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vince à un membre du corps des vizirs, nommé Masoud-IbnIbrahim-Ibn-Eïça-el-Irnîani. Après la mort de ce fonctionnaire, son frère Hassoun reçut du sultan la place vacante. A la suite du désastre de Cairouan et de la mort de Hassoun, les troupes du gouvernement mérinide évacuèrent le Sous et donnèrent aux Arabes Beni-Hassan et Chebanat l'occasion d'envahir cette province et de lever des contributions chez les peuplades qui y faisaient leur séjour.

Abou-Einan, devenu maître du Maghreb par la mort de son père, chargea le vizir Farès-Ibn-Ouedrar d'une expédition dans le Sous. Cet officier se mit en marche l'an 756 (1355), et, après avoir soumis toute la province, il loua les services des bandes. arabes et berbères, installa des garnisons dans les grandes villes et alla reprendre les fonctions de son office. Plus tard, le rappel de ces garnisons par le vizir priva le Sous de la protection du gouvernement et le laissa exposé [aux tentatives de chaque ambitieux].

Le Sous, pays très-étendu, est situé sous la même latitude que le Belad-el-Djerid et jouit du même climat que cette région datifère. Les contrées djeridiennes s'étendent, sans interruption, depuis l'Océan jusqu'au Nil d'Egypte, fleuve qui a sa source derrière l'équateur et qui coule vers le nord jusqu'à Alexandrie. Le Sous est situé au midi de l'Atlas et renferme une population nombreuse, des villages, des terres cultivées, des villes, des montagnes et des places fortes. Il est traversé par une rivière du même nom qui sort du vallon situé entre la montagne des Guélaoua et celle des Sekefoua, et qui roule ses eaux jusqu'à la plaine, d'où elle se dirige vers l'occident pour se jeter dans l'Atlantique. Les bords de cette rivière sont couverts d'une suite non interrompue de champs où l'on cultive les céréales et la canne à sucre. A l'endroit où elle entre dans la plaine s'élève la ville de Taroudant.

A deux journées au sud de l'embouchure du Sous, on arrive à celle du Massa. Dans cette localité se trouve le ribat de Massa, si célèbre par les visites qu'y font les gens pieux et par les pratiques de dévotion auxquelles ils s'y livrent. Le vulgaire pré

tend que c'est de là que le Fatemide attendu doit sortir un jour . A deux journées plus loin, vers le midi et sur le bord de la mer, se trouvent les cloitres (zouaïa) des Aulad-bou-Noman, et, encore quelques journées plus loin, on arrive à l'embouchure d'Es - Saguia -t-el-Hamra (le conduit rouge), dernière limite [méridionale] des courses des Arabes Makil dans leurs cantonnements d'hiver.

C'est dans la montagne de Zekender, au sud du mont Guélaoui, que la rivière Sous prend sa source.

Les montagnes des Neguîça s'étendent au midi de l'Atlas jusqu'à ce qu'elles atteignent celles du Derà. Le dernier pic de cette chaîne, du côté de l'orient s'appelle Djebel-Ibn-Hamîdi.

La rivière Noul prend sa source dans les montagnes des Neguîça et coule vers l'occident jusqu'à la mer. Elle passe au nord de la ville de Tagaost, grand entrepôt de marchandises et d'esclaves. On y tient, une fois par an et pendant un jour seulement, un marché auquel les négociants se rendent de tous côtés et qui continue à être très-renommé.

La ville d'Ifri est située au pied du Neguîça et à deux journées de Tagaost.

La province du Sous sert de lieu de parcours aux nomades de la tribu des Guezoula et de celle des Lamta. Ceux-ci se tiennent du côté de l'Atlas et les Guezoula restent dans le voisinage des sables et du Désert. Quand les Makil se partagèrent ce pays, les Chebanat en obtinrent la partie qui touche à l'Atlas et formèrent une confédération avec les Lamta, pendant que les Doui-Hassan contractèrent une alliance avec les Guezoula. Tel est encore l'état où ils se trouvent aujourd'hui.

