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ver à la suite de son expédition [en Espagne], et, sur le champ, l expédia son neveu, le cîd Abou-Zeid, fils.du cîd Abou-Hafs, contre [Ali-]Ibn-Ghanîa. Il donna en même temps le commandement de sa flotte à Mohammed-Ibn-Abi-Ishac-Ibn-Djamê, sous les ordres duquel il plaça Abou-Mohammed - Ibn-Attouch et Ahmed-es-Sacalli (le sicilien).

Le cîd Abou-Zeid, étant arrivé à Tlemcen, dont il trouva les fortifications parfaitement restaurées, grâce aux soins de son frère, le cîd Abou-'l-Hacen, qui y exerçait le commandement, continua sa marche en faisant proclamer une amnistie générale. Les habitants de Milîana prirent aussitôt les armes et chassèrent de leur ville le membre de la famille Ghania qui en avait reçu le commandement. La flotte du khalife s'étant emparé d'Alger, vers la même époque, Yahya-Ibn-[Akhi-]Talha tomba entre les mains des Almohades et fut mis à mort, ainsi que Yedder-Ibn-Aïcha. On les exécuta ensemble dans [la ville de] Chelif où Yedder avait été amené prisonnier après son arrestation à Omm-el-Alou. Ahmed-es-Sacalli dirigea ensuite son escadre contre Bougie et s'en rendit maître, mais Yahya-Ibn-Ghanîa parvint à rejoindre son frère qui tenait encore la ville de Constantine assiégée.

Le cîd Abou-Zeid ayant occupé Tiklat, y fit la rencontre du cîd Abou-Mouça qui venait de recouvrer la liberté, et marcha ensuite contre l'ennemi. Par cette démonstration, il força IbnGhanîa de lever le siége de Constantine et de se retirer vers le Désert. Il continua la poursuite des fuyards jusqu'à Nigaous, en passant par Maggara; mais, ensuite, il rebroussa chemin et alla s'installer dans Bougie.

Quant à Ibn-Ghania, il atteignit Tripoli après s'être emparé de Cafsa et avoir assiégé, sans succès, la ville de Touzer. Un de ses partisans, nommé Ghazzi le sanhadjien, se mit alors en campagne avec quelques tribus arabes et s'empara d'Achîr; mais, ayant été attaqué par un corps de troupes que le cîd AbouZeid avait fait marcher de ce côté, sous la conduite de son fils Abou-Hafs et de Ghanem-Ibn-Merdenîch, il perdit la vie, et ses partisans laissèrent prendre leurs tentes et leurs bagages. On envoya sa tête à Bougie où elle fut plantée sur une lance;

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puis, on y exposa aussi la tête de son frère Abd-Allah. La famille Hamdoun, ayant été soupçonnée de favoriser Ibn-Ghanîa, fut déportée de Bougie à Salé, et, d'après l'ordre du khalife, le cîd Abou-Zeid fut rappelée à la capitale et remplacé, à Bougie, par son frère le cîd Abou-Abd-Allah.

Pendant que ces événements se passaient, on apprit qu'Ibn-ezZoborteir s'était rendu maître de Maïorque. [Nous avons déjà mentionné que 1] sur la demande de Mohammed[-Ibn-Ishac]-IbnGhanîa, l'émir Youçof, fils d'Abd-el-Moumen, avait envoyé Ibnez-Zoborteir dans cette île pour inviter tous les membres de la famille Ghania à se rallier aux Almohades. Les frères de Mohammed virent de mauvais œil l'arrivée de cet officier; ils l'emprisonnèrent ainsi que Mohammed, prirent pour chef leur frère Ali et s'embarquèrent pour Bougie, Ibn-ez-Zoborteir profita de leur départ pour se ménager des intelligences avec leurs esclaves chrétiens, auxquels il promit la permission de rentrer dans leur pays avec leurs femmes et leurs enfants, pourvu qu'ils l'aidassent à sortir de prison. Avec leur concours et leur appui, il surprit la citadelle, délivra Mohammed-Ibn-Ishac et partit avec lui pour la capitale de l'empire.

Ibn-Ghanîa apprit cette nouvelle à Tripoli et expédia aussitôt son frère Abd-Allah en Sicile. De là, ce chef fit voile pour Maïorque où il effectua son débarquement auprès d'un village, et réussit, par un stratagème, à s'emparer de la ville principale.

