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L'auteur ajoute d'après l'autorité de plusieurs docteurs: « Celui qui, prononçant la formule du taouh'id, emploie le mot berbère « Iouch » et dit la phrase complète est bien un unitaire ».

من وحد بفال ايش بالبربرية باتم الجملة فهو موحد

Le mot « Iouch » figure également dans la même chronique au milieu d'une phrase berbère que je crois intéressant de donner entière.

Une pieuse femme berbère, nommée Açil, était en relations mystérieuses avec un être invisible dont elle entendait souvent la voix.

Un jour qu'elle se disposait à aller féliciter quelqu'un à l'occasion d'une naissance, son interlocuteur céleste lui adressa les paroles suivantes :

افر نمیدانم ايصيل تجد ويتمان ولا ادعُ ويَتَلَالَن مَك تصريط ارازن انورشنین ابو يعجدن تمزيدان يوش يتصلا الشغل اذ يدفعن احايتين انباط تِسَقَارُ الجنين ورتنت تصكيد الشغل اذ يدْبار ستَطنِين انلسط تِمَلَّسَانَ زدیدنین در تنزطيط تَلَطَّنَّ أَسَدَّ امَانَ صِفَلَنِين أَدْ أَمْ زَنَنَّ دج الميزان ام تفيـراطيـ

dont je propose la transcription ci-après :

Ar'ar (1) tamzida (2) nnem, ai Açil, teddj (3) ed oui ttemet

dialectes berbères pour désigner la tortue. A la suite du passage cité, se trouve la phrase suivante :

بفال حينئذ الشيخ ابو محمد عبد الله بن سجميمان النصري عن ابى. سلیمان ایوب رضى الله عنه من قال ايش هي السلحفاة الفكر اشرك بالله العظيـ

« Le cheikh Abou Moh'ammed Abd-Allah ben Sedjemiman En-Naçeri, » citant l'autorité d'Abou Soleiman Aioub (Que Dieu l'agrée !) dit alors: « Celui qui dit : louch est la tortue (isker), donne des associés au Dieu » suprême.» Le mot ifker existe dans un grand nombre de dialectes berbères. Je ne crois pas que iouch ait survécu avec ce sens.

(1) Ar'ar est employé au Mzab avec le sens de : va vite, cours.

مسجد Arabe berberisé (2)

(3) Rac. eddj ou ejj (Zouaoua); ejj (Mzab. Cf. René Basset. La Zenatia

tan (1) ouila der' oui ttelalen (2); mek tez'rit' (3) irrazen ittououchnin (4) i iou iâddjeden (5) tamzida n Iouch itez'alla; oul char'l eď idrar'en (6) ih'aitin (7); atafet' (8) tiseffar (9) innedjnin (10) our tnet teçkid (11) oul char'l et' idfar (12) semmat'nin (13); atelset' (14) timelsan (15) zdidnin (16) our ten ezzet'it' (17); tallet' (18) n (19) assa d (20) aman z'ek'k'ilnin (21) ad am meznen dedj elmizan (22) am tek'irat'in.

« Va à ta mosquée, ô Açil: laisse ceux qui meurent aussi bien que » ceux qui naissent; si tu voyais les récompenses qui sont données à

du Mzab, de Ouargla et de l'Oued Rir'. Paris, 69); edj (Dj. Nefousa) et autres dialectes.

(1) Emmet, mourir (Mzab, René Basset, op. laud.); met (Dj. Nefousa) etc.

(2) Lal, naître (Mzab, Dj. Nefousa); loul (Ouargla).

ص

(3) Zer, voir (Mzab, Ouargla, Dj. Nefousa). Le du texte représente le z' emphatique, comme plus loin dans le mot itez'alla.

(4) Ouch, donner (Mzab, Ouargla, Oued Rir'. René Basset, op. laud.). (5) Il faudrait peut-être lire ifeddjeden, de l'arabe ; mais le mot est répété dans deux phrases différentes avec la mème orthographe.

(6) Adr'ar', pierre (Mzab, Ouargla); dr'ar' (Dj. Nefousa).

(7) Arabe bal ou sla.

(8) Af, trouver (Mzab, Quargla, Dj. Nefousa).

(9) Jasefri, maison, demeure (Nefousa ancien, dans la Moudaououana, d'Ibn R'anem).

