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famille subirent, les uns, la mort, et les autres, l'esclavage.

Lors du bouleversement général qu'avait causé l'irruption des Arabes en Ifrîkïa, un nommé Modafê-Ibn-Allal-el-Caïci, un des cheikhs de Tebourba, se rendit maître de cette ville avec l'aide de ses fils, ses parents et ses dépendants. S'y étant retranché, il y maintint son autorité jusqu'à ce qu'Ibn-Bizoun-el- Lakhmi l'attaqua dans le voisinage d'El-Bahrein (les deux lacs), localité située sur le Medjerda, en face d'Er-Riahîn. La guerre entre ces deux chefs dura fort longtemps.

Un autre aventurier, Cahroun-Ibn-Ghannouch, s'établit à Menzil-Dahmoun, et y bâtit un château où il installa un corps de troupes composé de gens de diverses tribus. Nommé auparavant gouverneur de Tunis par la populace, il s'en était fait chasser à cause de sa mauvaise conduite. Ce fut alors qu'il convertit les arcades [de l'aqueduc], à Dahmoun, en une forteresse où il fixa son séjour. Comme il ne cessait d'insulter les environs de Tunis, les habitants parvinrent à s'en débarrasser avec l'aide de Mohrez-Ibn-Ziad. Ibn-Allal, seigneur de Tebourba, ayant appris sa mésaventure, le logea dans un château de ce canton et en épousa la fille. Cet édifice s'appelle encore Calâ-Ghannouch. Les deux chefs s'entraidèrent pour commettre des brigandages; après eux, leurs fils tinrent une conduite semblable; mais, en l'an 554 (1159), Abd-el-Moumen arriva en Ifrîkïa et mit fin aux désordres qui affligeaient ce pays.

Hammad-Ibn-Khalifa-el-Lakhmi s'établit à Menzil-Ractoun, dans le canton de Zaghouan, et s'y conduisit à l'instar d'Ibn-Allal, d'Ibn-Ghannouch et d'Ibn-Bizoun. Son fils suivit le même exemple, jusqu'à ce qu'Abd-el-Moumen en fit cesser les brigandages. Eïad-Ibn-Nasr-Allah-el-Kelaï réunit une foule de gens sans aveu et de vagabonds appartenant à diverses tribus, et parvint, avec leur appui, à protéger Sicca Venerea contre les Arabes. Sur l'invitation d'Ibn-Fetata, cheikh de Laribus, qui l'avait prié de

4 Voy. le mot El-Bahrein dans l'index géographique qui accompagne le premier volume.

Variante: Abbad.

venir le délivrer de la tyrannie des Arabes, il marcha contre eux et les expulsa de cette ville. Alors il imposa aux habitants un tribut annuel, qu'il continua à percevoir jusqu'à sa mort. Son fils lui succéda et marcha sur ses traces, mais en l'an 554, il fit sa soumission à Abd-el-Moumen.

HISTOIRE DES BENI-HAMMAD, DYNASTIE SANHADJIENNE ÉTABLIE A LA CALA ET RECONNAISSANT LA SOUVERAINETE DES Fatemides.

La dynastie hammadite était une branche de celle des Zîrides. Le fondateur, Hammad, fils de Bologguîn, avait commencé sa carrière par recevoir de son frère, El-Mansour, le gouvernement d'Achîr et d'El-Mecîla. Pendant un temps, il remplit ce haut commandement alternativement avec son frère Itouweft et son oncle Abou-'l-Behar. En l'an 387 (997), sous le règne de son neveu Badîs, fils d'El-Mansour, il se vit encore revêtir de cette charge importante. En 395(1004-5), Badîs l'envoya dans le Maghreb central pour faire la guerre aux Maghraoua et aux Beni-Ifren, branches de la grande tribu de Zenata, et il prit avec lui l'engagement de ne jamais lui signifier son rappel, mais de le laisser en possession d'Achîr, du Maghreb central et de toutes les villes qu'il parviendrait à soumettre. Hammad remplit sa mission avec une grande habileté et réussit à dompter les Zenata.

