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- Si Dieu récompense l'homme bienfaisant pour sa fidélité, qu'il récom pense généreusement Qalmas de ma part (1).

: On voit que partout son père est nommé El Khoss (ou El Khass). Ibn el A'rabi lui donne le nom d'El Khoss ben Djabir ben Qoraït' el lyâdi, d'où le surnom d'El Iyâdyah, porté par sa fille. Mais cette liste d'ascendants de Bent el Khoss est inconnue aux généalogistes Ibn Doraïd (2) et Ibn Qotaibah (3). Ce dernier mentionne seulement un Qoraït (i), frère de Qort' () fils d'Abou Bekr, remontant par Kilab, Haouâzin et Nizar à *Adnan, l'ancêtre des Arabes, tandis qu'lyåd, de qui serait descendu Khoss, était le frère de Nizàr. Le Qoraït' d'Ibn Qotaïbah ne peut donc pas être l'ancêtre de Bent el Khoss (4).

Du reste cette désignation d'lyådyah a-t-elle quelque valeur ? Je ne le erois pas, et les auteurs arabes semblent avoir partagé cette opinion, car quelques-uns font de Bent El Khoss une 'Amaliqa (Amalécite). issue des débris du peuple de 'Ad, ce qui nous rapporte aux temps fabuleux (5) et nous donne lieu de croire qu'elle n'a jamais existé, pas plus en Arabie que dans le Sud algérien.

Mais en Orient, comme en Occident, les traits caractéristiques de sa légende sont identiques et les maximes en prose rimée qu'on lui attribue ont le même cachet. Elle est appelée à donner son avis sur les chevaux,

(1) Ibn Nobata, Sirh' el 'Oyoun, p. 222.

(2) Kitâb el Ichtiqâq, éd. Wüstenfeld, Goettingen, 1854, in-8°.

(3) Kitâb el Ma'arif, éd. Wüstenfeld, Gottingen, 1850, in-8°.

(4) J'ajouterai que d'après le Tadj el 'Arous, citant Ibn Doraïd (s. v°.!), il y aurait eu deux autres lyâd: l'un fils de Nizår, mais on ne peut le compter parmi les ancêtres directs de Qoraït' qui descendait de son frère Modhar, l'autre, fils de Sa'oud ben El H'adjar ben 'Amar. Un vers de Daoud el Iyadi mentionne l'existence du premier.

من

اياد بن نزار بن مضر

بی بتو حسن اوجہہم

Parmi des héros aux beaux visages, issus d'Iyâd, fils de Nizâr, fils de Modhar.

On pourrait supposer que cette épithète s'applique à un membre de la tribu des B. ly'âd, qui s'établit à Sindâd, fit la guerre à Khosrou Parviz, roi de Perse, prit part à la bataille de Dzou-Qâr et envoya une ambassade au Prophète (cf. Nældeke, Geschichte der Perser und der Araber, Leiden, 1879, in-8°, p 237 et note), mais rien ne justifie cette hypothèse.

(5) Ibn el A'rabi, Naouadir ap. Es Soyouti, Mozhir el 'Oloum, Le Qaire, 1282 hég, 2 v. in-8'. t. 1, p. 270: Aboud Zeïd, Naouâḍir p. 250.

les chameaux, le mariage, et ses sentences ont le même caractère de simplicité du fonds et de recherche de la forme (1).

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On lui demanda: Quel est l'homme que tu préfères ? Elle répondit : L'homme facile et généreux, bienfaisant et illustre, habile et intelligent, le seigneur redouté. Y a-t-il quelqu'un qui surpasse celui-là? - Oui, l'homme svelte et mince, fier et élégant, bienfaisant et prodigue, qu'on craint et qui ne craint pas. Et quel est l'homme le plus haïssable à ton avis? L'homme lourd et endormi, qui se décharge des affaires sur les autres, indifférent, faible de poitrine, vil et blåmable. Et y at-il quelqu'un de pire? Oui, le sot querelleur, négligent et négligé, qui n'est ni craint ni obéi. On lui demanda encore: Quelle femme est préférable suivant toi? - Celle qui est blanche et parfumée. Et celle qui déplaît le plus (2). Celle qui se tait si on veut la faire parler et qui parle si on veut la faire taire (3).

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Un homme alla trouver Bent el Khoss pour la consulter sur la femme qu'il devait épouser. Cherche-la brune et belle de visage, lui dit-elle, dans une famille brave, ou dans une famille noble, ou dans une famille puissante. Il ajouta Tu n'as laissé de côté aucune sorte de femme ? - Si fait, j'ai laissé de côté la pire de toutes: la noiraude toujours malade, aux menstrues prolongées, querelleuse (4).

