Sefra, qui montre en surface, du néolithique avec fragments de poteries, sur un substratum épais contenant des outils à taille chelléo-moustérienne (3).

Nous croyons nécessaire, pour bien fixer les idées, pour montrer la diversité des modes des gisements préhistoriques relevés à ce jour, dans le Sahara et le Haut-Pays, et, pour faire ressortir la physionomie particulière à quelques uns, d'en faire la description succincte, avant que de

(1) Cf. à ce sujet les deux mémoires de M. le D' E. T. HAMY et de M. le D' R. VERNEAU publiés comme « considérations générales >> sur les collections recueillies par M. F. FOUREAU, Documents scientifiques de la Mission saharienne (Mission Foureau-Lamy), p. 1096-1105, et 1106-1123, 3 fascicule. Paris, 1905.

(2) Voir ci-après l'appendice.

(3) Cf. G. B. M. Flamand, Anthropologie, p. 145, mars-avril 1892. · Bulletin Soc. Anthrop. Lyon, 2, juin 1901. Congrès Association pour l'avancement des Sciences. Session de Paris 1900, p. 210 à 213. 1re partie. Session de Bordeaux, p. 318. 1" partie 1895.

-

[ocr errors]

donner la nomenclature des formes d'objets, nouvelles ou peu connues ou non encore signalées en Afrique, qui constituent notre collection.

Les gisements du Haut-Pays oranais et du Sahara appartiennent aux groupes principaux suivants :

1 Gisements sporadiques: Les pièces isolées se rencontrent plus particulièrement dans les parties basses, le long des voies naturelles d'accès, assez souvent près des cols, sur des rochers; sans gangue, libres, dispersées sur des aires étendues, rarement en montagne.

2 Sur les plateaux : Pièces à la surface, à l'air, parfois en nombre vraiment considérable (M'zguillem, S. E. de Djenien Bou-Resk), ordinairement sur les corniches et terrasses du terrain quarternaire ancien (Oued Mya, Inifel), quelque fois aussi, sur les terrasses supérieures (Hammad).

Souvent ces gisements sont très pauvres en objets bien définis, ou à taille manifeste avec retouches, etc., les pièces caractérisées gisant au milieu de centaines d'ébauches informes.

Parfois même, les premières manquent, et le gisement pourrait paraître des plus douteux, si l'on n'avait une preuve certaine de son existence, dans le fait même de l'accumulation de matériaux ébauchés (silex, calcaires siliceux, calcédoines, ménilites, etc.), étalés sur des surfaces de plateaux de grés, de calcaires ou sur des terrasses d'alluvions d'une nature lithologique bien différente de celles des roches siliceuses ci-dessus énumérées, et, bien souvent fort éloignés (10, 20, 50 kil) des assises d'où ces matériaux auraient pu être extraits (assises d'origine, alluvions et poudingues où ils peuvent exister à l'état de cailloux roulés). C'est là un fait sur lequel nous insistons, il est des plus fréquents dans le HautPays oranais (M'zguillem déjà nommé, Noukhila au sud de Bou-Semghoun, steppes de l'est d'Ain-Ben-Khellil, Magroun, Ksar el-Ahmar', et dans le Sahara (Méguiden, Sidi-Moulay-Gandouz, etc.).

[ocr errors]

3 Abris sous roches. On les observe particulièrement dans la région montagneuse (Haut-Pays) et. quelquefois dans le Sahara, ghiran (grottes), ou kheloua (refuges) du par exemple: Ain-Ed-Douis, Ain-Lahag, Mahisserat, Ksar el-Ahmar. Ces abris sous roches existent assez ordinairement dans le voisinage des stations de Pierres-Écrites (Hadjrat-Mektoubat) néolithiques (localités ci-dessus citées).

Les instruments y sont

4 Dans les Thalwegs des Oueds (cours d'eau). ou entraînés par les eaux de ruissellement, ou in situ, nombreux exemples pour Ouargla, l'Oued Mya, Haci-Inifel, etc.; mais, même pour ces gisements si remarquables, ou trouve simultanément un grand nombre d'objets, sur les plateaux (terrasses et seuils) élevés de quelques mètres,

et dominant cependant les bas-fonds des digitations des anciens marigots de l'Igharghar ou des Oueds du Sahara oranais.

A Haci-Cheikh (zone d'épandage de l'Oued Gharbi) un silex (flèche imparfaite), a été trouvé par l'un de nous dans les couches de calcaire farineux à planorbes et à physes du quaternaire très récent.

5° Près des sources et près de quelques puits, près de certains réservoirs naturels, R'dirs, Tilmassin, Aguelmann; preuve, ainsi qu'on l'a antérieurement indiqué (1), de l'utilisation possible quelquefois, de ces diverses ressources en eau vers la fin de l'époque néolithique, lors de l'installation sur ces régions, d'un nouveau climat.

