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cheikh almohade, secondé par Ibn-Aumghar et ses gens, natifs de Djerba. Dieu accorda la victoire aux musulmans. Depuis la chute de l'empire sanhadjite, cette ile fut continuellement exposée aux attaques de l'ennemi; quelquefois aussi, la guerre civile éclatait entre les deux sectes hérétiques qui y demeuraient, et, alors l'une ou l'autre de ces factions se réunissait aux chrétiens. Cet état de choses dura assez longtemps; mais, entre les années 740 et 7501, sous le règne de notre seigneur Abou-Yahya-Abou-Bekr, Djerba fut enlevée aux chrétiens, ainsi qu'on le verra dans l'histoire de ce prince.

MORT DU SULTAN ABOU-ACIDA ET INAUGURATION D'ABOU-BEKR-ESCHEHÎD.

Dans le mois de Rebià second 709 (septembre 1309), le sultan cessa de vivre, après avoir joui d'un règne long et prospère. Il mourut dans son lit, emporté par une maladie hydropique dont il souffrait depuis longtemps. Comme il ne laissa point d'enfants, les almohades placerent sur le trône un descendant de l'émir Abou-Zékérïa, aïeul de la famille royale. Ce prince, qui se nommait Abou-Bekr 2-Abd-er-Rahman, vivait alors dans le palais. Son père, Abou-Bekr, fils d'Abou-Zékérïa, est celui dont nous avons mentionné la mort dans le chapitre qui traite de la prise de Miliana par son frère germain Abou-Hafs3. Cet événement eut lieu sous le règne du sultan El-Mostancer. Les enfants d'Abou-Bekr, fils d'Abou-Zékérïa, furent élevés dans le palais, à l'ombre tutelaire de la souveraineté, et son petit-fils, Abou - Bekr - Abd-er-Rahman, grandit au milieu des soins et des faveurs dont le sultan Abou-Acîda s'était plu à l'entourer. Lors de la mort d'Abou-Acîda, [le chef arabe] Hamza-Ibn-Omar

Notre auteur indiqua ailleurs que la conquête de Djerba eut lieu en 738.

Ici et ailleurs, les manuscrits portent : Abou-Bekr-Ibn-Abd-erRahman.

Voy., ci-devant, p. 353.

qui avait perdu tout espoir de faire remettre en liberté son frère [Moulahem], s'était rallié au parti d'Abou-'l-Baca, sultan de Bougie, et n'avait cessé de pousser ce prince à s'emparer du royaume de Tunis; aussi, quand Abou-Ali-Ibn-Kethir vint leur annoncer la vacance du trône, le sultan fit tous ses préparatifs et marcha sur la capitale. Cette démonstration inspira beaucoup d'inquiétude aux Almohades et les décida à proclamer la souveraineté de l'émir Abou-Bekr [-Abd-er-Rahman], prince que l'on désigne ordinairement par le surnom d'Es-Chehîd (le martyr), parce qu'il fut mis à mort dix-sept jours après son avènement au trône. Le nouveau souverain conserva AbouAbd-Allah-Ibn-Irzîguen comme vizir, mais il destitua le chambellan, Mohammed-Ibn-ed-Debbagh, en le menacant de sa vengeance à cause du peu d'égards que ce fonctionnaire lui avait témoignés sous le règne du feu sultan. Dès lors, Ibn-ed-Debbagh ne cessa de travailler contre lui.

LE SULTAN ABOU-'L-BACA-KHALED OCCUPE LA CAPITALE ET DEVIENT LE SEUL REPRÉSENTANT DE LA SOUVERAINETÉ HAFside.

