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hammed-Ibn-Israghîn et le chargea de commander au nom du prétendant. Cet homme se mit anssitôt à la poursuite du sultan et l'arrêta dans la montagne des Beni-Ghobrîn, tribu zouaouienne; mais l'émir Abou-Zékérïa réussit à atteindre Tlemcen. Abou-Ishac fut emprisonné à Bougie en attendant des ordres de Tunis, et le prétendant ayant envoyé Mohammed, fils d'EïçaIbn-Dawoud, pour le faire mourir, il fut exécuté vers la fin du mois de Rebiâ premier 682 (fin de juin 1283).

L'EMIR ABOU-HAFS REPARAIT ET SE FAIT PROCLAMER SULTAN.
SUITES DE CET ÉVÉNEMENT.

L'émir Abou-Hafs, qui avait assisté à la bataille de Mermadjenna, ainsi que nous l'avons dit, eut le bonheur d'échapper au sort qui frappa ses neveux. Il se sauva à pied de ce lieu fatal et se dirigea vers Calat-Sinan, forteresse appartenant aux Hoouara et située dans le voisinage du champ de bataille. Dans sa fuite, il fut rejoint par trois fidèles serviteurs de la famille hafside, Abou-'l-Hocein, fils d'Abou-Bekr-Ibn-Séïd-en-Nas, Mohammed, fils d'El-Cacem-Ibn-Idrîs-el-Fazazi, et Mohammed, fils d'AbouBekr-Ibn-Khaldoun et grand'-père de l'auteur de ce livre. Comme le prince était accablé de fatigue, ils le portèrent alternativement sur leurs dos jusqu'à Calat-Sinan, et là ils trouvèrent un asile. Cette évasion fut si extraordinaire qu'elle devint le sujet de toutes les conversations.

Bientôt le prétendant indisposa les Arabes par l'extrême sévérité des mesures qu'il employa à leur égard. Le jour même de sa rentrée [à Tunis], il fit mourir et mettre en croix trois Arabes accusés d'actes de brigandage, et, d'après les conseils d'Abd-elHack-Ibn-Tafraguîn, grand officier almohade, il résolut de se

Variante: Asrain.

Le pays des Beni-Ghobrin ou Robri est à quatre lieues S. S. O. de Zeffoun et à onze ou douze lieues O. de Bougie, en ligue droite.

débarrasser de tous et les fit tuer partout où on pouvait les rencontrer. Quatre-vingts cheikhs des Beni-Allac furent jetés dans ses prisons; toutes les populations arabes furent en butte à sa tyrannie et attendirent impatiemment le moment de la vengeance. Elles se mirent à la recherche d'un prince de la famille hafside, afin de l'opposer à l'usurpateur; et, ayant appris que l'émir Abou-Hafs se trouvait à Calat-Sinan, elles allèrent le voir et le proclamer sultan. Ce fut dans le mois de Rebiâ [premier] de l'an 683 (mai-juin 1284) qu'elles lui prêtèrent le serment de fidélité et lui fournirent des tentes et des armes. Leur émir, Abou-lLeil-Ibn-Ahmed, se mit à la tête du mouvement.

Cette nouvelle inspira au prétendant l'idée que les grands officiers de l'empire voulaient le trahir. Emporté par ses soupçons, il fit arrêter Abou-Amran-Ibn-Yacîn, premier ministre de l'empire, Abou-'l-Hacen - Ibn-Yacîn, Ibn-Ouanoudin et ElHocein-Ibn-Abd-er-Rahman, chef zenatien. Après avoir fait mettre tous ces prisonniers à la question, il ordonna leur mort et la confiscation de leurs biens. Ces exécutions remplirent de tristesse tout le monde et contribuèrent à ébranler la fortune du faux khalife.

ABOU-HAFS S'EMPARE DU ROYAUME.
PRÉTENDANT.

PRISE ET MORT DU

L'apparition d'Abou-Hafs et la reconnaissance de sa souveraineté par les Arabes excitèrent une profonde sensation dans la capitale et lui attirèrent une foule de partisans. Le prétendant, après avoir fait tomber sa colère sur les grands fonctionnaires de l'empire et suscité contre lui-même la haine du peuple entier, sortit de Tunis pour combattre ce nouvel adversaire; mais il dut y rentrer en toute hâte à cause de l'insubordination de ses troupes. Les provinces se déclarèrent alors pour le sultan AbouHafs, et, bientôt, ce prince lui-même vint camper à Sîdjoum, près de la capitale. L'armée du prétendant était postée sous les murailles de la ville et résistait vigoureusement pendant quelques jours; mais, à chaque instant, le mystère qui entoura l'origine

de cet homme s'éclaircissait davantage, et, enfin, la fausseté de ses prétentions devint tellement évidente que tous ses partisans finirent par le renier et l'abandonner. Forcé de quitter le camp, il courut se cacher dans Tunis, et le sultan y fit son entrée, au mois de Rebiâ second 683 (juin-juillet 1 284). Sa présence purifia le trône impérial et dissipa les souillures de l'usurpation.

Le prétendant chercha vainement à se confondre avec la foule afin de s'échapper inaperçu quelques jours après l'arrivée du sultan, on découvrit que ce misérable s'était réfugié dans la maison d'un homme du peuple, appelé Abou-'l-Cacem-el-Carmadi. A l'instant même, la maison fut abattue et l'imposteur traîné devant le sultan. Accablé d'invectives par ce prince et interrogé en la présence des grands de l'empire, il avoua son imposture et fut mis à mort après avoir subi toutes les tortures que des hommes sans miséricorde étaient capables d'infliger. Son cadavre fut traîné dans les rues et sa tête plantée sur une perche. Ce fut Abd-Allah-Ibn-Yaghmor qui présida à l'exécution de cet imposteur dont les aventures offrent un si étrange exemple des vicissitudes de la fortune.

