marchandises et pour voyageurs qui restent plus avantageux que par la voie côtière et maritime.

Le tracé choisi établit des communications rapides et faciles entre nos possessions africaines pour l'échange de produits et leur main-d'œuvre et, en temps de guerre, il assure à la métropole des communications aussi peu vulnérables que possible avec les ressources de toute nature que lui offre l'Afrique noire. En outre, dans l'avenir, un tracé déterminé dans ses grandes lignes permettrait d'aller au Tchad, puis en se prolongeant, jusqu'à Bangui, d'établir la liaison avec le réseau fluvial du Congo, qui, sur 20 000 kilomètres, est praticable à la navigation à vapeur. Les études antérieures, l'expérience des lignes du Sud Algérien, du Sénégal et du Soudan permettent de fixer le prix de tous ces travaux : un milliard 200 millions, et 300 millions de plus pour utiliser les chutes du Niger à Ansongo qui permettront d'électrifier la ligne. Il s'agit d'une charge budgétaire d'environ 60 millions à répartir entre la métropole et les colonies qui bénéficieront largement de cette grande œuvre.

Un engin nouveau apparaît à point nommé comme un puissant auxiliaire : c'est l'automobile avec chenille Kégresse, établi par M. Citroën, qui vient de faire ses preuves de la manière la plus éclatante par la traversée du Sahara. Ce raid hardi d'Alger à Tombouctou, à raison de 200 kilomètres par jour en moyenne, en terrain accidenté, montre tout le parti qu'on peut tirer de ce merveilleux instrument. Il nous rend maîtres du désert dont il va assurer la

police; il permet l'établissement de postes qui jalonneront les lignes aériennes, et qui serviront d'appui aux reconnaissances de détail pour le tracé de la voie ferrée; pendant la construction, il servira au transport du personnel et des vivres, de l'eau, et amènera sur place une partie des matériaux. Le progrès scientifique, utilisé par la hardiesse, la ténacité et l'endurance d'un personnel d'élite, vient terminer cette œuvre de civilisation qui a coûté la vie à tant de Français au grand cœur, parmi lesquels je dois nommer au moins les derniers, le Père de Foucauld, et mon compagnon d'armes au Soudan et à Verdun, le général Laperrine.

Donc cette œuvre va commencer; elle s'achèvera dans un délai de six années, et l'Afrique française fera un bloc de 33 ou 34 millions d'habitants. Elle est beaucoup plus grande que la France nouvelle entrevue par Prévost-Paradol en 1868. En temps de paix, une marine marchande qui s'est développée pour ces nouveaux besoins la réunit à la métropole. Mais en temps de guerre?

Nous pouvons, nous devons limiter nos efforts de construction navale; nous ne pouvons prétendre à la domination sur tous les océans, contre quelque adversaire que ce soit. Mais rien ne peut nous faire renoncer à la maîtrise de la Méditerranée occidentale. En marine de guerre, rien ne s'improvise; toute négligence est sévèrement punie, et il n'est pas d'institution qui demande autant de suite dans les idées ; aussi faut-il y songer dès main

tenant.

La France d'Afrique réclame l'unité de toutes ses parties, et l'union avec la métropole.

En parcourant rapidement avec vous ses espaces immenses, j'ai cherché à vous montrer son passé de gloire et son avenir de richesses; grâce aux explorateurs qui ont guidé l'effort militaire, grâce aux soldats qui ont versé leur sang pour la France si loin de la France, grâce à quelques hommes d'État clairvoyants et fermes, grâce à de tenaces initiatives privées, la France s'est agrandie à travers bien des vicissitudes, au prix de bien des sacrifices. Le nombre de ses enfants s'est accru, mais ils tiennent tous la même place dans son cœur. La tâche reste grande pour notre génération.

Ici, la moisson est prête; là, les terres sont encore vierges, mais le sol est à nous. Au travail !