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et qui appartenait au corps turc à la solde de l'empire, y pénétra et fut tué dans la rue. Depuis la nomination d'Ibn-el-Caloun à la place de chambellan, Kichli lui avait toujours prêté l'appui de son amitié et de l'influence que lui donnait le commandement du corps turc. La mort de ce chef ayant excité dans la ville une agitation dont le bruit se faisait entendre jusqu'au camp, Ibn-el-Caloun sortit de sa tente tout effrayé, et, dans le même instant, il tomba sous les poignards des deux affranchis

BL-FADL, FILS DU SULTAN ABOU-YAHYA-ABOU-BEKR], EST NOMMÉ GOUVERNEUR DE BONE.

Lors de son avènement au trône, le sultan donna le gouvernement de Bône à Mesrour, un de ses affranchis européens. Le caractère dur de cet officier et sa passion pour la guerre l'entrainèrent aux actes de violence et d'oppression. S'étant mis en campagne pour attaquer les Oulhaça, il fut tué dans un combat avec cette tribu qui avait couru aux armes pour défendre ses troupeaux. Quand le sultan apprit cette nouvelle, il ordonna à son fils, Abou-'l-Abbas-el-Fadl, d'aller prendre le commandement de Bône, et il lui adjoignit comme chambellan et chef militaire l'affranchi européen, Dafer-es-Sinan. Le jeune prince se conduisit de la manière la plus satisfaisante dans le poste que son père lui avait confié. Nous aurons encore à parler de lui.

MORT DE L'ÉMIR ABOU-FARES, FRÈRE DU SULTAN.

D'ER-RIAS.

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Quand le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr vint s'établir à Tunis, il amena avec lui ses trois frères, Mohammed, [AbouFares-]Abd-el-Azîz et Abd-er-Rahman. Ce dernier mourut [peu

1 Malgré l'autorité des manuscrits, il faut insérer les mots oua cotila dans le texte arabe.

de temps après]; mais les deux autres continuèrent à jouir de la baute faveur dont leur frère les avait entourés et des honneurs que sa bonté leur avait départis. L'émir Abou-Fares était, cependant, rempli d'ambition et n'attendait qu'une occasion favorable afin de s'emparer du trône.

Or, à l'époque dont nous allons parler, il se trouvait à la cour un guerrier de la famille royale des Beni-Merîn, nommé Abd-elHack-Ibn-Othman-Ibn-Mohammed-Ibn-Abd-el-Hack. Ce prince ayant quitté l'Espagne, alla trouver Ibn-Ghamr à Bougie, en l'an 748, et, à la mort de ce fonctionnaire, il se rendit à la capitale. Le sultan lui fit l'accueil le plus grâcieux et accorda des pensions et des fiefs tant à lui qu'aux gens de sa suite. Il lui permit même d'entretenir à son service une troupe de cavalerie et un corps d'infanterie. Dans les expéditions militaires et dans les cérémonies publiques, le sultan croyait ajouter à l'éclat du trône en y faisant paraître un prince qui tenait dans la nation mérinide un rang des plus élevés et qui avait été même proclamé souverain par ses compatriotes. Abd-el-Hack était dur, hautain et jaloux de sa dignité. Un jour, ayant voulu s'entretenir avec le chambellan Ibn-Séïd-en-Nas, il alla le visiter de bonne heure, mais l'huissier vint lui faire les excuses de son maître qui ne pouvait pas le recevoir. Ce manque d'égards l'offensa si vivement qu'il passa, le même jour, chez l'émir Abou-Fares, l'encouragea dans ses projets de révolte et l'emmena avec lui hors de la ville. Ceci se passa dans le mois de Rebià de l'an 729 (janv.-fév. 1329).

