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...Ce fils, dont le nom est inconnu, mérita les éloges de sa mère qui disait de lui :

Mon fils est toujours sur pied,

Il ne soupe pas la nuit où il a des hôtes,

Il ne dort pas la nuit ou il craint (1).

On cite encore les maximes suivantes de Bent el Khass:

Un sult'âni (pièce d'or) dans la main

Vaut mieux que dix dépensés (2).

Lève-toi le matin, tu accompliras ce que tu as à faire et écoute ce que dit le présage (3).

Donne ta fille (en mariage) avant le jeûne (avant qu'elle ait atteint l'àge du jeûne); on ne tiendra pas de propos sur elle.

ولا ازرف بيض الشوارب

فالت له هذوا ما يجيبو همش للسون بفرة المزاليط ما تولد هم شـ

والغاني ما يبيعهم

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M. de Castries (op. laud. p. 8) cite un dicton sur les chameaux « O vendeur de blé, qu'achèteras-tu ? J'achèterai des chameaux. Elle reprit Achètes-en beaucoup; leur dos est fort et leur lait est un trésor. Ils t'emporteront du pays de l'abaisse.nent et te déposeront dans le pays de la considération. >>

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Salue les gens de Tlemcen et dis-leur :

Leur printemps est leur hiver.

Ils soignent leur graisse et leurs conserves de viande (1).

Lorsque l'époque des labours arrivait, elle disait à ses khammès : « Les labours ne doivent durer que quarante jours; hâtez-vous pour ne pas labourer pendant trois mois.

Pourquoi?

L'hiver dure deux mois et le

المشتا فيها شهرين والثالث مقبل) troisième mois fait partie du printemps

Aux autres cultivateurs qui demandaient des renseignements, elle répon→ dait : «Vous avez du temps; l'hiver dure trois mois ».

C'est en raison de cette réputation de sagesse qu'on lui attribua l'invention d'une ruse de guerre qu'on retrouve sous une forme différente dans les traditions d'un grand nombre de peuples. Une ville assiégée est à bout de ressources: il s'agit de décourager l'assiégeant et de lui faire croire qu'on a des vivres et de l'eau en abondance (2). Tantôt, on chasse dans le camp ennemi un bœuf, un veau, une chèvre ou un porc nourri avec ce qui reste de grains (3); tantôt, on expose aux yeux d'un espion ou d'un parle

(1)

(?)

على ناس تلمســــــــــــان سلموا (سلم) على ناس تلمس

وفل لهم ربيعهم هي يحضيرا سمنهم وخليع

میشد

(2) Cf. Pitré, Ueber eine sagenhafte Kriegslist bei Belagerungen, Zeitschrift für die Volkskunde, t. I. Leipzig, 1889, in-8° p. 97-102: Zingarelli, Stratagemmi leggendarii di città assediate, Archirio per le tradizioni popolari, t. xxii. Palerme, in-8°; Pitré, Stratagemmi leggendarii di città assediate, Palerme, 1904, in-8°; id. La leggenda delle città assediate dans les Studi di leggenda popolari in Sicilia, (t. xxi de la Bibliotecadelle tradizioni popolari siciliane), Turin 1904, in-8° p. 176-190. Cf. aussi Romania t. xxi. Paris, 1892, in-8° p. 478.

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(3) Cf. à propos du siège de Tlemcen, la légende de Lalla Setti, (E. de Lorral, Tlemcen, Tour du monde, 1875. 2 semestre, p. 308) ou, suivant d'autres, d'une vieille femme nommée Aïcha. (Guiter, La mosquée de Mansourah et le siège de Tlemcen, Revue africaine, t. iv. 1859-1860, Alger, 1860, in-8°, 312-313) p. ou celle du château de Roussillon assiégé par les Wandres P. Meyer, La légende de Girart de Roussillon, Vie latine § 140-115, Romania t. vi. 1878 p. 196-198) Icelle des Thraces réduits aux dernières extrémités (Frontin, Stratagèmes, I. 1, ch. xv, § 5) celle des habitants d'Alexandrie serrés de près par Frédéric Barberousse (Jachino, Il libro della Croce, cité par Pitré, Studi, p. 84) celle du comte Atton et de la reine Adelheid: il s'agit d'un singe (Pitré, loc. laud.)

