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Cordoue, siége du khalifat. Nous avons déjà parlé de ces événements [dans l'histoire des dynasties espagnoles].

A la mort d'Ali, son fils Yahya, auquel il avait asssigné le gouvernement de Tanger, passa en Espagne avec l'intention de disputer le pouvoir à son oncle El-Cacem. Idrîs, frère de Yahya, prit alors le commandement de Tanger et parvint à étendre son autorité sur toutes les parties du pays des Ghomara qui avaient obéi à son père. Quand son frère Yahya mourut à Malaga, il traversa le Détroit, rallia autour de lui tous les partisans de sa famille et nomma son neveu, Hacen-Ibn-Yahya, gouverneur de Tanger et de Ceuta. Ce jeune prince partit pour sa destination, accompagné de l'eunuque Nedja, qui devait lui servir de surveillant et de directeur.

Lors de la mort d'Idrîs, [son vizir] Ibn-Bacanna tenta d'usurper le commandement à Malaga; mais Nedja se transporta en Espagne avec Hacen-Ibn-Yahya et s'établit dans cette ville. Ayant alors placé son pupille sur le trône du khalifat, il s'en retourna à Ceuta, pour prendre le gouvernement du pays des Ghomara; mais, après la mort de Hacen, il repassa en Espagne avec l'intention d'y usurper le pouvoir. Avant de partir, il confia le gouvernement de la province africaine à un affranchi esclavon d'une fidélité éprouvée.

Dès lors, les villes de Ceuta et Tanger furent gouvernées par des lieutenants esclavons jusqu'à ce qu'elles passèrent sous le commandement du chambellan Soggout-el-Berghouati, client de la famille d'Idris. Fait prisonnier dans sa jeunesse par un corps de troupes que les Idrîcides avaient envoyé contre les Berghouata, Soggout fut vendu au cheikh Haddad, affranchi d'un. de ces princes. Etant ensuite passé sous le pouvoir d'Ali-IbnHammoud, l'idricide, il s'éleva par ses talents à une haute position sous cette dynastie et finit par s'asseoir sur le trône de Tanger et Ceuta. Après avoir obtenu la soumission des tribus ghomarides, il commença un règne qui devait se prolonger jusqu'à l'établissement de l'empire almoravide. Alors, les Maghraoua de Fez, vaincus par Youçof-Ibn-Tachefin, se réfugièrent dans Ed-Demna, ville située à l'extrêmité de la grande plaine du

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Maghreb, sur les confins du pays des Ghomara. Youçof y mit le siége en l'an 474 (1078-9) et somma Soggout de lui prêter son appui. Le premier sentiment du chambellan le portait à obéir, mais il s'en laissa détourner par les conseils de son fils El-Caïler-Raï2. Youçof écrasa ses adversaires à Ed-Demna, acheva la conquête du Maghreb par la prise d'Aloudan, forteresse du pays des Ghomara qu'il ne pouvait pas laisser derrière lui, et envoya contre Soggout un corps d'armée sous les ordres de Saleh-IbnAmran, général lemtounien. Déjà les sujets de Soggout se félicitaient de l'approche des Almoravides et s'apprêtaient à courir audevant d'eux, quand ce chef s'écria: « Je jure que Saleh ne >> fera jamais entendre à aucun de mes sujets le roulement d'un >> tambour almoravide! » S'étant alors rendu à Tanger où son fils Dia-ed-Dola-el-Ezz commandait en son nom, il mit une armée sur pied et marcha contre l'ennemi. Il s'ensuivit, aux environs de Tanger, une bataille acharnée dont le résultat fut la mort de Soggout qui [âgé alors de 86 ans 3] se jeta au-devant des lances almoravides, en voyant écraser ses partisans sous la meule de la guerre. Les Almoravides s'emparèrent de Tanger, et Dia-ed-Dola chercha un refuge dans Ceuta.

