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الى فطاة اهلـ

اذا لنا فطام

De ce qui précède, on peut donc conclure que la légende de Bent el Khass fait partie de cette collection de traditions que, dans leur émigration, les Beni Hilal apportèrent avec tant d'autres (1) dans le Maghrib où ils la localisèrent, et que ses origines remontent aux plus anciens temps de la littérature arabe.

RENÉ BASSET.

Correspondant de l'Institut,

Directeur de l'École Supérieure des Lettres d'Alger.

(1) Comme celle de la Djazyah, cf. l'important mémoire que lui a consacré M. Bel, La Djazya, chanson arabe, Paris, 1903, in-8°; Cf. aussi les légendes d'Imrou' l Qaïs et de Hind « la mangeuse de foie » qui y sont citées, p. 8-9 et 12-13,

LES DERNIERS ROMANS ALGÉRIENS

(1)

Depuis quelques années la littérature de l'Afrique Mineure s'est accrue d'un grand nombre de romans. La facilité des communications, la séduction du ciel pur et des hivers cléments ont conduit dans cette nouvelle France un nombre considérable de touristes parmi lesquels se trouvaient des observateurs-nés et des écrivains de talent.

La dette de reconnaissance et d'émotion que ceux-ci contractèrent envers elle s'est traduite par des romans, par des recueils de nouvelles et d'impressions variés à l'infini.

On ne saurait trop féliciter et encourager les artistes qui consacrent leurs efforts à la noble entreprise de nous révéler la beauté de ces terres africaines et de nous en faire comprendre la vie multiforme et particu lière.

La curiosité du monde colonial se développerait-elle en France et les œuvres de nos écrivains exotiques répondraient-elles à un besoin pressant? Sans trop y croire, nous voulons cependant l'espérer. Même si ces romanciers d'avant-garde, en quête de nouveau à tout prix, ne cédaient qu'aux exigences de la production littéraire, leurs livres répandus dans le public ne parviendraient-ils pas à créer un courant favorable aux pays d'outre France, et à éveiller des curiosités sympathiques et qui s'ignoraient ?

La tâche est belle, le champ est vaste.

Romanciers coloniaux à qui l'ardeur et la volonté ne manquent pas, songez au retentissement qu'eurent dans des pays anglo-saxons : Les Récits d'une femme africaine, d'Olive Shreiner, et les livres plus récents de Kipling, sur l'Inde.

En ce qui concerne l'Afrique Mineure, un illustre ancêtre a tracé le premier et profond sillon dans ce champ d'investigations, où tant d'au

(1) France Nouvelle, de Ferdinand Duchêne (Calmann Lévy); Fils de grande tente, de Seddik ben El Outa (Ollendorf); Zezia, de Paul Dumás (Ollendorf); L'eau souterraine, de Paul et Victor Margueritte (Librairie Femina); Pepete le Bien-aimé, de Louis Bertrand (Ollendorf); Cagayous de Musette, et les Récits du Père Robin.

teurs, depuis, se sont élancés à la recherche du pittoresque, du uouveau, de l'inconnu.

En 1858, n'est-ce pas sur les rives de Carthage que Flaubert (1), sollicité par le journal la Presse, élaborait le plan d'une étude antique qui devait devenir Salammbô?

Après Bernardin de Saint Pierre et Châteaubriand, il renouait la tradition, il nous donnait ce livre prodigieux où l'exotisme se complique d'érudition, de magie et de barbarie.

Mais les temps ont marché.

L'antiquité défunte a fait place à la réalité vivante.

L'immigration continuelle a fini par constituer dans le Nord de l'Afrique un peuple nouveau que caractérisent nettement déjà des mœurs et des aspirations spéciales. Ce peuple bigarré, composé de tous les éléments latins de la Méditerranée devait, comme l'a si bien dit M. Ernest Chasles, attirer l'attention des écrivains actuels, réalistes et sociologues, et leur permettre d'entreprendre leur enquête sur l'humanité dans ce domaine de l'exotisme où s'était d'abord exercé le génie des romantiques ».

Le pittoresque exclusif d'un Fromentin, d'un Daudet, les récits admirables mais très cantonnés d'un Masqueray, ne nous suffisaient plus. Le cadre s'était élargi, les problèmes se multipliaient. Les écrivains actuels comprenant tout le parti qu'ils pouvaient en tirer se mirent à la tâche sans tarder, et tour à tour ou tout à la fois peintres, moralistes, philosophes, investigateurs méthodiques et précis, ils se proposèrent d'envisager la nature et la société avec des vues plus profondes, avec ce goût des enquêtes humanitaires qui caractérise notre époque.

Les romans algériens peuvent rentrer dans deux catégories bien distinctes.

Ceux dont l'intrigue se passe en Algérie comme elle pourrait aussi bien se passer ailleurs; la nature africaine n'intervient que pour offrir un décor, un motif à paysages, tandis que les héros ne participent pas à la vie du pays et n'en dépendent point.

Tels: l'Immoraliste d'André Gide, livre hardi et inquiétant; La Route s'achève, de St-Yves, ou Zézia, de Paul Dumas, bien qu'en plus d'une page ce livre nous donne des renseignements intéressants sur le mariage musulman.

(1) Lettre à M Schlesinger.

Les autres ont eu le dessein plus précis de prendre leur matière dans le pays même, et la pétrissant de leurs mains d'artistes, de nous en modeler les contours avec toute la précision dont ils étaient capables. On n'a pas lu sans un étonnement admiratif le livre de M. Duchêne, France Nouvelle.