(10) Denneg, supérieur, haut (Dj. Nefousa`; ennij (Mzab).

(11) Eçtch, bâtir (Dj. Nefousa).

(12) Differ, froid (subst.) (Dj. Nefousa); adifer (R'edamès).

(13) Asemmadh (Mzab, Ouargla); isemodh', verbe d'état (Nefousa).

(14) Els, se vêtir (Zouaoua, R'edamès, etc.).

(15) Tamelsit, vêtement (R'edamès).

(16) Azeddad, maigre, mince (Mzab, R. B. op. laud. p. 201).

(17) Pour tnet set'it; zot', tisser (Mzab, Dj. Nefousa).

(18) All pleurer (Taroudant. R. Basset. Le Dialecte de Taroudant. Florence, 1895); iil (?) pleurer (Chaouia. Masqueray, Comparaison d'un cocabulaire du dialecte des Zenaga du Sénégal avec les vocabulaires correspondants des Chawia et des Beni Mzab. Paris, 1879.

(19) C'est l'n séparable.

(20) Assod, aujourd'hui (Zenaga); assa (Chaouia), assou (Mzab. Dj. Nefousa).

(21) Izer'el, chaud (Dj. Nefousa) azer'elli, chaleur (Dj. Nefousa).

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>> celui qui visite la mosquée de Dieu (Touch) pour y prier sans cesse ! Ne >> t'inquiète pas des pierres qui t'en séparent: tu trouveras des demeures » supérieures que tu n'as pas construites; ne t'inquiète pas des froides » gelées; tu revêtiras des habits légers que tu n'a pas tissés. Tu pleures >> aujourd'hui des larmes chaudes (mot à mot une eau chaude), qui te >> seront pesées dans la balance comme des k'irat' (c'est-à-dire, au poids >> des carats, comme une matière de prix) » (1).

Dans deux autres phrases berbères d'une intelligence plus difficile, le mot « Iouch » se trouve encore répété : Djazed, a louch, accorde, o Dieu! ourraz n Iouch, la récompense de Dieu.

Il me reste a citer une autre source importante. En 1895, M. le commandant Rebillet, attaché à la résidence de Tunis, aujourd'hui lieutenantcolonel en retraite à Mateur, obtenait d'un indigène de Djerba la communication d'un volumineux manuscrit arabo-berbère, connu sous le titre de Moudaououana d'Ibn R'anem, provenant des Nekkarites de Zouara. Ce manuscrit fut photographié et tiré à plusieurs exemplaires dont on n'a pa retrouver trace. Le seul tirage qui reste est entre les mains de M. Rebillet qui a bien voulu le mettre à ma disposition pour me permettre de l'étudier.

En le parcourant, j'y ai relevé, en plusieurs passages, le mot « Iouch » (pages 91, 403, 524, etc.) et notamment dans une phrase souvent répétée

>>

في سبيل الله traduite parلوبری نیوش vel oubrid n Iouch »

dans la voie de Dieu, pour l'amour de Dieu.

Le même mot figure aussi dans un court vocabulaire qui acccompagnait le manuscrit.

Ces témoignages écrits me paraissent suffisants pour établir que le nom de Dieu, sous les formes lakouch, Ikouch ou Iouch, était resté d'un usage sinon courant, du moins fréquent, parmi les populations berbères autres que celles du Maroc, longtemps encore après la disparition de l'empire des Berghouat'a.

(1) Traduction arabe donnée par la chronique :

امضی مسجد یا اصیل و دعى من يموت ومن يولد لو رايت الثواب الذي يتلفى من يزور مسجد الله للصلاة لا تشتغلى بالاحجار التي تغتربها تدخلى البيوت العاليات التى لم تبنيها لا تشتغلى بالسبرات والبرد تلبسي ثيابا رفافا لم تنسجين تبكين اليوم ماء حارا يوزن لـك بـی الميزان كالفراري

II

En menant l'enquête linguistique qui doit nécessairement accompagner notre exploration du Maroc, on trouvera peut être encore, dans les tribus berbères que leur situation géographique a préservées du contact arabe, une survivance du vocable qui nous occupe.

Ce qui est certain, c'est qu'il s'est maintenu à travers les siècles chez les berbères abadhites du Mzab.

