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qu'il s'appelait Abd-er-Rahman. Une personne digne de con fiance m'a appris, depuis, qu'Abd-er-Rahman, ayant fait prisonnier Abou-Bekr-Ibn-Omar, lui ôta la vie et s'empara du commandement de la montagne, poste qu'il remplit encore aujourd'hui, à ce que l'on m'a dit. Nous sommes maintenant dans l'année 779 (1377-8). J'ai appris, en l'an 788 (1386), que cet Abd-er-Rahman portait le surnom d'Abou-Zeid, et qu'il était fils de Makhlouf et petit-fils d'Omar-Aguellid. Il fut tué par Yahya, fils d'Abd-Allah-Ibn-Omar et frère d'Izem. Le meurtrier prit aussitôt le commandement de la montagne et le garde

encore.

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Quant aux Hilana, aux Haha, aux Dokkala et aux peuples masmoudiens qui habitent, soit les montagnes, soit les plaines de cette contrée, et qui ne font pas partie des sept tribus dont nous venons de parler, ils forment à eux seuls une population immense.

Les Dokkala occupent le territoire qui s'étend vers le couchant, depuis le pied septentrional de la montagne qui avoisine Maroc jusqu'à l'Océan. C'est là où se trouve le ribat d'Asfi, poste fortifié qui porte aussi le nom des Beni-Maguer, famille dok kalienne. L'origine des Dokkala est encore un problème à résoudre : les uns les regardent comme masmoudiens et les autres comme sanhadjiens.

Immédiatement au [sud-ouest de leur territoire, on rencontre une plaine qui se déploie obliquement entre la mer et l'Atlas et qui se prolonge jusqu'à la province de Sous. Cette région est occupée par les Haha, peuple dont la majeure partie fait son séjour au milieu de forêts d'arganet qui y trouve un abri et un asile. Ils expriment des fruits de cet arbre une huile qui leur sert d'assaisonnement et qui est fort recherchée; elle a bonne

Voy. ci-dessus, p. 270.

L'arganier, arbre épineux dont les noyaux fournissent une huile acre et ptquante, a été décrit par Schusboë, consul danois à Tanger, dans une savante monographie. Chénier en parle dans ses Recherches sur les Maures, t. I, p. 88, et Graeberg de Hemsoe, dans son Specchio di Marocco, pp. 444 et 445.

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couleur, bonne odeur, bon gout et fait partie des présents que les administrateurs de cette province envoient à la cour. Les Haha forment une des tribus les plus nombreuses de la race masmoudienne; ils les surpassent toutes en mérite, en bravoure et en savoir, et jouissent aussi d'une grande renommée à cause de leurs connaissances en jurisprudence et de l'habileté qu'ils déploient à l'enseigner. Les hommes instruits trouvent auprès des grands de cette tribu une haute faveur, un respect profond et de fortes pensions. A l'extrêmité méridionale de leur territoire, du côté du Sous et au pied de l'Atlas, s'élève la ville de Tadnest. C'est là où l'on rencontre la plus étendue de ces forêts et où les chefs des Haha fout leur séjour. Le commandement de cette tribu appartient aux Metzara, une de leurs familles, et est exercé par la branche des Aulad-Ibrahim-Ibu-Saleh. Ibrahim eut pour successeur son fils Hocein et, ensuite, son fils Mohammed. Sous le règne d'Abou-Einan, ils eurent pour chef Ibrahim, fils de Hocein, fils d'Ibrahim-Ibn-Saleh. L'autorité passa d'Ibrahîm à son fils Mohammed, lequel eut pour successeur son cousin EïçaIbn-Khaled-Ibn-Hammad. Celui-ci conserva le pouvoir jusqu'à l'occupation de Maroc, en 776 (1374), par le sultan Abd-erRahman-Ibn-Abi-Ifelloucen. Il fut tué, à cette époque, par le cheikh mérinide, Ali - Ibn- Omar-el-Ourtadjeni de la famille de Ouîghlan. Je ne sais à qui le commandement passa après Eïça. Selon les renseignements qui me sont parvenus, les Haha et les Dokkala paient au gouvernement des impôts considérables.