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On demanda à Bent el Khoss : « Quelle est la femme la plus méritante? Elle répondit: Celle qui demeure dans sa cour, qui remplit les vases, qui mélange d'eau le lait qui est dans l'outre. - Quelle est la femme la plus méprisable? Celle qui soulève la poussière en marchant, qui a une voix aiguë en parlant, qui porte une fille dans ses bras, qui est suivie d'une autre et qui est enceinte d'une troisième. — Quel est le jeune homme préférable? Le jeune homme aux longues jambes et au long cou, qui a grandi sans malice. - Et quel est le plus méprisable? - Celui

(1) Les réponses citées dans le Mozhir el 'Oloum d'Es Soyouti ont été traduites par Perron Femmes arabes avant et depuis l'islamisme. Paris et Alger, 1858, in-8°, p. 43-46) sans indication de sources et avec une liberté qui facilite, sans les excuser, de nombreux contre sens.

(2) Ces mots manquent dans l'édition du texte arabe d'Es Soyouti, évidemment incomplet. J'ai comblé cette lacune d'après Perron.

(3) Es Soyouti, Mozhir el 'Oloum t. 11, p, 268. La source citée est Abou Bekr, d'après Ah'med ben Yah'ya, d'après 'Obeid Allah b. Chebib, d'après Daoud ben Ibrahim el Dja'fari, d'après un Arabe du désert.

(4) Ibn es Sikkit, Tahdzib el Alfazh, Beyrout, 1896, in-8', p. 353; Es Soyouti, Mozhir el 'Oloum, t. 1. p. 269. Les sources citées sont Tha'lab (mort en 291 h., 901 de J.-C. cf. Brockelmann. Gesch. der arab. Litteratur t. 1. p. 118) dans ses Dictées d'après Babdal ed Dobeiri.

qui a le cou enfoncé, les bras courts, le ventre énorme, qui est couvert de poussière, qui a des vêtements déchirés, obéit à sa mère et se révolte contre son oncle paternel » (1).

Comme dans les traditions du Sahara, elle est consultée pour l'achat d'animaux domestiques. Son père, voulant acheter un étalon pour son troupeau de chamelles, lui dit : « Indique-moi comment je dois l'acheter ». Elle répondit : « Achète-le avec le bas de la joue marqué, les joues douces, les yeux enfoncés, le cou épais, le milieu du corps développé, très haut, très généreux, qui regimbe quand il est frappé du bâton et allonge la tête quand il est chargé entièrement »> (2).

Les chameaux paraissent avoir eu sa prédilection, ce qui n'a rien d'étonnant chez des nomades, si on en juge par les réponses qu'on lui attribue « Quelle est la chamelle la plus vive? C'est, dit-elle, celle qui mange tout en marchant et dont les yeux sont brillants comme ceux d'un fiévreux. Et quelle est celle qui a le moins de valeur? - Celle qui est prompte à aller au pâturage de bonne heure et qui ne donne que peu de lait le matin. - Quel est le meilleur des chameaux ? C'est l'étalon au corps énorme, robuste, habitué aux voyages, vigoureux. Quel est le chameau de moindre valeur ? C'est celui qui est court de taille et qui a une bosse aussi petite que le dos d'une autruche » (3).

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-

El Khoss demanda à sa fille : « Est-ce que le chameau de moins de cinq ans féconde la femelle? - Non, et il ne laisse rien. - Et le chameau, dans sa sixième année, la féconde-t-il? Oui, dit-elle, mais sa fécondation est lente. Et celui qui a perdu deux incisives? — Oui, et de la largeur d'une coudée. Et celui à qui pousse sa première dent de

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devant? Oui, mais il est sans force » (4).

Un jour elle dit à El Khass: « Une telle éprouve les douleurs de la parturition, en parlant d'une chamelle de son père.

mée ? — Elle a un tressaillement dans les os de vif et elle marche en écartant les jambes. bas » (5).

« Quel cheval préfères-tu ? lui demanda-t-on.

Qui t'en a infor

l'utérus, son regard est

Ma fille, elle va mettre

Celui qui a un toupet,

(1) Ibn es Sikkit, Tahdzib el Alfazh p. 353; Es Soyouti, Mozhir el 'Oloum, t. 1, p. 269-270.

(2) Es Soyouti, Mozhir el ‘Oloum, t. 1, p. 270

(3) Ibn es Sikkit, Kitab el Alfazh, 353-354.

(1) Abou Zeid, Naouâdir p. 251. Le même récit est donné en abrégé par Es Soyouti, Mozhir el 'Oloum, t. 1, p. 270.

(5) Es Soyouti. Mozhir el 'Oloum, t. 1, p. 270 d'après les Naouádir a'lbn el A'rabi.

proverbes : « La proximité du coussin et la longueur de l'entretien à l'oreille» (c'est l'occasion qui fait le larron). Les savants disent que si elle avait cité le proverbe complet, elle aurait ajouté « et le plaisir de la débauche » (1).

C'est sans doute à cet ordre d'idées qu'il faut attribuer deux vers attribués à Bent el Khass:

(Un jeune homme) droit comme la pointe d'une épée, généreux, brave, de qui je suis éprise, si c'était à ma portée.

