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cipaux guerriers, qui s'étaient réfugiés dans le château d'ElArk, se rendirent à discrétion. El-Mansour les échangea plus tard contre un nombre égal de musulmans. Abou - Yahya→ [Abou-Bekr], fils d'Abou-Hafs, gagna le martyre dans cette bataille, après y avoir déployé la plus grande bravoure, et, pour cette raison, on donna à ses descendants le nom de Beni-'sChehid (les enfants du martyr).

A la suite de cette victoire, El-Mansour rentra à Séville d'où il sortit, l'année suivante, pour faire une expédition vers les pays du nord. Il y détruisit plusieurs villes et châteaux, notamment Truxillo et Talavera; puis, ayant insulté Tolède, dont il ravagea les campagnes et enleva les troupeaux, il reprit le che

min de Séville.

L'an 593 (4196-7), quand il fut de retour dans cette ville, il fit emprisonner le cadi Abou-'l-Ouélid-Ibn-Rochd que l'on accusait d'entretenir des opinions peu orthodoxes et d'en avoir consigné une partie dans ses écrits 2; mais, plus tard, il lui rendit la liberté et le fit venir à la capitale [Maroc] où il mourut. Voulant alors envahir les états du roi de Castille, il quitta encore Séville; mais, au moment où il avait établi son camp auprès de Tolède, on vint le prévenir que le seigneur de Barcelone avait marché pour soutenir le fils d'Alphonse et que l'armée combinée

1 Il s'agit ici du célèbre médecin, philosophe et légiste appelé Averroës par les Européens. Il mourut à Maroc en 594 ou 595 (1498-9). Sa vie se trouve dans l'Histoire des Médecins d'Ibn--Abi-Osaïbïa et a été traduite en Anglais par M. de Gayangos. Voy. sa traduction d'El- Makkari, v. 1, Appendice, p. XVII.

2 El-Merrakchi, qui raconte plusieurs anecdotes d'Averroës, nous apprend, au sujet de son arrestation, que ses ennemis avaient fait voir au sultan une note écrite de la main du philosophe et renfermant les mots suivants: Il parait donc que Vénus était une des divinités. Ce passage, dit notre auteur, se rapportait à la doctrine de quelque ancien philosophe. Le sultan en fut tellement scandalisé qu'il fit chasser Averroes de sa présence et défendit l'étude des sciences philosophiques. Plus tard, cependant, il changea d'idée, et, s'étant lui-même adonné à ce genre d'études, il fit venir Averroës à Maroc et le traita avec une grande bienveillance.

se trouvait dans la plaine de Madjerit (Madrid). Il se porta aussitôt à leur rencontre, et, à peine se fut-il montré à l'ennemi, que les troupes du roi de Castille opérèrent leur retraite, sans vouloir entamer le combat.

Rentré à Séville, il céda aux sollicitations des rois chrétiens et leur accorda une trève; puis, en l'an 594 (1197-8), il traversa le Détroit, après avoir nommé son fils, le cîd Abou-Zeid, gouverneur de Séville. Au cid Abou-'r-Rebià-Ibn-Abi-Hafs, il accorda le gouvernement de Badajos, et, au cîd Abou-Abd-Allah, frère de celui-ci, il confia le commandement d'El - Maghreb [l'Espagne occidentale]. Quand il fut revenu dans sa capitale, il éprouva les atteintes de la maladie qui devait l'emporter, et il consigna alors ses dernières volontés dans un écrit que tout le monde lit encore avec empressement. Ce testament politique cut pour témoin Eïça-Ibn-Abi-Hafs. El-Mansour mourut vers la fin du mois de rebiâ de l'an 595.

IBN - MONKED ARRIVE A EL-MEHDÏA, CHARGÉ D'UNE MISSION PAR LE SOUVERAIN DE L'ÉGYPTE.

