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du royaume dont ce prince s'était rendu maître. [Les circonstances lui étaient favorables:] l'officier almohade de la famille Akmazîr, qui gouvernait Alger au nom de l'émir Abou-Zékérïa, venait de mourir; les habitants s'étaient mis en révolte et IbnAllan, un de leurs cheikhs, y avait pris le commandement. D'un autre côté, Othman-Ibn-Yaghmoracen, à la tête des Beni-Abdel-Ouad, venait de soumettre les Toudjîn, les Maghraoua et les Melikich; or, ce prince, à l'instar de son père, s'était montré partisan très-dévoué du souverain de Tunis. Abou-Acîda prit donc la résolution d'exécuter son projet, et ayant quitté la capitale, l'an 695 (1295-6), il pénétra dans la province de Constantine dont les populations agricoles et nomades s'enfuirent à son approche. Parvenu à Mîla, il reprit le chemin de Tunis où il arriva dans le mois de Ramadan (juillet 1296) de la même année.

L'émir Abou-Zékérïa, se voyant menacé dans son royaume de Bougie, chercha d'abord à rétablir la tranquillité sur la frontière occidentale de ses états, afin de n'avoir plus d'embarras de ce côté-là quand il aurait à repousser les tentatives hostiles du sultan de Tunis. Cette considération le porta à renouer les liens d'amitié qui l'avaient attaché à son parent Othman-Ibn-Yaghmoracen. Aussi, comme ce prince lui avait fait demander des secours contre le sultan mérinide, Youçof- Ibn-Yacoub, qui le tenait étroitement bloqué dans Tlemcen, il lui envoya un corps de troupes almohades. Cette armée eut une rencontre avec les Mérinides aux environs de Tedellis et perdit tant de monde qu'elle dut reculer en désordre et rentrer à Bougie. Youçof-IbnYacoub mit alors son frère, Abou-Yahya, à la tête d'une armée mérinide et l'envoya avec Othman-Ibn-Sebâ contre cette ville. Ce chef arabe venait d'abandonner Abou-Zékérïa et, après avoir obtenu des Mérinides l'accueil le plus flatteur, il avait poussé leur sultan à diriger une expédition contre le royaume de celui qu'il avait trahi. On commença par bloquer la ville, ensuite on décampa pour aller dévaster et subjuguer le territoire de Tagrart'

Voy. l'index géographique du 1. 1, au mot Taourirt no 1.

ot le pays des Sedouikich. Après cette course, la colonne mérinide alla rejoindre le sultan sous les murs de Tlemcen.

Quand Abou-Acida eut appris qu'Abou-Zékérïa avait envoyé des secours à Othman-Ibn-Yaghmoracen, il dépêcha un ambassadeur à Youçof-Ibn-Yacoub pour le décider à entreprendre une campagne contre la ville et la province de Bougie. Ce fut AbouAbd-Allah-Ibn-Akmazîr, chef des Almohades, qui se chargea de cette tâche et commença ainsi sa carrière diplomatique. Dans une seconde mission qui lui fut confiée en l'an 703 (1303-4), il eut pour collègue le vizir de l'empire, Abou-Abd-Allah-1bnIrzîguen. Ils présentèrent au sultan un cadeau magnifique, dans lequel on remarqua particulièrement une selle, une épée et des éperons, le tout en or et garni de ce qu'il y avait de plus beau en fait de rubis et de perles. Ils rapportèrent en retour une riche offrande, dont un des articles consistait en trois cents mulets. Dès lors, ce ne fut qu'une suite d'ambassades, de lettres, d'envois de cadeaux et de témoignages d'amitié entre les deux cours. Dans toute cette correspondance, Youçof-Iba-Yacoub ne parlait d'affaires qu'incidemment, quand il écrivait au sultan de Tunis, mais, dans ses lettres au chef des Almohades, Abou-Yahya-Ibnel-Lihyani, il abordait chaque question politique et la traitait à fond. Les Mérinides continuèrent leurs expéditions contre Bougie jusqu'à la mort de Youçof-Ibn-Yacoub.