mentaire des monceaux de sable couverts d'une mince couche de blé ou des tables largement servies (1); ou encore, on jette des pains par dessus les murs (2). C'est une ruse semblable qui sauve les habitants d'ElGoléa. « On prétend que Guélea a été assiégée pendant sept ans par les » Touaregs qui s'entétaient à vouloir la prendre par la famine. Les pro>> visions commençaient, en effet, à s'épuiser, mais une ruse sauva les » assiégés. Un matin, les Touaregs virent les murs de la place tapissés de >> burnous blancs fraîchement lavés qui séchaient au soleil; donc elle ne >> manquait pas d'eau (3). La nuit suivante, de grands feux allumés sur » divers points l'éclairaient tout entière; donc elle ne manquait pas de » bois. Le lendemain, ils trouvèrent, sous les murailles et presque aux » portes du camp, des galettes de belle farine, des dattes, du kouskouçou, dernières ressources que les assiégés avaient sacrifiées pour faire croire à leur abondance. Les Touaregs y crurent et se retirèrent (í).

Le nom de Bent el Khass n'est pas prononcé, mais sa réputation de sagesse était trop bien établie pour qu'on ne lui fit pas honneur d'un stratagème qui courait dans les légendes du désert. « On raconte » qu'Embarka bent El Khass fut assiégée sur la rive gauche de l'O. Seggar,

celle de la comtesse Mathilde, enfermée à Canossa (Ferraro, Il mito solare di Gioca Pistore, cité par Pitré, op. laud., p. 185), celle d'une femme de la ville de Carcassonne, assiégée par Charlemagne (Pitré, op. laud., p. 183).

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(1) Cf., à propos de Milet assiégée par Alyatte, roi de Lydie, la ruse de Thrasybule (Hérodote, 1, 19-22, Frontin, Stratagèmes, 1. m, ch. xv, 56, ou de Bias (Diogène Laerce, 1, 83) - ou de Mygdonios (Polyen, Stratagèmes, VII, 36, p. 316-317, éd. Melber, Leipzig, 1887, in-12) celle 'de Manuel Comnène, bloqué par Bardas Skléros (Jean Scylitzès, cité par Schlumberger, L'épopée byzantine, Paris, 1896, in-8°, p. 392) - celle des gens de Castro-Giovanni assiégés par le comte normand Roger (Vetri, cité par Pitré, Studi, p. 179).

: (2) Comme les Romains assiégés dans le Capitole par les Gaulois (Tite Live, I. v, ch. 48; Ovide, Fastes; Eutrope, Histoire romaine, 1. 1, § 13; Frontin, Stratagèmes, 1. 1, ch. xv, § 1) et le conte inséré par Francesco del Tuppo dans son Esopo, fab. xxxi (il manque dans l'Esopo di Francesco del Tuppo, publié par C. de Lollis, Florence, 1886, in-8°) Cf. G. Rua, Di alcune novelle inscrite nell' Esopo di Francesco del Tuppo, Turin, 1889, in-8°, p. 12.

(3) Ce stratagème fut réellement employé par Josèphe, d'après son propre témoignage, quand il défendait Jotapata contre Vespasien; pour faire croire aux Romains que la ville était pourvue d'eau, il fit accrocher aux créneaux des murs des vêtements mouillés comme pour les sécher (Josèphe, Guerre des Juifs, 1. 1, ch. x).

(1) Daumas, Le Sahara algérien, Paris, 1845, in-8°, p. 318-319.

» au Sud du qsar de Brezina, par un sultan de Gharb dont elle avait >> repoussé les avances et qui, .en la bloquant, comptait la prendre par >> le manque d'eau. Mais, voyant un jour les femmes des assiégés étendre >> au soleil du linge mouillé pour le faire sécher, il s'imagina qu'ils » avaient de l'eau en abondance et leva le siège, trompé par la ruse >> d'Embarka (1) ».

Nous voyons que Bent el Khass finit par être considérée comme la souveraine de sa tribu Une forme postérieure de la légende rapporte qu'elle était la fille d'un roi des Arabes. Celui-ci, devenu vieux incapable de se tenir debout et se faisant porter en litière, laissa tout le pouvoir à sa fille de qui ses sujets appréciaient la sagesse. En conséquences, on lui attribua la fondation d'une ville à As'bih', près d'El Beyyodh (Géryville), d'une à Banaqt (? b) au sommet de la montagne d'Arbi (), d'une ̈à 'Aïn el 'Amri (_S,∞), enfin des constructions que les nomades sont incapables de réparer, bien loin d'avoir pu les élever (?). Ainsi la saguia située au S. E. de Lioua et parallèle au cours de l'O. Djedi. Elle est aujourd'hui bouleversée, mais paraît avoir une originé romaine.

