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et les Miknaça en firent de même, de sorte que l'empire des BeniMohammed fut gravement ébranlé.

Leur émir, Abou-'l-Aïch, ayant confié le commandement à son frère, El-Hacen-Ibn-Kennoun, obtint d'En-Nacer l'autorisation de passer en Espagne, afin de prendre part à la guerre sainte, et à chacune des trente stations qui séparaient Algésiras de la frontière chrétienne, il trouva un palais disposé pour sa réception. Après avoir reçu d'En-Nacer un accueil très-gracieux et un traitement de mille pièces d'or par jour, il alla combattre les infidèles, et trouva le martyre en l'an 343 (954-5).

Djouher-el-Kateb, général d'El-Moezz le fatemide, fit alors une expédition en Maghreb, d'après les ordres de son souverain, et détrôna les princes qui régnaient dans cette contrée. El-HacenIbn-Kennoun s'enferma dans le château d'En-Nesr, boulevard de la dynastie idricide, et, de là, envoya à Djouher une déclaration d'obéissance. Par cette démarche, il conjura le danger dont il se voyait menacé; mais, à peine eut-il appris l'évacuation du Maghreb par le général fatemide, qu'il y rétablit de nouveau l'autorité d'En-Nacer. Depuis lors, il resta toujours fidèle à ce souverain qui mourut en l'an 350 (961).

El-Hakem [successeur d'En-Nacer] prit alors la résolution de mettre les frontières du Maghreb à l'abri d'insultes, afin de consolider l'influence des Oméïades dans tout ce pays, et il trouva chez ses alliés, les princes zenatiens, le plus vif empressement à le seconder dans son projet. Il en résulta une guerre entre ces chefs et les princes sanhadjiens, Bologguîn et Ziri, guerre dont nous avons déjà parlé.

En 362 (972-3), El-Moëzz-Mâdd envoya une première expédition en Maghreb sous la conduite de Bologguîn, fils de Zîri. Cet officier défit les Zenata, et s'étant porté en avant, mit ElHacen-Ibn-Kennoun dans la nécessité de répudier l'autorité des Oméïades et de faire sa soumission au gouvernement fatemide.

La même année, aussitôt après la retraite de Bologguin, ElHakem fit passer en Maghreb un corps de troupes sous la conduite de son vizir, Mohammed-Ibn-Cacem-Ibn-Tamlès, auquel il avait donné l'ordre d'attaquer El-Hacen-Ibn-Kennoun et les

Beni-Mohammed. La victoire se déclara pour le prince idricide, à la suite d'une bataille dans laquelle Ibn-Tamlès et la majeure partie de ses troupes, tant espagnoles qu'africaines, trouvèrent la mort. Les débris de cette armée parvinrent à regagner Ceuta d'où ils adressèrent à El-Hakem une demande de secours. Le souverain oméïade y répondit en faisant partir pour l'Afrique un de ses clients, le célèbre Ghaleb, général dont la grande habileté était universellement reconnue. Ayant mis à sa disposition autant d'argent et de troupes que les circonstances avaient rendus nécessaires, il lui ordonna de détrôner les Idrîcides et de les envoyer en Espagne. « Pars, lui dit-il ; pars, Ghaleb, comme >> un homme qui ne devra revenir vivant à moins d'être victo>> rieux, et qui ne pourra se faire pardonner une défaite à moins » de mourir sur le champ de bataille1. »

El-Hacen, ayant entendu la nouvelle de ces préparatifs, évacua la ville de Basra et envoya son harem et ses trésors à Hadjeren-Nesr, forteresse idrîcienne qui s'élevait auprès de Ceuta. Ghaleb l'assiégea alors dans Casr-Masmouda; puis, à la suite de plusieurs journées de combats, il réussit à corrompre, avec de l'argent, les chefs des Berbères ghomarides et des milices qui servaient sous le drapeau de son adversaire. El-Hacen fut abandonné par ses troupes et dut se jeter dans le Hadjer-en-Nesr et y soutenir un siége. Pendant ce temps, El-Hakem organisa un corps de renforts, composé d'Arabes attachés au service du gouvernement oméïade et de troupes tirées des garnisons qui couvraient les frontières de l'empire. En 363 (973-4), cette armée passa le Détroit sous la conduite de Yahya-Ibn-Mohammed-IbnHachem-et-Todjîbi, vizir commandant de la Frontière supérieure (Aragon). Ce général, accompagné de sa famille et des gens de sa maison, opéra sa jonction avec Ghaleb sous les murs de la forteresse assiégée. Ils attaquèrent alors la place si vigoureusement qu'El-Hacen consentit à la livrer pour avoir la vie sauve.