Abou-l-Baca se trouvait à Bougie, capitale de ses états, quand il apprit la maladie du sultan Abou-Acîda, et, craignant que les gens de Tunis ne fussent tentés à rompre le traité qui assurait au dernier survivant des deux souverains le droit de succéder à l'autre, il résolut de se rapprocher de Tunis afin de veiller à ses intérêts et faire de valoir ses prétentions au trône. Cette démarche lui fut vivement conseillée par Hamza-Ibn-Omar, chef arabe qui avait abandonné le parti des Tunisiens. Ayant quitté Bougie sous le prétexte de faire une expédition contre Alger, où Ibn-Allan commandait encore en maître, il prit la route de Casr-Djaber, et, en y arrivant, il reçut la nouvelle

1 Tome 1, p. 146.

Dans le texte des manuscrits, on trouve ici Zékéria à la place de Bekr, et, quelques lignes plus haut, ou y lit Kebir à la place de Kethir.

qu'Abou-Acida venait de mourir et que les Almohades avaient proclamé souverain le prince Abou-Bekr-Abd-er-Rahman, fils d'Abou-Bekr, fils d'Abou-Zékérïa. Indigné de la mauvaise foi du gouvernement tunisien, il pressa sa marche et rallia sous ses drapeaux toutes les tribus commandées par les Aulad-Abi-'lLeil. Quant aux Aulad-Mohelhel, rivaux de ceux-ci, il allèrent joindre le sultan de Tunis.

Le ministre Abou-Yacoub-Ibn-Izdouten et le vizir Abou-AbdAllah-Ibn-Irziguen prirent alors le commandement des troupes tunisiennes, avec la résolution de mourir pour la défense de leur maître. Devant la charge de l'armée d'Abou-'l-Baca, celle de Tunis recula en désordre et abandonna son camp; Ibn-Irziguen fut frappé à mort, et les Arabes Mohelhel prirent la fuite pour se jeter dans le Désert. Pendant l'agitation que la rentrée des fuyards avait excitée dans la ville, le sultan Abou-Bekr-Abder-Rahman alla se poster en dehors des remparts; mais, voyant ses troupes passer du côté d'Abou-'l-Baca, il prit la fuite et se réfugia dans une maison de campagne. Tiré bientôt de sa retraite, il fut conduit devant Abou-'l-Baca et emprisonné dans une tente par l'ordre de ce prince. Les cheikhs almohades, les hommes de loi et tous les autres notables de la ville sortirent alors au devant du vainqueur et lui prêtèrent le serment de fidélité. L'émir Abou-Bekr fut mis à mort, et, depuis lors, on l'a toujours désigné par le surnom d'Es-Chehîd (le martyr). Il fut tué par son cousin Abou-Zékérïa-Yahya-Ibn-Zékérïa, cheikh almohade. Le lendemain, Abou-'l-Baca fit son entrée dans la capitale et, devenu maître du khalifat, il prit le titre d'En-Nacer li-din Illah el Mansour (le champion de la religion de Dieu, le victorieux), auquel il ajouta plus tard le surnom d'El-Motewekkel (qui se confie à Dieu). Abou-Yacoub-Ibn-Izdouten garda sa position et fut déclaré chef des Almohades, mais il dut partager les fonctions de cet office avec Abou-Zékérïa-Yahya-Ibn-Abi-'l-Alam, chef des Almohades de Bougie. Abou - Abd-er-RahmanYacoub-Ibn-Ghamr continua à servir le sultan en qualité de chambellan. La perception des impôts fut confiée à MansourIbn-Fadl-Ibn-Mozni.

IBN-MOZNI PROCLAME LA SOUVERAINETE DE YAHYA

IBN-KHALED.

Yahya-Ibn-Khaled, petit-fils du sultan Abou-Ishac, vivait à la cour d'Abou-'l-Baca; mais, étant tombé en disgrâce à cause de sa conduite imprudente, il crut éviter la colère du sultan en se réfugiant auprès de Mansour-Ibn-[Fadl-Ibn-] Mozni, [à Biskera]. Mansour, étant alors en mauvaise intelligence avec Ibn-Ghamr, consentit à soutenir les prétentions de son hôte et à lui servir de ministre; puis, ayant rassemblé ses Arabes, il alla faire des courses sur le territoire de Constantine, ville qui était alors gouvernée par Ibn-Tofeil. Une foule de vagabonds se mirent alors aux ordres de Yahya et captèrent sa confiance au point d'obtenir de lui la promesse qu'aussitôt maître du trône, il les débarasserait de Mansour. Celui-ci ayant découvert les mauvaises intentions du prince et des gens qui l'entouraient, cessa de le soutenir et rentra dans Biskera. Les bandes de Yahya se dispersèrent, et Mansour, ayant fait sa soumission, reprit sa place à côté du chambellan [tbn-Ghamr] et des favoris du sultan.