Ayant trouvé en chemin un camp arabe, ils en reçurent du chef de la tribu l'invitation de s'y arrêter. Abou-Fares accepta, mais Abd-el-Hack continua sa route et atteignit Tlemcen. Le sultan apprit cet événement par courrier, et, sans perdre un instant, il fit partir son serviteur et caïd, Mohammed-Ibn-elHakim, à la tête d'un détachement de l'armée et de la brigade chrétienne. Au point du jour on arriva chez la tribu, et ayant cerné la tente où Abou-Fares se tenait, on le somma à se rendre. Il s'y refusa et fit une vigoureuse résistance jusqu'à ce qu'il

1 En arabe, aadin, participe actif du verbe.

mourut criblé de coups de lance. Son corps fut porté à Tunis pour y être enterré.

Quant à Abd'el-Hack, il trouva chez Abou-Tachefin un excellent accueil, et, sachant combien ce prince ambitionnait la conquête de l'empire hafside, il ne manqua pas de l'encourager dans cet espoir. Bientôt après, Hamza-Ibn-Omar et d'autres grands personnages de la tribu de Soleim, vinrent, selon leur habitude, solliciter des secours, et Abou-Tachefin consentit à leur en fournir pourvu qu'ils reconnussent pour leur souverain Mohammed-Ibn-Abi-Amran. Reprenons l'histoire de ce person

nage.

Le sultan Ibn-el-Lihyani avait laissé Ibn-Abi-Amran à Tripoli en qualité de gouverneur. En l'an 724, après la défaite d'AbouDarba et la ruine de son parti, les Arabes mirent Ibn-AbiAmran à leur tête et allèrent s'emparer de la capitale, mais, huit mois plus tard, ils se virent forcés de l'évacuer en conséquence de l'approche du sultan [Abou-Yahya-Abou-Bekr]. Leur protégé s'en retourna à Tripoli, d'où il fut ensuite expulsé par les habitants, en l'an 724 (1324). Accueilli encore par les Arabes, il fit avec eux plusieurs incursions dans les territoires du sultan ; mais chacune de ces tentatives fut suivie d'une défaite. Ensuite il se fixa à Tlemcen, sous la protection d'Abou-Tachefin qui le traita avec beaucoup d'égards et lui fit une pension. En l'an 729 arriva la députation dont nous venons de parler, et le sultan abd-el-ouadite mit alors le prince réfugié en avant, comme prétendant au trône de l'Ifrîkïa. Il fournit à ces chefs un corps de troupes zenatiennes commandé par Yahya-Ibn-Mouça, un de ses intimes et ancien serviteur de son père. Abd-el-Hack-IbnOthman les accompagna, suivi de ses fils, ses parents, ses affranchis et ses domestiques, tous gens habitués aux combats et aux dangers. Pendant qu'ils marchaient sur Tunis, le sultan [Abou-Yahya-Abou-Bekr] sortit pour leur livrer bataille. Vers la fin de l'année 729, les deux armées se rencontrèrent à Rias, dans le pays des Hoouara. Après un combat acharné, les troupes du sultan furent mises en pleine déroute; ce prince lui-même fut entouré par l'ennemi et ne put s'en dégager qu'à grand'peine,

tant il fut affaibli par une blessure reçue dans la mêlée. Parmi le grand nombre d'officiers et de domestiques qu'il laissa morts sur le champ de bataille, on cita particulièrement Mohammed-elMedfouni. Son camp fut livré au pillage, et ses fils, Ahmed et Omar, tombèrent entre les mains des vainqueurs. On emmena ces princes à Tlemcen où ils restèrent pendant quelque temps; mais Abou-Tachefin ayant conçu le désir de mettre un terme aux hostilités, les renvoya à leur père avec un ambassadeur portant des propositions de paix. Les premières avances à un racommodement furent ainsi faites par le souverain de Tlemcen, mais elles n'amenèrent aucun résultat.

