Images de page
PDF
ePub

par celles que les enfants ont apportées (1). Elles font détremper la terre rouge dans l'eau, la pétrissent, en enduisent les pierres du nouveau foyer et laissent sécher jusqu'au moment de préparer le repas du soir. On allume alors le feu avec l'alfa récolté sur la montagne (2).

Quant aux hommes, ils se réunissaient autrefois, de grand matin, à Mzaourou, pour faire une battue (3). On en rapportait des lapins, des perdrix que l'on mangeait le lendemain. De nos jours, on égorge un mouton, une chèvre, pour que les gens soient pourvus de viande (le second jour de la fête) (4). On mange aussi des poules dans chaque famille (5). Alors, on s'occupe du dîner. Il se compose uniquement de berkoukes (6)

(1) Pour la fête du Niroùze, en Égypte, on allumait des feux dans les rues. Cf. Maqrizy, Khit'at', t. 1, pp. 268 et 493.

(2) Cf. Masqueray. Doc. hist. recueillis dans l'Aurès. Rev. Africaine, t. xxi, p, 115. « Le Bou Ini consiste dans le simple changement d'une des trois pierres du foyer. » On se contente parfois de balayer les

cendres du foyer avant l'Ennâyer (Géryville).

(3) On en faisait autant chez les Beni Bou Said.

(4) Ce deuxième jour est appelé à Tlemcen. En Kabylie, il y a, à cette occasion, thimecheret (distribution de viande). « Dans l'Aurès, on tue moutons et chèvres ». G. Mercier, Le Chaouïa de l'Aurès, Paris, Leroux, 1896, p. 38.

(5) Au Khemis (Beni Snous), on égorge dans chaque famille un nombre de volailles égal à celui de ses membres. Une femme qui allaite ou qui se trouve enceinte mange deux poules. A Tlemcen, dans les familles fortunées, les femmes mangent des coqs, les hommes mangent des poules. On engraisse ces volailles longtemps à l'avance. Même coutume dans la Grande Kabylie. Il importe de manger, ce jour-là, de la viande de poule ; ceux qui sont trop pauvres pour en acheter ont soin de se nettoyer les dents avec des os de poulets.

CI. ce passage de Maqrizy, Khit'at', 1, p. 493 :

الدجاج الخ

الهريسة المعمولة من كم

A Nédromah, à Tlemcen, on mange (le deuxième jour) des têtes de mouton. L'on dit :

[blocks in formation]

« Celui qui, pour l'Ennâyer, mange une tête, reste tête (homme supérieur) >>.

(6) Le berkoukes se prépare en roulant en gros grains de la semoule grossière). On ne le place pas comme le couscous (berb. J) dans l'ustensile en alfa (ar., berb., Nédromah et Tlemcen J) pour le faire cuire sur une marmite (ar. 8,♪3, berb.

au lait (1). Après le repas, on en place quelques grains sur les pierres du 'foyer, ainsi que sur les poutres qui soutiennent le toit (2). On ne lave pas -le plat dans lequel a été roulé le berkoukes, ni celui dans lequel on l'a mangé, ni l'ustensile qui a servi à le faire cuire; on ne nettoie pas les cuillers on ne secoue pas la corbeille à pain, ni l'anfif (3) (en alfa dans lequel se cuit le couscous) (4).

A cette occasion, on fait des

[blocks in formation]

ˆ‚‍3) à la vapeur d'un bouillon (ar., berb.). On le fait cuire simplement dans du lait. A Géryville, ou cuit le berkoukes dans le keskás, mais on le fait en une seule fois (tandis que le couscous se cuit en deux fois); on en laisse au fond de la marmite pour les génies; on en place sur les pierres du foyer, dans le puits, sur la porte d'entrée, sur le moulin à main (); mais s'il reste beaucoup de berkoukes, on empêche les djenouns de le gåter en plaçant sur le plat du charbon et du sel.

(1) Pendant les huit jours qui précèdent l'Ennåyer, on ne boit pas de lait aigre; on ne fabrique d'ailleurs pas de beurre durant cette période (Beni Ournid). On évite de mêler au berkoukes des condiments. Voir suprà, p. 11, note 13.

مناصب) du toyer

(2) Même coutume chez les nomades; ils donnent à manger aux pierres on place du berkoukes contre la poutre centrale qui soutient la tente, dans les ustensiles, contre les pièces d'étoffe qui la composent.

(3) On laisse un peu de berkoukes dans les ustensiles pour que, selon les uns, les génies () trouvent à manger, ou bien pour l'Adjoûzat ennayer selon d'autres, ou bien encore pour les chiens et les chats qui, 'ce jour-là, ne doivent pas manquer de nourriture; peut-être aussi pour la même raison qui fait que l'on ne balaie pas la maison pour l'Ennàyer (voir infrà, p. 23, note 1).

