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tion enlevée par l'armée. La brume, en se dissipant, montrait les Turcs réunis sur leur centre, en avant de leur camp que défendaient des pièces de position dans des épaulements assez importants; leur feu, en augmentant d'intensité, faisait prévoir une nouvelle attaque et il importait de ne pas leur laisser une seconde fois l'avantage de l'offensive dans la même journée. Le comte de Bourmont prit la décision d'attaquer.

Il avait l'intention de pivoter autour de sa gauche ; dans un grand mouvement de conversion, il enlèverait le camp de Staouëli, couperait d'Alger l'armée turque et l'acculerait à la mer. En même temps, le génie établirait une route entre la presqu'île de Sidi Ferruch et le camp de Staouëli, où l'armée allait s'établir dans une bonne position. Mais la droite française, qui devait commencer le mouvement, tardait à se mettre en branle; son terrain d'approche était raviné et couvert de broussailles qui paraissaient alors inextricables. Renonçant à sa manœuvre, le général en chef prescrivit alors une attaque concentrique sur le camp turc.

L'attaque d'infanterie avait à peine exécuté son premier bond que l'artillerie, d'un élan vigoureux, se porte en première ligne et ouvre le feu contre les épaulements dont les Turcs avaient protégé leurs pièces de position. Ce hardi mouvement du général de La Hitte lui permit de réduire au silence les batteries ennemies; les voltigeurs les enlèvent, malgré la belle défense des canonniers turcs qui se font tuer sur leurs pièces. L'artillerie française fait

un nouveau bond pour pouvoir battre les retranchements du camp; la cavalerie arabe, qui s'apprêtait à charger, est dispersée par le sifflement aigu des fusées à la congrève, qui épouvante les hommes et chevaux : c'est la déroute, sous la poursuite des feux de l'artillerie, qui tire sur des masses profondes.

A midi, les deux divisions d'attaque sont rangées en bataille au delà du camp turc, que les soldats parfaitement disciplinés ont laissé intact en le franchissant. Telle fut la bataille de Staouěli, qui coûta aux troupes françaises 57 tués et 473 blessés.

Le temps contraire retarda l'arrivée de la flottille et le débarquement des parcs. L'armée changea de bivouac et livra quelques combats assez vifs, où les troupes, en s'aguerrissant, acquirent de plus en plus la pratique du terrain et de l'ennemi. Ces retards absolument inévitables avaient donné à l'ennemi le temps de se ressaisir, et il opposait une certaine résistance. C'est seulement le 29 juin à 3 heures du matin que l'armée put se diriger vers Alger; une singulière erreur de topographie emmêla ses colonnes dans les ravins abrupts de la Bouzaréa, où suffoquaient les soldats dans l'air humide et brûlant pour les troupes, ce fut la plus rude journée de la campagne. Mais dans la soirée, elles étaient établies à 700 mètres du fort l'Empereur, dans l'emplacement même que le colonel Boutin avait reconnu en 1808 comme le plus favorable pour l'attaque de cet ouvrage, clef de la défense d'Alger. La mise en batterie de l'artillerie de siège ne

s'effectua pas sans quelques péripéties, et fut accompagnée de deux démonstrations navales sans importance. Le 4 juillet, à la pointe du jour, une fusée partie du Quartier Général fit ouvrir le feu à toutes les batteries simultanément. C'est seulement à 8 heures que l'artillerie française prit nettement la supériorité; du sommet de la Bouzaréa, on voyait les canonniers turcs tomber à leur poste, immédiatement remplacés par leurs camarades; à 9 heures, beaucoup de pièces étaient démontées, et l'une d'entre elles continuait le tir, servie seulement par deux canonniers imperturbables. A 10 heures, le feu des Turcs avait cessé complètement et le tir en brèche succédait au tir à démolir, quand une détonation formidable secoua la terre ; une fumée épaisse et suffocante se répandit dans toute l'atmosphère en même temps que des débris de toute sorte retombaient en pluie dense dans les lignes françaises : la poudrerie du fort l'Empereur venait de sauter. Le brave Khozhadj, se voyant hors d'état de continuer la défense, avait cru enlever à l'assiégeant l'objet même de son attaque en détruisant le fort l'Empereur, après l'avoir évacué; mais la poudrerie seule était en partie démolie, ainsi qu'une face de l'enceinte; le fort restait debout, dominant la kasbah du dey et le fort Bab-Azoun.