Le feu de la guerre brûla toujours en Ifrikïa avec une grande intensité; Ali-Ibn-Ghanta ayant assiégé et emporté d'assaut la plupart des villes situées dans le Djerîd. En l'an 582 (1186–7), lorsqu'on sut à Maroc qu'il avait pris Cafsa, le khalife El-Mansour marcha en personne pour étouffer la révolte. Arrivé à Fez, il y prit quelques jours de repos et, s'étant ensuite rendu au ribat de Tèza, il partit, de là, pour Tunis, à la tête d'une armée parfaitement équipée. Ibn-Ghanîa rassembla aussitôt ses Almoravides ainsi que les Arabes nomades qui avaient embrassé sa cause, et se mit en campagne avec Caracoch-el-Ghozzi, seigneur

1 Ci-devant, p. 88.

de Tripoli. Arrivé à Ghomert, il rencontra un corps de troupes qu'El-Mansour avait expédié contre lui et dont le commandement fut exercé par le cîd Abou-Youçof, fils du cîd Abou-Hafs. Dans le combat qui s'ensuivit, les Almohades furent mis en déroute et Ali-Ibn-ez-Zoborteir perdit la vie ainsi qu'Abou-Ali-Ibn-Yaghmor. Le vizir Omar-Ibn-Abi-Zeid y succomba aussi, car il ne reparut plus. Une partie des fuyards fut poursuivie, l'épée dans les reins, jusqu'à Cafsa, mais le reste parvint à se réfugier dans Tunis.

El-Mansour, voulant réparer cet échec, se rendit à Cairouan d'où il se porta rapidement jusqu'à El-Hamma. Les deux armées s'attaquèrent alors avec un acharnement extrême et la bataille se termina par la défaite des partisans d'Ibn-Ghanîa, lequel, ainsi que son allié, Caracoch, ne parvint à s'échapper qu'avec beaucoup de peine. Ayant exterminé presque tous ses adversaires, El-Mansour attaqua, le lendemain, la ville de Cabes et s'en empara. Il y trouva et embarqua pour Tunis une partie du harem d'Ibn-Ghanîa et quelques-uns de ses enfants. Tournant ensuite ses armes contre la ville de Touzer, il la prit d'assaut, massacra tout ce qui s'y trouva et, se présentant ensuite devant Cafsa, il contraignit la garnison à se rendre à discrétion après un siége de quelques jours. Il fit grâce de la vie aux habitants et aux Ghozz qui avaient accompagné Caracoch, mais il passa au fil de l'épée tous les Almoravides et les contingents [arabes] qui s'y étaient enfermés. Il démolit les fortifications de cette ville et se rendit à Tunis d'où il partit pour le Maghreb, en l'an 584 (1488), après avoir installé le cîd Abou-Zeid dans le gouvernement de l'Ifrîkia. La route qu'il suivit le mena auprès d'ElMehdïa, d'où il traversa le Désert jusqu'à Tèhert, et il arriva heureusement à Tlemcen, grâce à l'habileté de l'émir toudjinite, El-Abbas-Ibn-Atïa, qui lui servit de guide. Avant de continuer sa route pour Maroc, il ôta le gouvernement de Tlemcen à son oncle, le cîd Abou-Ishac, sur le compte duquel il avait appris des choses qui ne lui plaisaient pas. Pendant qu'il se dirigeait vers sa capitale, on lui dénonça la conduite de son frère, le cîd AbouHafs-er-Rechid, gouverneur de Murcie, et celle de son oncle, le

cîd Abou-'r-Rebiâ, gouverneur de Tedla, qui avaient voulu usurper le trône du khalifat, en apprenant la nouvelle de la défaite essuyée par les Almohades à Ghomert. Ces princes étant venus le complimenter sur son retour, il les fit emprisonner à Ribat-el-Feth en attendant le résultat d'une enquête, et, quelque temps après, il ordonna leur mort.

Le cîd Abou-'l-Hacen, fils du cîd Abou-Hafs, reçut du khalife le gouvernement de Bougie, marcha de cette ville contre Yahya-Ibn-Ghanïa et occupa Constantine, forteresse dont son adversaire voulait s'emparer. Ibn-Ghanîa prit la fuite et se dirigea vers Biskera qu'il emporta d'assaut, après avoir abattu les dattiers des environs. Ensuite, il revint attaquer Constantine, et, ne pouvant s'en emparer, il alla faire le siége de Bougie. Nous raconterons plus loin de quelle manière il termina sa carrière de rapine et de dévastation.

