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de ses monnaies, réflétant cette prétention, le représentent avec les emblèmes de son aïeul (massue et peau de lion). Il serait intéressant d'avoir un Juba II en Hercule, mais aucun fragment d'attribut, dans les investigations que nous avons continuées sur le lieu de la découverte, n'a été rencontré qui puisse nous fixer même sur la signification précise de ce torse.

Nous devons des remerciements à M. Quartero pour ce nouveau présent fait au musée local qui s'enrichit ainsi de jour en jour, grâce aux fouilles méthodiquement poursuivies depuis quelques années (1), grâce aussi au bon vouloir et aux libéralités des habitants de Cherchel.

VICTOR WAILLE,

Professeur à l'École Supérieure des Lettres,

(1) Pour la seconde fois, le Conseil municipal de la ville de Cherchel, a voté à l'unanimité et au nom de la population, des remerciements à celui que le gouvernement général, sur la proposition du Service des Monuments historiques, avait chargé de présider à ces recherches, et qui s'est trouvé très largement récompensé de son concours et de son bon vouloir, par cet hommage spontané et populaire. Voici le texte de la délibération, d'après le compte-rendu qu'en a publié la Dépêche Algérienne (1er août 1904): « A l'occasion de la nouvelle subvention accordée à la commune pour fouilles archéologiques à exécuter en 1904, et sur la proposition d'un de ses membres, le Conseil, à l'unanimité, vote de chaleureux remerciements à M. Waille, professeur à l'Ecole supérieure des Lettres, qui a bien voulu donner une nouvelle preuve de l'intérêt qu'il porte à la ville, en acceptant encore la direction de ces travaux. L'assemblée municipale tient à témoigner à M. Waille toute sa reconnaissance pour son concours aussi savant que dévoué, grâce auquel le musée de Cherchel s'enrichit chaque jour; il lui exprime sa gratitude pour le don précieux qu'il vient de lui faire de sa belle collection personnelle de monnaies -antiques. Le Conseil prie le Maire d'être auprès de M. Waille l'inter-prète de ces sentiments, que partage toute la population, et de lui adresser une copie de la présente délibération. »

L'INTERDIT SÉCULIER (RIFGÈH) EN H'ADHRAMOT

Dans le misérable pays de H'adhramôt (1) on trouve à côté du fanatisme musulman le plus borné, les coutumes populaires les plus purement païennes; des saints rigoureux y sont vénérés par des brigands professionnels. Ces santons reçoivent gracieusement les dons que tous leur offrent selon leurs moyens et du reste ils ne s'occupent guère des choses de ce monde et ne contribuent en rien à l'amélioration de leur peuple.

L'autorité de quelques chefs comme le « Coult'an » ou le Dôlèh (2) (c'està-dire la famille princière de Bin Abdallah, qui règne dans les villes de Sewoùn (3), Ferim, Feris, Méryaméh, èl-Ghoraf) et èl-Ge èt'i (4) (qui possède les ports de mer èl-Mekèllà et éch-Chih'r, les villes de Chibâm, èl-Gatàn ou èl-Gatin, etc.) ne s'étend pas au dehors des murs de leurs villes fortifiées, et elle est exercée dans un esprit d'avidité, qui exclut toute sollicitude pour le bien public. Les autres villes (comme p. e. èl-Ghorfèh) sont livrées à la tyrannie des nobles (gabàyil (5), plur. de gabîli) voisins, qui se partagent entre eux ce pouvoir ou se le disputent.

(1) La notation des sons arabes dans cet article n'a pas besoin d'explieation. La prononciation de H'adhramôt avec ô est bien la dominante dans le pays, contrairement à l'opinion de quelques orientalistes qui s'y opposent. On sait qu'en H'adhramôt est généralement prononcé comme T y et comme g.

(?) Dôlèh, plur. dewèl, désigne les membres de la famille princière ; dèwèlèh est un nom abstrait signifiant l'autorité principale: èd-dèwèlèh ma' N, c'est N. qui détient l'autorité (dans la ville). Comp. ci-dessous

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(3) Il ne saurait échapper à ceux qui ont entendu articuler ce mot qu'on ne prononce jamais Seoûn ni Sèyoûn.

(4) C'est ainsi, et non pas avec â, que ce nom est prononcé par les Ga't'ah eux-mêmes, par les Yàfi', leurs mercenaires, et par les Al Kèthir, leurs ennemis.

(5) Le pluriel de gabíléh, tribu noble, n'est jamais gabàyil, mais gobol ou göböl. Gèbwèlèh signifie la totalité des qualités appréciées par cette noblesse séculière (opp. à la noblesse des sådèh, descendants du Prophète), c'est-à-dire la mèryèlèh (, le classique 8), le nàmùs, le karam. Tagèbwèlaou ils sont devenus puissants. Les chefs des gobol sont appelés bù, plur. obwa, avec l'article: labú, lobira.

