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sur le lieu où il bâtit, plus tard, la ville d'Achîr. Cet endroit était alors inhabité, mais il renfermait plusieurs sources d'eau.

FONDATION D'ACHÎR.

Zîri, ayant examiné cette position, dit à ses compagnons : « Voici l'endroit qui vous convient pour résidence », et il se décida à y bâtir une ville. Ceci se passa en l'an 324 (935-6), sous le règne du khalife fatemide El-Caïm, fils d'El-Mehdi. Il fit alors venir d'El-Mecîla, de Hamza et de Tobna un grand nombre de charpentiers et de maçons, et il se fit envoyer par El-Caïm un architecte qui surpassait en habileté tous ceux de l'Ifrîkïa. Il obtint aussi du même prince une grande quantité de fer et d'autres matériaux. S'étant alors mis à l'œuvre, il acheva la construction de sa ville

Pendant la domination des Aghlebides, les Zenata avaient opprimé les habitants de ce pays, et leur tyrannie n'avait cessé de s'accroître sous les règnes d'El-Mehdi et de son fils El-Caïm. Aussi, quand celui-ci eut appris que Zîri pensait à fonder une ville, il rendit grâces à Dieu en déclarant que le voisinage des Arabes lui serait plus avantageux que celui des Berbères. Il aida même de tous ses moyens à l'accomplissement de cette entreprise.

Ziri se rendit ensuite à Tobna, à El-Mecîla et à Hamza pour en transporter les principaux habitants à Achîr; de sorte qu'il peupla sa nouvelle capitale et en fit une forteresse inexpugnable. On ne pouvait approcher de cette ville que du côté de l'orient, et, là, dix hommes auraient suffi pour la défendre. Située, d'ailleurs, sur une montagne escarpée, elle n'avait pas besoin de muraille; elle était arrosée par deux sources abondantes d'ex

1 Si cette parole n'est pas de l'invention d'Ibn-Cheddad, elle prouve que, déjà à cette époque, on croyait que la famille de Zîri était de race arabe.

cellente eau, et comme elle se remplit bientôt de légistes, de savants et de marchands, elle devint très-fameuse '.

1 NOTE SUR LA MONTAGNE DE Tîteri, appeLÉE AUSSI EL--Kef-elAKHDAR (LE ROCHER VERT). Le 4 et le 2 juillet 1850, je longeais le pied méridional de cette montagne rocheuse qui se présente à pic, au Sud, dans une direction Est-Ouest, entre Djebel-ben-Hedjeraïd et Djebel-Kerbouchia. Elle est presque partout impraticable sur cette face, sauf vers l'Est, à El-Bab, où des piétons peuvent passer, et aussi à Tenit-ben-Hedjeraïd. A cette exposition du Midi, le Kef apparaît comme une gigantesque muraille composée d'énormes assises de pierres taillées.

Ben-Yahya, chef de l'aghalik du Sud-Est, me raconta, à cette époque, qu'on trouvait sur le Kef-el-Akhdar une ville ruinée dont les restes sont appelés Menza-bent-es-Soltan; et, en outre, sur la même montagne, une ruine isolée dans le col appelé Fedj-el-Metkelma.

Je ne doutai pas, dès cette époque, que ces vestiges fussent ceux de la ville d'Achir tant et si vainement cherchée; mais, engagé alors dans l'accomplissement d'une mission spéciale qui ne me permettait pas d'entreprendre des recherches incidentes, je dus, à cause de la difficulté d'aborder ces ruines par le Sud, en remettre l'exploration à une autre fois.

Ce fut seulement au mois d'août 1852 que je pus réaliser mon projet. Je m'engageai allrs dans l'Atlas par la gorge de l'Oued-el-Djemâa et je gagnai le bordj de Mahi-ed-Din ou Zacuit-bou-Maali, par la montagne des Beni-Zerman. De la porte de la maison des hôtes qui dépend de ce bordj, j'avais le Kef-el-Akhdar devant moi, au plein Sud, le Dira au Sud-Est, et le Ouan-Noura à l'Est-Sud-Est.

