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1° Que l'imamat ne devait pas être électif;

2o Que l'imam était impeccable;

3o Que le premier imam fut désigné par le Prophète ; 4o Qu'Ali fut la personne choisie pour cet office.

A l'appui de ces principes ils citaient certains versets du Coran et certaines traditions relatives au Prophète; mais leurs adversaires prétendaient qu'ils avaient donné à ces versets une fausse interprétation et qu'ils avaient allégué des traditions dont les unes étaient fausses et les autres nullement concluantes.

Les principales sectes chiïtes sont les Zeidia, les Keiçania, les Ithna-Acherïa, les Ismailia et les Gholat.

Les Zeidia, partisans de Zeid, fils d'Ali, fils d'El-Hocein, fils d'Ali et de Fatema, déclaraient que l'imamat passa d'Ali aux enfants qu'il eut de Fatema, fille de Mahomet. Cette secte forma deux branches dont l'une eut pour principe que l'imam devait être désigné par son prédécesseur, et l'autre, que l'imamat était électif, mais sans pouvoir sortir de la descendance de Fatema. Les deux partis s'accordaient à enseigner que l'imam devait être savant, indifférent aux biens mondains, libéral, courageux, prompt à faire valoir ses droits par la force des armes.

Cette dernière condition fut la cause de plusieurs révoltes sous le khalifat des Oméïades et sous celui des Abbacides. Voici la liste des imams zeidiens:

Ali, fils d'Abou-Taleb,
El-Hacen, fils d'Ali,

El-Hocein, fils d'Ali,

Ali-Zein-el-Abedîn, fils d'El-Hocein,

Zeid, fils d'Ali, fils d'El-Hocein et fondateur de la secte. Il prit les armes à Koufa et fut vaincu et tué par les Keiçunia. Yahya, fils de Zeid, fut tué à Djouzdjan, après avoir légué l'imamat à

Mohammed, fils d'Abd-Allah, fils de Hacen, fils d'El-Hacen, petit-fils de Mahomet. Ce personnage, surnommé En-Nefsez-Zekia (l'âme pure), prit le titre d'El-Mehdi, se révolta dans le Hidjaz et fut tué par les troupes d'El-Mansour, le khalife abbacide.

Ibrahîm, frère et successeur du précédent, se révolta à Basra

et fut défait et tué par les troupes d'El-Mansour. Mohammed, fils d'El-Cacem, fils d'Ali, fils d'Ali, fils d'Omar,

frère de Zeid, fils d'Ali, leva l'étendard de la révolte à Talecan, fut vaincu et fait prisonnier par les tronpes du khalife El-Motacem.

Le Zendji, descendant d'Eïça, fils de Zeid, se souleva à Basra.
Idrîs, frère de Mohammed-Ibn-Abd-Allah et descendant d'El-

Hacen, petit-fils de Mahomet, s'empara du Maghreb-el-
Acsa et y fonda une dynastie.

El-Hacen-Ibn-Zeid, descendant du même El-Hacen, fonda un royaume dans le Taberistan.

El-Atrouch, autre descendant d'Ali, s'établit dans le Deilem. Comme Zeid, fils d'Ali et fondateur de cette secte, avait fini par admettre la validité de l'imamat des deux cheikhs, Abou-Bekr et Omar, plusieurs de ses partisans répudièrent son autorité et obtinrent, pour cette raison, le sobriquet de Rafedites (récusants). Dans la suite on appliqua cette dénomination à toutes les sectes chîïtes. Zeid reconnaissait bien le mérite supérieur d'Ali, mais il persista néanmoins dans son opinion au sujet des deux cheikhs, «< car, disait-il, on doit accepter le préféré quand même il s'en trouverait un préférable. »

