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hammed alla s'y établir et Abd-er-Rahman continua à défendre Bougie contre les attaques des Zenata. Retraçons l'histoire de ces expéditions.

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Abou-Hammou-[Mouça], seigneur de Tlemcen, ayant vaincu Mohammed-Ibn-Youçof et repris sur lui les pays des Maghraoua et des Toudjîn, envoya une armée contre Bougie et fit bâtir sur la rivière, à deux journées de la ville, le fort de Tegger pour servir de station à son armée pendant le blocus de la place. En l'an 718, après la mort de ce prince, son fils et successeur, Abou-Tachefin, donna quelque répit à Bougie, et le sultan put en profiter pour s'emparer de Tunis. Quelque temps après, Abou-Tachefin quitta Tlemcen pour rétablir l'ordre dans ses états, et il réussit à tuer Mohammed-Ibn-Youçof qui s'était réfugié dans le Ouancherfch. On verra les détails de cet événement dans l'histoire des Beni-Abd-el-Ouad. A la suite de cette victoire il marcha sur Bougie et arriva en vue de la place l'an 719, mais, après avoir reconnu qu'elle était beaucoup plus forte qu'il ne l'avait pensé et qu'elle renfermait une garnison nombreuse, il reprit le chemin de Tlemcen.

La même année, dans le mois de Choual, Ibn-Ghamr tomba malade et fit appeler son cousin, Ali-Ibn-Mohammed-Ibn-Ghamr, qui commandait à Constantine, afin de lui remettre le gouvernement de Bougie en attendant les ordres du sultan. Quelques jours plus tard (novembre-décembre 1319), il mourut dans son lit.

Le sultan conçut alors de vives inquiétudes au sujet de celte forteresse, et y envoya en toute hâte Ibn-Séïd-en-Nas accompagné de l'intendant du palais. Celui-ci eut pour mission de s'emparer de l'héritage et des trésors laissés par Ibn-Ghamr. Il réussit à tout découvrir et à rapporter au sultan une quantité énorme d'effets et d'argent. Ali-Ibn-Ghamr l'accompagna à Tunis et reçut de la bienveillance du sultan un emploi qui comblait

En arabe, Calát-Tegger; ailleurs, le nom de ce fort est écrit Hisn-Bekr. Tegger paraît être une des nombreuses formes du mot Tagrarert (station). Bekr est le mot Tegger ponctué d'une autre manière.

ses espérances. Il continua à séjourner dans la capitale jusqu'à l'époque où il prit part à la révolte d'Ibn[-Abi-]Amran. Plus tard, il fit sa soumission, mais le sultan ne lui pardonna jamais ses liaisons avec un rebelle et le fit assassiner par les affranchis Nedjah et Hilal. Ils le surprirent au moment où il sortait de son jardin et le blessèrent si gravement qu'il en mourut.

*

L'ÉMIR ABOU-ABD-ALLAH EST NOMMÉ GOUVERNEUR DE CONSTANTINE. SON FRÈRE, L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA, OBTIENT LE GOUVERNE→ MENT DE BOUGIE ET REÇOIT IBN-EL-CALOUN POUR CHAMBELLAN.

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Après la mort d'Ibn-Ghamr, le sultan réfléchit sérieusement sur la situation de Bougie qui était presque toujours bloquée et insultée par les Beni- Abd-el-Ouad. Il prit enfin la résolution d'augmenter les garnisons de ses forteresses occidentales et d'y établir ses fils pour mieux les défendre. L'émir Abou-AbdAllah reçut, en conséquence, le gouvernement de Constantine, et son frère, Abou-Zékérïa, fut nommé gouverneur de Bougie. Comme ces princes étaient encore très-jeunes, le sultan leur donna pour chambellan et directeur Ibn-el-Caloun et plaça aux ordres de ce ministre un corps de troupes, en lui ordonnant de se tenir dans Bougie, ville toujours exposée aux attaques de l'ennemi. Au commencement de l'an 720 (fév.-mars 1320), les princes quittèrent Tunis avec une brillante escorte.