ORIGINE ET HISTOIRE DE LA DYNASTIE ALMOHADE FONDÉE EN IFRÎKÏA

PAR LES HAFSIDES.

Nous avons déjà dit que le Deren et les régions qui entourent cette chaîne de montagnes sont habités par plusieurs tribus mas

Voy. l'histoire des Fatemides dans les Appendices de ce volume et PIntroduction du t. 1, p. XXVII.

moudiennes, telles que les Hintata, les Tînmelel, les Hergha, les Guenfiça, les Sekcîoua, les Guedmioua, les Hezerdja, les Ourika, les Hezmîra, les Regraga, les Haha, les Beni-Maghous, les Guélaoua et d'autres peuplades dont on ne saurait faire l'énumération. Avant, comme après la promulgation de l'islamisme, elles obéissaient à des chefs ou à des rois sortis de leur sein. Les Hintata, la plus nombreuse et la plus puissante des tribus masmoudiennes, furent les premiers à embrasser la cause du Mehdi, et ce fut par leurs efforts que s'établit l'autorité de cet imam et celle de son successeur, Abd-el-Moumen.

Hintat, l'aïeul des Hintata, s'appelait Inti en langue masmoudienne. Du temps de l'imam El-Mehdi, ce peuple eut pour chef Abou-Hafs-Omar, cheikh dont le nom, selon El-Beidec1, était Fazkat, en langue masmoudienne. Les Hintata de nos jours disent, cependant, que Fazkat était l'aïeul d'Abou-Hafs-Omar. Quoi qu'il en soit, Abou-Hafs gouverna sa tribu avec une autorité absolue; il en fut le premier qui prêta le serment de fidélité au Mehdi, et, par son exemple, il entraîna dans la même voie Youçof-Ibn-Ouanoudîn, Abou-Yahya-Ibn-Igguît, Ibn-Yaghmor et d'autres personnages marquants. Ce fut ainsi qu'il devint un des intimes du Mehdi et membre de la bande des dix premiers disciples. Il y prenait rang immédiatement après Abd-el-Moumen qui, du reste, n'avait sur lui aucun autre avantage; aussi, continua-t-il toujours à exercer sans contrôle le haut commandement des Masmouda. Les Almohades lui donnaient le titre du cheikh (vieillard, chef) de même qu'ils employaient les mots imam (chef spirituel et temporel) et khalifa (lieutenant) pour désigner respectivement le Mehdi et Abd-el-Moumen. Ces trois titres, consacrés ainsi aux personnages que nous venons de nommer, servirent à indiquer leur prééminence de rang.

Au rapport d'Ibn-Nakhil et d'autres [historiens] almohades, la généalogie d'Abou-Hafs remontait au khalife Omar-Ibn-elKhattab, parce qu'il était fils de Yahya, fils de Mohammed, fils

1 Cet auteur nous est inconnu.

2 Variante: Faska.

de Ouanoudîn, fils d'Ali, fils d'Ahmed, fils de Oualal, fils d'Idris, fils de Khaled, fils d'Elîça, fils d'El-Yas, fils d'Omar, fils de Ouaften, fils de Mohammed, fils de Nahta, fils de Kâb, fils de Mohammed, fils de Salem, fils d'Abd-Allah, fils d'Omar, fils d'El-Khattab1. Il résulterait de ceci qu'une tige coreichide se serait entée sur la souche masmoudienne et qu'un même esprit de tribu les aurait assimilées, ainsi que cela arrive quand la généalogie d'un peuple se confond dans celle d'une autre. Dans la première partie de cet ouvrage, nous avons développé le principe que nous venons d'énoncer 2.

