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Société Historique, qui donna à nos travaux une si vive impulsion on relira toujours avec plaisir et on consultera toujours avec fruit les pages magistrales dont il a enrichi la Revue Africaine. S'il eût été vivant il eût sans nul doute été désigné par ses études spéciales pour diriger le mouvement actuel. La tâche du Comité sera difficile, parce que son entreprise est tardive; pour sauver le Vieil-Alger, il faudrait qu'il existât encore au moins conserverons-nous jalousement les débris d'un ensemble qui était unique dans l'Afrique du Nord; car la Casba d'Alger ne ressemblait à aucun autre quartier arabe des villes du Magrib, en y comprenant celles du Maroc.

Enfin, pour terminer cette rapide revue des manifestations en faveur de l'art musulman, mentionnons que M. Rouanet lance ces jours-ci l'idée d'une société des arts indigènes qui apporterait au gouvernement pour le seconder dans ses efforts en vue de rénover les arts musulmans, le concours de ses études. M. Rouanet a, on le sait, particulièrement étudié la musique arabe et a entrepris à ce sujet une grande publication. Il n'est pas sans intérêt de constater qu'au même moment, comme on le verra par la lettre de notre correspondant, de semblables études sont poursuivies en Tunisie et que le Journal Asiatique commence la publication, sur la musique arabe de l'Orient, d'un article qui paraît de grande importance.

Dans un ordre d'idées plus général que celui qui provoque ce foisonnement de comités, il se fonde à Alger, au moment même où nous écrivons ces lignes, une Société des Amis de l'Université qui se propose de remplir tout un programme de haute vulgarisation.

Le personnel de l'Enseignement Supérieur algérien continue à explorer scientifiquement l'Afrique du Nord. Trois de ses membres sont actuellement en mission: M. E.-F. Gauthier, professeur de géographie, explore sous les auspices de l'Institut et du Comité du Maroc le Sahara occidental; M. Boulifa, répétiteur de berbère, accompagne M. de Ségonzac dans sa mission au Sud du Maroc; M. Joly, professeur de médersa, a été désigné pour faire partie de la mission scientifique de Tanger.

On sait que l'Ecole Supéricure des Lettres d'Alger délivre un brevet et un diplôme d'arabe: un arrêté ministériel vient de réorganiser ces examens; parmi les nouvelles dispositions, la plus importante est celle qui attribue aux épreuves de langue vulgaire un coefficient double. Cette modification. rend désormais le brevet d'arabe identique à la prime administrative de deuxième classe.

EDMOND DOUTTÉ,

Chargé de cours à l'École des Lettres d'Alger.

Lettre d'Allemagne

Iéna, 31 janvier 1905.

Le tableau des cours des lettres arabes aux universités allemandes pendant l'hiver 1904/1905 est ainsi fixé:

La grammaire classique, cours élémentaires et gradués; la syntaxe; la poésie préislamique; le Delectus carminum arabe; les Mo'allaqât; le diwan des Houdheil; le poète Komaït; le Koran; la Sira de Ibn Hichâm; le Madih' de Banat So'âd; les traditions de Bokhari; la Dourra de H'ariri ; le Moufassal de Zamakhchari; les proverbes ; les 1001 nuits; les chroniques de T'abari, de Baladhori, el Fakhri; les géographes arabes; le droit chaféïte. Les dialectes arabes sont enseignés à Berlin (Séminaire Oriental) et à Leipzig; à Berlin aussi le Souahéli, les langues des Foulbé et du Haoussa.

En Autriche: plusieurs cours de grammaire et de lettres; la poésie ïambique, la paléographie arabe.

M. C. Reinhardt, ancien drogman consulaire et consul resp. à Zanzibar, au Caire et à Bouchehr, mort à Munich en 1903, a laissé une belle collection de manuscrits et d'objets d'art orientaux. Grâce à plusieurs Mécènes américains la collection a été achetée par la Columbia University de New-York.

M. le Prof. Schwally (Giessen) et M. Riedel (Greifswald) passent l'hiver dans l'Orient pour poursuivre des études scientifiques.

Une mission commerciale allemande s'est rendue en Abyssinie au mois de décembre 1904. A sa tête se trouve M. le Dr Rosen, conseiller de légation, orientaliste bien connu;

parini les membres, son frère Fr. Rosen comme botaniste et M. le Dr Flemming, bibliothécaire, comme éthiopologue. La mission compte rentrer en Allemagne après trois mois. Elle prend la route de Djibouti.

Le nombre des élèves internes du Séminaire Oriental de Berlin se monte à 239 (en 1903/1904: 214), des élèves externes à 481; la langue des Foulbé est enseignée pour la première fois cet hiver.

M. Hübner, officier allemand, a fait une conférence à Cologne au mois de décembre sur la politique des puissances européennes au Maroc. M. Schultze, officier allemand, a présenté, devant la Société Coloniale de Berlin un rapport sur l'expédition allemande de Yola au lac Tchad.

Le Cabinet numismatique oriental d'Iéna s'est enrichi d'un lot de monnaies arabes du Sultanat de Kiloa, provenant des fouilles que M. Perrot (Coblentz), chef d'une maison commerciale à Kiloa et à Lindi, a fait exécuter sur place. D'autres objets de la mème collection ont été présentés au Musée d'Ethnographie de Berlin.