Quatre-vingt-dix ans s'étaient écoulés depuis que les Francs avaient subjugué les régions maritimes de la Syrie et pris possession de Jérusalem, conquêtes qu'ils avaient effectuées pendant le déclin de l'empire fatemide. Salah-ed-Din (Saladin), fils d'Aïoub, ayant soumis l'Egypte et la Syrie, résolut d'entreprendre la guerre sainte et de marcher contre les infidèles. I s'empara successivement de toutes leurs places fortes, prit, enfin, la Ville sainte en l'an 583 (septembre 1187) et abattit l'église qu'ils avaient élevée sur l'emplacement du temple. Cet événement mit en émoi toutes les populations de la chrétienté et elles opposèrent tant d'obstacles au passage des navires musulmans, qu'en l'an 585, Salah-ed-Dîn se vit obligé de demander à El

1 En Rebîa premier (janvier 1199), selon le Cartas; en Safer (décembre 1498), selon El-Merrakchi.

Mansour l'appui de sa flotte afin de pouvoir mener le siége d'Acre, de Tyr et de Tripoli. A cet effet, il lui envoya comme ambassadeur Abou-'l-Hareth-Abd-er-Rahman, dernier survivant des Beni-Monked, famille qui, pendant la décadence de l'empire fatemide, s'était rendue maîtresse de Cheizer, forteresse de la Syrie.

Lors de la conquête de l'Egypte et de la Syrie, Salah-ed-Dîn avait obtenu des Beni-Monked la remise de leur château, et, voulant maintenant leur donner un témoignage de la satisfaction que lui causa leur prompte soumission, il nomma Ibn-Monked son ambassadeur auprès d'El-Mansour.

Cet envoyé partit pour le Maghreb, emportant avec lui, comme cadeau pour le sultan almohade, deux corans écrits en caractère mensoub', cent drachmes de baume, vingt ratls de bois d'aloès, six cents mithcals de musc et d'ambre gris, cinquante arcs arabes garnis de leurs cordes, vingt lances indiennes et plusieurs selles brodées en or. Arrivé à sa destination, il apprit qu'El-Mansour était en Espagne; aussi, il attendit à Fez le retour de ce monarque, afin de lui faire part de l'objet de sa mission. Comme El-Mansour s'excusa de ne pouvoir accéder à la demande de Salah-ed-Din, Ibn-Monked s'en retourna en Egypte. L'on dit, cependant, que, plus tard, le sultan africain envoya à Salah-ed-Din cent quatre-vingts navires et que cette flotte empêcha les chrétiens d'aborder en Syrie.

RÈGNE D'EN-NACER, FILS D'EL-Mansour.

Après la mort d'El-Mansour, son fils et successeur désigné, Mohammed, se chargea de l'autorité souveraine et prit le titre d'En-Nacer-li-Dîn-Illah (le champion de la religion de Dieu). Il confia le vizirat à Abou-Zeid-Ibn-Youwoddjan, neveu d'Abou

1 Le genre d'écriture appelé mensoub était très-admiré et paraît avoir été une modification du caractère coufique.

2 Le mithcal pèse la huitième partie d'une once, et le ratl une livre.

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Hafs; mais, quelque temps après, il remplaça ce fonctionnaire par Abou-Mohammed, fils du même cheikh. Au cîd Abou-'lHacen, fils du cîd Abou - Hafs, il confia l'administration de Bougie. Ayant appris, l'an 596 (1499-20), que l'ennemi ravageait l'Ifrîkïa, que les Arabes y répandaient la dévastation et que le cîd Abou-'l-Hacen s'était enfui de Constantine' devant les armes victorieuses d'Ibn-Ghanîa, il plaça le cid Abou-Zeid, fils du [cîd] Abou-Hafs, à la tête d'un corps de troupes almohades et lui ordonna d'aller tenir garnison à Tunis. Il y envoya aussi, comme lieutenant de ce prince, Abou-Saîd, fils du cheikh AbouHafs 2. Pendant qu'il faisait ces dispositions, Ibn-Ghanîa soumit la forteresse d'El-Mehdïa et, en l'an 598, un membre de la tribu de Guezoula, appelé Abou-Cafsa, suscita une révolte dans le Sous. Une armée almohade, envoyée par En-Nacer contre les insurgés de cette province les dispersa et tua leur chef.

