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navales furent moins heureuses. En 1819, les décisions du Congrès d'Aix-la-Chapelle supprimant à la fois la course et l'esclavage purent être imposées à Tripoli et à Tunis, non à Alger, où une escadre anglaise essaya vainement en 1824 d'obtenir par bombardement la juste réparation d'une insulte faite au consul britannique.

Cet échec avait porté à son comble l'orgueil du dey Hussein. La guerre de l'indépendance hellénique avait surexcité le fanatisme religieux et appelé dans l'archipel les flottilles barbaresques. Le règlement des vieilles créances datant de la Révolution avait tendu à l'extrême les relations avec la France : il s'agissait d'un prêt de cinq millions, consenti au Directoire, et de fournitures de blé faites de 1793 à 1798; le solde avait été arrêté à 7 millions, votés par les Chambres françaises en 1820. Mais diverses oppositions ayant été mises sur cette somme, les ayants droit, deux juifs livournais établis à Alger, n'avaient touché que 4 millions 500 000 francs, le reste de la somme étant versé à la caisse des Dépôts et Consignations en attendant le règlement définitif. Les deux juifs livournais, trouvant sans doute que 4 millions et demi en France valent beaucoup mieux que 7 millions à Alger, restaient en Europe; le dey, ne mettant aucune bonne volonté à comprendre les détours de notre procédure, exigeait d'abord le solde du compte, et ensuite la livraison des deux juifs, sous prétexte qu'ils n'auraient agi que comme intermédiaires entre la Régence et le Gouvernement français.

Le 30 avril 1827, jour de la fête du Baïram (fin du Ramadan), qui est l'occasion de réceptions et de compliments officiels, M. Deval, consul de France, alla féliciter le dey, qu'il trouva des plus mal disposés. Les questions accessoires écartées, le dey reprocha vivement à M. Deval de s'entendre avec les juifs pour le spolier et de lui cacher la réponse du roi de France. Le consul, jusque-là très calme, répondit assez vivement; le dey furieux le repoussa avec le chasse-mouches en plumes qu'il tenait à la main et le menaça de la prison. Deval se retira en protestant contre l'injure faite à la France en sa personne.

Le 11 juin, une division navale mouillait dans le port d'Alger, et, le dey ayant refusé d'accorder les excuses exigées par le gouvernement français, ramenait en France tous nos nationaux, y compris ceux des établissements de la Calle et de Bône (1520 juin 1827).

Le blocus des côtes algériennes était proclamé. Il était assez dur à tenir et des accidents de mer mirent au pouvoir des barbaresques les équipages de trois chaloupes et de deux bricks. La moitié de nos marins furent massacrés et les autres traités indignement.

Le gouvernement de Charles X fit une dernière tentative de conciliation pour éviter l'envoi d'une expédition à laquelle le Parlement français paraissait peu disposé. Mais, en juillet 1829, l'amiral de la Bretonnière, envoyé avec deux bâtiments pour négocier, fut reçu avec une extrême arrogance :

« J'ai de la poudre et des balles », dit le dey pour clore le second et dernier entretien. Et son bâtiment, qui portait « le pavillon parlementaire au mât de misaine et le pavillon du roi à la corne d'artimon », essuya sans y répondre 80 coups de canon à boulet au moment de l'appareillage. Cette dernière insulte rendait l'expédition d'Alger inévitable.

Les préparatifs commencèrent aussitôt.

Toutefois, afin qu'il fût bien dit que les derniers moyens de conciliation avaient été épuisés, notre ambassadeur à Constantinople pria le sultan d'agir sur le dey son vassal pour qu'il donnât satisfaction à la France. Il faut convenir qu'après Navarin, l'expédition de Morée et la proclamation de l'indépendance hellénique, nous étions en mauvaise posture pour lui demander ce grand service. Mehemet Ali, pacha d'Égypte, avait offert à deux reprises de se charger d'établir l'ordre à Tripoli, à Tunis et à Alger en conquérant ces provinces pour les annexer à ses domaines ; l'opposition de la Porte à ce projet ne paraissait pas irréductible. La Russie l'admettait tout en conseillant à la France de se charger elle-même de l'opération; la Prusse se montrait prête à soutenir notre politique à Alger, quelque forme qu'elle pût revêtir.