Les Keiçanïa enseignaient que l'imamat passa des enfants de Fatema à un autre fils d'Ali, nommé Mohammed-Ibn-el-Hanefia, parce qu'il avait pour mère une femme de la tribu de Hanifa. Keiçan était client d'Ibn-el-Hanefia. Une branche des Keiçanïa eut pour principe fondamental que l'imamat fut transmis par Ibn-el-Hanefia à son fils, Abou-Hachem, lequel délégua son autorité à Mohammed, fils d'Ali, fils d'Abd-Allah, fils d'El-Abbas, oncle de Mahomet. De Mohammed l'imamat passa à son fils, Ibrahim, surnommé pour cette raison, l'imam, et celui-ci légua ses pouvoirs à son frère Abd-Allah-es-Saffah, fondateur de la dynastie des Abbacides. On voit ici la raison qui décida IbnKhaldoun à compter les Abbacides au nombre des Chrites. Comme El-Abbas était petit-fils de Hachem, on donna à cette fraction de secte le nom de Hachemites.

Les Imamia (imamiens) formaient deux sectes: les Ithnaacheria et les Ismailia. Les Ithna-acheria, ou Duodécemains, comptent jusqu'à douze imams et s'arrêtent sur le dernier qu'ils prétendent être toujours vivant, mais invisible. On les appelle aussi Ouakefia ou Mouwakkefin, c'est-à-dire les gens qui s'arrétent ou qui arrêtent. Voici la liste de leurs imams :

1° Ali, fils d'Abou-Taleb, 2o El-Hacen, fils d'Ali,

3o El-Hocein, fils d'Ali,

4° Ali-Zein-el-Abedîn, fils d'El-Hocein,

5o Mohammed-el-Baker, fils de Zein-el-Abedîn,

6° Djâfer-es-Sadek, fils d'El-Baker,

7° Mouça-el-Kadem, fils de Djâfer,

8° Ali-er-Rida, fils de Mouça,

9° Mohammed-et-Téki, fils d'Er-Rida, 10° Ali-el-Hadi, fils d'Et-Téki,

11° Hacen el-Askeri, fils d'El-Hadi,

12° Mohammed-el-Mehdi, l'attendu (el-Montader), fils d'El

Askeri.

Ce douzième imam n'avait que douze ans quand il entra dans un souterrain et n'en sortit plus. Selon les duodécemains, secte dont les doctrines prédominent encore en Perse, il reparaîtra lors de la fin des temps, pour remplir la terre de sa justice. Cet imam est le Mehdi ou dirigé que Mahomet a prédit et dont l'arrivée est toujours attendue.

Les Ismailia ou Ismailiens reconnaissent les six premiers imams de la liste précédente. Leur septième imam est Ismail, fils de Djâfer-es-Sadek; il fut désigné par son père comme successeur à l'imamat, mais il mourut avant lui. Leur huitième imam, Mohammed le caché (El-Mektoum), fils d'Ismail, fut le premier de leurs imams cachés, personnages qui ne se montraient jamais et qui se bornaient à transmettre leurs ordres au monde par la bouche de daïs, c'est-à-dire inviteurs. Cette classe d'hommes étaient les émissaires, agents politiques et missionnaires de l'imam. Djâfer-el-Mosaddec, fils du précédent, fut leur

second imam caché; Mohammed-el-Habîb, fils de Djåfer, en fut le troisième et dernier. Obeid-Allah-el-Mehdi, fils d'El-Habîb, et leur onzième imam, se manifesta en Afrique, où il fonda la dynastie fatemide. El-Hacen-Ibn-Sabbah, un autre imam des Ismailiens. fonda, en Irac, la dynastie des Assassins (Hachichïa).

La doctrine de l'imam caché (mektoum, baten) procura aux Ismailiens le nom de Batenia (Baténiens). On les appelait aussi Molheda (impies), parce que leurs doctrines secrètes conduisaient à l'athéisme par l'infidélité.

L'incarnation de Dieu dans la personne de l'imam, la métempsychose, ou transmigration de l'âme de l'imam dans le corps de son successeur, les autres opinions, plus ou mois extravagantes, au sujet de l'excellence de ce personnage, ont mérité à plusieurs de ces sectes le nom de Gholat (extravagantes).

