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pagués d'un corps de troupes sous les ordres de son fils Abou'l-Khawal'. Cette expédition quitta Tunis en l'an 289 (902) et soumit les Ketama; ensuite elle se dirigea sur Tazrout et mit en fuite les troupes qu'Abou-Abd-Allah avait concentrées auprès de la ville de Melouça 2. Le Chîite abandonna aussitôt la forteresse de Tazrout et courut s'enfermer dans Ikdjan. Abou-'l-Khawal marcha contre lui, après avoir démantelé Tazrout; mais, à mesure qu'il s'avançait dans le territoire des Ketama, les difficultés s'augmentèrent et le découragement se mit alors parmi ses troupes. Ibrahim, fils de Mouça-Ibn-Aïach, ayant été envoyé à la découverte du côté de Mila, vit son détachement mis en déroute par les insurgés et eut beaucoup de peine à leur échapper et à rentrer au camp. La position d'Abou-'l-Khawal empira tellement qu'il évacua le pays des Ketama.

Abou-Abd-Allah établit alors sa demeure à Ikdjan, où il fonda une ville qu'il appela Dar-el-Hidjra (maison de la retraite), et, comme son pouvoir était devenu trop grand pour être méconnu, il rallia à sa cause une foule de tribus. Quelque temps après, El-Hacen-Ibn-Haroun cessa de vivre, et Abou-'l-Khawal, qui avait été placé par son père, Abou-'l-Abbas, à la tête d'une seconde expédition, envahit de nouveau le pays des Ketama. Cette tentative n'eut point de succès, et le prince aghlebide dut rétrograder vers une position d'où il pourrait mieux s'opposer au progrès de l'ennemi. Sur ces entrefaites eurent lieu la mort d'Ibrahim-Ibn-Ahmed l'aghlebide et l'assassinat de son fils Abou'l-Abbas. Ziadet-Allah prit alors le commandement de l'état et fit mourir Abou-'l-Khawal qu'il avait rappelé à Tunis. S'étant ensuite transporté à Raccada, il se plongea dans la débauche, pendant que l'autorité du Chîïte grandissait tous les jours et que les armées de cet aventurier envahissaient le territoire de l'em

'EL-Noweiri écrit ce nom El-Ahouel daus son histoire des Aghlebldes (voy. t. I de notre ouvrage, p. 440); mais, dans son histoire des Fatemides, il emploie la même orthographe qu'Ibn-Khaldoun.

La position de cette ville est inconnue. On peut supposer qu'elle n'était pas loin de Tazrout, du côté du sud.

à

pire. Ce fut vers cette époque qu'Abou-Abd-Allah annonça la prochaine apparition du Mehdi, et sa parole ne tarda pas s'accomplir.

S IV.

LE MEHDI ARRIVE EN MAGHREB ET EST EMPRISONNÉ
IL RECOUVRE LA LIBERTÉ ET S'EMPARE DU

A SIDJILMESSA.

POUVOIR.

Mohammed-el-Habîb étant près de mourir, légua l'imamat à son fils Obeid-Allah, et lui adressa ces paroles : « C'est toi qui » es le Mehdi; après ma mort tu dois te réfugier dans un pays » lointain où tu auras à subir de rudes épreuves. » Quand la nouvelle de cet événement parvint aux missionnaires qui se trouvaient en Ifrikïa et en Yémen, Abou-Abd-Allah chargea quelques Ketamiens d'aller annoncer au Mehdi le triomphe que Dieu leur avait accordé et de l'informer que l'on désirait sa présence en Ifrîkïa. Le bruit de l'apparition du Mehdi s'étant répandu partout, le khalife abbacide, El-Moktefi, ordonna des perquisitions pour le découvrir. Obeid-Allah s'enfuit alors de la Syrie et passa en Irac, d'où il se rendit en Egypte avec son fils Abou-'l-Cacem, qui était encore très-jeune, et avec quelques amis dévoués, accompagnés de leurs serviteurs. Il s'était d'abord proposé d'aller en Yémen; mais, ayant appris qu'Ali-Ibn-elFadl, le successeur d'Ibn-Haucheb, s'était très-mal conduit dans ce pays, il renonça à son projet et résolut d'aller trouver AbouAbd-Allah dans le Maghreb. En quittant le Vieux-Caire, il se dirigea sur Alexandrie, d'où il se remit en route avec ses amis déguisés eu marchands. Eïça-en-Noucheri, gouverneur du Caire, avait déjà reçu une dépêche d'El-Moktefi, renfermant le signalement du fugitif et l'ordre d'aposter des agents partout, afin de l'arrêter. Il parvint effectivement à découvrir les voyageurs, mais ne pouvant constater leur identité malgré le soin qu'il avait mis à les interroger, il jugea convenable de les relâcher. El-Mehdi partit sur-le-champ et marcha à grandes journées jusqu'à Tripoli. Il avait emporté dans son sac de voyage plusieurs

