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les emporter et, ensuite, il opéra sa retraite en apprenant que les habitants d'El-Edjem marchaient au secours de la ville assiégée. Quelques navires de cette flotte tombèrent entre les mains. des musulmans et les autres s'éloignèrent sans avoir rien effectué. Ici la faveur divine fut complète.

L'EMIR ABOU-ZÉKÉRÏA OCCUPE BOUGIE, ALGER ET

CONSTANTINE.

L'émir Abou-Zékérïa, fils du sultan Abou-Ishac, avait acquis par sa bonne conduite, par la noblesse de son caractère et par sa prédilection pour la société des hommes instruits, tant de titres. au commandement qu'on prévoyait facilement le haut rang auquel il atteindrait un jour. Ce fut lui qui fonda, à Tunis, le college situé en face de son ancien logement, le Dar-el-Acouri. Echappé au sort dont son père avait été la victime à Bougie, il alla descendre chez son beau-frère, Othman-Ibn-Yaghmoracen, à Tlemcen. Bientôt après son arrivée dans cette ville, il fut rejoint par Abou-'l-Hocein, fils d'Abou-Bekr-Ibn-Séïd-en-Nas. Cet ancien serviteur de la famille hafside s'était échappé de la catastrophe de Mermadjenna; puis, ayant remarqué qu'AbouHafs, le compagnon de sa fuite, commençait à lui préférer ElFezazi, après s'être fait proclamer sultan par les Arabes, il quitta le service de ce prince et alla trouver Abou-Zékérïa. Ayant alors décidé celui-ci à viser au trône des Hafsides, il s'adressa à quelques négociants de Bougie qui se trouvaient à Tlemcen et obtint d'eux une somme d'argent qui lui permit de fournir à son maître un équipage royal, d'enrôler des troupes et de lui gagner de nombreux partisans.

Leur projet ne tarda pas à être divulgué, et Othman-IbnYaghmoracen, aussi fidèle au sultan Abou-Hafs que ses aïeux l'avaient été aux autres khalifes établis à Tunis, chercha, mais en vain, à y mettre obstacle. L'émir Abou-Zékérïa sortit de Tlemcen sous prétexte d'aller à la chasse, divertissement auquel il s'était livré avec passion pendant son séjour dans cette ville,

et alla trouver Dawoud-Ibn-Hilal-Ibn-Attaf, émir des BeniYacoub et de toutes les branches des Beni-Amer, tribu zoghbienne. Othman-Ibn-Yaghmoracen fit réclamer le fugitif; mais Dawoud, fidèle aux droits de l'hospitalité, se mit à la tête de ses gens et conduisit son protégé jusqu'à la frontière du territoire occupé par les Zoghba. Ayant alors obtenu l'appui d’AtïaIbn-Soleiman-Ibn-Sebâ, chef douaouidien chez lequel ils s'étaient rendus, ils partirent tous pour la province de Constantine.

Les Arabes et les Sedouikich reconnurent alors l'émir AbouZékérïa pour sultan, et, en l'an 683 (1284-5), ils se présentèrent avec lui sous les murs de Constantine, où Ibn-Youkian, chef almohade, remplissait les fonctions de gouverneur. Abou'l-Hacen-Ibn-Tofeil, directeur des impôts, entra alors en communication avec Abou-Zékérïa et lui livra la ville moyennant certains avantages qu'il stipula pour lui-même et pour son beaupère Ibn-Youkîan '. Le prince hafside y fit aussitôt proclamer sa souveraineté et marcha ensuite sur Bougie. En 684, il prit possession de cette forteresse dont les habitants, depuis longtemps en proie aux factions, désiraient ardemment son arrivée. Quelques personnes rapportent qu'il occupa Bougie avant Constantine, et cela est plus exact d'après ce que j'ai entendu dire à nos professeurs. Les villes d'Alger et Tedellis lui envoyèrent alors leur soumission.

Maître de ces places fortes et de toute la frontière occidentale de l'empire, l'émir Abou-Zékéïra se donna le surnom d'ElMontakheb-li-Ihyaï-din-Illah (choisi pour ranimer la religion de Dieu), mais, pour ne pas manquer tout à fait aux égards dus à son oncle, le khalife, il s'abstint de prendre le titre d'Emirel-Moumenin (commandant des croyants). Sachant que Tunis, siége du khalifat hafside, renfermait tous les grands dignitaires almohades, il sentit la nécessité de ménager l'amour-propre d'une classe d'hommes qui était la seule à posséder encore quelqu'autorité dans la nation.

↑ Dans le texte arabe, il faut insérer le mot sihr (avec un sad) après min il-âmil.

S'étant établi à Bougie, il éleva Abou-'l-Hocein-Ibn-Sérd-enNas aux fonctions de grand chambellan, et se forma, dans la partie occidentale du royaume de Tunis, un empire qu'il transmit à ses descendants. Nous verrons plus tard s'effectuer la réunion des deux états par l'avènement de sa postérité au trône de Tunis.

L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA ENVAHIT LA PROVINCE DE TRIPOLI.— OTHMAN YAGHMORACEN PROFITE DR SON ABSENCE POUR ASSIÉGER

IBN

BOUGIE.