Je le jure, si on me donnait à choisir entre sa rencontre et mon père, je préfèrerais n'avoir pas de père (2).

On comprend que cette réputation de finesse ait fait attribuer à Bent el Khoss dans l'ancienne Arabie, la solution d'un problème dont on fit honneur à une autre femme célèbre par sa perspicacité et non moins fabuleuse que notre héroïne. La plus ancienne version de ce problème se trouve dans une pièce du poète anté-islamique, En Nabighah Edz Dzobyâni:

« Sois perspicace, comme la jeune fille de la tribu, quand elle vit les pigeons cherchant de l'eau, descendre vers la mare.

» Ils étaient resserrés entre les parois de la montagne, et pourtant elle les suivait d'un (œil clair) comme du verre, qui n'a jamais été enduit de koh'eul contre la chassie.

» O si seulement, dit-elle, ces pigeons et la moitié (de leur nombre) étaient ajoutés à notre pigeon, cela suffirait.

On les compta et on trouva qu'ils formaient le nombre qu'elle avait dit, ni plus, ni moins. >>

Les pigeons étaient au nombre de 66; en effet, 66+66 (=33)+1=100(3).

2

(I) Zamak hchâri, El Mostaqs'd, manuscrit de la bibliothèque de la Médersa d'Alger; Meïdàni, Medjma' el Amthâl,t. 1, p. 34; Ibn Zeïdoun, Risalah et le commentaire d'lbn Nobata, Sirh' el 'Oyoun, 222,

(2) Ibn Nobata, Sirh' el 'Oyoum, p. 223. Le même auteur mentionne une réponse plus cynique encore, faite par Bent el Khass: Li

لايور احب اليك فقالت الذى اذا حجز حبر واذا اخطأ فشر واذا خرج عفر

(3) Diwan d'En Nabighah, v, vers 32-36 ap. Ahlwardt, The Divans of the six ancient arabic poets, Londres, 1870, in-8°, p. 7, Hartwig Deren bourg, Le Dian de Nabiga Dhobyani, Paris, 1869, in-8°; Khamsah Daoudouin, Le Qaire, 1293, in-8°, p. 23-24; Cheïkho, Poètes arabes chrétiens, Beyrout, 1890, in-80, p. 665-666; Lyall, A commentary on ten ancient arabic poets, Calcutta, 1894, in-42, p. 103-106 (vers 27-31); Ed Damiri, H'aïat el H'aïouan, Boulaq, 1292 hég., 2 vol. in-4'. t. 1, p. 290 ; Maïdani, Medjma' el Amthal, t. 1, p. 196 ; El Baghdadi, Khizanat el Adab,

La plupart des commentateurs attribuent ce calcul à la célèbre Zarqâ El Yemamah, de la tribu de Djadis, et elle aurait dit en prose rimée :

ليت الحمام ليه

ونصفہ فدیہ

الى حمامتيه

تم احمام

Ce sont ces paroles qu'aurait reprises En Nabighah, d'après Moh'ammed ben El Abbas El Yezidi, citant Abou l'Abbâàs Moh'ammed ben El H'asan El Ah'oual (1), Et Tebrizi (2), Abou Hilal el ‘Askari (3), Meïdâni (4) et Ed Demiri (3) Moh'ammed ben Et' Tayeb' el 'Alami (6). El Asma'i, cité par El A'lam (7), Ed Demiri (8) et El Baghdadi (9) remplaçait les pigeons par les qat'as.

Mais El Asma'i rapportait avoir entendu des Arabes du désert attribuer la solution de ce problème à Bent el Khoss, dont ils citaient ainsi les paroles (mètre radjaz) :

يا ليت ذا الفطاليه

ومثل نصف معيه

Boulaq, 1299, hég., 4 vol. in-4°, t. iv, p. 298-299; S. de Sacy, Chrestomathie arabe, 2o éd., Paris, 1826, 3 vol. in-8°, t. 1, p. 146 du texte; Guirgass et Rosen, Arabskaia Khrestomatiia, St-Pétersbourg, 1876, in-8", p. 195.

(1) El Isbahani, Kitâb el Aghâni, Boulaq, 1285 hég., 20 vol. in-1, t. ix, p. 175.

(2) Ap. Lyall, A Commentar, p. 156.

(3) Djamharat el Amthál, Bombay, 1304, in-4°, p. 104.

(4) Medjma' el Amthál, t. 1, p. 100, 196.

(5) H'aïat el H'aïouân, t. 1, p. 190.

(6) Anis el Mot'rib, Fas, 1305 hég, in-4°, p. 209.

(7) Commentaire d'En Nabighah, f° 71 de mon manuscrit (provenant -de Khenadsa). Il cite aussi Abou ‘Obeïdah et Abou H'atim.

(8) H'aiat el H'aïouán, t. 1, p 276; Ahlwardt, Chalef el Ahmar's Qasside, Greifswald, 1859, in-8°, p. 195-196.

(9) Khizánat el Adab, t. 1, p. 259.

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