Le Mehdi, en mourant, légua son autorité à Abd-el-Moumen; mais, comme celui-ci était placé [par sa naissance] tout-à-fait en dehors de la communauté masmoudienne et n'avait aucune autre recommandation aux yeux de ce peuple que la faveur et la préférence dont son maître l'avait honoré, l'on se garda bien de publier la mort de l'imam et la nomination de son successeur, avant de s'être assuré de l'entier dévouement de ces tribus. Abdel-Moumen passa donc trois années à attendre le moment où il pourrait exercer ostensiblement le pouvoir qui lui était dévolu. Abou-Hafs vint alors et lui adressa ces paroles : « L'affaire du

Abd-el-Ouahed-el-Merrakchi, historien almohade du 7° siècle de l'hégire, parle assez souvent d'Abou-Hafs, mais il ignorait que ce chef serait, un jour, regardé comme un descendant du khalife Omar. Le caractère presqu'entièrement arabe de la généalogie rapportée ici par Ibn-Khaldoun et l'intérêt qu'avait cet écrivain à ménager l'amourpropre de la famille des Hafsides portent à croire que la liste en question fut fabriquée postérieurement à l'usurpation du trône de l'Ifrikia par le prince hafside, Abou-Zékérĭa. Nous pouvons ajouter que, dans le chapitre des Prolégomènes auquel notre autre auteur va renvoyer le lecteur et dont nous avons une copie sous les yeux, il combat fortement la sotte vanité de certaines grandes familles de l'Afrique qui prétendaient remonter leur origine à quelque notable de la tribu de Coreich, bien qu'elles fussent, en réalité, d'une toute autre race. Il se donne, toutefois, bien garde d'y nommer les Hafsides, mais l'allusion est assez manifeste.

L'auteur a traité cette question dans ses Prolegomènes, ouvrage encore inédit.

» Mehdi est enfin arrangée, et nous vous reconnaissons pour chef >> ainsi qu'il l'a voulu. » Il fit alors annoncer publiquement que tout le monde devait prêter le serment de fidélité à Abd-elMoumen, et, après avoir exécuté la dernière volonté du Mehdi en assurant le commandement à celui qui en avait été le disciple favori, il décida tous les Masmouda à reconnaître l'autorité du nouveau chef.

Pendant le règne d'Abd-el-Moumen et celui de son fils Youçof, toutes les affaires importantes se réglaient d'après l'avis d'AbouHafs; dans tous les dangers qui menaçaient la cause almohade, ce fut à ce chef qu'on eût recours, et, dans toutes les batailles qu'on livra au nom d'Abd-el-Moumen, ce fut à l'habileté du cheikh hintatien que l'on dut la victoire. Il commanda l'avantgarde, en l'an 537 (1142-3), lors de l'expédition dirigée contre le Maghreb central, quelque temps avant la prise de Maroc. Tous les Zenata, tels que les Beni-Ouémannou, les Beni-Abd-el-Ouad, les Beni-Ourcifen et les Beni-Toudjîn s'étaient rassemblés à Mindas afin de résister aux Almohades, mais il les rallia à la cause de son maître, après leur avoir infligé un châtiment sévère. Quand Abd-el-Moumen occupa Maroc et que le révolté de Massa1 se fut attiré les cœurs de la populace en infectant le pays de ses doctrines perfides, ce fut encore au cheikh Abou-Hafs que l'on donna la mission de conjurer le danger. Chargé de combattre les rebelles, il mit fin à l'insurrection et fit disparaître jusqu'aux dernières traces de ce parti égaré. Quand Abd-el-Moumen conçut le projet de sa première expédition en Ifrîkïa, ce fut à AbouHafs qu'il s'adressa d'abord pour avoir des conseils. A son retour de ce pays, il désigna pour successeur son fils Mohammed, et, comme les Almohades hésitaient de reconnaître ce choix, il fit venir Abou-Hafs d'Espagne afin de leur administrer le serment de fidélité. D'après l'avis de cet émir, il fit subir la peine de mort à Islati-el-Herghi, chef des récalcitrants, et il parvint alors très-facilement au but qu'il s'était proposé. En l'an 554 (1159), quand il entreprit sa seconde expédition en Ifrîkïa afin de s'em

1 Voy. p. 181 de ce volume.

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