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ensuite contre l'ennemi. Il parvint aussi à obtenir de son frère Moulahem la promesse de jeter le désordre dans l'armée [d'Abou-Yahya-Abou-Bekr]. Ce monarque avait passé sept jours au Raud-es-Senadjera sans pouvoir faire reconnaître son autorité dans Tunis, et ayant alors appris que Moulahem devait le trahir, il décampa précipitamment et prit la route de Cons

tantine.

Moulahem le quitta alors pour rentrer dans son pays, et Mansour-Ibn-Mozni se rendit à Bougie pour remplir une mission auprès d'Ibn-Ghamr. Vers le milieu de Châban, Abou-Darba rentra à Tunis avec ses Almohades et fut proclamé khalife, sous le titre d'El-Mostancer [IV]. Après avoir décidé les Tunisiens à entourer leurs faubourgs d'une muraille d'enceinte, il fit entreprendre ce travail malgré les exigences des Arabes qui lui demandaient des sommes exorbitantes pour l'avoir soutena. Bientôt après, notre seigneur le sultan [Abou-Yahya-Abou-Bekr] y entreprit une seconde expédition.

1

LE SULTAN ABOU-YAHYA-ABOU-BEKR PREND POSSESSION DE LA DÉFAITE D'ABOU-DARBA ET FUITE DE SON PÈRE

CAPITALE.

-

EN ORIENT.

Avant de s'éloigner de Tunis pour rentrer à Constantine, le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr fit partir pour Bougie son caïd Mohammed-Ibn-Séïd-en-Nas. L'arrivée de cet officier causa tant d'inquiétude à Ibn-Ghamr qu'il prétendit ne point le connaître et refusa de le recevoir. Une conduite aussi suspecte n'échappa pas à l'observation du sultan, mais il dut fermer les yeux là dessus et se contenter de demander des renforts. Alors Ibn-Ghamr se montra empressé à obéir; il réunit des troupes, des tentes, des machines de guerre, et bientôt il expédia au sultan sept corps d'armée, commandés chacun par un grand dignitaire de l'empire. Ces chefs étaient Mohammed-Ibn-Séïd-en-Nas, Mo

Lisez Yordjif dans le texte arabe.'

T. II.

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hammed-Ibn-el-Hakim, Dafer-es-Sinan et Akhoua, affranchis de l'émir Abou-Zékérïa II, Mohammed-el-Mediouni, Mohammed-elMedjerci et Mohammed-el-Botouï . Il lui envoya aussi un des plus brillants guerriers de la race zenatienne, Abd-el-Hack-IbnOthman le mérinide. Ce chef avait quitté l'Espagne pour se rendre auprès d'Ibn-Ghamr, ainsi que nous le raconterons [dans un des derniers chapitres du quatrième volume]. Un autre chef que le gouverneur de Bougie envoya au sultan fut Abou-RechîdIbn-Mohammed-Ibn-Youçof, de la famille des Abd-el-Ouad. Tous ces officiers se mirent en marche avec leurs gens et serviteurs et joignirent le sultan à Constantine.

Abou-Yahya-Abou-Bekr ayant obtenu des renseignements très-exacts sur la position des affaires en Ifrîkïa, résolut d'entreprendre une nouvelle expédition contre Tunis, et, après avoir pris pour chambellan Abou-Abd-Allah-Ibn-el-Caloun et pour vicechambellan Abou-'l-Hacen-Ibn-Omar, il quitta le camp près de Constantine et se mit en marche dans le mois de Safer 718 (avril 1318). A Laribus, il opéra sa jonction avec les troupes fournies par les Hoouara et commandées par Soleiman-IbnDjamê. Elles lui apprirent qu'Abou-Darba s'était enfui de Bédja où il avait eu l'intention d'attendre et de livrer bataille. Le sultan leva son camp à l'instant même et poussa rapidement en avant. Moulahem-Ibn-Omar le rencontra en route et lui fit encore agréer sa soumission. L'armée continua toujours la poursuite d'Abou-Darba et arriva bientôt sous les murs de Cairouan dont le gouverneur et les cheikhs vinrent jurer fidélité au sultan. Alors on cessa de courir après l'ennemi et l'on prit le chemin de Tunis.