YACOUB-EL-MANSOUR ENTREPREND LA GUERRE SAINTE.

Yacoub-el-Mansour, ayant appris par une dépêche du cîd Abou-Youçof le hafside, gouverneur de Séville, que les chrétiens s'étaient emparés de la ville de Silves, et qu'après avoir battu l'armée de Séville, ils avaient fait plusieurs incursions dans le territoire de cette ville et détruit quelques châteaux des environs, fit proclamer la guerre sainte, l'an 586 (1190), et se rendit à Casr-Masmouda. Après y avoir pris quelque repos, il traversa le Détroit et se dirigea, à marches forcées, de Tarifa à Silves. Les troupes andalousiennes opérèrent leur jonction avec lui sous les murs de cette place et restèrent pour la tenir bloquée, pendant qu'il alla lui-même s'emparer du château de Torrès (HisnTorrech).

L'année suivante, il quitta Séville pour reprendre le siége de Silves, et, quand il s'en fut rendu maître, il vit arriver la colonne d'Ibn-el-Ouézîr qui venait d'enlever plusieurs forteresses à l'ennemi. Le but de cette expédition ayant été atteint, il repartit pour la capitale de ses états, d'où il envoya à son fils,

y

En-Nacer, un acte par lequel il le constitua son successeur. En l'an 588 (1192), le cîd Abou-Zeid, gouverneur de l'Ifrîkïa, arriva à la cour avec les chefs des Beni-Hilal et des Beni-Soleim, tribus arabes. El-Mansour accueillit cette députation avec bienveillance et la congédia très-honorablement. L'an 590, il apprit qu'Ibn-Ghanîa était encore devenu redoutable en Ifrîkïa et qu'il faisait des ravages affreux. Cette nouvelle le décida à marcher en personne contre les insurgés; mais, quand il fut parvenu à Miknaça (Mequinez), il reçut des renseignements très-inquiétants sur la situation de l'Espagne. S'étant dirigé, en conséquence vers ce pays; il arriva à Cordoue, l'an 591 (1195), où il se reposa trois [jours], pendant que les troupes lui arrivaient de tous les côtés; et, après avoir marché à la rencontre de l'ennemi, il prit position à El-Ark (Alarcos), dans le district de Badajos 1. Les forces chrétiennes s'avancèrent sous la conduite de trois chefs, Ibn-Adfounch, Ibn-er-Renk et El-Bebboudj. Alors, en un tel jour de l'an 594, se livra une bataille dans laquelle AbouMohammed, fils d'Abou-Hafs, commanda les corps des volontaires, et son frère, Abou-Yahya, les Almohades et les autres troupes. Dans cette journée célèbre, trente mille chrétiens furent taillés en pièces, le reste prit la fuite et cinq mille de leurs prin

La ville d'Alarcos n'existe plus, à moins qu'elle n'ait changé de nom. Il y a bien, en Espagne, quelques villes d'Arcos, mais elles sont différentes de celles dont il s'agit ici. (Audiffret, dans la Continuation de l'Art de vérifier les dates, t. II, p. 40, de l'édit. in-8°.)

2 Abd-el-Ouahed-el-Merrakchi dit (p. 235 du texte arabe) que, de son temps (1224 de J.-C.), quatre rois chrétiens régnaient en Espagne : « El-Adfounch (Alphonse), roi du grand royaume appelé Cachetal » (Castille); El-Bebboudj, c'est-à-dire le baveux, roi de Léon; Ibn-er» Renk (le fils d'Henriquez), roi de l'Espagne occidentale, et le roi » d'Aragon. » Le même historien nous fait observer que le mot bebboudj n'appartient pas à la langue arabe, mais il ne nous apprend pas pourquoi un tel terme était devenu le sobriquet du roi de Léon.Ajoutons ici que les musulmans désignaient le roi d'Aragon par le titre de seigneur de Barcelone.

• Cette bataille fut livrée le 18 juillet 4495 (8 Châban 594). —(Cartas ; Ferreras.)

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