Dans un travail récent sur le dialecte berbère de R'edamès, j'ai cité incidemment la phrase suivante que les enfants mozabites chantent sur l'aire pendant le dépiquage des grains ouch aner'd, a louch, aman ouanzer. Donne nous, ô Dieu, l'eau de la pluie. Cette transcription n'est pas absolument exacte: au lieu de a liouch, il faut rétablir ai Iouch (1). Le même mot se retrouve dans la formule amin, ai Iouch! amen, ô Dieu! que l'on prononce après certaines invocations.

Il n'y a plus là certainement que la persistance inconsciente d'une habitude séculaire, le souvenir presque effacé de quelque chose de très lointain. Mais la survivance, si vague et si limitée qu'elle soit dans son emploi, n'en existe pas moins et est intéressante à constater.

III

Quelle peut bien être l'origine de ce mot Iakouch, Ikouch ou Iouch, appliqué par les Berbères au Dieu suprême ?

Faut il ne voir dans cette appellation qu'un qualificatif berbère archaïque exprimant l'idée d'existence, de providence, d'unité, de magnificence ou de force?

Doit-on y chercher la trace d'un culte antérieur à l'Islam? (2) .

Il ne me paraît pas que la question puisse pour l'instant, être scientifiquement résolue. Sans doute, en ne s'attachant qu'aux consonnances, on est tenté de rapprocher le mot de Iaou, Iehoua, Hyès, Zeus ou los, de Iouh' ou loukh, vieux nom du soleil, ou même de l'identifier à Iacchos, dieu de la fécondité terrestre, principe producteur de la pluie.

Ce dernier rapprochement est séduisant; mais on ne pourrait produire,

(1) Le dialecte berbère de R'edamès.

Paris 1904, p. 147.

(2) Cf. E. Lefébure. La politique religieuse des Grecs en Lybie. Bulletin de la Société de Géographie d'Alger et de l'Afrique du Nord, 1902, 3 et 4 trimestres.

pour motiver une préférence en sa faveur, que des arguments historiques très vagues et une raison d'homophonie qui n'a qu'une valeur hypothétique.

Déjà au ve siècle de l'hégire, le mot avait vieilli chez les abadhites et il n'était plus possible d'en déterminer le sens primitif.

Les auteurs de la secte se sont préoccupés, à cette époque, d'en recher'cher la signification et même l'origine, comme on peut le voir par les passages suivants de la chronique citée plus haut :

« Le cheikh Younos ben Abou Zakarya demanda à un instituteur quel » était le sens de l'expression « ia Iouch ». Il répondit : « O Dieu! >> «. Mais voyant que le cheikh Younos ne paraissait pas satisfait de >> cette réponse, il lui dit : « Qu'elle en est la signification chez vous ? » »> «O mon Dieu! »> U, répliqua Younos. L'instituteur lui dit alors : » Votre explication de ia Iouch vaut mieux que la nôtre ». L'auteur dit plus loin:

«Le sens du mot Iouch, dit Abou Amr, est « celui qui donne, le dispen»sateur » Les Berbères disent en effet «ouch id (1), ia rebbi »

» donne moi, ô mon Dieu. D'après une autre opinion, le mot Iouch signi>> fierait « l'immense». Car, le premier mot que Dieu adressa à » Moïse, quand il lui revéla le Pentateuque, fut: « Je suis Iouch (2) »,

انا ايش اى العظيم .c'est-a-dire l'immense «

» D'autres prétendent que le mot signifie « le meilleur », en se » reportant à l'expression que les Berbères emploient quand ils veulent >> approuver quelqu'un ou le louer: iouch, iouch. Très bien, très bien ! »> Abou Amr ajoutait avec une certaine mélancolie:

<< En laissant perdre les principes, ils ont perdu le moyen d'aboutir ». Sage conclusion, à laquelle il faut encore s'en tenir pour l'instant, en attendant que de nouvelles découvertes permettent d'élucider la question.

A. DE C. MOTYLINSKI.

Professeur à la Chaire publique d'arabe de Constantine.

(1) Voir note ci-dessus (p. 145, n. 4) pour le mot « ouch ».

(2) Exode xx, 2. Le mot Iouch représente ici l'hébreu Iehouah. Il est à remarquer que la racine houah exister, se retrouve en tamachek' et dans d'autres dialectes, eh, aor, ihé, avec le sens de « être dans, contenir, embrasser. >>

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