Mohammed-Ibn-el-Fallac, l'officier auquel Abou-Darba avait confié la défense de la capitale, fit sortir ses archers dans la plaine et y livra un combat qui dura une heure; la ville fut alors emportée d'assaut, les faubourgs mis au pillage et il y perdit la vie. Dans le mois de Rebiâ [premier ?] de cette année [mai

Les manuscrits portent, à tort, El-Hakem.

Dans le texte arabe, on lit El-Botouni.

juin 1318], le sultan entra à Tunis où il resta assez de temps pour recevoir de toute la population [le serment de fidélité]. Il donna le commandement de la chorta (cavalerie de police) à Meimoun-Ibn-Abi-Zeid et le chargea de gouverner la ville pendant son absence. S'étant alors mis à la poursite d'Abou-Darba, il l'atteignit à Messouh, dans le pays des Hoouara, et lui tua beaucoup de monde. Dans cette journée on compta parmi les morts Abou-Abd-Allah-Ibn-es-Chehîd, cheikh almohade et membre de la famille royale, Abou-Abd-Allah-Ibn-Yacîn, autre cheikh almohade et Abou-l-Fadl-el-Bédjaï ^, l'un des secrétaires d'état. Abou-Mohammed-Abd-Allah-Ibn-Yaghmor, premier ministre de l'empire, fut fait prisonnier et conduit devant le sultan qui lui accorda non-seulement la vie mais de grandes marques de considération. Quelque temps après, il fut rétabli dans son ministère. Dans le mois de Redjeb (septembre), le sultan rentra à Tunis.

Revenons au sultan Abou-Yahya 2 -el-Lihyani. En 747 (4317), quand ce prince fut averti que le sultan [ Abou-Yahya-AbouBekr] marchait sur Tunis pour la seconde fois et que les Almohades et les Arabes avaient proclamé Abou-Darba, il quitta Cabes et se rendit dans la province de Tripoli. Ensuite il reçut la nouvelle de la retraite du sultan, ce qui le décida à se fixer dans cette ville. Il établit le siége de son gouvernement dans le Tarma, édifice qu'il avait fait bâtir contre la muraille de la ville, du côté de la mer, et il envoya ses percepteurs dans les pays voisins pour y recueillir l'impôt. Abou-Abd-Allah-Ibn-Yacoub, parent de son chambellan, et Hedjrès-Ibn-Morghem, chef des Djouari debbabiens, furent chargés de soumettre les montagnes de Tripoli. Ils réduisirent les forts de cette région et se firent payer l'impôt dans toutes les contrées qui s'étendent de là jusqu'à Barca, et Ibn-Yacoub prit au service du sultan les Al-Soleiman et les Al-Salem, arabes de la tribu de Debbab. Il revint ensuite auprès de son maître. Ce prince, ayant alors appris que

Variantes: Et-Tidjani, Et-Tidjami.

Les manuscrits portent, à tort, Abou-Eiça.

l'armée de son fils Abou-Darba avait essuyé une déroute totale, fournit des sommes considérables à son chambellan Abou-Zékéria-Ibn-Yacoub et à son vizir Abou-Abd-Allah-Ibn-Yacîn, en les chargeant d'aller lever des troupes chez les Arabes. Tout cet argent fut distribué aux Allac et aux Debbab.