livres de Melahem qu'il tenait de ses ancêtres; mais, pendant la route, ces volumes lui furent dérobés. L'on dit que son fils Abou-'l-Cacem se les fit rendre à Barca, lors de son expédition contre l'Egypte. Arrivé à Tripoli, il s'y arrêta et laissa partir les marchands qui composaient la caravane. Il envoya toutefois avec eux Abou-'l-Abbas, frère d'Abou-Abd-Allah-es-Chîï, auquel il avait donné l'ordre d'aller joindre ce missionnaire dans le pays des Ketama. Abou-'l-Abbas voulut s'y rendre, en passant par Cairouan; mais, comme Zîadet-Allah l'aghlebide était déjà prévenu des mouvements du Mehdi et faisait subir à tous les voyageurs un interrogatoire sévère, il fut arrêté et questionné comme les autres. Ne pouvant rien tirer de lui, Zîadet-Allah le fit mettre en prison et envoya au gouverneur de Tripoli l'ordre de se saisir du Mehdi. Celui-ci échappa au danger et, passant près de Constantine, où il n'osa pas entrer, il continua sa route jusqu'à Sidjilmessa. Elîçâ-Ibn-Midrar, souverain de cette ville, l'accueillit avec distinction; mais, ayant ensuite appris par une lettre de Ziadet-Allah ou du Khalife El-Moktefi, selon un autre récit, que son hôte était le Mehdi dont les émissaires se donnaient tant de mouvement dans le pays des Ketama, il le fit mettre en prison.

La mort d'Abou-'l-Khawal qui, pendant quelque temps, avait tenu Abou-Abd-Allah en échec, permit à cet habile missionnaire de rallier tous les Ketama et de mettre le siége devant Setif. AliIbn-Djafer-Ibn-Asloudja, gouverneur de cette ville, et son frère Abou-Habib, y perdirent la vie; mais Dawoud- Ibn-Habatha, personnage éminent de la tribu de Lehiça, lequel s'y était ré

On donne le nom de Melahem à de certains ouvrages dans lesquels on a rassemblé des prédictions touchant les révolutions des empires et autres graves événements. Consultez, à ce sujet, la Chrestomathie arabe de M. de Sacy, t. 1, p. 298 et suiv.

* Il évita de se rendre auprès de son missionnaire, Abou-Abd-Allahes-Chit, pour ne pas compromettre les jours d'Abou-'l-Abbas; car Ziadet-Allah aurait alors acquis la certitude que celui-ci était effectivement l'une des personnes qu'il cherchait. (Ibn-el-Athir.)

fugié avec plusieurs autres chefs ketamiens, prit le commandement des assiégés. La place finit par capituler et fut ruinée de fond en comble par l'ordre d'Abou-Abd-Allah. Zîadet-Allah envoya alors une nouvelle expédition contre les Ketama. Cette armée, forte de de quarante mille hommes et commandée par Ibn-Hobaïch, membre de la famille des Aghleb, s'avança jusqu'à Constantine, et, s'y étant arrêtée, elle laissa aux Ketama le temps de se retrancher dans leurs montagnes. Ibn-Hobaïch alla ensuite leur livrer bataille près de la ville de Belezma, mais il essuya une défaite et dut rentrer à Cairouan après s'être réfugié dans la ville de Baghaïa.