Comme le roi chrétien s'acharnait alors sur les provinces de l'Espagne musulmane, Ibn-Abbad [roi de Séville] fit inviter l'Emir des Musulmans, Youçof-Ibn-Tachefin, à remplir ses promesses en secourant les vrais croyants contre les infidèles. Touché par cet appel et par les pétitions que lui adressèrent toutes les populations [musulmanes] de l'Espagne, Youçof fit avec un grand empressement ses préparatifs de guerre. En l'an 476 (1083), il plaça un corps de troupes almoravides sous les ordres de son fils El-Moëzz et l'envoya contre Ceuta dont le port était déjà bloqué par la flotte d'Ibn-Abbad. La ville fut emportée d'assaut et Dïâ-ed-Dola tomba entre les mains des vainqueurs.

1 Cette date est fausse: Ed-Demma fut pris en 465 et Tanger en 470. Voy. le Cartas, pages 91 et 92 du texte arabe.

2 Ce titre signifie le prince prévoyant ou bien le diseur d'avis. 3 Voy. le Cartas, page 92.

Conduit devant El-Moëzz et sommé de livrer ses trésors, il répondit avec tant d'insolence que ce prince le tua sur-le-champ. On découvrit, par hasard, le lieu où il avait déposé ses richesses, et l'on trouva dans ce dépôt le cachet de Yahya, fils d'Ali-IbnHammoud. El-Moëzz écrivit alors à son père pour lui annoncer la victoire des Almoravides.

Ainsi succomba la dynastie des Hammoudites et, avec elle, disparurent les derniers vestiges de leur domination dans le pays des Ghomara. Depuis ce moment, le gouvernement almoravide trouva dans les Ghomara des sujets obéissants.

En l'an 537 (1142-3), la puissance des Almohades était devenue formidable, et Abd-el-Moumen, le successeur du Mehdi, faisait, dans le territoire du Maghreb, la grande expédition qui devait se terminer par la prise de Maroc. Dans notre histoire de la dynastie fondée par ce prince, nous aurons l'occasion de parler du grand événement auquel nous faisons allusion. Les Ghomaraembrassèrent alors la doctrine almohade et réunirent leurs forces à celles d'Abd-el-Moumen pour faire le siége de Ceuta. Les habitants de cette ville se defendirent vigoureusement sous les yeux de leur chef et cadi, le célèbre Eïad, dont la piété, le savoir, la noble fierté et le rang éminent avaient mérité tout leur respect. Malgré leur résistance, la place succomba en l'an 544 (1146-7), quelque temps après la chute de Maroc. L'empressement des Ghomara à se rallier aux Almohades leur valut la faveur constante de cette dynastie.

La puissance de la famille d'Abd-el-Moumen s'affaiblit à la fin; de nombreux soulèvements eurent lieu sur les frontières de l'empire, et en l'an 625 (1228), Abou-t-Touadjen-Mohammed

1 Ce célébre cadi laissa plusieurs ouvrages. Ils traitent principalement des habitudes et des paroles de Mahomet et ils jouissent encore d'une haute estime parmi les insulmans. Eïad naquit à Ceuta en l'an 476 (1083), et mourut à Maroc en 544 (1149). Dans le second volume de la traduction d'Ibn-Khalikan, sous le mot Iyad, on trouvera une notice de ce docteur.

Il fallait dire avant la chute de Maroc. Tanger fut pris en Rebîa second et Maroc en Choual, six mois plus tard.

Ibn-Mohammed-el-Ketami souleva le pays des Ghomara. Le père de cet aventurier était natif du Casr-Ketama; il y avait mené une vie retirée, s'occupant principalement de la magie naturelle, science qu'il enseigna à son fils. Celui-ci se rendit à Ceuta, et s'étant établi chez les Beni-Saîd, il professa l'alchimie et trouva beaucoup de disciples parmi les gens du peuple. Alors il se donna pour prophète, publia une nouvelle loi religieuse, et séduisit une foule de gens par ses prestiges et tours d'adresse. Malgré toute son habileté, il laissa enfin découvrir sa fourberie, et, se voyant abandonné par ses partisans, il prit la fuite devant la garnison de Ceuta qui était sortie pour le combattre, et mourut assassiné par quelques Berbères.