MORT DE HEDDADJ, CHEF DES KAOUB.
ET PROCLAME [IBN-]ABI-DEBBOUS.

CETTE TRIBU SE RÉVOLTE
REVOLTE A TUNIS.

Les Kaoub avaient joui de la faveur et des bienfaits de l'empire depuis l'époque où ils s'étaient ralliés à la cause de l'émir Abou-Hafs. Devenus riches, nombreux et puissants, ils se livraient aux plus grands excès et, par une longue suite de brigandages sur les grandes routes et de vols dans les jardins et les champs cultivés, ils s'étaient attiré l'exécration générale. En l'an 705 (1305-6), leur chef, Heddadj-Ibn-Abid, se montra dans Tunis où sa présence excita une vive agitation, et la populace était déjà disposée à lui faire un mauvais parti quand il entra dans la

mosquée pour assister à la prière. Aussitôt, on lui chercha querelle sous le prétexte qu'il avait pénétré dans l'édifice sacré sans se déchausser. A ce reproche, il se borna à répondre : « Je porte mes bottes même à la cour du sultan. » Quand la prière fut terminée, le peuple indigné le massacra et traîna son cadavre dans les rues de la ville.

Cet événement ne servit qu'à exciter davantage les Kaoub dans leur carrière de rapine et de brigandage. Leur cheikh, AhmedIbn-Abi-'l-Leil, fit chercher Othman-Ibn-Abi-Debbous dans la province de Tripoli et, l'ayant proclamé sultan, il marcha avec lui contre la capitale. Ils en avaient commencé le siége, quand le vizir, Abou-Abd-Allah-Ibn-Irzîguen, sortit à la tête de l'armée et les mit en déroute. Ce ministre parcourut ensuite les campagnes avec ses troupes afin d'étouffer la révolte des Arabes. Ibn-Abi-'l-Leil offrit alors de faire sa soumission et, ayant renvoyé le fils d'Abou-Debbous à l'endroit où il l'avait pris, il alla trouver le vizir et amena avec lui Soleiman-Ibn-Djamê, personnage éminent de la tribu des Hoouara. On les arrêta sur-le-champ pour les envoyer à Tunis, et ils restèrent dans la prison de cette ville jusqu'à l'an 708, quand Ahmed-Ibn-Abi-'l-Leil y mourut. Mohammed-Ibn-Abi-'l-Leil prit le commandement de la tribu lors de l'arrestation de son frère Ahmed, et il choisit pour lieutenants ses neveux, Hamza et Moulahem, tous les deux fils d'Omar. En l'an 707, le vizir se mit en campagne une seconde fois et, après avoir attiré Moulahem dans une conférence, il le fit arrêter et conduire à Tunis pour y être détenu avec son oncle, Ahmed. Hamza se mit alors en révolte et y entraîna toute la tribu. Leurs brigandages devinrent alors si intolérables que le peuple s'en plaignit hautement des cris de vengeance retentirent dans les rues de la capitale et un attroupement, qui marchait sur la citadelle, en ayant trouvé la porte fermée, se mit à y lancer des pierres. La mort du chambellan, Ibn-ed-Debbagh, auquel les révoltés attribuèrent tous leurs maux, fut réclamée comme le seul moyen de calmer leur indignation. L'officier auquel cette demande fut adressée [demanda l'autorisation de] les passer au fil de l'épée; mais le sultan s'y opposa et voulut

:

l'emploi d'autres moyens pour calmer l'émeute. On y parvint en prodiguant des cajoleries et des promesses; puis, on coupa le mal par la racine en châtiant les meneurs de l'insurrection. Ceci se passa dans le mois de Ramadan 708 (février-mars 1309). Quant aux Arabes, ils continuèrent à suivre leur carrière d'insolence jusqu'à la mort du sultan.

REVOLTE D'ALGER.