En l'an 398 (1007-8), Hammad fonda la ville d'El-Calâ (le Chateau), dans le voisinage du Kiana, montagne qui s'appelle aussi Adjîça et qui est maintenant occupée par les Eïad, tribu d'Arabes hilaliens. Il transporta dans la Calà les habitants d'ElMecîla et de Hamza, villes qu'il détruisit de fond en comble, et il y fit venir aussi les Djeraoua, peuplade du Maghreb. Vers la fin du quatrième siècle il acheva de bâtir et de peupler sa ville, qu'il entoura de murs, après y avoir construit plusieurs mosquées, caravansérails et autres édifices publics. La Calâ atteignit bientôt une haute prospérité; sa population accrut rapidement, et les artisans, ainsi que les étudiants, s'y rendirent en foule des pays les plus éloignés et des extrêmités de l'empire. Cette affluence de

voyageurs eut pour cause les grandes ressources que la nouvelle capitale offrait à ceux qui cultivaient les sciences, le commerce et les arts.

Pendant le règne de Badîs, Hammad gouverna le Zab et le Maghreb central, tout en faisant la guerre aux Zenata. Il se tenait tantôt à Achîr, et tantôt à la Câla, afin d'être toujours à la portée du territoire occupé par les princes zenatiens et des régions, aux environs de Tlemcen et de Tèhert, que fréquentaient les tribus nomades du même peuple.

Vers l'an 390, Zaoui, Makcen et les autres fils de Zîri se révoltèrent contre Badis et firent la guerre à Hammad. Dans cette entreprise Makcen et ses deux fils perdirent la vie, pendant que Zaoui et les autres frères se réfugièrent dans le Mont-Chennouan, d'où ils passèrent en Espagne avec la permission d'Hammad. Les courtisans de Badîs, ses oncles et autres parents concurent alors une vive jalousie contre Hammad à cause de la haute position qu'il avait atteinte, et ils réussirent, par leurs calomnies, à semer la mésintelligence entre les deux princes.

Quand El-Hakem [le khalife fatemide] eut désigné El-Moëzz, fils de Badîs, pour succéder au commandement des Sanhadja, Badîs invita Hammad à remettre au jeune prince les gouvernement de Tîdjist et de Constantine. Hammad y répondit par un refus, et ayant méconnu l'autorité de Badis et des Fatemides, il proclama la souveraineté des khalifes abbacides, massacra les Rafedites, rétablit dans ses états la doctrine orthodoxe des Sonnites et invoqua ouvertement la bénédiction divine sur les deux cheikhs [les khalifes Abou-Bekr et Omar]. Ceci eut lieu en l'an 405 (1044-5). Il emporta ensuite d'assaut la ville de Bédja et poussa les Tunisiens à exterminer les orientaux et les Rafedites.

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Badîs lui déclara alors la guerre et marcha à sa rencontre avec les troupes qu'il avait rassemblées à Cairouan. Cette démonstration suffit pour disperser les Beni-Abi-Oualîl, famille zenatienne qui possédait la ville de Maggara, ainsi que les Beni-Hacen, puissante tribu sanhadjienne. Abandonné aussi par les Beni

Le mot orientaux désigne ici les partisans des Fatemides.