Après les quelques instants d'étonnement qui avaient suivi l'explosion, les compagnies de tranchées s'étaient rapprochées du fort; deux voltigeurs étaient parvenus au sommet de la brèche et voulaient signaler à leurs camarades que la citadelle

était à nous; après quelque hésitation, l'un d'eux enleva sa chemise et l'agita au bout de son fusil, arborant ainsi le drapeau blanc, qui était alors celui de la France. Le fort fut vite occupé et les pièces turques de la face sud-est ouvrirent le feu sur le fort Bab-Azoun, renforcé de deux pièces de campagne rapidement hissées en batterie.

Les envoyés du dey se présentèrent pour traiter : leurs offres se bornaient aux réparations dues pour l'insulte faite au Consul et au pavillon français, et au paiement des frais de la guerre. Le général de Bourmont exigea la reddition de la kasbah, des forts et du port; les chefs de la ville, pour éviter le pillage d'Alger, offraient d'apporter la tête du dey sur un plat; enfin, la capitulation fut signée, assurant le départ du dey avec sa famille et sa fortune personnelle, et garantissant le libre exercice de la religion musulmane, et le respect des personnes et des biens privés. Le consul d'Angleterre, Saint-John, avait vainement essayé de s'entremettre dans les négociations. Ainsi que le constatait le général en chef dans un ordre à l'armée, vingt jours avaient suffi « pour la destruction d'un État qui avait fatigué l'Europe pendant trois siècles ».

Après avoir sommairement organisé Alger, Bourmont fit occuper Bougie et Oran et donna au bey de Titeri (Médéa), la nouvelle investiture qu'il réclamait. Son bâton de maréchal lui parvint tandis qu'il revenait d'une visite à Blida, commencée en promenade militaire et terminée en retraite assez

dure. La Métidja était peu sûre, et les soldats ne pouvaient se hasarder hors des avant-postes sans risquer d'avoir la tête tranchée par les pillards qui l'infestaient.

Le maréchal de Bourmont sentait bien la nécessité d'attacher les indigènes à notre cause, et le premier moyen était de leur ouvrir nos rangs. Il avait organisé un corps de 500 éclaireurs recrutés dans les tribus kabyles de Zouaoua: ce furent les premiers zouaves. Mais l'occupation française se limitait à la banlieue d'Alger, car l'attitude de l'Angleterre amena l'évacuation d'Oran et de Bougie, il était, en effet, prudent de ne pas diviser ses forces et offrir de faciles succès en cas de conflit. Cependant le prince de Polignac était arrivé à démontrer l'isolement de l'Angleterre, en appelant les représentants des puissances à une conférence à laquelle le gouvernement britannique devait refuser de prendre part. En même temps, il entamait à Constantinople des négociations avec la Porte, où notre ambassadeur, le général Guilleminot, sut obéir à l'esprit plutôt qu'à la lettre de ses instructions : il s'agissait d'offrir la régence au Sultan à de telles conditions, qu'il pût fort difficilement l'accepter. Servi au delà de ses désirs, le prince de Polignac était certain de se présenter à la conférence éventuelle dans des conditions très favorables. La révolution de juillet 1830 qui détrôna Charles X eut comme répercussion, en Europe, celles de Bruxelles et Varsovie, les mouvements révolutionnaires d'Allelemagne, d'Italie, de Portugal; l'Angleterre, comme

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