IBN-ALLAN Y USURPE LE

COMMANDEMENT.

Nous avons déjà parlé de la révolte qui eut lieu à Alger, sous le règne du sultan El-Mostancer, et raconté la prise de cette ville par l'armée almohade'. Nous avons dit aussi que les cheikhs d'Alger furent conduits à Tunis et qu'ils y restèrent prisonniers jusqu'à la mort du sultan. Quand l'émir Abou-Zékérïa, second souverain hafside de ce nom, s'empara de Bougie et de Constantine, boulevards de l'empire du côté de l'occident, Alger avait pour gouverneur un cheikh almohade nommé Ibn-Akmazîr. Cet officier reconnut l'autorité d'Abou-Zékérïa, avec le consentement du conseil des cheikhs, et chargea une députation de lui porter leurs hommages. En retour de ce service, il reçut sa confirmation dans le gouvernement de la ville, place qu'il conserva jusqu'à la fin de sa vie. Il mourut à un âge très-avancé, lors de l'expédition des Mérinides contre Bougie. A cette époque, Ibn-Allan, un des cheikhs d'Alger, jouissait de toute la confiance d'Ibn-Akmazîr et faisait exécuter ses ordres. Par l'influence que lui donnait cette position, il était parvenu à traiter en maître les habitants de la ville et à épouser, dit-on, une des filles du gouverneur. La mort de son patron lui inspira le projet d'usurper le commandement, et la nuit même où cet événement eut lieu, il appela chez lui toutes les personnes dont il craignait l'opposition et leur fit trancher la tête. Le lendemain, de bon matin, il prit le titre de seigneur d'Alger. L'émir Abou-Zékérïa était trop préoccupé des attaques que les Mérinides dirigeaient contre Bougie, pour faire

Voy., ci-devant, p. 372.

T. II.

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attention à cette révolte, et la ville d'Alger continua à repousser l'autorité des Almohades jusqu'au jour où elle passa sous la domination des Beni-Abd-el-Ouad.

MORT DE L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA, SOUVERAIN DE BOUGIE. SON FILS ABOU-'L-BACA-KHALED Y EST PROCLAMÉ SOUVERAIN.

Pour enlever au royaume de Tunis les villes de la frontière occidentale et former ainsi un second empire hafside, l'émir Abou-Zékérïa avait dû montrer une vigilance, une prévoyance et une fermeté d'âme dont on ne trouve plus d'exemple. Depuis lors et jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu vers la fin du septième siècle, il s'occupa sans relâche à parcourir ses provinces, à tout examiner de ses propres yeux et à faire disparaître les obstacles qui s'opposaient encore à la prospérité du pays.

En l'an 698 (1298-9), il désigna pour lui succéder son fils, l'émir Abou-'l-Baca-Khaled, et l'établit à Constantine en qualité de gouverneur. Aussitôt qu'il eut rendu le dernier soupir, le chambellan, Abou-'l-Cacem-Ibn-Abi-Djebbi, réunit les cheikhs almohades et les divers corps de l'armée afin de leur faire prêter le serment de fidélité envers Abou-'l-Baca, et, en même temps, il expédia un courrier à ce prince pour le rappeler à Bougie.

Le nouveau souverain reçut, en arrivant, les hommages solennels de tous ses sujets et conserva Ibn-Abi-Djebbi comme chambellan; mais il confia le vizirat à Yahya-Ibn-Abi-el-Alam. Aux Sanhadja, il donna pour chef un de leurs parents nommé Abou-Abd-er-Rahman-Yacoub - Ibn-Khalouf et surnommé ElMizouar. Le commandement des Almohades fut accordé à AbouZékérïa-Yahya-Ibn-Zékérïa, membre de la famille hafside.

MISSION ET MORT DU CADI EL-GHOBRINI.

Nous avons dit que les Mérinides avaient tourné leurs armes contre Bougie sur l'invitation du souverain de Tunis. Pour mettre un terme aux hostilités qui duraient encore, le sultan

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