L'émir Abou-Zékérïa, après avoir enlevé au gouvernement de Tunis toute la partie occidentale de l'empire, se mit en campagne, l'an 685 (1286), et marcha sur la capitale. Dans cette entreprise, il fut secondé par Abd-Allah, fils de Rehab-Ibn-Mahmoud et l'un des chefs des Debbab. Repoussé des environs de Tunis par El-Fazazi, il se porta devant Cabes et y mit le siége. Dans l'attaque de cette place, il déploya une grande bravoure et, un jour, après avoir tué et fait prisonnier beaucoup de monde, il mit ses adversaires en déroute, détruisit le faubourg de la ville, brûla les maisons de campagne et les dattiers des bocages voisins. De là, il se dirigea vers Mesrata, et, parvenu à ElAbiad, il reçut la soumission des Djouari, des Mehamîd, des Al-Salem et des Arabes de Barca. Il était à Mesrata, quand on vint lui annoncer qu'Othman-Ibn-Yaghmoracen se préparait à mettre le siége devant Bougie. Ce prince, vivement offensé du procédé d'Abou-Zékérïa en quittant Tlemcen sans permission et de la conduite de Dawoud-Ibn-Attaf, qui avait refusé de lui livrer le fugitif, renouvella le serment de fidélité envers le souverain de Tunis et lui en fit porter l'acte authentique par AliIbn-Mohammed-el-Khoraçanı. Il obtint ensuite quelques avantages sur les Toudjîn et les Maghraoua; puis, ayant cédé aux sollications du gouvernement tunisien, auquel Abou- Zékérïa avait ôté tous les moyens d'action, tant en lui enlevant des provinces entières qu'en allant l'attaquer dans la capitale de l'empire, il s'engagea à délivrer le sultan de la présence de son

T. II.

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ennemi en allant lui-même faire le siége de Bougie. Il partit, l'an 686 (1287), pour conquérir cette ville, mais, arrivé aux environs de la place, il y trouva une vigoureuse résistance, et n'en remporta d'autre avantage que celui d'avoir vu, à distance, la forteresse dont il espérait s'emparer.

La même année, il reprit la route de sa capitale.

LES VILLES DU DJERÎD COMMENCENT A ÉTABLIR LEUR
INDÉPENDANCE.

de

Les Seddada et les Kennouma, deux familles qui habitaient les environs de Takîous, eurent ensemble un conflit dans lequel un fils du cheikh des Seddada perdit la vie. Les parents du jeune homme firent serment de le venger en tuant le cheikh des Kennouma. Gelui-ci, averti du danger, se retira auprès de Mohammed-Ibn-Yahya-Ibn-Abi-Bekr-et-Tînmeléli, gouverneur de Touzer, chef-lieu du Djerîd. Cet officier almohade n'hésita pas lui vendre sa protection et d'écrire à la capitale pour annoncer que les Seddada étaient en pleine révolte. Alors, il fit ordonner aux habitants de Nefta et de Takîous de marcher contre cette peuplade et il sortit lui-même avec les troupes de Touzer pour l'attaquer 4 dans le village où elle faisait sa demeure. Les malheureux Seddada, ayant vainement cherché à fléchir sa colère en lui offrant des ôtages et de l'argent, obtinrent l'appui des Nefzaoua et lui livrèrent bataille. Dans cette rencontre, EtTînmeleli eut tant de monde mis hors de combat qu'il dut rentrer à Touzer. Ceci se passa en l'an 686 (1287). Une nouvelle expédition qu'il dirigea contre les insurgés leur procura un nouveau triomphe, et ils purent négocier avec lui un traité de paix qui leur assura le droit de s'administrer eux-mêmes et de fournir des gouverneurs aux populations nefzaouiennes. En retour de ces avantages, ils consentirent à payer régulièrement l'impôt ordinaire.

4 Dans le texte arabe, il faut lire oua ghazahom.

OTHMAN, FILS D'ABOU-DEBBOUS, PARAÎT DANS LA PROVINCE DE

TRIPOLI.

Le sultan Abou-Debbous, dernier khalife de la famille d'Abdel-Moumen qui régna à Maroc, fut tué en l'an 668 (1269). Ses enfants se dispersèrent en divers pays, et l'un d'entre eux, le prince Othman, passa dans l'Espagne orientale pour solliciter la protection du roi chrétien qui régnait à Barcelone. Il y trouva un bon accueil et s'y rencontra avec les fils de son oncle, le cîd Abou-Zeid-el-Montecer qui avait cherché, comme lui, un asile dans ce pays. Ces princes y jouissaient d'une haute considération à cause de la conversion de leur père au christianisme; aussi, ils s'empressèrent non-seulement de partager leur fortune avec le nouveau venu, mais encore d'obtenir pour lui, de la bonté du roi, une position honorable.

Morghem-Ibn-Saber-Ibn-Asker, cheikh des Djouari, tribu debbabienne, se trouvait alors dans cette ville. En l'an 682 (1283-4), il avait été fait prisonnier, aux environs de Tripoli, par les Siciliens, ennemis de l'islamisme, et fut vendu par eux aux gens de Barcelone. Le roi chrétien l'acheta ensuite et le retint captif auprès de lui.

Othman, qui espérait faire valoir ses droits au trône des Almohades, se tenait toujours prêt à passer dans une des provinces situées sur les frontières de l'empire, plus particulièrement la province de Tripoli, sachant qu'une telle localité serait mal gardée et qu'une démonstration faite de ce côté aurait plus de chances de succès que partout ailleurs. Profitant de la haute faveur que le roi lui témoignait, il obtint la liberté de Morghem, et celui-ci prit l'engagement de seconder le prince dans sa tentative. Le roi leur fournit plusieurs navires remplis de troupes et de vivres, mais à la condition d'être remboursé plus tard, des frais de l'expédition 1.

↑ Bartholomeus de Neocastro parle de la capture et de la libération de Marganus ou Margam. Voy. Hist. Sicil. apud Gregorio et Mu-. ratori, cap. 85, 91, 93, 113. Voy. aussi, daas les mêmes collections, l'Historia Sicula de Nicolas Specialis, 1. 11, chap. 16.

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