En deux tableaux sobres et émouvants, il nous révèle l'antagonisme irréductible qui sépare le chrétien du musulman, les chocs hostiles de leurs mœurs et de leurs préjugés traditionnels, le spectacle attristant des déclassés, premier et peu encourageant résultat que produit fatalement l'impression de toute civilisation supérieure sur la civilisation inférieure. . M. Duchêne nous promène à travers la Kabylie. On voit qu'il a compris et qu'il aime ce pays grandiose, massif montagneux et peuplé, que l'industrie des indigènes a transformé en un immense verger.

. Il nous raconte d'abord l'histoire d'une rekba, c'est-à-dire d'une de ces haines terribles entre familles qui, se perpétuant à travers les générations, ont souvent pour origine l'injure la plus futile. Alors nous assistons aux péripéties sanglantes d'une lutte sans merci qui, malgré tant de meurtres commis, ne laisse pas entrevoir chez les rares survivants, la haine assouvie et la vengeance satisfalte.

Et ces évènements tragiques se déroulent dans un cadre merveilleux où s'empourpre la paix des crépuscules, où se lèvent sur la cime des forêts les aurores sereines des printemps africains.

Si ce premier récit ne met en scène que des musulmans avec toutes les nuances qu'on y rencontre, depuis le pseudo assimilé jusqu'au réfractaire fanatique, dans le second, nous assistons aux luttes des colons aigris les uns contre les autres, aux conflits électoraux où la politique ne s'élève pas au delà des questions de personne et de l'intérêt le plus immédiat.

L'honnête fonctionnaire venu de France s'y corrompt bientôt, tout naturellement et comme à son insu; dans ces pays sans argent, le préteur devient vite un usurier. Et tandis que les immigrés se déchirent entre eux, se calomnient, se vilipendent, un peuple compact d'indigènes à qui la domination paraît intolérable fomente en secret la révolte qui éclate un jour, farouche, irrésistible, incohérente. Le feu est mis aux récoltes, les colons sont massacrés, c'est le tableau angoissant et fidèle de ce que fut l'insurrection de Margueritte, trop célèbre et trop récente pour -que le souvenir n'en soit pas encore vivant dans toutes les mémoires.

Contrairement aux procédés habituels du roman qui ne conduisent à la conclusion de celui-ci que par une suite d'études minutieuses des princi.paux personnages et de leurs états d'àme, il n'y a pas ou presque pas -de psychologie dans ce livre. On ne nous dit rien des répercussions mentales que les évènements leur produisent. Mais les faits, mais leurs actes parlent pour eux, et leur silhouette tracée au burin avec un art extrême nous apparait bientôt nette et distincte, comine une pointe sèche, sans

pénombre ni demi-teinte, comme avec le relief absolu et plein de maîtrise d'un Forain.

La vie jaillit de ce livre, anime chacune de ses pages, évoque toute une bourgade maritime avec ses pêcheurs, ses portefaix, ses petits bourgeois d'origines diverses, naturalisés, français, musulmans, tandis que dans l'arrière-pays agricole on entend gronder sous l'implacable soleil, dans le sirocco et parmi le tourbillon des sauterelles, la race vaincue mais non soumise, la plèbe kabyle, énigmatique et grave en ses burnous loqueteux.

Ce qui se dégage surtout de ces deux récits trop brièvement analysés c'est le désir de nous émouvoir sur la situation de l'Algérie et de nous engager à y porter énergiquement remède. Les notes, les renvois aux textes juridiques, les citations du Coran, sont très nombreux dans ce roman. Et c'est tout d'abord un peu déconcertant dans un livre de fiction, Mais l'auteur habile qu'est M. Duchène parvient néanmoins à nous donner l'obsession qu'il y a des réformes urgentes à accomplir tout en nous laissant fort peu l'espoir qu'elles arriveront à temps et qu'elles seront efficaces.

Avec le livre de Seddik ben el Outa Fils de Grande Tente, nous apprenons à connaître une autre région et d'autres mœurs. Loin de la Kabylie, aux confins des Hauts-Plateaux, l'action évolue dans l'immense plaine du Chéliff entre les monts du Zaccar et ceux de Teniet el-Håd,

L'influence de la civilisation française sur les familles dominantes et maraboutiques du pays la Grande Tente, c'est la noblesse - ne parait pas avoir produit des effets très heureux.

Les caïds, les kadis, les élèves des médersas et les produits bâtards des écoles françaises y jouent un rôle prépondérant. Tout ce monde si discret, si renfermé à l'ordinaire, y tient continuellement de copieuses conversations à travers lesquelles ce que nous apercevons de leur âme manque absolument de beauté et de grandeur.

La cupidité, la fourberie, l'ambition la plus niaise semblent constituer le fond du caractère arabe. La soif des décorations surtout et le parti qu'en tire l'administration pour exercer son pouvoir sur eux tous, occupe une grande place dans ce livre. Personne ne songerait à nier que cela ne soit très exact. Tout Français d'Algérie peut à l'heure de l'absinthe ou du café conter plus d'une histoire de ce genre.

Les grands eux-mêmes ne dédaignent pas d'observer leur coréligionnaires et de jouer de leur piété pour leur extorquer de bons et trébuchants douros. A plusieurs reprises le fameux Otmane, marabout tout puissant, annonce à grand fracas son prochain pélerinage à la Mecque. Puis, dès que les cadeaux d'usage eurent afflué chez lui, il trouve un prétexte pour ne pas partir; et les cadeaux qu'aucun donateur ne voudrait pas reprendre chevaux, harnachements. charges de grains, bestiaux, sont vendus au marché au profit du rusé marabout.

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