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VI

MADAGASCAR

Madagascar

la Grande Ile

paraît le reste

d'un continent disparu, la Lémurie, qui se serait étendu dans l'océan Indien jusqu'aux îles Seychelles, Maldives et Laquedives, ses vestiges au nord-ouest. La flore et la faune de Madagascar ne rappellent en rien celles de l'Afrique, pourtant si proche, car le canal de Mozambique n'a pas plus de 400 à 500 kilomètres. L'ethnologie est fort complexe le plateau central de l'Emyrne, dont l'altitude est d'environ 1 200 mètres, est peuplé par les Hovas, de race malaise; sur les côtes et dans le sud, habitent les races négritiennes les plus diverses, qui semblent apparentées, les unes aux peuplades de la Mélanésie, les autres aux Bantous, dont les premières migrations venant de l'ouest ont peuplé l'Afrique noire. Des traditions locales ont conservé le souvenir de nègres nains, autochtones aujourd'hui disparus ; les négrilles paraissent également les premiers habitants du continent noir, comme les nigritos ceux de l'Asie australe et de l'Insulinde. L'hypothèse du continent lémurien repose donc sur un ensemble de faits concordants.

La superficie de la Grande Ile atteint 600 000 kilomètres carrés : c'est celle de la France, de la Belgique et de la Hollande réunies. Du nord au sud elle a 1 500 kilomètres de long, la distance de Perpignan à Edimbourg, et 600 kilomètres de l'est à l'ouest, dans sa plus grande largeur, la distance de Nantes à Nancy, ou bien de Bordeaux à la frontière italienne. Très découpée, la côte ouest offre de nombreuses rades, sur mer relativement calme; la côte est, rectiligne, présente une barre, et une branche du courant sud-équatorial y vient bifurquer; sauf dans la partie septentrionale, les mouillages y sont rares et précaires. Au nord de l'Ile, la belle rade très sûre de DiegoSuarez peut abriter une flotte : c'est une base navale de première importance.

Une chaîne de montagnes s'élève parallèlement à la côte est : c'est le rebord d'un plateau de 800 à 1 500 mètres d'altitude; sa crête forme la ligne de partage des eaux entre les deux versants très inégaux, l'oriental ayant une centaine de kilomètres de large, et l'occidental 500 kilomètres environ. D'autres chaînes sont, parallèles à la première. La chaleur humide des tropiques sévit sur les côtes et le plateau central jouit d'un climat tempéré.

au

Les hauteurs dans la zone tropicale se prêtent développement d'une civilisation relative, comme le prouve l'exemple de l'Abyssinie, du Mexique et du Pérou. En Emyrne, sur le haut plateau central, les Hovas d'origine malaise étaient

arrivés à une certaine organisation; ils sont environ 900 000. Les noirs leur résistaient, surtout les Sakalaves au nord et à l'ouest. La population atteint aujourd'hui 3 500 000 habitants.

On a soutenu sans invraisemblance que Madagascar avait été découverte au cours du périple d'Hannon, et que les Phéniciens l'ont même colonisée : mais ils n'y ont laissé aucune trace actuellement visible. Les Arabes, au contraire, se sont établis aux Comores, et leurs courses aventureuses ont marqué dans la race des habitants, comme à Sumatra et aux Philippines : heureusement, l'Islam ne pénétra pas dans l'intérieur de la Grande Ile.

Parmi les Européens, les Portugais y abordèrent les premiers dès l'aurore du seizième siècle ; leurs missionnaires essayèrent sans succès de convertir les indigènes. Les Hollandais y commercèrent ensuite, se livrant surtout à la traite. Puis les Anglais s'enthousiasmèrent pour cette conquête, qu'une tentative malheureuse leur fit abandonner pour toujours.

Les Français entrent en scène au dix-septième siècle. Les Dieppois ont reconnu la grande terre et Richelieu fonde la Société de l'Orient en 1626, en lui concédant pour dix ans l'Ile de Madagascar et les îles adjacentes « pour y ériger colonies et commerce et en prendre possession au nom de Sa Majesté très Chrétienne ». Avec Pronis et Flacourt, plusieurs établissements s'élèvent sur la côte, dont Fort-Dauphin et Sainte-Marie; l'île

Bourbon est occupée. Mais l'entreprise est menée avec beaucoup d'inexpérience, qui s'accompagne d'une grande brutalité envers les indigènes. Elle périclite et la Société de l'Orient est dissoute en 1664.

Colbert fonda alors la Compagnie des Indes orientales qui reçut en concession Madagascar, devenue l'île Dauphine ou la France orientale. Ce deuxième établissement finit encore plus mal que le premier, et pour les mêmes causes : les derniers Français furent presque tous massacrés dans l'église de FortDauphin, dans la nuit de Noël 1672.

Si le troisième établissement débuta médiocrement en 1764, il commença cependant l'exploration scientifique de la Grande Ile. Puis un magnat hongrois, le comte Benyowski, fut chargé par Louis XV de relever à Madagascar les droits de la couronne de France. Ce héros de roman fonda dans la baie d'Antongil le fort Choiseul et soumit toute la côte orientale; il prit sur les indigènes un extraordinaire ascendant et semble avoir eu d'excellentes idées sur la manière de les rapprocher de nous, ce que nous appelons aujourd'hui la politique indigène. Mais il ne fut pas compris. Brouillé avec les colons des Mascareignes, il rentra en France et, quand il offrit au roi de France la souveraineté de Madagascar, il ne fut pas pris au sérieux. Comme c'était, au demeurant, un aventurier, il s'adressa au roi d'Angleterre, à l'Empereur, enfin à la nouvelle république des États-Unis. Partout éconduit, il revint à Madagascar, dont il se proclama

souverain indépendant: mais il violait ainsi les droits de la couronne de France, et le gouverneur de l'Ile de France, M. de Souillac, envoya un navire de guerre dans la baie d'Antongil; Benyowski fut tué dans le premier combat, le 28 mai 1786.

Sous la Révolution, les gouvernements qui se succédèrent eurent à cœur de ne pas laisser périmer les droits de la France sur Madagascar. Si aucun établissement ne put se fonder, le pays fut du moins reconnu ; sous le consulat, le général Decaen, capitaine général des établissements français de l'océan Indien, fit occuper Tamatave où son agent général Sylvain Roux commença une véritable organisation coloniale. Mais les Anglais s'emparèrent de Tamatave en 1811.

Les traités de 1814 et de 1815 spécifiaient celles des colonies françaises et hollandaises qui passaient sous la domination britannique, et il en résultait que les autres colonies étaient laissées à ces États. Dans l'océan Indien, l'Ile de France, baptisée Ile Maurice, devenait anglaise avec ses dépendances. Son gouverneur, l'amiral sir Robert Forquhar, prétendit que Madagascar était l'une de ces dépendances. On a dit à ce propos : « La plaisanterie était un peu forte! Madagascar, une dépendance de l'Ile de France : autant dire que l'Angleterre est une dépendance de l'île de Man! >> Après un long échange de dépêches entre les deux gouvernements, cette prétention exorbitante fut repoussée.

Mais sir Robert Forquhar, renonçant avec peine

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