M. C. G. Schillings vient de publier un ouvrage intitulé Mit Blitzlicht und Büchse durch die Massaisteppe, résultat de voyages très dangereux et très coûteux dans les steppes du pays des Massaï. La première édition de son ouvrage montant à 8,000 exemplaires était épuisée après quatre semaines. Une seconde édition va paraitre au mois de janvier 1905. Avant la publication, M. Schillings a fait, à Berlin et à Iéna, deux conférences accompagnées de projections magnifiques sur ses voyages. Ayant assisté à la dernière conférence devant la Société Géographique d'Iéna, je puis déclarer qu'il n'y a pas de commentaire meilleur sur la vie animale et sociale dépeinte par la poésie arabe préislamique que ces portraits pris au vif des steppes de Deutsch-Ost-Africa.

M. I. G. Wetzstein est mort le 18 janvier 1905, âgé de presque 90 ans. De 1848 à 1862 il remplit les fonctions de Consul de Prusse à Damas. Auparavant il avait publié son Samachscharii lexicon arab.-persicum, Lips., 1844.

Ses autres publications sont en premier lieu le résultat de sa connaissance peu commune de la langue, de la vie et des mœurs des Arabes, qu'il avait acquise pendant son séjour

parmi eux. Toutes ses publications abondent en remarques judicieuses sur la philologie, l'archéologie, le folklore arabes. Parmi la foule des ouvrages et des articles dispersés dans un grand nombre de journaux, je ne veux relever que ceux-ci :

1° Reisebericht über den Hauran und die Trachonen, 1860; 2o Ausgewaehlte griechische u lateinische Inschriften, 1864; 3° Sprachliches aus den Zeltlagern der syrischen Wüste : Z. D. M. G., XXII;

4° Ueber die syrische Dreschtafel in Zeitsch. f. Ethn., v (1873). Dans ce dernier ouvrage, il a exposé ses idées sur l'origine du Cantique, qui ont peu à peu prévalu dans la théɔlogie critique;

5° Nordarabien nach den Angaben der Eingeborenen in Berl. Zeitsch. f. Erdk., XVIII (1865).

La littérature arabe lui est redevable de l'acquisition de manuscrits arabes très précieux (Berlin: 2155 vol.; Leipzig: plus de 450 vol. : Tübingen, 173 vol.).

K. VOLLERS,

Professeur à l'Université d'léna.

Lettre de Paris

15 février 1905.

La Revue africaine attend certainement de son correspondant de Paris des notes sur autre chose que sur l'Afrique du Nord; mais c'est elle qui occupe Paris, et c'est d'elle qu'il faut donc bien parler.

L'ambassade de M. Saint-René Taillandier à Fez est pour les journaux le sujet de « Lettres du Maroc », qui montrent à quel point des hommes qu'il faut considérer a priori comme intelligents, peuvent réussir à ne rien comprendre du pays qu'ils parcourent, et comment ils voient seulement dans le récit de leur voyage un prétexte à calembredaines. C'est là ce que l'on nomme, je crois, à Bruxelles, l'esprit français: il serait temps de le laisser aux étrangers et d'habituer le public

à penser sérieusement à une chose sérieuse. C'est ce que vient de tenter un groupe de conférenciers, sous le patronage de l'Alliance française et du Comité du Maroc; une très nombreuse assistance a entendu parler du Maroc par des hommes. qui l'étudient et qui l'aiment. Quelques notions précises et quelques idées raisonnées et calmes sont ainsi semées : toutes ne s'oublieront point. Les travaux de l'École algérienne ont été souvent cités; ceux de M. Doutté ont eu, tout naturellement, l'honneur d'être largement, mais honnêtement pillés.

Le Congrès des Orientalistes, qui va se réunir à Alger et qui sera très fréquenté, pourra servir aux travaux de l'École maghrébine française comme d'une halte d'où l'on regarde le chemin parcouru; on pourra voir ce qui a été fait, et dresser. le programme de ce qu'il reste à faire. Malgré que la besogne entreprise et réalisée soit considérable, le champ à parcourir est plus vaste encore. Par une anomalie qu'expliquent seules des raisons personnelles, la linguistique et la vie sociale des populations berbères de l'Algérie ont été plus complètement, étudiées qué celles des populations arabes ou arabisées : après Hanoteau, les travaux et la direction de René Basset ont poussé très loin ces études, et on compte aisément les dialectes arabes étudiés comme l'ont été par exemple le mzabite par Basset et le ghadamésien par de Motylinski. On n'a point pour la population arabe l'équivalent du beau livre de Hanoteau et Letourneux: il faut aller au Maroc pour trouver dans les travaux de Doutté les éléments encore épars d'une enquête partielle plus précise encore et plus largement pensée. Les dialectes arabes du Maghreb ont été étudiés d'abord par des étrangers Stumme, Fischer, Lerchundi, etc., et il faut arriver aux dernières années pour trouver les monographies algériennes de Marçais et de Doutté. C'est donc un bien vaste cadre qu'il reste à remplir, même en ne parlant point des études purement historiques, qui, dans l'enfance pour le Maroc, ne sont point encore épuisées pour le reste du Maghreb. Tout d'abord, la Tunisie est terre vierge: on n'y a encore recherché que des Carthaginois, des Romains et des Byzantins: on semble croire que les populations arabes et berbères n'ont plus rien à nous apprendre. En Algérie et

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