Après cette bataille, Ibn-Abi-Amran marcha sur Tunis et en prit possession dans le mois de Safer 730 (nov.-déc. 1329); mais il y resta sans autorité et se vit exclu de l'exercice du pouvoir par Yahya-Ibn-Mouça, le général abd-el-ouadite. Quand cet officier s'en retourna auprès de son souverain, le sultan AbouYahya-Abou-Bekr quitta Constantine à la tête des nouvelles levées qu'il venait d'organiser en corps d'armée, et prit la route de Tunis. Par cette démonstration il força Ibn-Abi-Amran à prendre la fuite. et, dans le mois de Redjeb de la même année (avril-mai 1330), il rentra dans sa capitale.

UNE AMBASSADE HAFSIDE SE REND A LA COUR MERINIDE POUR LA
A LA GUERRE CONTRE LES BENI-ABD EL-OUAD.
LIANCE MATRIMONIALE ENTRE LES DEUX DYNASTIES.

POUSSER

AL

Après la bataille de Rîas, le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr se réfugia dans la ville de Bône d'où il se rendit à Bougie par mer. Réduit à la dernière extrémité par les attaques incessantes des Beni-Abd-el-Ouad, par leurs incursions dans ses états et par leur persistance à vouloir réduire la ville de Bougie, il résolut d'envoyer une ambassade au sultan [mérinide] Abou-Saîd, roi de Maghreb, afin de rappeler au souvenir de ce prince la bonne harmonie qui avait régné autrefois entre leurs familles, et les nombreux motifs de haine et de vengeance qui devaient animer

les Beni-Merin contre les Beni-Abd-el-Ouad. Pour se mettre à l'abri de l'inimitié que ceux-ci lui avaient vouée, il ne vit d'autre ressource que de leur attirer l'hostilité du gouvernement mérinide. Il choisit pour cette mission son fils, l'émir AbouZékérïa, auquel il donna pour conseiller et orateur d'ambassade, le cheikh almohade, Abou-Mohammed-Ibn-Tafraguîn. Les deux envoyés s'embarquèrent à Bougie et allèrent descendre au port de Ghassaça. Leur arrivée produisit une grande sensation dans le Maghreb, et le souverain de ce pays s'empressa de leur accorder la réception la plus honorable et l'hospitalité la plus magnifique. Il consentit aussi à faire la guerre aux Beni-Abd-el-Ouad moyennant la coopération des Hafsides, et il convint avec ces envoyés qu'à un jour fixe, il se trouverait avec son armée sous les murs de Tlemcen et que leur sultan s'y trouverait aussi avec la sienne.

Déjà, en l'an 721 (1321), Abou-Saîd avait envoyé Yahya-erRendahi, commandant de la flotte de Ceuta, auprès du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr avec la mission de lui proposer un prince mérinide pour gendre; mais, à cette époque, le souverain hafside était tellement occupé par la révolte d'Ibn-Abi-Amran qu'il lui fut impossible de prendre cette demande en considération. Plus tard, ce projet fut repris, et Abou-Saîd désigna IbrahimIbn-Abi-Hatem-el-Azéfi comme son représentant auprès du sultan hafside. Cet agent diplomatique partit avec les membres de l'ambassade et arriva à Tunis vers la fin de l'an 730 (sept.oct. 1330). Ce fut justement à l'époque où Abou-Yahya-AbouBekr venait de venger sa défaite et de chasser ses ennemis de la capitale que cette ambassade revint combler son bonheur et lui annoncer que le sultan du Maghreb allait marcher contre Tlemcen. Ibrahim-el-Azéfi lui demanda alors la main d'une de ses filles pour l'émir Abou-'l-Hacen, fils du sultan Abou-Saîd, et obtint celle de Fatema, sœur germaine d'Abou-Zékérïa, du même émir qui s'était rendu auprès du souverain mérinide en qualité d'ambassadeur. En 731, on embarqua la princesse sous la conduite d'Abou-'l-Cacem-Ibn-Ottou, cheikh almohade, et du saint ascétique Mohammed-Ibn-Soleiman. Elle fut reçue en Maghreb avec

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