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En l'an 649 (1222), El-Mostancer transféra son oncle AbouMohammed-el-Adel du gouvernement de Grenade à celui de

Murcie.

Nous allons maintenant faire le récit des troubles qui eurent lieu dans l'empire des Almohades, après la mort d'El-Mostancer.

RÈGNE D'ABD-EL-OUAHED-EL-MAKHLOUE [LE DÉPOSÉ], FRÈRE

D'EL-MANSOUR.

Le 10 de dou-'l-hiddja 620 (janvier 1224) eut lieu la mort d'El-Mostancer'. L'assemblée des cheikhs almohades, présidée par Ibn-Djamê, annonça alors l'avènement du cîd Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed, frère d'El-Mansour, et lui prêta le serment de fidélité.

Le nouveau souverain commença son règne par faire rendre gorge à Ibn-Achrefi et par adresser à son frère, Abou-'l-Ola, un brevet de confirmation dans le gouvernement de l'Ifrîkïa, charge qu'El-Mostancer avait donné l'ordre de lui enlever. Quand ce document arriva à son adresse, Abou-'l-Ola venait de mourir, et ce fut son fils, Abou-Zeid-el-Mochemmer, qui prit le commandement. Nous parlerons encore de ceci dans la notice [des Hafsides] de l'Ifrîkïa.

Le sultan expédia ensuite à Murcie l'ordre de mettre en liberté Ibn-Youwoddjan, et quand Ibn-Djamê chercha à le détourner

Selon l'auteur du Cartas, El-Mostancer fut tué par une vache qui lui donna un coup de corne. Il se plaisait à élever des bœufs de race espagnole et des chevaux qu'il faisait paître dans une vaste prairie aux environs de Maroc. Ce fut eu parcourant ce lieu que lui arriva l'accident dont il mourut.

Au commencement de son règne, il laissa gouverner l'état par ses parents et par les grands chefs almohades; mais, ensuite, il les remplaça par des gens qui ne jouissaient d'aucune considération, et s'abandonna entièrement aux plaisirs. Dès lors, chaque gouverneur de ville et de province agissait à sa fantaisie, sans avoir égard aux ordres du ministre, preuve évidente que la dynastie almohade entrait dans son déclin.

de ce projet, le prisonnier était déjà élargi. Le sultan El-Mostancer, avant de mourir, avait résolu de faire déporter IbnYouwoddjan en Maïorque, et Ibn-Djamê venait d'envoyer son frère, Abou-Ishac, avec la flotte pour exécuter cette commission quand il eut connaissance de la fausse démarche d'Abd-elOuahed.

Abou-Mohammed-Abd-Allah, fils d'El-Mansour et gouverneur de Murcie, commença alors à prêter l'oreille aux suggestions d'Ibn-Youwoddjan qui le poussait à s'emparer du trône, en lui représentant que rien ne lui serait plus facile. Il lui disait aussi qu'il l'avait entendu désigner par El-Mansour comme devant succéder au khalifat après En-Nacer; que le peuple était mal disposé pour Ibn-Djamê et que les gouverneurs des provinces espagnoles étaient tous fils d'El-Mansour [et peu satisfaits, par conséquent, du nouvel ordre des choses]. Comme ce prince avait hésité, jusqu'alors, de reconnaitre la souveraineté de son oncle, il écouta volontiers les conseils d'Ibn-Youwoddjan et se fit proclamer khalife sous le titre d'El-Adel (le juste). Déjà ses frères, Abou-'l-Ola, gouverneur de Cordoue, Abou-'l-Hacen, gouverneur de Grenade, et Abou-Mouça, gouverneur de Malaga, lui avaient prêté, en secret, le serment de fidélité. Un autre personnage éminent, qu'il rallia à son parti, fut le gouverneur de Jaen, Abou-Mohammed-el-Baïaci (natif de Baéça), fils d'AbouAbd - Allah - Mohammed, petit-fils d'Abou - Hafs et arrièrepetit-fils d'Abd-el-Moumen. El-Baïaci s'était décidé à cette démarche, en apprenant que son oncle, Abou-'r-Rebia-IbnAbi-Hafs, avait été nommé au gouvernement de Jaen par Abdel-Quahed-el-Makhlouê. Après avoir effectué sa jonction avec Abou-'l-Ola, gouverneur de Cordoue, Abou-Mohammed-el-Baïaci marcha sur Séville où il gagna encore l'appui d'Abd-el-Azîz, frère d'El-Mansour et d'El-Makhlouê. Quant au cîd Abou-Zeid, fils d'Abou-Abd-Allah et frère d'El-Baïaci, il refusa de coopérer