Dans l'Exposé de la religion des Druzes, par M. de Sacy, ou trouvera une longue notice sur les chîïtes et sur leurs doctrines secrètes. L'histoire des douze imams de la secte des Duodécemains est racontée par M. Reinaud dans ses Monuments arabes persans et turcs, tom. I, page 329 et suiv.

§ Ier. CROYANCES DES DUODECEMAINS 1.

Cette secte enseignait que l'imamat passa de Djâfer-es-Sadec à son fils Mouça-el-Kadem. Les révoltes suscitées par les daïs du nouvel imam obligèrent [le khalife] Haroun-er-Rechîd à le faire conduire de Médine à Baghdad pour y rester prisonnier, sous la garde de [Sindi-]Ibn-Chahek 2. Mouça mourut en l'an 183 (799-800), empoisonné, dit-on, par des dattes que lui offrit Yahya-Ibn-Khaled [le barmekide, vizir d'Er-Rechîd]. Après lui, disent les partisans de cette famille, l'imamat dévolut à son fils,

Les chapitres qui suivent sont tirés de la partie inédite de l'His toire universelle d'Ibn-Khaldoun.

• Cet officier élait prévôt de la maréchaussée (saheb-es-chorta) à Baghdad. (Ibn-Khallikan, t. 1, p. 318 de ma traduction.)

Ali-er-Rida (l'agréé); un des membres les plus respectés de la famille de Hachem [grand-père de Mahomet]. Er-Rida vivait dans l'intimité El-Mamoun, et en l'an 201 (816-7), il fut désigné par ce khalife comme héritier du trône, afin de mettre un terme aux révoltes que les daïs du parti chîïte excitaient de tout côté.. El-Mamoun était alors en Khoraçan, d'où il ne rentra en Irac qu'après la mort de son frère El-Amîn 1. Les partisans des Abbacides se recrièrent contre la nomination d'Er-Rida, et proclamèrent à Baghdad, le khalifat d'Ibrahîm-Ibn-el-Mehdi, oncle d'El-Mamoun. Celui-ci partit alors pour l'Irac, accompagné d'Ali-er-Rida, mais avant d'y arriver, il perdit son protégé : Ali mourut en chemin, l'an 203 (848-9), et fut enterré à Tous ". Quelques personnes disent qu'il fut empoisonné par El-Mamoun.

D'Er-Rida l'imamat passa à son fils Mohammed. El-Mamoun lui témoigna beaucoup de considération et lui donna sa fille en mariage, l'an 305. Mohammed mourut en 220 (835), et fut enterré dans le cimetière des Coreich [près de Baghdad]. Selon les Duodécemains, il eut pour successeur son fils Ali, surnommé El-Hadi (le directeur) et El-Djouad (le noble). Celui-ci mourut en 254 (868) et fut enterré à Koum [en Perse]. Ibn-Said (voyez tome I, p. 9, n. 4) dit que le khalife El-Motezz le fit empoisonner.

L'imamat passa d'Ali à son fils El-Hacen, auquel on donna le surnom d'El-Askeri parce qu'il naquit à El-Asker, ville qui porte aussi le nom de Serr-man-raa (Samarra). Lors de la mort de son père, il y fut retenu prisonnier, et il y mourut en 260 (873-4). Son corps fut déposé dans le mausolée qui renfermait celui de son père. Sa femme, qu'il laissa enceinte, donna le jour

Ibn-Khaldoun aurait dû écrire : uprès le détrónement d'Ibrahim, fils d'El-Mehdi, ce qui eut lieu en l'an 203 (848). Ce fut en 196 (811–2) qu'El-Amîn fut tué, à Baghdad, après avoir usurpé le trône.

2 Tous était alors la capitale de la province de Khoraçan. Le Mechhed, ou tombeau, de l'imam Er-Rida en est éloigné de deux lieues. Les Chiïtes regardent ce temple comme plus vénérable que celui de la Mecque. (Voy. Monuments arabes, persans et turcs, par M. Reinaud, t. 1, p. 373.)

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