Quelques Ketamiens, auxquels le Chiï avait donné l'ordre de porter au Mehdi la nouvelle de cette victoire, s'y prirent avec tant d'adresse qu'ils purent accomplir leur mission sans être découverts. Le Chiï marcha ensuite sur Tobna, en tua le gouverneur, Feth-Ibn-Yahya-el-Messalti, et obtint la possession de cette place après avoir accordé une amnistie aux habitants. De là il alla emporter d'assaut la ville de Belezma, mais il perdit en même temps celle de Dar-Melouwel; une colonne de troupes que Ziadet-Allah avait envoyée contre lui sous les ordres de Harounet-Tobni, gouverneur de Baghaïa, étant venu ruiner cette place et en exterminer les habitants. Arouba-Ibn-Youçof, un des officiers du Chîi, essuya alors une défaite dans une rencontre avec Haroun, et mourut sur le champ de bataille. Bientôt après, Youçof-el-Ghassani, un autre général du Chiï, reçut à capitulation la ville de Tidjist et permit à la garnison de se retirer dans Cairouan.

Pendant que les populations [de l'Ifrikïa ] souhaitaient le triomphe d'Abou-Abd-Allah à cause de sa clémence envers les vaincus et de son respect pour les traités, Ziadet-Allah recevait à toute heure les nouvelles les plus fàcheuses et vidait son trésor afin d'organiser une nouvelle armée et de réparer ses placesfortes. Eu l'an 295 (907-8), il se mit lui-même en campagne et marcha jusqu'à Laribus; mais, n'osant pas risquer un combat, il écouta les conseils de son entourage, ramena ses troupes à Cairouan et chargea son parent, Ibrahim-Ibu-Abi-'l-Aghleb, d'en

prendre le commandement et de se bien défendre dans cette forteresse. Le Chii s'avança alors contre Baghaïa, qui capitula aussitôt, le gouverneur s'étant enfui à son approche, et de là il expédia un détachement qui prit Mermadjenna d'assaut et en tua le commandant. Encouragé par ce succès, il lança ses colonnes sur l'Ifrîkïa et dirigea plusieurs expéditions contre les Nefza et les autres Berbères. Les habitants de Tîfech lui firent leur soumission, et ayant ainsi mérité leur grâce, ils reçurent comme gouverneur Souab-Ibn-Abi-'l-Cacem-es-Sektaï; mais Ibrahim-IbnAbi-'l-Aghleb vint bientôt les faire rentrer sous la domination aghlebide. Le Chiite rassembla alors une nombreuse armée et marcha sur Baghaïa d'où il alla s'emparer de Meskiana et de Tebessa. Il se dirigea ensuite vers El-Casrein, dans la province de Camouda, reçut les habitants de cette ville à composition et marcha sur Raccada. Pour détourner le danger qui menaçait Ziadet-Allah, danger d'autant plas grand que la garnison de cette place était peu nombreuse, Ibrahim-Ibn-Abi-'l-Aghleb alla livrer bataille au Chiï et le contraignit à se réfugier dans Ikdjan. Étant alors rentré à Laribus, il donna à son adversaire l'occasion de mettre le siége devant Constantine. Les habitants de cette ville capitulèrent pour avoir la vie sauve et ceux de Cassa imitèrent leur exemple. Le vainqueur se porta alors jusqu'à Baghaïa pour y laisser une garnison sous les ordres d'Abou-" Mekdoula de la tribu de Djîmela, puis, il reprit la route d'Ikdjan. Ayant ensuite appris qu'Ibn-Abi-'l-Aghleb voulait profiter de son éloignement pour attaquer Baghaïa, il plaça un corps de de douze mille hommes sous les ordres de trois de ses officiers, Abou-l-Medîni-Ibn-Ferroukh-el-Lehîci, Arouba-Ibn-Youçof-elMelouchi et Redja-Ibn-Abi-Conna, en les chargeant d'aller couvrir la ville. Ces généraux repoussèrent Ibn-Abi-'l-Aghleb jusqu'au défilé d'El-Arar 2, où ils cessèrent la poursuite.

En l'an 296 (908-9) Abou-Abd-Allah le Chîï marcha sur La

'Encore une ville dont la position est inconnue.

Il y a un endroit de ce nom sur la route de Constantine à Batna.

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