1 Le texte arabe dit, avec une grande concision: « Pars, Ghaleb ! » comme un homme qui ne doit revenir que vivant et victorieux, ou » bien, mort et excusé >>

Ghaleb tourna ensuite ses armes contre les princes idricides établis dans le Rîf, et tout en les dépossédant de leurs châteaux, il leur fit grâce comme à leur cousin. De là, il alla prendre possession de Fez, et il donna à Mohammed-Ibn-Ali-Ibn-Caschouch le commandement du quartier des Cairouanides, pendant qu'Abdel-Kerim-Ibn-Thâleba-el-Djodami s'installait, par ses ordres, dans celui des Andalous. Ayant ainsi pacifié le Maghreb, établi des gouverneurs dans toutes les provinces et enlevé ce pays à la domination des Fatemides, il partit pour Cordoue, emmenant avec lui El-Hacen-Ibn-Kennoun et les autres princes de la famille d'Idrîs. Ces événements se passèrent en l'an 364 (974-5).

El-Hakem et tous les notables de Cordoue montèrent à cheval pour aller au-devant du vainqueur, et l'entrée triomphale de ce chef fut une des plus belles dont la capitale de la dynastie oméïade eut jamais été témoin. Ne se bornant pas à pardonner au prince idricide et à exécuter toutes les clauses de la capitulation, le souverain oméïade prodigua des cadeaux, des pelisses d'honneur, des bêtes de somme, des pensions et des gratifications à lui et à tous ses compagnons; il inscrivit même sept cents guerriers maghrebins de leur suite sur les contrôles de l'armée.

Trois années plus tard, El-Hakem chercha querelle à El-Hacen au sujet d'une masse d'ambre que celui-ci, étant encore sur le trône, avait reçue d'un des ports maghrebins et dont il avait fait faire un tabouret pour s'y appuyer, tantôt le coude, tantôt la tête. Il demanda la remise de ce meuble en déclarant que ses bonnes grâces seraient assurées pour toujours au prince idrîcide s'il voulait le lui livrer. El-Hacen repoussa cette proposition, et bien qu'il fût au courant des intrigues que ses cousins ourdissaient contre lui, il céda à son mauvais naturel et persista dans son refus. Une prompte disgrâce et la confiscation, non seulement du morceau d'ambre, mais aussi de toutes ses richesses, furent le résultat de son obstination.

L'autorité des Oméïades s'étant raffermie dans le Maghreb, tous les émirs nommés par El-Hakem réunirent leurs forces, afin de repousser Bologguîn. Le vizir El-Mashafi donna alors le gou

vernement de ce pays à Djâfer-Ibn- Ali et rappela en Espagne Yahya-Ibn-Mohammed-Ibn-Hachem. Trouvant ensuite que l'entretien des princes idrîcides coûtait fort cher à l'état, il les envoya tous en Orient, sans même retenir El-Hacen; mais, avant de les laisser partir, il leur fit prendre l'engagement de ne plus rentrer en Afrique.

En l'an 365 (975-6), les Idricides s'embarquèrent à Almeria, et, arrivés au Caire, ils trouvèrent, auprès d'El-Azîz, fils d'ElMoëzz-Mâdd, l'accueil le plus bienveillant et le plus honorable. Ce prince leur promit même de les aider à prendre leur revanche, et, quelque temps après, il fit partir El-Hacen pour le Maghreb avec une lettre par laquelle les descendants de Ziri-Ibn-Menad, famille qui régnait alors à Cairouan, furent invités à lui prêter secours. El-Hacen pénétra alors dans le Maghreb et appela le peuple aux armes; mais, ayant été défait par les troupes qu'ElMansour-Ibn-Abi-Amer [le grand vizir espagnol] avait envoyé à sa rencontre, il tomba encore au pouvoir de ses ennemis. On le fit partir sous bonne escorte pour l'Espagne, mais il fut assassiné avant d'y arriver 2.