Ce fut sous le règne d'En-Nacer que s'effectua la conquête de Maïorque, ainsi que nous allons le raconter.

CONQUÊTE DE MAÏORQUE.

Quand Ali et Yahya, fils de Ghanîa, partirent pour l'Ifrîkïa après avoir confié à leur frère, Talha3, le gouvernement de Maïorque, un autre de leurs frères, Mohammed-Ibn-Ishac [qu'ils avaient déposé], noua des intelligences avec quelques hommes de

4 On lit dans El-Merrakchi : « Abou-'l-Hacen rencontra le maíorcain » (Ibn-Ghanîa) entre Constantine et Bougie, dans le voisinage de la >> première de ces villes. Ses partisans, les Almohades, furent mis en » déroute et il dut rentrer à Bougie. »

Abou-Hafs-Omar, aïeul des Hafsides, portait chez les Almohades le titre honorifique de cheikh. Un des princes de la famille d'Abd-elMoumen et contemporain d'Abou-Hafs-Omar, portait le même nom que lui, mais avec le titre de cid. - Voy. ci-devant, p. 89, note.

• En comparant ce chapitre avec l'autre sur le même sujet, p. 86 de ce vol., on pourra y remarquer quelques différences dans les détails et quelques contradictions. Comme elles ne sont pas très-importantes, nons ne les relèverons pas.

la basse classe et parvint à se faire tirer de prison. Aussitôt qu'il cut recouvré la liberté, il fit proclamer dans l'île la souveraineté d'El-Mansour et chargea Ali-Ibn-ez-Zoborteir, qui avait été élargi en même temps que lui, de porter à ce monarque un acte d'hommage et de fidélité. El-Mansour y répondit par l'envoi d'une flotte sous les ordres d'Abou-'l-Ola-Ibn-Djamê, auquel il avait donné l'ordre de s'emparer de l'île. Indigné d'un tel procédé, Mohammed - Ibn - Ishac demanda secours au prince chrétien qui commandait à Barcelone. Il offrit même de prendre à sa solde les troupes que ce monarque lui fournirait; mais les habitants de Maïorque, craignant la vengeance d'El-Mansour, expulsèrent Mohammed de chez eux et confièrent le gouvernement de l'île à son frère Tachefîn.

Ali-Ibn-Ghana apprit cette nouvelle pendant qu'il faisait le siége de Constantine, et il donna à ses frères, Abd-Allah et Ghazi, l'ordre de partir pour Maïorque. Ces deux princes, ayant gagné une partie des habitants, déposèrent Tachefîn et donnèrent le commandement à Abd-Allah. El-Mansour mit alors Abou'l-Ola-Ibn-Djamê à la tête d'une flotte et l'envoya contre l'île; d'autres expéditions s'y firent ensuite sous la conduite du même officier, et, plus tard, sous celle de Yahya, fils du cheikh AbouIbrahim-el-Hezerdji; mais les habitants leur opposèrent, chaque fois, une résistance vigoureuse et leur tuèrent beaucoup de monde. Il en résulta que, vers l'année 583 (1187), Abd-Allah avait parfaitement raffermi son autorité.

Après la mort d'El-Mansour, En-Nacer fit envahir Maïorque par une flotte sous les ordres de son oncle, le cid Abou-'l-Ola, et du cheikh Abou-Said, fils d'Abou-Hafs. Ces chefs, ayant assiégé Abd-Allah, qui s'était vu abandonner par le peuple et par son frère Tacheffn, emportèrent la ville d'assaut et en massacrèrent les habitants.

Après cette conquête, le cid Abou-'l-Ola donna le commandement de l'île à Abd-Allah-Ibn-Tâ-Allah-el-Koumi et partit pour Maroc. Plus tard, En-Nacer y envoya comme gouverneur le cîd Abou-Zeid et nomma Ibn-Tâ-Allah chef de son armée de mer. Le cid Abou-Zeid cut pour successeur le cîd Abou-Abd-Allah, fils

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