Yahya se rendit à Tlemcen pour y chercher des secours et descendit chez le sultan Abou-Zian-Mohammed, fils d'Othman et petit-fils de Yaghmoracen. Quelques jours après son arrivée, Abou-Zian mourut et son frère, Abou-Hammou, monta sur le trône. Avec les troupes fournies par ce prince, Yahya-IbnKhaled alla assiéger Constantine, mais il y trouva une résistance qui déjoua tons ses efforts. S'étant ensuite rendu à Biskera, sur l'invitation d'Ibn-Mozni, il se fixa chez cet émir qui lui assigna une forte pension et une garde pour le surveiller. [Plus tard,] Ibn-el-Libyani, sultan de Tunis, envoya un riche cadeau à Ibn-Mozni dans le but de s'assurer les bonnes dispositions d'un chef qui, à chaque instant, pouvait lui susciter un rival. Il lui concéda même plusieurs villages aux environs de Tunis, lesquels appartiennent encore à la famille Mozni. Yahya-Ibn-Khaled passa le reste de ses jours en détention chez Ibn-Mozni et mourut en l'an 721 (4324).

LE CHAMBELLAN IBN-GHAMR PROCLAME LA SOUVERAINETÉ D'ABOU-YAHYAABOU-BEKR A CONSTANTINE.

Au moment de partir pour Tunis, le sultan Abou-'l-Baca confia le gouvernement de Bougie à Abd-er-Rahman-Ibn-Yacoub1Ibn-Khalouf, surnommé El-Mizouar, en lui conservant aussi le commandement des Sanhadja. En ceci, il se conforma à l'usage établi par ses prédécesseurs qui laissaient toujours le père d'Abd-er-Rahman à Bougie comme leur lieutenant, chaque fois qu'ils se mettaient en campagne. Abd-er-Rahman, qui était alors à Constantine, où le sultan l'avait envoyé pour remplir les fonctions de chambellan auprès de l'émir Abou-Yahya-Abou-Bekr, quitta aussitôt cette ville et se rendit à Bougie.

Abou-l-Baca, après avoir établi le siége de son autorité à Tunis, s'abandonna aux plaisirs et se laissa emporter par son caractère violent et sanguinaire. Adouan-Ibn-Mehdi, personnage marquant de la tribu des Sedouîkîch, fut mis à mort par son ordre et le même sort atteignit Daar-Ibn-Djerîr de la tribu des Athbedj. Les grands officiers de l'empire, effrayés pour euxmêmes, se communiquèrent leurs appréhensions, et deux d'entre eux, le chambellan [Abou-Abd-er-Rahman-]Ibn-Ghamr et son collègue Mansour-Ibn-Fadl-Ibn-Mozni, gouverneur du Zab, concertèrent un plan pour se soustraire au pouvoir du sultan.

Pour effectuer leur projet, il fallut commencer par donner quelque sujet de mécontentement à Rached-Ibn-Mohammed, émir maghraouien [afin de l'éloigner de la cour]. Ce chef s'était attaché au service des princes de Bougie depuis la conquête de son pays par les Beni-Abd-el-Ouad, et, comme on le traitait avec les plus grands égards, il les accompagnait dans leurs expéditions militaires et, à la tête des Maghraouiens qui s'étaient attachés à sa fortune, il avait presque toujours eu l'occasion d'y soutenir tout le poids de la guerre. Quand le sultan se rendit à Tunis, il le suivit en qualité d'émir des Zénata.

1 Ailleurs, ce nom est écrit. Abou-Abd-er-Rahman-Yacoub, 2 Variante: Hariz.

T. U.

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