Cette huile ne devient bonne à manger qu'après avoir subi une espèce de cuisson.

Variante: Metrara.

A la place d'Eïça, les manuscrits et le texte arabe imprimé portent Mohammed. On peut expliquer cette erreur en supposant (ce qui, du reste, est très-probable) que l'auteur, après avoir fait la première rédaction de sou ouvrage, intercala ici le passage qui commence par les mots: Sous le règne d'Abou-Einan el qui finit par Ouighlan.

HISTOIRE DES BENI-YEDDER, ÉMIRS ALMOHADES QUI GOUVERNÈRENT LE SOUS APRÈS LA CHUTE DE LA DYNASTIE D'ABO-EL-MOUMEN.

[DESCRIPTION DE CETTE PROVINCE.]

Abou-Mohammed-Ibn-Younos, vizir almohade de la première classe, appartenait à la tribu des Hintata. Porté au vizirat par El-Morteda, il encourut la disgrâce de son maître et, en l'an 650 (1252-3), il perdit sa place. Les membres de sa famille le voyant obligé de garder les arrêts dans sa maison, à Tamslaht, s'empressèrent tous de s'enfuir, et Ali-Ibn-Yedder, un de ses parents et membre de la famille Badas, chercha un refuge dans le Sous. L'année suivante, Ali se jeta dans la révolte et, après avoir occupé Tansast, château situé à l'endroit où la rivière Sous débouche de l'Atlas, il répara cette place et la mit en état de défense. Il enleva aussi aux Sanhadja le château de Tîsekht, en releva les murailles et y installa une garnison sous les ordres de son cousin Hamdîn'. Il soumit ensuite les plaines du Sous et invita les Beni-Hassan, arabes nomades de la tribu de Makil, à venir le trouver. Ce peuple, qui était alors dans la région située entre le Molouïa et le Rif, se mit aussitôt en marche pour le joindre. Avec l'aide de ses nouveaux alliés, Ibn-Yedder porta le ravage dans le Sous et en soumit aux impôts la majeure partie de la population. Il attaqua ensuite l'officier almohade qui commandait dans Taroudant et intercepta les communications à un tel point que le salut de la ville fut gravement compromis.

L'on soupçonna alors le vizir Abou-Mohammed-Ibn-Younos d'entretenir une correspondance secrète avec son parent; et ses ennemis, étant parvenus à découvrir une lettre adressée par lui au chef rebelle, la mirent entre les mains d'El-Morteda. En l'an 652 (1234), le vizir fut puni de mort par l'ordre de ce prince et Abou-Mohammed-Ibn-Asnag, nommé gouverneur de la province du Sous, se rendit à son poste avec une armée composée d'Almohades et de milices. Ali-Ibn-Yedder se fortifia dans Tîounî

Ci-devant, p. 236, ce nom est écrit Hamidi.

ouin, pendant que le vizir occupait Taroudant, et quand celui-ci vint enfin pour l'attaquer, il lui tua beaucoup de monde et le força à reprendre le chemin de Maroc avec les débris de son armée. En l'an 660 (1261-2), comme il persistait toujours dans sa révolte, El-Morteda envoya dans le Sous une autre armée almohade sous la conduite de Mohammed-tbn-Ali-Azelmat; mais, ce général y essuya une défaite et perdit la vie. Le vizir AbouZeid-Ibn-Igguît reçut alors d'El-Morteda l'ordre de marcher contre l'insurgé. Pendant quelque temps, les deux partis éprouvèrent alternativement les vicissitudes de la guerre; mais, enfin, le vizir s'éloigna sans avoir rien accompli.

Ibn-Yedder acquit alors une grande influence dans le Sous; il prit à son service les Arabes Chebanat et Doui-Hassan et soumit les tribus guezouliennes, ainsi que les Lamta, les Zegguen, les Lakhès, tribus lamtiennes, et les Sanhaga. Les contributions qu'il perçut dans ses nouvelles conquêtes lui fournirent le moyen d'enrôler des soldats et d'organiser un corps de milice composé, dit-on, de mille cavaliers. Dans ses nombreuses rencontres avec les Guezoula, il remporta presque toujours la victoire, grâce à l'appui des Doui-Hassan.

En l'an 665 (1266-7), Abou-Debbous ayant pris possession de Maroc et rétabli l'ordre dans l'empire, entreprit une expédition contre le Sous. En quittant sa capitale, il envoya Yahya-IbnOuanoudîn en avant, afin de lever des troupes parmi les tribus, et, après avoir pris la route de la montagne, il passa par Tamskrout et déboucha dans la plaine du Sous. Arrivé en face du pays des Beni-Badas, tribu d'Ibn-Yedder, il établit son camp à deux lieues de Tiounîouîn. De là, il marcha sur Tizekht et, en traversant Taroudant, il put voir les traces des ravages que le rebelle У avait commis. Parvenu à Tîzekht, il campa dans le voisinage de la place et rassembla une foule de gens des diverses tribus afin d'en faire le siége. Au bout de quelques jours, le gouverneur, Hamdîn, cousin d'Ibn - Yedder, se vit réduit presqu'à la dernière extrêmité et fit avertir secrètement Ali-IbnZegdan, chef mérinide au service d'Abou-Debbous, qu'il était disposé à rentrer dans l'obéissance. Le sultan, ayant eu con

naissance de cette proposition, consentit à lui faire grâce, moyennant la remise de la forteresse; mais déjà ses troupes avaient envahi la montagne et pénétré dans la place. Hamdîn se réfugia dans la tente d'Ibn-Zegdan où il fut retenu prisonnier par l'ordre du sultan. Après cette victoire, Abou-Debbous installa un de ses parents dans le château, en qualité de gouverneur, et marcha contre Ibn-Yedder. Ce chef soutint un siége de plusieurs Jours; mais, à l'aspect des catapultes mises en batterie, il reconnut l'inutilité d'une résistance plus longue et demanda à faire acte d'obeisssance. Le sultan reçut sa soumission, leva le siége et rentra dans sa capitale.

En l'an 668 (1269-70), quand les Mérinides prirent possession de Maroc, Ali-Ibn-Yedder s'empara du gouvernement de Sous et soumit Taroudant, Ifri et toutes les autres villes et places fortes de cette contrée. La sévérité qu'il déploya alors contre les Arabes pomades les mécontenta à un tel point qu'ils marchèrent contre lui, l'an 668, et lui livrèrent une bataille qui se termina par sa mort et la défaite de son armée.

Son neveu et successeur, Ali, fils d'Abd-er-Rahman-Ibn-elHacen-Ibn-Yedder, mourut quelque temps après, et le commandement passa à son frère Ali.

Abou-Ali, fils du sultan Abou-Saîd, ayant obtenu le gouvernement de Sidjilmessa, par suite d'une transaction avec son père, ainsi que nous le raconterons dans l'histoire des Mérinides, établit son autorité dans cette ville et prit à sa solde tous les Arabes de la tribu de Makil. Encouragé, alors, par ses nouveaux alliés à entreprendre la conquête du Sous, et animé par l'espoir de saisir les trésors d'Ibn-Yedder, il partit de Sidjilmessa et força ce chef à se jeter dans les montagnes de Neguîça. Il soumit ensuite les villes du Sous, occupa Tansast, principale forteresse de son adversaire, enleva les trésors qui y étaient déposés et rentra dans sa capitale.

Plus tard, le sultan Abou-'l-Hacen s'empara du Sous et mit fin à la domination des Beni-Yedder. Il prit alors à son service Abd-er-Rahman, fils d'Ali, fils d'El-Hacen, fils de Yedder, qui était venu le trouver, et confia le gouvernement de cette pro

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