Ces gabâyil, demeurant autour des villes dans leurs maisons fortifiées (h'çoûn (1), plur. de h'oçn) vivent du produit de leurs terres, généralement cultivées par des laboureurs (2), des cadeaux de leurs protégés (mitribbe‘în, dont ils sont les protecteurs, rob‘â, pl. de rabi') et de mille sortes d'extorsions et de brigandages, qu'ils exercent envers les misérables, c'est-à-dire les bourgeois.

Tous ceux qui ne sont ni sâdèh (pl. de sayyid, descendants du Prophète), ni macháyihk (pl. de chèkh, autres nobles de descendance religieuse), ni gabayil (nobles séculiers), sont nommés masákin. Le bourgeois, qu'il soit laboureur, ouvrier, mendiant, marchand, maître d'école ou courtier, qu'il soit riche ou pauvre, est miskîn et ses descendants le seront après lui. Tandis qu'il est rare pour une famille H'adhramite de changer de profession, il est à peu près impossible de sortir de la classe, dans laquelle on est né. Ce ne sont que les gárwân, girwán ou garar (pluriels 3) de garii) qui font exception on leur attribue une origine noble (gabili) quoique, à présent ils appartiennent à la classe des masakin. Un sort défavorable, des ennemis puissants ont affaibli et dispersé leurs tribus et les survivants « se sont faits bourgeois », mais des bourgeois qui ne s'occupent généralement que de commerce et jamais de travail manuel (4).

(1) On désigne ainsi les demeures d'une tribu noble : h'çoûn ál N.; leurs terres cultivées, qui se trouvent généralement autre part, se nomment mithura (pl. metháwî) ou diyâr il N.

(2) Le labourage proprement dit, le remuement de la terre avec la charrue (ce travail s'appelle begra' de bagar, yobgor) est fait par le baggår, qu'on loue avec ses vaches pour ce travail seulement; le cultivateur par excellence, qui donne ses soins perpétuels à l'arrosage des champs et des jardins, c'est le sani (plur. senah, le classique ; on dit senâti, mes laboureurs) qui puise l'eau dans le puits (bir, pl. ábâr) et la distribue. Tous ces laboureurs sont compris dans le nom de dha fèh, pl. de dha'if (i) ou de ahl èl-khàla (pl. khilyân) le peuple des champs, et appartiennent à la grande catégorie des masákin (bourgeois).

(3) Un pluriel garwân n'existe pas. La dérivation de garwi de garyèh () n'est pas acceptée par les H'adhramites; ils pensent plutôt à et ils disent de ces gabâyil devenus bourgeois: istegarraou ou tegarwaou yôm tchèttattou ufatin (fâțèt) ‘olêhom laslab, ils se sont établis en ville parce qu'ils s'étaient dispersés et avaient perdu leurs armes.

(4) Je ne parle pas de la classe des Bédouins (bèdu ou bidwân), qui en H'adhramôt n'ont pas de grande importance. Ils vivent dans les montagnes, habitent des grottes ou des chaumières, cultivent les terres (chèry, pl. cheroûy, ) des vallées (wâdî, pl. widyan) arrosées par les torrents de pluie, s'il y en a, élèvent du bétail, transportent sur leurs chameaux les marchandises du littoral dans l'intérieur et infestent en temps de disette les champs et les villages par le vol et le pillage.

Les esclaves suivent la profession de leurs maitres.

Tous ces masakin, lorsqu'ils vivent en dehors du territoire de la protection oppressive du Coult'an ou des Ga't'ah (plur. de Ge1èt'i) sont exploités par les gabaâyil voisins, qui leur font des demandes souvent bien exorbitantes. Les pauvres bourgeois doivent bien y satisfaire; contre la violence d'un noble, il n'ont d'autre arme que la protection d'un autre plus respecté que celui-là, mais cette protection n'est accordée que moyennant des cadeaux amicaux.

L'énumération de tous les prélèvements coutumiers tenant le milieu entre la taxation et le pillage, auxquels les bourgeois sont sujets, ferait un assez long article qui donnerait en même temps un bon aperçu de l'état social et moral du H'adhramôt. Pour le moment, je n'ai pas le loisir nécessaire pour mettre la main à ce travail. Je ne donne ici qu'un petit détail bien caractéristique au point de vue lexicographique (1) aussi bien qu'ethnographique. Je veux parler d'un moyen de punition ou de contrainte dont les gabâyil se servent entre eux contre quiconque semble vouloir se soustraire à quelque devoir contractuel (p. e. le payement d'une dette) ou violer un droit de propriété, et qu'ils appliquent aux masakin pour les forcer d'obéir à leurs demandes tyranniques. C'est une sorte d'interdit séculier appelé rifgèh (ï3 ̧) (?).

Un gabili voulant forcer un autre gabili de mieux remplir ses devoirs envers lui (3) se rend lui-mème à un champ appartenant à son adversaire

(1) Dans certaines œuvres linguistiques sur le H'adhramot (dans lesquelles le dialecte de ce pays n'est pas toujours distingué d'avec les dialectes voisins), il manque nombre de mots les plus communs et des plus intéressants. Ainsi on y cherchera en vain le verbe hèd'èf (____¿¿»), jehd ́if, parler, le nom had'if, langage, et les autres dérivés, quoique tous ces mots soient dans la bouche des H'adhramites.