Abou-Darba s'était encore mis en marche pour atteindre Cairouan, quand le sultan Abou - Yahya - Abou - Bekr quitta Tunis, le 29 Châban 718 (fin d'octobre 1318) et se mit à sa poursuite. Ses troupes évacuèrent à la hâte la ville qu'elles venaient d'occuper; pais, s'étant encouragées à combattre, elles mirent leurs chameaux aux entraves, bien résolues, disaient-elles, à mourir plutôt que de fuir; mais, quand l'armée du sultan commença à déboucher par le col de Faddj-en-Naam, toute cette cohue se dispersa et prit la fuite en abandonnant ses chameaux. Pendant la déroute, les troupes du sultan tuèrent un grand nombre de fuyards et firent un butin immense. Abou-Darba et les débris de son armée coururent s'enfermer dans El-Mehdia, ville qui reconnaissait l'autorité de son père, Ibn-el-Lihyani.

Quand la nouvelle de cette défaite fut portée à Tripoli, de graves désordres éclatèrent dans le camp et mirent Abou-YahyaIbn-el-Lihyani dans la nécessité de demander aux Chrétiens' l'envoi d'un navire pour le transporter à Alexandrie. Ils lui en expédièrent six dans lesquels il s'embarqua avec sa famille, ses enfants et son chambellan Abou-Zékérïa-Ibn-Yacoub. Son parent et gendre, Abou-Abd-Allah-Ibn-Abi-Amran, resta à Tripoli pour lui servir de lieutenant. Quelque temps après, cet officier passa chez les Kaoub, sur leur invitation, et fit avec eux plusieurs incursions sur le territoire du sultan, ainsi que nous aurons à le raconter plus loin.

Débarqué à Alexandrie, Ibn-el-Lihyani fut accueilli avec de grands égards par Mohammed - Ibn-Calaoun, sultan de race turque qui régnait alors sur l'Egypte et la Syrie. Il mourut dans

• Probablement aux chrétiens qui tenaient garnison dans l'ile de Djerba.

ce pays, l'an 728 (1327-8), comblé de faveurs, d'honneurs et dé fiefs.

Après la défaite d'Abou-Darba à Feddj-en-Naam, le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr s'en retourna à Tunis où il fit son entrée dans le mois de Choual de cette année (nov.-déc. 1318). Toutes les provinces de l'Ifrîkïa, ses villes et ses places fortes, à l'exception d'El-Mehdïa et de Tripoli, reconnurent l'autorité du vainqueur.

MORT D'IBN-GĦAMR A BOUGIE 1.

Le chambellan Abou-Abd-er-Rahman-Ibn-Ghamr devint maître absolu de Bougie, en l'an 715 (4345-6), lorsque le sultan, après avoir quitté cette ville pour ne plus y rentrer, transporta sa cour à Constantine. Deux années plus tard, ce prince, étant de retour de sa seconde expédition contre Tunis, envoya MansourIbn-Fadl [-Ibn-Mozni] auprès d'Ibn-Ghamr et le fit accompagner par le caïd Abou-Abd-Allah-Mohammed, fils de l'ancien chambellan Abou-'l-Hocein-Ibn-Séïd-en-Nas. Ils eurent pour mission de disposer les palais de Bougie pour la prochaine arrivée de leur maître. Ibn-Ghamr les renvoya sans vouloir les recevoir, mais il sut conserver les bonnes grâces du souverain en lui expédiant, avec le plus grand empressement, tous les secours qu'il avait demandés. Ce fut à cette occasion que le sultan le nomma gouverneur de Bougie et de Constantine. Ibn-Ghamr se troava ainsi seigneur de la ville et de la province de Bougie; ne rendant aucun autre hommage au sultan que celui de conserver son nom dans la prière publique et sur les monnaies.

Quand le sultan eut établi son autorité à Tunis, [Ali-Ibn-] Mohammed-Ibn-Ghamr se rendit, par son ordre, auprès d'AbouAbd-er-Rahman-Ibn- Ghamr, et celui-ci donna à l'envoyé, qui était son cousin, le commandement de Constantine. Mo

Dans le texte arabe, Ibn-Khaldoun fait suivre ce titre par un autre qui appartient, en réalité, au second chapitre qui vient après celui-ci. 2 Dans le texte arabe, il faut insérer le mot lého après el-hadjeb.

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