(4) A Tlemcen, on mange aussi le berkoukes le jour où l'on commence les labours. Le propriétaire en porte, aux champs, à ses fermiers. On place, dans le premier sillon, du levain, des fèves et une grenade (chez les Beni Snous du levain, des figues, une grenade). A en croire de vieux Tlemceniens, on commençait autrefois les labours pour l'Ennàyer. - On dit

خل زيتونك لتاير يضمن لك الخساير : encore ici Laisse tes olives » خل زیتونك لتاير

jusqu'à Ennåyer; il te donnera une compensation (en qualité) pour la perte subie (en quantité) ». Voir cherchem (page 16, note 4). Les Kabyles (Djurdjura) sèment leurs légumes et plantent les jeunes arbres pendant 'les quinze premiers jours du mois de yennaïr. Ce moment est choisi pour faire, dans les plantations d'arbres fruitiers, un premier labour.

(5) J'ai vu préparer les crêpes et les beignets de la façon suivante :

On prend des figues, des grenades, des oranges, des noix (1). On en fait des colliers (2), auxquels on ajoute un thaja'outh (3). C'est un pain plus. ou moins gros, au milieu duquel on place un œuf, que l'on recouvre de petites baguettes de pâte (4); on porte au four beaucoup de ces pains (3); quand ils sont cuits, on les retire et on en fait cadeau aux amis qui en rendent d'autres.

Dans un grand plat en bois (ar. mélangeant de la semoule (ar.

berbj3) on fait une pâte en berb.), de l'eau, du sel, du

safran. On laisse cette pâte, un peu épaisse, lever pendant deux ou trois heures et on la fait ensuite frire dans l'huile; on a ainsi les (crêpes).

سفنج

Pour faire les (beignets) on prend de cette même pâte, non levée; on l'étend sur le fond de la guesa'a renversée, avec les doigts d'abord; puis, on l'amincit en l'étirant. Cette feuille de pâte est ensuite posée sur le fond d'un grand vase de terre de forme arrondie, que l'on a renversé sur des charbons ardents. Le beignet se cuit sur cette surface chauffée, enduite d'un peu d'huile. L'ustensile (ar. berb.) se fabrique à Nédromah.

Cf. El'Abdery, Medkhel, p. 186:

. والهريسة

الزلابية : 186 ولا بد له في ذلك اليوم من الزلابية

(1) Ce sont les fruits récoltés dans la région. A Tlemcen, on achète, en outre, des raisins secs, des noisettes, des amandes, des dattes, des marrons (même des dragées). Le mélange de ces divers fruits s'appelle à

فشفشة

Tlemcen äé ou bl→, on dit aussi. On y fait provision pour l'Ennâyer, de qechqcha pour plusieurs mois. Cf. Khit'at', p. 93, 1. 20.

واصناف النوروز البطيخ والرمان النح

(2) Les petits Tlemceniens portent leurs fruits dans un sac préparé pour la circonstance.

تجعورت Khemis تجعوث berbel فرايس فريسة

ou مسخنات et مساخن مسخنة (1)

, pl. . Les

musulmans font remarquer que ces baguettes de pâte sont disposées en forme de croix; à Tlemcen, certaines personnes ne les mangent pas. Au Khemis, on recouvre simplement l'œuf avec de la pâte.

(5) A Tlemcen, ceux qui font cuire le pain que l'on porte à leur four

(عواید) gardent une partie des pains et demandent des étrennes (رح)

on leur donne de l'argent, des fruits; on donne aussi des étrennes aux hommes chargés d'enlever les ordures (J), ainsi qu'aux garçons des bains maures.

Pour faire un gâteau avec des œufs (1), les femmes en cassent vingt ou trente, y mêlent du levain (2), des raisins secs, du sucre. Lorsque cette pâte a levé, on la place dans une marmite et on la fait cuire dans de l'huile. On enlève le gâteau et, après l'avoir laissé refroidir, on le mange, en compagnie d'invités (3), avec du pain de froment.

On ne mange pas, ce jour-là, de pain d'orge, mais seulement du pain de farine de blé (4). Les femmes ont soin de jeter les coquilles au loin, afin

(حريرة) harira

(1) Ce gâteau n'est pas connu à Tlemcen; il y est remplacé par la Voici comment elle se prépare avec de la semoule grossière, on fait une pâte à laquelle on mêle un peu de levain; puis on laisse fermenter toute la nuit. Placer aussi dans l'eau, pour qu'ils gonflent, des pois chiches, des fèves, que l'on fait cuire le lendemain avec toutes sortes de légumes. On pile de la (cumin), en lui disant :

ما تموت شی یهودیت

شهد يا الكروي

:

<< Prononce la formule là ilah ilå Allah, et tu ne mourras pas juive ». Quand les légumes sont cuits, on ajoute la pâte que l'on a laissé lever; on obtient ainsi une bouillie que chacun mange saupoudrée de cumin.