La place de chambellan auprès du sultan était ainsi devenue vacante, mais il n'y eut pas de nomination par égard pour Ibnel-Caloun; seulement, la direction des affaires publiques fut confiée à Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-Abd-el-Azîz-el-Kordi, qui reçut à cette occasion le titre d'El-Mizouar. Il était chef de la Dakhla [serviteurs attachés à la personne] du sultan. Le ministère des finances passa au secrétaire Abou-'l-Cacem-lbaAbd-el-Azîz. Nous raconterons plus loin les antécédents de ces deux hommes.

Ibn-el-Caloun partit ainsi pour Bougie, revêtu d'une charge également haute et honorable.

IBN-EL-CALOUN ÉTANT RAPPELÉ A TUNIS, EST REMPLACÉ À BOUGIE PAR IBN-SÉÏD-EN-NAS ET A CONSTANTINE PAR DAFER-EL-KEBIR.

En partant pour Bougie, Abou-Abd-Allab [-Mohammed]-IbnYahya-Ibn-el-Caloun laissa le champ libre à ses ennemis et fournit aux courtisans l'occasion de travailler l'esprit du sultan et l'indisposer contre lui. Ce furent le Mizouar, Ibn-Abd-el-Azîz et Abou-'l-Cacem-Ibn-Abd-el-Azîz, ministre des finances, qui dirigèrent ces intrigues et qui réussirent, par l'acharnement de leurs délations, à éveiller les soupçons du souverain. Ebranlé par leurs représentations, le sultan donna l'ordre au gouverneur de Bédja, Mohammed-Ibu-Séïd-en-Nas, de se rendre à Bougie et d'en prendre le commandement. L'acte portant cette nomination fut écrit de la main du prince. Mohammed-Ibn-el-Caloun revint à la capitale par suite d'une lettre de rappel et trouva qu'un grand changement s'était opéré dans les sentiments du sultan en ce qui le concernait. Ibn-Séïd-en-Nas se chargea alors de veiller à la défense de Bougie, et il ne cessa de remplir les fonctions de chambellan auprès de l'émir de cette ville jusqu'au moment où le sultan le rappela à Tunis pour lui confier la place de chambellan à la capitale. Plus tard, nous aurons encore à parler de lui.

Ibn-el-Caloun s'était rendu à Tunis en passant par Constantine et, ayant alors conçu le projet de s'en emparer et de s'y fortifier, il eut une conférence, à ce sujet, avec les cheikhs de la ville. Sur leur refus de ie seconder, il les fit conduire à la capitale où il espérait effectuer leur ruine. Le sultan ayant été instruit de cette tentative, dissimula son ressentiment et ajouta aux fonctions qu'exerçait Ibn-Séïd-en-Nas, en le nommant chambellan de l'émir de Constantine. Les mêmes cheikhs cherchèrent à le detourner de sa résolution en lui représentant qu'Ibn-elAmir [l'ancien gouverneur de Constantine qui s'était insurgé] était parent d'Ibn-Séïd-en-Nas; ils lui rappelèrent aussi la

Le texte arabe porte parent et neveu, ce qui n'est pas exact. Peutêtre le verbe que nous avons rendu par en lui représentant, doit-il se rendre par les mots en lui faisant accroire.

révolte d'Ibn-Séïd-en-Nas, père de celui-ci. Le sultan se décida alors à donner cet emploi à Dafer-el-Kebir qui venait d'arriver du Maghreb.