2

Petit-fils de Youçof, selon le Cartas.

2 Dans le texte arabe, l'auteur a écrit, par erreur, akhi à la place d'akhou.

à la révolte et garda sa fidélité envers le souverain de Maroc. ElAdel partit alors de Murcie et fit, avec Ibn-Youwoddjan, son entrée à Séville.

Aussitôt que cette nouvelle fut connue à Maroc, les Almohades répudièrent l'autorité d'Abd-el-Ouahed et reléguèrent IbnDjamê dans le pays des Heskoura. Abou-Zékérïa-Yahya, fils d'Abou-Yahya-es-Chehîd, prit alors le commandement du pays des Hintata, et Youçof-Ibn-Ali s'empara de l'autorité à Tînmelel. Abd-el-Ouahed-el-Makhloué avait transmis à Abou-Ishac-IbnDjamê [frère du vizir] l'ordre d'occuper le Détroit avec la flotte, afin d'empêcher les révoltés de passer en Afrique. Il avait même fait prévenir secrètement [le vizir] Ibn-Djamê d'agir en sa faveur aussitôt qu'il serait arrivé chez les Heskoura; mais il fut lui-même mis à mort dans un endroit caché, avant que ses plans eussent reçu leur exécution. Il mourut dans le mois de Rebiâ 624 (mars-avril-mai 1224). Les Almohades envoyèrent alors à El-Adel l'assurance de leur dévouement.

RÈGNE D'EL-ADEL, FILS D'EL-MANSOUR.

El-Adel venait de recevoir l'adhésion des Almohades et une lettre dans laquelle Abou-Zékérïa, fils du Chehîd lui racontait le sort du prince détrôné, lorsqu'il apprit qu'El-Baïaci, contre lequel on l'avait indisposé, s'était fait proclamer khalife à Baéza, sous le titre d'Ed-Dafer (le triomphant). Vivement préoccupé de

* Les grands officiers almohades, séduits par les promesses d'ElAdel, menacèrent de mort le sultan Abd-el-Ouahed s'il n'abdiquait pas en faveur de son neveu, et, ne pouvant le faire plier à leur volonté, ils le déposèrent juridiquement, l'étranglèrent treize jours plus tard, s'emparèrent de ses richesses et laissèrent violer son harem. Ce fut ainsi, dit Ibn-Abi-Zerâ, l'auteur du Cartas, que le corps des Almohades commença une série de trahisons qui le rendirent aussi fatal à la dynastie d'Abd-el-Moumen que la milice turque de Baghdad l'avait été aux khalifes abbacides. - El-Makhlouê mourut le 5 Ramadan (22 septembre), selon le Cartas.

Voy. ci-devant p. 214.

ce contre-temps, il donna à son frère, Abou-'l-Ola, l'ordre d'aller assiéger la ville dans laquelle le prétendant s'était enfermé, et comme elle résista vigoureusement à cette attaque, il chargea Abou-Said le hafside du soin de mettre les révoltés à la raison. Cette nouvelle tentative eut le même sort que la première et fit prendre aux affaires de l'Espagne une tournure peu favorable à la cause d'El-Adel.

Pendant que ce monarque se tenait dans Murcie, les chrétiens envahirent, à plusieurs reprises, le territoire de cette ville ainsi que les environs de Séville, et les troupes almohades essuyèrent une défaite à Tejada. Cédant alors aux conseils de ses courtisans, il renvoya Ibn-Youwoddjan à Ceuta, et, ne pouvant soumettre El-Baïaci qui avait consolidé sa puissance avec l'appui des chrétiens, il traversa le Détroit, après avoir confié à son frère, Abou-'l-Ola, le gouvernement de l'Espagne.