6° Enfin, il est un dernier mode de gisement de quelques stations préhistoriques sahariennes, qu'il est très intéressant de signaler. Ce sont les enceintes retranchées naturelles. Elles sont constituées par des alignements de longues bandes rocheuses faisant partie de séries d'assises très fortement relevées et quelquefois verticales (delad), dont l'ensemble, à l'exception. de l'alignement considéré, a été arasé à une faible hauteur du sol. Lorsque deux alignements semblables quelque peu distants, sont reliés grâce aux diaclases, par d'autres lignes de roches orthogonalement placées, ils délimitent des espaces sub-rectangulaires qui, ainsi protégés par l'exhaussement de ces murailles naturelles, constituent les enceintes retranchées naturelles. La disposition de ces dernières rappelle d'assez près celle des constructions cyclopéennes des palais de Tyrinthe et de Mycènes, et, la comparaison peut être poussée assez loin, car verticalement, les diaclases secondaires séparent dans la masse, des blocs énormes, à formes géométriques, restés en place, comme dressés sur les assises inférieures. Quelquefois aussi à deux alignements naturels de roches (strates redressées) parallèles s'ajoutent transversalement des murs de pierres sèches et plus généralement des blocs d'un fort volume, limitant ainsi des espaces plus ou moins rectangulaires. C'est ici un type intermédiaire entre l'enceinte retranchée naturelle et l'enceinte entièrement édifiée par l'homme. Des abrupts limitent souvent sur un ou plusieurs côtés les unes et les autres. Ce sont des grès qui constituent les roches de ces assises ainsi utilisées.

On les observe dans l'Oudj méridional de l'Erg occidental, sur la piste qui va d'Haci-Moulay-Gandouz à Fort Mac-Mahon en se maintenant sur la limite des dunes (Méguiden). Il en existe de semblables mais moins importantes au nord-est et au nord-ouest de Géryville, à l'est du Djebel Malah' (Méchéria). Comme gisement présentant une certaine analogie,

(1) G.-B.-M. Flamand, Association française pour l'avancement des Science Bordeaux, p. 318, 1o Partie, 1896 (Oueds R'arbi, Seggeur, Namous, etc.).

on peut rapprocher des enceintes retranchées naturelles quelques citadelles (?) berbères du Sahara (promontoires des hammad sur les Oueds, les Gour vers Kef-el-Fokra, Benoud, etc., dans l'Oued R'arbi); dans le Haut-Pays, dans les cercles de Méchéria, Géryville, Djelfa, on observe sur ces emplacements des superpositions de constructions berbères anciennes et modernes. Des stations de silex taillés se rencontrent dans les environs immédiats, et dans les enceintes elles-mêmes.

Une remarque qui s'applique à tous ces modes de gisements (à l'exception du dernier), c'est, et nous y insistons, le mélange des formes de taille et des types qui en Europe sont considérés comme caractéristiques des diverses phases des époques du paléolithique et du néolithique; ce qui par manque de tout gisement en place, laisse planer, ici, le plus grand doute sur leur détermination. Ce que M. le D' Verneau disait à ce sujet à propos des récoltes de la Mission Saharienne s'applique à nos gisements, une forme ancienne peut fort bien avoir été produite et utilisée à une époque plus récente que celle qu'elle caractérise habituellement (1).

Pour compléter ces notions sommaires sur les différents types de stations ou ateliers préhistoriques que nous avons rencontrés, nous allons maintenant donner, très brièvement, un aperçu des gisements géologiques (2) qui ont pu fournir les matériaux de taille, des objets et des armes, pour les deux grandes régions considérées; ils appartiennent aux séries suivantes :

1° SILEX, FRANCS, blonds, blancs (cacholonnés), bruns, gris, rouges et noirs ;

2° SILEX CALCÉDONIEUX de teintes variées ;

3° CALCÉDOINES ;

4 CALCAIRES SILICEUX, à divers degrés (matière des hachettes néolitiques du Sahara).

(1) « Les ouvriers qui ont fabriqué les pièces les plus remarquables au point « de vue du travail ont fort bien pu fabriquer des instruments plus grossiers <«<lorsque ceux-ci répondaient à leurs besoins. »>

Cf. Dr VERNEAU, loc. cit., p. 1121.

(2) Cf. G.-B.-M. Flamand, Anthropologie, mars-avril 1902.- Id. A. F. A. S., 1 partie, p. 168, 210-212. Paris 1900. Bull. Soc. Anthropologie, Lyon, juin

1901, etc.

« PrécédentContinuer »