Le sultan Abou-Hafs, devenu maître de l'empire, prit le titre d'El-Mostancer-Billah'. Partout l'on se hâta de reconnaître son autorité; les villes les plus éloignées, Tripoli, Tlemcen et les lieux intermédiaires, lui envoyèrent des adresses d'hommage et de fidélité. Au cheikh Abou-Abd-Allah-el-Fezazi il donna le ministère de la guerre, avec le commandement en chef et le gouvernement des populations qui habitaient les plaines de l'empire; et, pour récompenser les Arabes qui lui avaient prêté un appui si efficace, il leur concéda de grands territoires et les revenus de plusieurs localités. Ici il s'écarta de la ligne de politique suivie par ses prédécesseurs; jamais ces khalifes n'avaient accordé de fiefs aux Arabes, pour ne pas ouvrir la voie à l'affaiblissement de leur propre autorité. Abou-Ishac continua à jouir du

Ce titre avait déjà été porté par son frère Abou-Abd-Allah, second souverain de la dynastie hafside. - Voy. ci-devant, p. 335.

repos et à vivre tranquille au sein de sa capitale jusqu'à l'arrivée des événements dont nous allons faire l'histoire.

LES ENNEMIS DE L'ISLAMISME S'EMPARENT DES ÎLES DE DJERBA ET ILS ASSIEGENT EL-MEHDIA ET HARCÈLENT LES

MAÏORQUE.

CÔTES DE L'EMPIRE.

Un des plus graves événements qui eurent lieu sous le règne du sultan Abou-Ishac fut la conquête des îles de la Méditerranée par les ennemis de la foi musulmane. Dans le mois de Redjeb 683 (septembre-octobre 1284), leurs navires vinrent s'emparer de Djerba, île qui était alors gouvernée par Mohammed-Ibn-Semmoun1, cheikh de la secte hérétique des Ouchbites, et par Yakhlof-Ibn-Amghar, cheikh des Nekkara, autre secte hérétique. Une flotte composée, dit-on, de soixante-dix corvettes et galères, et commandée par El-Merakia (le marquis Roger de Loria), gouverneur de la Sicile et lieutenant d'El-Fedrîk (Frédéric)3 fils d'El-Rîdakoun (roi d'Aragon et) prince de Barcelone, étant venu bloquer l'île à plusieurs reprises, réussit enfin à s'en emparer. L'ennemi y mit tout au pillage et l'on dit qu'il emmena en captivité huit mille personnes, après avoir jeté les petits enfants dans les puits. La perte de Djerba fut un coup bien douloureux pour les musulmans.

L'ennemi bâtit alors dans l'île et sur le bord de la mer un château qu'il remplit d'hommes, de vivres et d'armes. On soumit les habitants à un impôt annuel de cent mille pièces d'or. Pendant un temps considérable rien ne se changea dans l'état de Djerba et, vers la fin du septième siècle, à l'époque où le marquis mourut, les chrétiens y commandaient encore. Ce fut

Ailleurs, le nom de chef est écrit Semoumen.

2 Voy. t. I, pag. 387, note.

8 Frédéric, troisième fils de Pierre i d'Aragon, ne commandait pas encore à cette époque. Il fut couronné à Palerme en l'an 1296.

L'amiral de Loria mourut en janvier 1305, ce qui répond à Djomada second 704 de l'année musulmane.

dans les dernières semaines de l'an 7401 (juin 1340) que Dieu fit rentrer cette île sous la domination musulmane, ainsi que l'on verra dans un des chapitres suivants.

En l'an 685 (1286-7), l'ennemi s'empara de Maïorque. Une flotte, portant vingt mille soldats et commandée par le roi de Barcelone, parut devant l'île et, comme leurs chefs se donnaient pour négociants, ils obtinrent du gouverneur, Abou-Omar-IbnHakem, la permission de renouveler leur approvisionnement d'eau. Une fois débarqués, ils commencèrent les hostilités et combattirent les musulmans pendant trois jours. Dans ce conflit, ils eurent plusieurs milliers d'hommes mis hors de combat, et leur roi, qui, jusqu'alors, s'était tenu à l'écart avec ses grands officiers, prit lui-même le commandement de l'armée et marcha au secours de ses gens qui battaient en retraite. Les musulmans furent mis en déroute et allèrent s'enfermer dans leur forteresse; mais Ibn-Hakem, ayant obtenu de l'ennemi la permission de se rendre à Ceuta avec sa famille, plaça les habitants dans la nécessité de se rendre à discrétion. On les transporta tous en Minorque, fle voisine de la leur. Les trésors et les approvisionnements renfermés dans la forteresse tombèrent entre les mains des chrétiens.

En l'an 686, les chrétiens battirent en brèche et prirent d'assaut la forteresse de Mersa-el-Kharez (la Calle). Ils y mirent le feu, après l'avoir pillé et emmené les habitants en captivité. Avant de rentrer chez eux, ils se montrèrent devant le port de Tunis.

Dans la même année, ou dans l'an 689 (1290), la flotte chrétienne arriva devant El-Mehdïa avec des troupes et même de la cavalerie. L'ennemi attaqua les remparts trois fois sans pouvoir

4 Dans l'histoire du règne d'Abou--Yahya-Abou-Bekr le hafside, notre auteur a consacré un chapitre à Djerba, et là il dit que la reprise de cette île par les musulmans eut lieu en 738.

L'auteur aurait dû écrire Yabiça (Iviça), île qui, en effet, fut enlevée aux musulmans cette année-là. Maïorque avait été conquise en 4232, cinquante-cinq ans auparavant.

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