Débarqué au Casr-el-Medjaz, il y reçut la visite d'Obbou (Abou-Mohammed), fils d'Abou-Mohammed et petit-fils d'AbouHafs, et lui ayant demandé comment il se portait, il obtint cette réponse :

Mon état est si bon que le fils de Mansour n'a qu'à l'apprendre pour voir la fortune elle-même lui devenir favorable. Charmé de ce vers [qui lui paraissait de bonne augure], il en nomma l'auteur gouverneur de l'Ifrîkïa.

Il écrivit alors à son cousin, le cid Abou-Zeid, de venir le rejoindre et se rendit à Salé, d'où il envoya chercher les cheikhs de la tribu de Djochem. Comme Ibn-Youwoddjan s'était lié d'amitié avec Hilal-Ibn- Hamîdan-Ibn-Moccadem, émir des Kholt, Ibn-Djermoun, l'émir des Sofyan, s'abstint d'obeir à l'invitation, de sorte qu'un conflit eut lieu entre les deux tribus.

El-Adel se rendit à Maroc en toute hâte et prit pour vizir Abou-Zeid, fils d'Abou-Mohammed et petit-fils du cheikh AbouHafs. Ibn-Youwoddjan, tombé en disgrâce, médita quelque trahison, pendant qu'Ibn-es-Chehîd et Youçof-Ibn-Ali, cheikhs des Hintata et des Tînmelel, établissaient leur ascendant à la

Voy. p. 485 de ce vol., n. 4.

cour. Aussi, quand il marcha, plus tard, contre les Heskoura et les Kholt qui étaient venus dévaster les environs de Maroc, il se garda bien de remplir son devoir et donna aux révoltés l'occasion de ravager la province de Dokkala.

Ibrahîm, fils d'Ismaïl et petit-fils du cheikh Abou-Hafs, le même qui avait essayé d'enlever le gouvernement de l'Ifrikïa aux enfants d'Abou - Mohammed, fait dont nous parlerons ailleurs, reçut alors d'El-Adel le commandement d'une armée almohade et alla combattre les insurgés. Dans la bataille qui s'ensuivit, il perdit la journée et la vie. A la suite de cette affaire, Ibn-es-Chehîd et Youçof-Ibn-Ali se rendirent au milieu de leurs tribus respectives, afin de lever assez de troupes pour repousser les Heskoura; mais ayant alors conçut la pensée d'ôter le trône à El-Adel et d'y porter Yahya, fils d'En-Nacer, ils marchèrent sur Maroc, pénétrèrent de vive force dans le palais et le livrèrent au pillage. El-Adel y mourut étranglé, au commencement du mois de choual 624 (septembre 1227)'.

RÈGNE D'EL-MAMOUN, FILS D'EL-MANSOUR.
YAHYA, FILS D'EN-NACER.

SA GUERRE AVEC

Quand [Abou-'l-Ola-Idrîs] El-Mamoun apprit que les Almohades et les Arabes avaient répudié l'autorité de son frère [El-Adel], il se fit proclamer souverain à Séville et rallia à sa cause la grande majorité du peuple espagnol. Le cîd Abou-Zeid lui-même, gouverneur de Valence et de l'Espagne orientale, lui prêta le serment de fidélité. La révolte des Almohades contre El-Adel eut pour suites la mort de ce prince et l'inauguration de Yahya, fils d'En-Nacer et neveu d'El-Mamoun. Celui-ci écrivit alors secrètement à Ibn-Youwoddjan, l'invitant à susciter des embarras au gouvernement marocain, et ce fonctionnaire y répondit en poussant les Heskoura et les Arabes à faire des

1 Les Almohades voulaient contraindre El-Adel à abdiquer, et, sur son refus, les uns le tinrent la tête plongée dans le bassin d'un jetd'eau, pendant que les autres l'étranglèrent avec la toile de son propre turban.

(Cartas.)

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