Le lendemain, 24 août, j'allai coucher chez le caïd des Oulad-Soltan, et le 23, dans la matinée, j'étais au pied du Kef-el-Akhdar.

Cet immense rocher a la forme d'un lam J, qui serait couché en long de l'Est à l'Ouest, et dont le côté convexe regarderait l'Occident; on pourrait encore le comparer à un hameçon ou crochet. L'espace compris entre la grande et la petite branche du lam est ce que les Arabes appellent kheneg ou défilé. Du fond de cet étranglement sort un ruisseau appelé Oued-Khorza, ou rivière du défilé, une des branches supérieures de l'Isser. On cotoie, pendant près d'une heure, sur des couches de grès, la rive gauche de cet Oued, avant d'atteindre le fond de l'impasse étroite et abrupte formée par la concavité du lam. Là, sur un rocher qui surplombe, sont les ruines d'une forteresse qui domine, à la fois, deux sentiers: celui de gauche, et le plus difficile, conduit aux ruines appelées Menza-bent-es-Soltan; l'autre mène chez les OuladSidi-Mohammed, qui sont établis sur le seul terrain cultivable qu'on

A cette époque, les habitants n'employaient ni or, ni argent dans leurs ventes et achats; mais ils échangeaient des chameaux,

rencontre dans cette montagne rocheuse, en dehors des rives de l'OuedKhorza.

L'ascension est des plus pénibles pour arriver aux ruines de la citadelle d'Achir, car tout porte à croire que la célèbre ville de ce nom était, en effet, située à cet endroit, au moins dans le principe. Après plus d'une heure d'efforts, où les mains doivent plus d'une fois venir au secours des pieds, sur ces strates fort inclinées d'un grès assez glissant, on arrive à un petit plateau rocheux où sont les ruines arabes d'une vaste fortification en pierres, d'une espèce de Casba. Elles dominent à peu près à pic le plateau doucement incliné auquel conduit le deuxième sentier dont il a été question précédemment. Sur ce dernier plateau, on aperçoit des cultures, deux sources et des gourbis habités par des familles de marabout des Rebaïa, des Oulad-Sidi-Mohammed, dits Ahl-el-Kef, ou gens du Rocher.

Tout porte à croire que le plateau rocheux où se voient les ruines d'une Casba a été l'emplacement primitif d'Achîr et que le deuxième plateau en plan incliné, qui s'étend au-dessous et au Nord, a été le siége du nouvel Achir dont parle Nouaïri, et qui fut fondé parce qu'il devenait impossible de recevoir dans le premier toute la population qui se présentait. L'étude des localités rend parfaitement compte de ces diverses circonstances.

Je ferai remarquer que le plateau d'Achir avait conservé sous le pouvoir turc son importance stratégique au point de vue de la révolte. Quand les Oulad-Alan voulaient se soustraire à la nécessité de payer l'impôt, ils se réfugiaient dans cette partie du Kef-el-Akhdar où l'on ne pouvait pas les forcer. La tactique employée par les Hossain, tribu turbulente dont Ibn-Khaldoun fait souvent mention, s'était conservée traditionnellement dans le pays.

Le Kef-el-Akhdar appartient, le côté occidental, aux Oulad-Alan, et, le côté oriental, aux Beni-Sliman.