Cet officier, affranchi de l'émir Abou-Zékérïa, s'était distigué par ses bons services sous le règne du sultan Abou-'l-Baca. Quand ce prince se vit menacé par son frère, le sultan AbouYahya-Abou-Bekr, Dafer alla se poster à Bédia avec l'armée, et quand El-Mezdouri marcha contre Tunis avec les Arabes de l'avant-garde d'Ibn-el-Lihyani, il se porta au-devant d'eux et leur livra bataille. Nous avons déjà mentionné qu'il essuya une défaite et tomba au pouvoir de l'ennemi. S'étant ensuite rendu auprès du sultan Abou - Yahya - Abou - Bekr, il fut réintégré dans la haute position qu'il avait déjà occupée. En l'an 713, après la mort d'Ibn-Thabet, il obtint le gouvernement de Constantine, mais ensuite, comme il donnait de l'ombrage à Ibn-Ghamr, il fut rappelé par le sultan et déporté en Espagne. Plus tard il repassa en Maghreb et s'établit auprès du sultan [mérinide] Abou-Saîd; puis, ayant appris la mort d'Ibn-Ghamr, il revint à Tunis où le sultan lui fit bon accueil. Ce fut justement alors que le chambellan Ibn-el-Caloun arriva de Bougie; aussi le sultan fixa son choix sur Dafer pour remplir les fonctions de chambellan auprès de l'émir Abou-Abd-Allah à Constantine.

Dafer se rendit à sa destination et remplaça par des gens à lui tous les Tunisiens employés dans la haute administration de la province. Parmi ceux qu'il renvoya on remarqua Abou-'l-AbbasIbn-Yacin, secrétaire de l'émir Abou-Abd-Allah, et Abou-Zékérïa-Ibn-ed-Debbagh, ministre des finances. Ces deux fonctionnaires étaient venus à Constantine dans la suite de l'émir.

IBN-ABI-AMRAN PREND LES ARMES.

IBN-EL-CALOUN S'ENFUIT

AUPRÈS DE LUI.

Mohammed-Ibn-Abi-Bekr-Ibn-Abi-Amran descendait d'AbouAmran-Mouça, fils d'Ibrahim, et petit-fils du cheikh Abou-Hafs,

Voy, p. 383 de ce volume.

qui avait gouverné l'Ifrikïa comme lieutenant de son cousin Abou-Mohammed - Abd-Allah, fils du cheikh Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed. Cette nomination lui fut adressée de Maroc par Abou-Mohammed à l'époque où il reçut le sien. Mouça y exerça le commandement pendant huit mois, jusqu'à l'arrivée de son cousin, ce qui eut lieu vers la fin de l'an 623 (1226). Il passa le reste de sa vie au service du gouvernement tunisien, et ses enfants furent élevés dans le palais des Hafsides. Son descendant, Abou-Bekr, père du Mohammed-Ibn-Abi-Amran dont nous allons parler, jouissait d'une haute considération à la cour, et son fils épousa la fille d'Abou-Yahya-Zékérïa-Ibn-el-Lihyani, lequel consentit à ce mariage, en considération de la parenté qui unissait déjà les deux familles. Le sultan, en quittant Tunis, laissa Ibn-Abi-Amran comme son lieutenant, et quand il s'embarqua pour Alexandrie, il le chargea du commandement de Tripoli.

Ce fut vers cette époque qu'Abou Darba s'enferma dans ElMehdïa après la défaite de ses troupes. Assiégé ensuite par le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, il conclut avec lui un traité de paix et obtint la levée du blocus.

Quant à Hamza-Ibn-Omar, il persévéra dans sa révolte contre le sultan et lui donna beaucoup de tracas par ses incursions dans l'lfrikïa. Ayant alors réuni à ses bandes une foule d'Arabes nomades, il invita Ibn-Abi-Amran à quitter Tripoli et à venir le joindre; ensuite, il marcha sur Tunis avec l'intention d'y attaquer le sultan avant qu'il pût faire ses préparatifs de guerre.

Dans le mois de Ramadan 721 (septembre-octobre 1324), le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr sortit de Tunis et se rendit à Constantine avec Moulahem-Ibn-Omar. Comme les délations des courtisans lui avaient inspiré les sentiments les plus défavorables à l'égard de Mohammed-Ibn-el-Caloun, celui-ci s'en aperçut, et d'après les conseils de son ami et confident, Moëzz-Ibn-Motaên-elFezari, vizir (ou lieutenant) de Hamza '-Ibn-Omar, il résolut d'embrasser la cause d'Ibn-Abi-Amran. Quand le sultan quitta Tunis

Dans le texte arabe, lisez ouezir Hamza.

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