(2) Pour l'Ennâyer, on ne donne pas son levain aux voisins, on ne le prête pas, mais il est fait plus volumineux que d'habitude; cela, afin que toute l'année, tous jouissent dans la maison d'un grand bien-être dont le levain est le symbole,

(3) Près de Mascara, on réunit pour l'Ennåyer, le plus d'hôtes possible. Aux environs de Tlemcen, dans certains douars, les habitants se réunissent sous une même tente, de préférence sous celle d'un homme qui a perdu sa fortune, ils y font un repas ensemble. On ne s'absente pas pour l'Ennâyer.

--

(4) Afin d'avoir de ce pain à manger toute l'année.

[blocks in formation]
[ocr errors][merged small]

Le blé entre dans une autre préparation qui se mange un peu partout le troisième jour d'Ennâyer : c'est le cherchem ().

.(شرشم)

Pour le préparer, les femmes placent, dans de l'eau et pendant plusieurs jours, du blé, des fèves, des pois chiches. Quand ces graines ont gonflé, on les fait cuire dans de l'eau légèrement salée. Le cherchem se mange sans cuiller, avec les doigts. Si le grain a beaucoup augmenté de volume dans l'eau, l'année sera bonne. On dit ici :

رب عالم ما دسينا شـ كل الشرشم لا نتحــــــ قاء الحلة ما بيها قم تسلب لا تـتـوحـــرى

Mange du cherchem sans honte, Dieu sait bien que nous n'avons pas caché (de mets plus présentables).

qu'il n'arrive à personne de marcher dessus (1).

A celui qui n'a rien, nous offrons des figues, des grenades mises en colliers, un petit pain (2); de cette sorte, ses enfants ne pleurent pas d'envie en voyant les friandises des autres.

Va emprunter et ne trompe pas le monde.

Dans le campement tout entier, il n'y a pas autre chose »,

Autrefois, disent les cultivateurs des environs, comme on allait labourer à d'assez grandes distances, les travailleurs n'emportaient pas de vivres; ils se nourrissaient d'une partie des semeaces cuites à l'eau: blé, fèves, pois. Si alors, un des laboureurs venait à mourir, il avait, en quelque sorte, mangé de la prochaine récolte à laquelle lui donnait droit son travail.

Un mets de préparation tout aussi simple et qui se mange beaucoup pour l'Enuâyer est la guelia (). On pile de l'orge préalablement grillée et on humecte d'un peu d'eau la farine obtenue.

(1) Une jeune Tlemcénienne, qui marcherait sur des coquilles d'œufs, ne trouverait pas de mari, surtout si cela lui arrivait pendant l'Ennâyer. Même croyance à Nédromah.

(2) On n'éconduit jamais, à Tlemcen, un mendiant le jour d'Ennâyer. On raconte qu'un jour Ennâyer vint, en personne, sous les traits d'une vieille femme, demander l'aumône à une porte. La maîtresse de la maison était occupée à ce moment à faire des crêpes. Elle sortit, tenant à la main la broche qui lui servait à retirer les crêpes et en menaça la mendiante. Ennayer s'enfuit. Mais, comme s'il avait emporté avec lui toute prospérité, pendant l'année entière, la faim se fit sentir dans cette maison. Et la malheureuse femme vint conter l'histoire à ses amies. « Mais, c'était sûrement Ennayer, dirent-elles, quand il reviendra, traite-le généreuse ment. » La vieille revint à l'Ennâyer suivant, fut bien reçue et le bienêtre rentra à la maison.

A Saïda, des vieillards vont de porte en porte. Ils font des souhaits:

Bonne année l . عام مبروك

Que Dieu vous apporte une année de .الله يدخله عليكم بالمحنة والرحمة

[ocr errors]

clémence et de miséricorde! - Des souhaits faits sans sincérité se retournent contre celui qui les a formulés. On se fait aussi des cadeaux. A Nedromah, à Tlemcen, le fiancé envoie, à sa promise, un sultani d'or, un foulard de soie. Sa famille offre, aux parents de la fiancée, une corbeille de palmier nain () remplie de fruits divers et de pains aux œufs. Elle en reçoit le lendemain un t'ifoûr (table ronde avec bordure en planches) garni de crêpes et un pot de miel. Même échange entre la famille d'une femme mariée pendant l'année et le nouveau ménage. On s'offre, entre voisins, des assiettes pleines de berkoukes (Nedromah). Les musulmans portent des fruits et des crêpes aux juifs de leur connaissance qui leur offrent en retour des reqâqàs (à pâte sans sel ni levain), à la fête dite des reqâqàs. Cf. El'Abdery, Medkhel, p. 175, ligne 16.

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »