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courses dans les environs de la capitale. Les insurgés avaient déjà repoussé les troupes almohades, quand Ibn-es-Chehîd découvrit la trahison d'Ibn-Youwoddjan et alla le tuer chez lui.

Yahya, fils d'En-Nacer, s'étant réfugié dans [Tînmelel], l'asile qu'il s'était choisi, les Almohades prononcèrent sa déposition et firent porter leurs hommages à El-Mamoun. Les meneurs de ce mouvement furent El-Hacen-Abou-Abd-Allah-el-Ghoreigher et le cîd Abou-Hafs, fils d'Abou-Hafs. A cette nouvelle, Yahya, fils d'En-Nacer, et Ibn-es-Chehîd descendirent jusqu'à Maroc et tuèrent les révoltés. Cela eut lieu en l'an 626 (1228-9).

El-Mamoun reçut alors l'adhésion du gouverneur de Fez ainsi que celles de Mohammed, fils d'Abou-Zeid-Ibn-Youwoddjan et gouverneur de Tlemcen, d'Abou-Mouça, fils d'El-Mansour et gouverneur de Ceuta, et de son neveu Ibn-Attas, gouverneur de Bougie. Le gouverneur de l'Ifrîkïa s'abstint de faire acte de soumission, et cette circonstance fut une des causes qui amenèrent l'établissement de la dynastie hafside, ainsi que nous le raconterons plus tard. De toutes les provinces de l'empire, l'Ifrîkïa et Sidjilmessa furent les seules qui restèrent fidèles à Yahya, fils d'En-Nacer.

par

La ville de Cordoue tomba au pouvoir d'El-Baïaci, qui partit ensuite avec le roi chrétien, (auquel il avait cédé Quesada et d'autres forteresses musulmanes) afin d'assiéger El-Mamoun dans Séville. Défait aux environs de cette ville il El-Mamoun, se jeta dans Cordoue; mais, voyant que les habitants avaient pris les armes pour l'expulser de chez eux, il courut se réfugier dans le château d'Almodovar. Son vizir, Abou-Ibourk, profita de cette occasion pour l'assassiner et partit ensuite pour Séville, afin de présenter la tête de sa victime à El-Mamoun.

Ensuite survint la révolte de Mohammed-Ibn-Youçof-IbnHoud qui s'empara de Murcie et d'une grande partie de l'Espagne orientale, ainsi que nous l'avons raconté dans l'histoire de ce prince. El-Mamoun alla l'assiéger; mais, ne pouvant le sou

1 C'est dans la partie inédite de son histoire universelle que notre auteur esquisse l'histoire d'Ibn-Houd.

mettre, il rentra à Séville d'où il partit pour Maroc l'an 626 (1228-9). Appelé en Maghreb par les voeux des habitants qui, déjà, lui avaient transmis l'assurance de leur fidélité, et, encouragé par un message que lui envoya Hilal-Ibn-Hamîdan, émir des Kholt, il traversa le Détroit, emmenant avec lui un corps de troupes chrétiennes que leur roi avait mises à sa disposition, moyennant certaines conditions 1.

Aussitôt qu'il quitta l'Espagne, le peuple de Séville reconnut l'autorité d'Ibn-Houd; et, débarqué en Afrique, il eut à combattre Yahya-Ibn-Nacer qui était venu à sa rencontre. Après avoir taillé en pièces les Almohades et Arabes qui formaient l'armée de son adversaire, il marcha sur la capitale pendant que Yahya courut se réfugier dans la montagne des Hintata.

Arrivé à Maroc, il convoqua les cheikhs almohades, et leur récapitulant les méfaits dont ils s'étaient rendus coupables, il en fit arrêter une centaine des principaux et les envoya à la mort.

1 Le roi chrétien mit à la disposition d'El-Mamoun un corps de douze mille cavaliers, et, en retour de ce service, il obtint la remise de dix forteresses musulmanes situées sur la frontière de son empire et qu'il désigna lui-même. Il lui imposa aussi l'obligation de bâtir, dans la ville de Maroc, pour ces troupes chrétiennes, une église où il leur serait permis de sonner des cloches aux heures de la prière. D'après une autre condition, si l'un de ces soldats voulait embrasser l'islamisme, le sultan devait repousser une telle demande et en renvoyer l'auteur au corps dont il faisait partie pour subir un jugement; et si un musulman se faisait chrétien, on ne devait le punir en aucune façon.

2 L'auteur du Cartas, qui souvent exagère quand il rapporte des nombres, déclare que quatre mille six cents Almohades furent exécutés en cette occasion. Leurs têtes furent plantées sur des lances autour du palais; et, quand un des courtisans se plaignait de la mauvaise odeur qu'elles répandaient, le sultan lui disait : « L'odeur d'un traître » mort ne déplaît qu'aux traîtres; les sujets fidèles la trouvent bonne.>> Il était verseur de sang, dit l'auteur du Cartas, et, dans cette occupation, il ne s'arrêtait pas même pendant le temps d'un clind'œil. Trèsinstruit, du reste, il savait parfaitement le coran, les traditions, l'histoire des anciens arabes, la philologie et les belles-lettres. Il écrivait en arabe avec une rare élégance et se plaisait à lire le Bokhari, le Mowatta, traité de droit de Malek, les traditions d'Abou-Dawoud, et était tout aussi instruit dans les sciences profanes que dans les sciences religieuses.

Ensuite, il adressa un édit à toutes les villes de l'empire, ordonnant, 1° la suppression du nom du Mehdi dans les inscriptions monétaires et dans la prière du vendredi; 2o la suppression de cette partie de l'adan (appel à la prière) qui était conçu en langue berbère et renfermait un pieux souvenir de ce réformateur; 3o la suppression des mots lève-toi et louange à Dieu ! que l'on avait insérés dans l'adan du point du jour. Il défendit plusieurs autres usages introduits par le Mehdi ou par Abd-elMoumen, et suivis par les descendants de celui-ci. Il déclara exécrable la coutume d'appeler le Mehdi l'imam impeccable, et, chaque fois qu'il renouvela ces prohibitions, il en ajouta de nouvelles1. D'après l'engagement pris euvers ses auxiliaires chrétiens, il leur permit de bâtir une église dans la ville de Maroc et d'y sonner leurs cloches.

Ibn-Houd profita de son éloignement pour s'emparer de l'Espagne [musulmane] et en expulser les Almohades. Dans toutes les parties de ce pays, la populace massacra les membres de ce corps, sans même épargner les jours du cid Abou-'r-Rebiâ, neveu d'El-Mansour, qu'El-Mamoun avait laissé dans Cordoue comme gouverneur.

En l'an 627 (1229-30), l'émir de l'Ifrîkïa, Abou-Zékérïa, fils d'Abou-Mohammed et petit-fils du cheikh Abou-Hafs, se déclara indépendant.

[A cette occasion], El-Mamoun nomma son cousin, le cîd Abou-Amran, fils de Mohammed-el-Hardani, au gouvernement de Bougie et lui associa Abou-Abd-Allah-el-Lihyani, frère de l'émir Abou-Zékérïa; puis, ayant été attaqué par Yahya, fils d'En-Nacer, il le défit à deux reprises, massacra ses partisans et fit planter leurs têtes sur les murs de la capitale. Yahya passa alors dans les provinces de Derâ et de Sidjilmessa.

Quelque temps après ces événements, un frère d'El-Mamoun,

1 Dans un de ses discours, prononcé en chaire à la mosquée, il dit à l'assemblée : « Hommes qui m'entendez ! n'appelez pas Ibn-Toumert » l'imam impeccable (masoum); dites plutôt qu'il est le misérable égaré » et coupable (madmoum). Il n'y a point d'autre Mehdi que Jésus.»

appelé Abou-Mouça, se proclama souverain à Ceuta et prit le titre d'El-Mouwéïed (soutenu par Dieu). El-Mamoun sortit alors de Maroc, et, ayant appris, pendant sa marche, que les BeniFazaz et les Meklata bloquaient Miknaça (Mequinez) et en dévastaient les environs, il se porta de ce côté et mit un terme à leurs brigandages. Arrivé sous les murs de Ceuta, il l'assiégea pendant trois mois, sans pouvoir s'en emparer, car son frère AbouMouça venait d'obtenir d'Ibn-Houd, souverain de l'Espagne, le secours d'une flotte et les moyens de faire une vigoureuse résis

tance.

Yahya, fils d'En-Nacer, saisit alors l'occasion de marcher contre Maroc, et soutenu par les Arabes sofyanides sous les ordres de Djermoun-Ibn-Eïça, et par Abou-Saîd-Ibn-Ouanoudin, chef des Hintata, il y pénétra de vive force. Pendant que ces troupes mettaient tout au sac et au pillage, El-Mamoun leva le siege de Ceuta et reprit le chemin de sa capitale; mais, arrivé auprès de l'Omm-Rebiâ, il cessa de vivre.

Sa mort eut lieu vers le commencement de l'an 630 (octobrenovembre 1232) *.

Quand il se fut éloigné de Ceuta, son frère, le cid AbouMouça, fit sa soumission à Ibn-Houd et le mit en possession de cette ville, afin d'obtenir de lui un autre commandement *.

REGNE D'ER-RECHÎD, FILS D'EL-MAMOUN.

Les partisans d'El-Mamoun cachèrent la mort de leur souverain et prêtèrent le serment de fidélité à son fils, Abd-el-Ouahed, auquel ils donnèrent, en même temps, le surnom d'Er-Rechîd (le prudent). Ils pressèrent ensuite leur marche vers Maroc, et ayant rencontré Yahya-Ibn-en-Nacer, qui était venu leur livrer bataille, après avoir établi Abou-Saîd-Ibn-Ouanoudin comme

1 Il mourut auprès du Ouad-el-Abîd, branche supérieure de l'OmmRebià, dans le dernier jour de l'an 629 (17 octobre 1232). (Cartas.) Abou-Mouça reçut d'Ibn-Houd le gouvernement d'Almeria et il

mourut dans cette ville.

son lieutenant dans cette ville, ils tuèrent une grande partie de ses troupes et forcèrent le reste à prendre la fuite. Les habitants de la capitale, surpris par l'arrivée subite d'Er-Rechîd, ne firent qu'une faible résistance et se transportèrent ensuite au camp pour lui jurer fidélité. Le cîd Abou-Mohammed-Sâd, prince qui tenait un haut rang dans l'empire et qui en avait dirigé l'administration avec une autorité absolue, accompagna son neveu ErRechîd dans cette expédition.

Omar-Ibn-Oucarît, grand cheikh des Heskoura, amena alors à Maroc les frères du nouveau souverain. Chassés de Séville par les habitants, ces princes étaient venus se fixer à Ceuta, auprès de leur oncle Abou-Mouça; et, après l'occupation de cette forteresse par Ibn-Houd, ils étaient partis pour se rendre à la capitale en traversant le pays des Heskoura. Depuis quelque temps, Ibn-Oucarît se méfiait d'El-Mamoun3 et n'espérait plus rentrer en grâce, quand il vit arriver ces jeunes gens chez lui et résolut de s'en faire des protecteurs. Accueilli par Er-Rechîd avec une bonté parfaite, il profita de ce retour de fortune pour cultiver l'amitié de Masoud-Ibn-Hamidan, chef des Kholt, et pour faire sa cour au cîd Abou-Mohammed-Såd. A la mort de celui-ci, il se trouva privé d'un ferme appui et rentra bientôt au milieu de sa tribu; retranché dans sa montagne, il jeta le masque, se rangea du côté de Yahya, fils d'En-Nacer, et rallia au parti de ce prince les diverses tribus almohades.

En l'an 631 (1233-4), Er-Rechîd confia à son beau-père*, Abou-'l-Ola-Idris, le commandement de Maroc et sortit pour

La mère d'Er-Rechid, qui était chrétienne de naissance, conduisit avec beaucoup d'habileté l'intrigue qui devait assurer le trône à son fils. Pour gagner l'appui des troupes, elle promit d'imposer une rançon sur la ville de Maroc et de leur en distribuer le montant. Selon l'auteur du Cartas, les habitants eurent à payer cinq cent mille pièces d'or. 2 Variante reçue : Aucarit.

3 Nous devons peut-être lire Er-Rechid.

Ou gendre. Le mot arabe seuher peut signifier beau-père, gendre, beau-frère, car il s'emploie pour désigner celui qui devient le parent d'un autre par un mariage.

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