Le nom de Titeri tach, que cette montagne portait sous les Turcs, signifie Rocher de Titeri. Le nom de montagne de Titeri n'appartient, à proprement parler, qu'à la partie occidentale du Kef-el-Akhdar, celle qui est aux Oulad-Alan et aux Rebaïa.- Le mot Achir, en berbère Yechir, signifie griffe et s'applique à de fortes positions militaires qui sont comme la griffe dont le vainqueur menace sans cesse le vaincu. C'est une appellation assez commune en Algérie. El-Idrîci place, avec raison, l'Achîr de Zîri (Achir-Ziri) à une journée à l'Est du pays des Beai-Modjeber, ou Moudjebeur, où l'on vient d'installer le zmala des spahis, entre Csar-Bokhari et le confluent du Chelif et du OuedHokeum. (Note communiquée par M. Berbrugger.)

des bœufs et des moutons contre les objets dont ils avaient besoin. Cet état de choses décida Zîri à battre monnaie. Il fit alors à ses troupes des dons considérables et leur affecta une solde régulière, de sorte que les pièces d'or et d'argent abondaient dans le public. Les peuplades nomades qui fréquentaient les environs consentirent à travailler la terre, et, comme Zîri les protégea contre les Zenata, il entretint ainsi l'inimitié qui régna entre ceux-ci et les Sanhadja.

Ayant confié le commandement d'Achir à son frère, MakcenIbn-Menad, il partit pour le Maghreb et se présenta devant Djeraoua. Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa, chef qui gouvernait dans cette ville au nom du prince oméïade, Abd-er-Rahman-[en-Nacer-] Ibn-Mohammed, souverain de Cordoue, vint au-devant de lui avec un riche cadeau, composé de belles esclaves et d'autres objets; puis, il lui adressa ces paroles : « Monseigneur! j'ai >> consenti à gouverner au nom des Oméïades dans le seul but » de me faire respecter des Zenata; et, puisque Dieu a amené >> cette rencontre en vous conduisant ici, je me déclare votre » allié et votre serviteur dévoué. D'ailleurs, vous êtes mon >> voisin et nous savons que l'épée du voisin est plus à >> redouter que celle de l'homme qui demeure au loin ! » Zîri l'accueillit avec bienveillance et lui dit : « Si jamais un danger >> te menace, écris-moi et j'enverrai mes troupes à ton se

>>> cours.>>

Dans la suite, Mouça se plaignit à Zîri de la tribu de Ghomara: « C'est, disait-il, une race impie qui profane les choses les plus >> sacrées. Il vient de s'élever chez elle un faux prophète qui y >> enseigne une doctrine abominable. >> Ziri marcha donc avec lui contre les Ghomara et fit prisonnier l'homme qui se donnait pour prophète. Ce malheureux fut conduit à Achîr et interrogé par une commission de jurisconsultes : « Si tu es prophète, lui >> dirent-ils, montre-nous la preuve de ta mission. » « Mon » nom, répondit-il, est écrit dans le Coran. » — << Et quel est » ton nom? »> « Je m'appelle Ha-mim; mon père se nommait » Menn-Allahi (don de Dieu) et nous lisons dans le Coran : » Ha-mim (est) la révélation du livre de la part de Dieu

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» (min-Allahi), le puissant, le sage. » Ces docteurs le déclarèrent digne de mort et le livrèrent au bourreau 2.

Une étroite amitié, dit notre historien, régna entre Zîri et [le khalife fatemide] El-Caïm. Elle eut pour cause la conduite de Zîri pendant que la ville d'El-Mehdïa fut bloquée par AbouYezid. Ayant alors reçu d'El-Caïm une lettre dans laquelle ce prince lui exposa que les habitants souffraient toutes les horreurs de la disette, il y expédia cent charges de blé, escortées par deux cents cavaliers sanhadjiens et cinq cents esclaves nègres. Ce convoi pénétra dans El-Mehdïa, et El-Caïm en témoigna sa gratitude à Zîri eu lui expédiant un cadeau dont la richesse surpassa toute idée et qui se composa, entr'autres choses, d'étoffes magnifiques, de chevaux de race et de selles ornées de pierreries.

1 Coran, sourate, XL, verset 1.

2 Comparez ceci avec le récit d'Ibn-Khaldoun, p. 443 de ce volume.

FIN DE L'EXTRAIT.

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