«A une époque fort reculée, d'après la traduction, les Arabes étaient » commandés par une femme nommée Bent el Khras (lisez Bent el Khass); » celle-ci avait dù souvent lutter contre ses sujets qui ne voulaient pas >> reconnaitre la souveraineté d'une femme. Pour leur être agréable, et >> aussi pour rehausser son prestige, B nt el Khras fit construire unë

(1) Trumelet, Les Français dans le désert, Paris, 4853, in-18 jés., p. 213-214; De Colomb, Exploration des K'sours du Sahara de la province d'Oran, Paris, 1858, in-8°, p. 51-54. C'est de là que M. Hugues Le Roux á 'pris le sujet d'un récit qu'il a intercalé dans son ouvrage Au Sahara (Paris, s. d. [1891] in-18 jés. p. 136-141) et qu'il a agrémenté, tout en le délayant, avec des vers d'anciens poètes arabes empruntés à ma Poésie arabe antéislamique (Paris, 1880, in-18) et mis dans la bouche des chanteurs du Sultan Noir. Cf. mon article sur Un prétendu chant populaire arabe. Revue des traditions populaires, t. vii, Paris, 1892, in-8°, p. 219-222. La tradition d'ailleurs rapporte que Bent el Khass vécut au temps du Sultan Noir de Tlemcen (sic) avec qui elle fut en guerre. Cf. sur ce personnage l'appendice iv de mon ouvrage, Nédromah et les Traras, Paris, 1901, in-8°, p. 204-211.

(2) Demandez qui a fait creuser les puits de Teldja, d'Achéa, de >> Zirara, de Taquir et tant d'autres qui sont dispersés dans les Areg et » qui indiquent qu'autrefois une sollicitude éclairée, une action puis>> sante s'étendirent sur ce pays abandonné de Dieu, le berger vous » répondra toujours: Bent el Khass. Il n'en sait pas davantage » (De Colomb, loc, laud.)

>> immense séguia jusqu'à la Mecque, afin que les pèlerins puissent avoir » toujours de l'eau à leur disposition (1) ».

II

A quelle époque peut-on placer l'existence de cette héroïne visiblement légendaire, même dans la tradition algérienne? M. de Castries, sans citer de sources, nous dit qu'Embarka bent el Khass (), femme célèbre de la tribu des B. Amer, vivait dans le Sahara oranais au XVe siècle (?). Mais la connaissance de la littérature arabe classique nous permet de remonter plus haut: l'existence de Bent el Khass est mentionnée, sans en être d'ailleurs le moins du monde plus certaine, par des auteurs bien antérieurs au xv' siècle et c'est là une preuve de plus qu'on ue saurait étudier d'une façon sérieuse et complète le folk-lore arabe du Maghrib, si l'on n'a pas une connaissance suffisante de la littérature ancienne.

La première mention qui soit faite d'elle se trouve dans un vers du poète El Farazdaq, né en l'an 20 de l'hégire (641 ap. J.-C.) et mort vers 110 (728 de J.-C.), c'est-à-dire sept siècles avant la date supposée plus haut.

Tu as été honorablement fidèle à un serment, comme Hind fut fidèle à Bent el Khoss (3) El Iyadi.

Certains commentateurs ont cru que la Hind dont il s'agissait ici était la fille du dernier roi de Hira, En No'mån, mais cette opinion est combattue par Ibn Nobata qui voit avec vraisemblance dans cette Hind (nom très répandu dans l'ancienne Arabie) une autre femme que la princesse de Hira (4). En Orient, elle est appelée Hind et on lui donne pour sœur une certaine Djom'ah contre qui elle plaida devant un juge des Arabes, El Qalmas (!). Celui-ci rendit un jugement en sa faveur, si l'on

en croit un vers attribué à Bent el Khoss:

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(1) Rapport du lieutenant Verdier, ap. Gsell, Enquête administrative sur les travaux hydrauliques des anciens en Algérie, Paris, 1902, in-8°, p. 124-125.

(2) Les Gnômes de Sidi Abd er Rahman el Medjedoub, p. vIII-IV, note 4. (3) La lecture adoptée en Orient est et en Occident, mais elles ne sont pas plus certaines l'une que l'autre. Ibn el A'rabi, dans ses Naouddir cité par Abou Zeid, Kitab en Naouâdir (Beyrouth, 1894, in-8°, p. 250), donne les formes suivantes:

لاخس الكسب الخص الكنس

(4) Cf. Ibn Nobata Sirh' el ‘Oyoun, Boulaq. 1278 héq. in-4°, p 222.

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