Vers l'an 640 (1242-3), les Mérinides avaient subjugué les campagnes et les villes du Maghreb; en 668 (1269), ils s'emparèrent de Maroc, capitale de l'empire almohade, mais ils ne purent amener les Ghomara à faire leur soumission. Ce peuple se tint à l'écart pour éviter leur domination, et, toujours prêt à courir aux armes, il les habitants de Ceuta par son encouragea exemple et les décida à repousser les prétentions de la nouvelle dynastie. Le gouvernement de cette ville passa alors entre les mains d'une junte, et, quelque temps après, le légiste Abou-'lCacem-el-Azéfi, un des principaux cheikhs de la localité, s'emdu commandement. Nous raconterons ailleurs les détails de cette affaire.

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Les tribus et les chefs ghomarides se laissèrent enfin entraîner dans une guerre civile par leurs querelles intestines. L'un des partis fit alors sa soumission au sultan mérinide, et l'autre se résigna, bon gré mal gré, à suivre cet exemple. Les Mérinides, devenus maîtres chez ce peuple, lui donnèrent des gouverneurs de leur choix, et ayant alors dirigé leurs efforts contre Ceuta, ville située derrière le territoire des Ghomara, ils l'enlevèrent à la famille Azefi en l'an 729 (1328-9).

De nos jours, les Ghomara sont redevenus puissants et nombreux; ils obéissent, cependant encore, au gouvernement mérinide et lui paient l'impôt tant qu'il a les moyens de se faire respecter; mais, dans les moments où il montre de la faiblesse

ou qu'il est occupé à comprimer des révoltes ailleurs, leur dévouement s'affaiblit, et il est obligé d'expédier des troupes de la capitale pour les faire rentrer dans l'obéissance. Protégés par des montagnes presqu'inabordables, ils ne craignent pas d'offrir asile aux princes de la famille royale [qui cherchent à s'emparer du trône] et à tous les révoltés qui demandent leur protection. Une de leurs tribus, surtout, les Beni-Iguem, se distingue par son esprit d'indépendance; occupant la montagne la plus escarpée de cette région, elle méprise les efforts de tous ses enncmis. Cette montagne est située à l'ouest de Ceuta; elle s'élève jusqu'aux nuages et ne peut être abordée que par certains défilés où la violence des vents suffit pour arrêter le voyageur. Les habitants obéissent à un chef pris dans une de leurs familles appelée les Beni-Youçof-Ibn-Omar. Cette riche et puissante tribu y a construit des grandes maisons et formé de belles plantations1. Le sultan leur accorde une donation annuelle prise sur les produits de la douane de Ceuta; il leur a aussi concédé plusieurs fermes et terres labourables dans la plaine de Tanger. De cette manière, il croit s'être assuré leur amitié et s'être ménagé des alliés avec lesquels il pourra comprimer l'esprit d'insubordination qui se manifeste assez souvent dans le pays des Ghomara.

HISTOIRE DES TRIBUS MASMOUDIENNES QUI HABITENT LES MONTAGNES

DU DEREN [L'ATLAS] DANS LE MAGHreb-el-acsa.

Parmi les plus grandes montagnes de l'univers, il faut compter celles du Deren, situées à l'extrêmité [occidentale] du Maghreb. Enracinées dans les profondeurs de la terre, elles portent leurs cimes jusqu'au ciel et remplissent l'espace de leur masse énorme. Elles forment une barrière continue autour du littoral maghrebin, et, partant de l'Océan atlantique, près d'Asfi, elles se prolongent indéfiniment vers l'Orient. Quelques-uns disent, cependant, qu'elles s'arrêtent au midi de Bernic (Berenice), dans le

Je lis ghorous, avec un bon manuscrit, à la place d'órous.

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