La dynastie des Idrîcides succomba, de cette manière, dans le Maghreb; mais elle se releva plus tard sous les auspices des Beni-Hammoud, famille qui étendit son autorité sur Tanger, Ceuta et le pays des Ghomara, ainsi que le lecteur le verra dans le chapitre suivant.

DOMINATION DES HAMMOUDITES ET DE LEURS PARTISANS A CEUTA ET A TANGER. HISTOIRE DE LEURS SUCCESSEURS, LES GHOMARA.'

Quand El-Hakem - e! - Mostancer [le neuvième souverain

1 Voy. sur ce personnage, l'Appendice, no III.

2 El-Haceo-Ibn-Kennoun se voyant entouré par des forces supérieures dont une partie était sous les ordres d'Abd-el-Melek, fils du grand vizir, El - Mansour - Ibn - Abi - Amer, se rendit, à la condition d'être ramené en Espagne, comme auparavant. El-Mansour refusa de ratifier la capitulation et fit décapiter le prisonnier que l'on conduisait alors à Cordoue. Cela eut lieu dans le mois de Djomada premier, 375 (sept.-oct. 985). (Le Cartas.)

oméïade d'Espagne,] eut renversé la puissance des Idricides en Maghreb et déporté en Orient les membres de cette famille, les Ghomara reconnurent l'autorité des Oméïades et s'humilièrent devant la bravoure des troupes espagnoles. Plus tard, El-HacenIbn-Kennoun rentra en Maghreb, poussé par l'espoir de ressaisir le royaume de ses ancêtres, mais il fut mis à mort par [l'ordre d']El-Mansour-Ibn-Abi-Amer. Avec lui succomba la domination des Idricides en Afrique. Les membres de cette famille se dispersèrent de tous côtés, et allèrent se cacher dans les tribus, où ils se dépouillèrent de toutes les marques de leur origine et adoptèrent la vie nomade, afin d'échapper aux dangers qui les entouraient.

Parmi les Berbères qui passèrent en Espagne [pour servir sous les drapeaux des Oméïades] se trouvèrent deux frères, descendants d'Omar - Ibn-Idris. Ali et El-Cacem, c'est ainsi qu'on les nommait, étaient fils de Hammoud-Ibn-Meimoun-IbnAhmed-Ibn-Ali-Ibn-Obeid-Allah-Ibn-Omar-Ibn-Idris. Lors de la chute de la faction ameride, quand les [troupes] Berbères se mirent en révolte et proclamèrent khalife, sous le titre d'ElMostaïn-Billah (qui demande le secours de Dieu), un fils d'ElHakem, nommé Soleiman, les deux fils de Hammoud, qui s'étaient acquis une haute réputation par leur bravoure, embrassèrent la cause du nouveau souverain et lui prêtèrent un appui si efficace qu'ils le rendirent maître de Cordoue, capitale de l'empire. El-Mostaïn distribua alors de hauts commandements à ses partisaus maghrebins et chargea Ali-Ibn-Hammoud du gouvernement de Tanger et des provinces ghomariennes. Arrivé dans cette ville, Ali montra d'abord un grand dévouement au souverain oméïade, mais ayant ensuite levé le drapeau de la révolte, il se proclama indépendant, passa en Espagne et occupa

1 Le célèbre visir El-Mansour-Ibn-Abi-Amer usurpa tout le pouvoir, sous le règne de Hicham II, dixième souverain oméïade d'Espagne. Soutenu par les troupes berbères qu'il avait pris à sa solde et par une nombreuse bande d'affranchis, il conserva l'antorité jusqu'à sa mort et la transmit à ses fils. Les partisans de cette famille formaient la partie des Amerides.

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