Itouweft et les Beni-Ghomert, tribus zenatiennes, et par presque tous ses autres partisans, Hammad dut s'enfuir jusqu'au ChelifBeni-Ouatil. Badis occupa alors la ville d'Achîr et poursuivit son oncle jusqu'au plateau du Seressou, dans le territoire des Zenata. S'étant arrêté au Ouadi-'t-Tîn 1, il rallia sous ses drapeaux les Beni-Toudjîn et leur chef Atïa-lbn-Dafliten, lequel avait à venger la mort de son père, tué par Hammad. Yedder, fils de Locman-Ibn-el-Motezz, suivit l'exemple de son cousin Atïa, et Badîs, se voyant alors en état de combattre son adversaire avec l'avantage du nombre, récompensa largement les deux chefs. Traversant alors le Chelif, il rangea son armée en ordre de bataille, et, aussitôt, la plus grande partie des troupes de Hammad passa de son côté. Hammad se jeta dans la Calà où il fut investi par Badîs, qui l'avait suivi de près et qui venait maintenant de camper dans la plaine d'El-Mecîla. Pendant qu'on pressait le siége, Badîs mourut subitement, dans sa tente, où il était à dormir, au milieu de ses compagnons. Cet événement eut lieu vers la fin de l'an 406 (juin 4046). Alors les Sanhadja reconnurent pour souverain El-Moëzz, fils de Badîs, qui n'avait alors que huit ans, et voulant mettre Achir à l'abri d'insulte, ils y envoyèrent Kerama, fils d'El-Mansour, pour y tenir garnison. Ce général ne put cependant empêcher Hammad de lui enlever Ja ville. Le corps de Badis fut placé dans un cercueil et transporté à Cairouan, où on l'enterra dans le cimetière de la famille Ziri. Ensuite on procéda à l'inauguration publique d'El-Moëzz. Ce jeune prince marcha, peu de temps après, contre Hammad, l'atteignit à Baghaïa et mit son armée en déroute. Réduit alors à une position qui lui inspira de vives inquiétudes, Hammad permit à son fils, El-Caïd, d'aller à Cairouan et de solliciter une suspension d'hostilités. En l'an 408 (1017-8), El-Caïd y arriva, porteur d'un riche présent pour El-Moëzz, et après avoir négocié un traité de paix, il alla rejoindre son père. La mort de Hammad eut lieu en 419 (4028).

1 Variante: Qualtin.

2 Variante. Daflin.

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Règne d'El-Caïd, fils de Hammad. El-Caïd monta sur le trône aussitôt après la mort de son père, et se fit redouter à cause de son caractère altier. Youçof, un de ses frères, fut nommé, par lui, gouverneur du Maghreb, et Ouìghlan [un autre de ses frères] reçut le commandement de Hamza, ville fondée par Hamza-Ibn-Idris. En l'an 430 (1038-9), Hammama, fils de ZîriIbn-Atïa, prince maghraouien qui régnait à Fez, marcha contre El-Caïd, qui, de son côté, se porta au-devant de l'ennemi et fit passer secrètement de fortes sommes d'argent aux troupes zenatiennes. Hammama, s'en étant aperçu, demanda la paix, fit sa soumission et rentra à Fez. En 434, El-Caïd conclut une paix avec El-Moëzz, qui était sorti de Cairouan pour lui faire la guerre et qui l'avait tenu assiégé pendant un temps considérable. Il repartit alors [de la Calâ] pour faire le siége d'Achir. Quand ElMoëzz-Ibn-Badis répudia l'autorité des Fatemides, El-Caïd reconnut de nouveau la souveraineté de cette dynastie et en obtint, comme récompense, le titre de Chéref-ed-Dola (noblesse de l'empire). Il mourut en 446 (1054-5).

Mohcen, successeur

Règne de Mohcen, fils d'El-Caïd. d'El-Caïd, fut, comme lui, un prince hautain et sévère. Ayant appris que son oncle Youçof s'était jeté dans le Maghreb pour y lever l'étendard de la révolte, il fit mourir tous les autres fils de Hammad et ordonna à son cousin Bologguin, fils de MohammedIbn-Hammad, d'aller étouffer cette insurrection. Il lui adjoignit deux chefs arabes, Khalifa-Ibn-Megguen et Atïa-t-es-Cherîf, auxquels il avait recommandé secrètement de faire mourir leur général quand ils seraient en marche. Au lieu de se conformer à cet ordre, ils en instruisirent Bologguîn et prirent avec lui l'engagement de tuer le tyran. Averti de leur dessein, Mohcen s'enfuit vers la Calà, mais il tomba entre les mains de Bologguîn qui lui ôta la vie. Le règne de Mohcen avait duré neuf mois.

Règne de Bologguin, fils de Mohammed. - Ce fut en l'an 447 (1055-6) que Bologguîn s'empara du pouvoir suprême. A un esprit vif il réunissait beaucoup de courage et de fermeté; mais

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