(حرج)

(2) Le verbe est rafag, yirfig, prononcer l'interdit; la forme intensive raffag. yeriffig, tarfûg, s'emploie lorsqu'il y a pluralité d'objets ou qu'on veut parler de l'habitude d'un noble tyrannique. La rifgèh s'appelle aussi h'ory (¿) et h'array, yeh'arriy peut prendre la place de rasag, p. e.: bîr N. ou él-belâd mèrfûgèh ou meh'arrayèh, le puits de N. ou la ville est frappé (frappée) de l'interdit. Ou bien les laboureurs desservant le puits. sont représentés comme objets de la rifgèh, p. e.: èl-khaddamîn ou èddha'fèh ou és-senah h'agg N. mèrfûgin ou maràfig, les serviteurs( ou les faibles ou les arroseurs) de N. sont frappés d'un interdit.

(3) Les causes les plus fréquentes de la rifgèh entre gabilis sont des dettes trop tardivement payées, des différends sur la propriété territoriale, l'embauchage d'un serviteur (khàdim, dha'if) avec lequel un autre gabili avait déjà contracté (wakkadoh A ouchelloh B; kân wakád A gabil wakád A, A avait contracté avec lui et alors B l'a pris; le contrat de A avait précédé celui de B), etc.

ou il y envoie un de ses proches pour annoncer aux laboureurs-arroseurs (dha'fèh, senâ1) qui s'y trouvent que, dès ce moment, le puits de leur seigneur (l'ebin) est sous l'interdit (èl-bir mèrfoûgèh), ce qui veut dire qu'il leur est défendu de continuer l'arrosage du champ de blé (d'èbr) ou de la plantation de dattiers (1) (nakhl) jusqu'à ce que le râfig (celui qui a prononcé la rifgèh) ait levé l'interdit (fakk, yefoukk èr-rifgèh).

Sans le puits, l'agriculteur de H'adramôt ne saurait tirer aucun profit de son capital; on parle d'un puits quand on veut dire une terre N. me‘oh bìr, N. possède un puits, c'est-à-dire un champ, une plantation. Lorsque le propriétaire gabili est trop faible ou trop pacifique pour résister, il se soumet à l'interdit, yirtefig (2); ses labours cessent le travail et il entre en négociation avec le råfig pour lui persuader de lever la rifgèh. Mais c'est un cas assez rare; le vrai gabili ne procède pas de la sorte (3). Il ordonne à ses laboureurs de continuer l'arrosage et les protège à main armée. Pendant la nuit, il fait garder son puits, sachant bien que l'adversaire profitera du premier moment favorable pour accentuer son interdit par des actes de violence. Cette occasion ne tarde pas trop à se présenter, vu le manque d'assiduité qui caractérise les actions de ces Arabes. Alors le râfig se rend pendant la nuit (yisri) avec quelques hommes armés au champ mèrfoûg et yiyfi (4) 'l-bîr, renverse le puits, ou plutôt yiyfi't-tèchroû'ah, il renverse l'appareil en bois (5) fixé au-dessus du puits

(1) Quoique mâl puisse se dire de tout objet de propriété, le mâl par excellence en H'adhramôt, ce sont le chèry, le d'èbr, et le nakhl, la propriété foncière. Aucun Arabe du H'adhramôt, en entendant le refrain des chansons de puiseurs: yâla mâl yâla mâlî ne pense à la bête (vache ou âne) qui tire le seau du puits. Ces mots ont pour eux la même valeur que dâna-dâna, qui sert toujours d'introduction au chant d'une gaçidah. Mawal propriétaire de biens-fonds.

. (2) La forme irtafag signifie aussi bien, être frappé de l'interdit que « se soumettre à la rifgèh ». Irtafagat èl-bir ougâmèt, le puit est frappé d'un interdit et l'arrosage est suspendu.

(3) Ghalab mà yértefig, il refuse de se soustraire à l'interdit. Ghalab, , yighlib, nom d'act. ghalb, refuser, ne pas vouloir, avec min devant le nom de l'action ou avec mâ suivi du verbe ghalab min èl-akl = ghalab ma yôkôl, il refusa de manger.

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يَجْفِي

ou, avec pluralité d'objets,,, renverser ce qui est debout (mèrkûz ou mèrkèz), synon. de dafar, yódfor.

(5) Il n'est pas exact de dire, d'une façon générale, que ces appareils sont composés de trois perches; de tels appareils qui ne sauraient soutenir qu'une seule poulie, font la minorité. La plupart se composent de quatre perches (razâh', pl. razáwih') ou plutôt de deux paires de perches, tenues ensemble avec une traverse (râs èl-tèchroûˆ ah). Aux deux perches qui se

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