Metternich, qui dirigeait souverainement la politique autrichienne, craignait toute action qui pût << replonger l'Europe dans le gâchis », mais il reconnaissait que la situation était intolérable. L'Espagne et la Sardaigne, malgré quelques réticences, montraient des dispositions favorables. En résumé,

l'Europe continentale approuvait les vues de la France sur les côtes de l'Afrique septentrionale et préférait nettement son action à celle de l'Égypte.

Le prince de Polignac ne s'entêta pas et le 31 janvier 1830 il déclina officiellement l'offre de Mehemet Ali; le 7 février la France commençait ostensiblement ses préparatifs militaires.

L'Angleterre, troublée, offrit tout d'un coup sa coopération; le prince de Polignac accepta l'offre du duc d'Aberdeen, mais fort heureusement Wellington, alors président du Conseil, revint sur cette proposition, pensant que la France courait à un échec ou bien reculerait au dernier moment (1).

En mars 1830, le prince de Polignac indiquait dans une note circulaire à toutes les puissances les buts de l'expédition, en dehors des griefs particuliers dont la France poursuivait la réparation la destruction de la piraterie, l'abolition absolue de l'esclavage des chrétiens, - la suppression de l'humiliant tribut que les nations chrétiennes paient à la régence. — Si le gouvernement d'Alger se trouvait dissous, le roi se concerterait avec ses alliés

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(1) Notre ambassadeur à Londres écrivait : « Le fond de sa pensée est qu'il juge l'opération des plus périlleuses. Il préfère nous laisser aller, persuadé que, réduits à nos seules forces, nous n'en viendrons pas à bout, et que nous finirons par implorer son assistance, ce qui le rendra maître de la situation. » Wellington disait à la princesse de Liéven : « Ces Français sont fous; un revers effroyable les attend sur la côte d'Algérie ! » En 1838, il était encore persuadé que la France ne parviendrait jamais à garder Alger. (Voir J. DARCY, Cent ans de rivalité coloniale, p. 105.)

pour «< arrêter le nouvel ordre de choses qui, pour le plus grand avantage de la chrétienté, devrait remplacer le régime détruit, et qui serait le plus propre à assurer le triple but que Sa Majesté s'est proposé d'atteindre. »>

:

Vainement l'Angleterre demanda l'assurance que la France renonçât à toutes vues d'occupation territoriale ou d'agrandissement, elle n'obtenait, malgré ses instances réitérées, aucun engagement qui dépassât les termes de cette note (1) le gouvernement britannique aurait voulu traiter la question d'Alger en tête-à-tête avec le gouvernement français, qui avait les plus fortes raisons pour ne pas quitter le terrain sur lequel il s'était placé. Le ministre des Affaires étrangères venait voir notre ambassadeur, le duc de Laval, tous les jours, et même plusieurs fois par jour, se montrant de plus en plus pressant et même menaçant lord Wellington lui écrivait : « Si Polignac pense que nous lui permettrons de chercher un dérivatif à ses difficultés intérieures en faisant des conquêtes sur la côte d'Afrique, il fait une étrange erreur. Ni Bonaparte, ni le Directoire ne se sont jamais plus mal conduits que ce gouvernement » (2). Et lord Stuart,

(1) Il convenait dès lors de ne traiter cette affaire qu'avec toutes les puissances à la fois, en y mettant la plus grande publicité possible, et en nous interdisant la faculté d'entrer en explications isolées avec aucune d'elles en particulier, ou d'en recevoir aucune communication dont nous ne puissions pas faire part immédiatement à toutes les autres. (DARCY, op. cit., p. 116.)

(2) DARCY, p. 127-129.

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